Un mercredi estival à Paris, d’Emmanuel à Philippe

23 juin 2016


Chaleur annoncée pour ce premier mercredi de l’été, je la sens poindre lorsque je mets le pied dans la ruelle, laquelle a été lavée de l’urine des fêtards par une averse nocturne. Elle porte en revanche de nouveaux stigmates sur ses murs et son sol, des graffitis à la peinture rose orangée : textes abscons et grosse bite.
Le train de six heures cinquante-huit me conduit à la gare Saint-Lazare où de l’escalator j’aperçois un attroupement circulaire. A sa périphérie, moult voyageurs ont le bras tendu avec au bout leur téléphone en mode appareil photo. A l’intérieur, des micros et des caméras. Au centre, sûrement une célébrité.
Un peu descendu, je reconnais, avec son faux air de Boris Vian : Emmanuel Macron. Des Céhéresses assez discrets sont prêts à intervenir mais nul ne lui lance de quolibet ou autre chose (j’aurais dû acheter les œufs l’autre dimanche au vide grenier de la rue Saint-Julien). Que fait-il dans cette partie de la gare qui est avant tout un centre commercial ? Est-il venu profiter du premier jour des soldes pour s’acheter un costard (comme il dit) à moins cinquante pour cent.
Je ne cherche pas à le savoir et par le bus Vingt vais jusqu'à la Bastille afin de vaquer à mes occupations habituelles puis les métros Cinq et Quatre m’emmènent dans le Dix-Huitième.
A treize heures, je suis rejoint au Bon Coin par celui qui pourrait se prénommer Emmanuel mais que j’appelle Philippe. Il me remet le fanzine sur les cicatrices réalisé par sa femme Christelle auquel j’ai participé à mon corps plus ou moins défendant. Je sors de mon sac le recueil des chroniques de Lester Bangs que je voulais lui offrir mais évidemment il l’a déjà. J’en suis d’autant plus marri que l’ami Dumez m’offre trois cédés de premier choix : l’œuvre pour piano solo de Maurice Ravel joué par Bertrand Chamayou, Schubert par le pianiste David Fray et Rameau et Royer par le claveciniste Jean Rondeau.  Tout en mangeant, lui trop vite, moi trop lentement, nous parlons, entre autres choses, de son année sabbatique qui commence le premier juillet.
Elle lui permettra de donner suite, l’automne venu, à mon invitation déjà lointaine de découvrir Rouen en ma compagnie. Cela me fera déroger à mon refus de faire nuiter quiconque à la maison. J’ai deux mois pour m’y préparer psychologiquement.