Un mercredi printanier à Paris

6 avril 2017


Le vert que je vois par la fenêtre du train de sept heures cinquante-neuf qui m’emmène à Paris, ce mercredi, montre que nous sommes bien au printemps. J’y lis les Mémoires d’un amnésique d’Erik Satie (Petite Bibliothèque Ombres), un peu gêné par le bruit des touches de l’ordinateur de mon voisin de derrière. Celui-ci se lève soudain en soupirant. Il ne supporte pas le bruit de papier frotté d’une femme qui dessine un peu plus loin. Lui jetant un regard haineux, il va s’asseoir à l’autre bout de la voiture. Me voilà tranquille.
Je trouve des livres qui m’intéressent là où je vais habituellement puis choisis de déjeuner au Péhemmu chinois de la rue du Faubourg-Saint-Antoine. Le confit de canard est passé de neuf à dix euros.
-Le fournisseur a augmenté son prix de trente pour cent, m’explique la gentille serveuse.
C’est la faute aux oiseaux sauvages qui ont donné la grippe aviaire aux oiseaux d’élevage, beaucoup ont été abattus (comme on dit).
Près de moi sont quatre retraité(e)s, trois hommes et une femme, qui se plaignent de leurs petits-enfants capables de passer devant chez eux sans s’arrêter dire bonjour et boire un coup. Je n’ai pas le temps, voilà ce qu’ils disent. Ils pourraient au moins téléphoner de temps en temps. Un coup de fil, ça remonte le moral. Ce sont des tireurs à l’arc franc-comtois.
-C’est toi qui m’a dit que Chouchou est amoureux, demande l’un des hommes à la femme.
-Oui, ça lui fait du bien, il boit beaucoup moins.
Un bus Quatre-Vingt-Six m’emmène vers le Quartier Latin. Son terminus est l’Institut du Monde Arabe. Je continue à pied dans la douceur du jour et me charge de quelques livres supplémentaires avant d’arriver rue de l’Abbaye.
Mon intention était de voir l’exposition Elliott Erwitt mais je découvre que celle-ci est installée dans la librairie La Hune, ce qui me conduit à renoncer (me voit-on entrer avec des sacs de livres d’occasion dans une librairie de livres neufs ?). Je me contente des quelques photos accrochées face à la librairie sur les grilles du square Laurent-Prache qui jouxte l’église Saint-Germain-des-Prés et fais une pause sur l’un des bancs près de la statue hommage à Guillaume Apollinaire offerte par Picasso à la Ville de Paris (une tête de Dora Maar).
Je prends les rues de Buci et Saint-André-des-Arts, tourne à gauche rue Gît-le-Cœur et entre dans la librairie Un Regard Moderne. Fini le capharnaüm de Jacques Noël, le nouveau responsable est ordonné, ce qui lui permet de présenter une petite exposition Willem. Elle est constituée d’affiches anciennes et de livres de lui ou à lui consacrés. L’une des affiches montre un homme perdu dans un labyrinthe d’atrocités avec pour légende : « Sortir vivant du 20ème siècle ». C’est fait mais le suivant sera fatal.
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Au marché d’Aligre, un homme vantant le don du sang : « Il se reconstitue, et après tu as du sang propre. »