Une après-midi à l’usine ophtalmologique

23 décembre 2025


Ce lundi, je traverse pédestrement la Seine par le pont Corneille toujours en travaux puis prends sur la gauche en direction de la Clinique Mathilde au sein de laquelle tourne l’usine ophtalmologique.
J’ai rendez-vous à quinze heures pour ma visite annuelle. Je monte au troisième étage où je dois d’abord subir l’examen dit de champ visuel. N’en ayant pas eu depuis deux mille vingt-deux, je ne sais plus trop où ça se passe. Je demande à la première salle d’attente que je trouve si c’est ici. Une des présentes me dit que son compagnon a aussi ce rendez-vous et qu’elle ne sait pas s’ils sont au bon endroit. Quand passe une médecin nous nous adressons à elle et elle nous envoie au bout du couloir.
Cependant que le mari de la présente passe son examen, elle discute avec moi, m’apprenant que, malgré son jeune âge, son mari est lui aussi atteint d’un glaucome dont il ne sait l’origine, n’en ayant pas dans sa famille. Alors que moi si : mon père, mon frère, ma sœur.
Quand vient mon tour, je suis seul en compagnie d’une médecin alors que, la fois précédente, l’homme qui s’était occupé de moi faisait plusieurs examens en parallèle. Elle me rappelle comment ça fonctionne et me voici cliquant à chaque fois que je vois apparaître une petite lumière, d’abord avec l’œil gauche puis avec l’œil droit puis, me dit-elle, il faut recommencer l’œil gauche. « Je n’aime pas cet examen », lui dis-je. « Je suis désolée », me dit-elle. « Oh, vous n’y êtes pour rien ! » Elle est douce et gentille mais ne me dit rien du résultat. L’ophtalmo s’en chargera.
Je descends à l’étage au-dessous. Ma Carte Vitale remise à la secrétaire, j’attends que l’on m’appelle. C’est une jeune femme blonde qui m’introduit dans le bureau du boss, lequel n’y est pas. Elle me dit qu’elle est étudiante en médecine et qu’elle va remplir quelques informations dans mon dossier puis elle mesure ma tension en m’envoyant un petit jet d’air dans chaque œil. Celle-ci est bonne.
Quand le boss entre je lui demande ce qu’il en est de mon champ visuel. Là, c’est moins bien, surtout pour l’œil droit, l’œil gauche est toujours à peu près le même, mais le résultat est toujours difficile à interpréter. « C’est comme un jeu vidéo, me dit-il, il y a des jours où on est moins bon que d’autres. Il faudra en faire un chaque année à partir de maintenant. »
Il me renvoie en salle d’attente où sont surtout des vieilles et des vieux comme moi, une majorité devant subir une opération de la cataracte. Une orthoptiste m’appelle pour la suite des examens. Elle contrôle ma vue. Celle-ci est inchangée, de près comme de loin. Elle me fait passer l’océté qui permet de juger de l’état du nerf optique, examen fort important pour ce dont je souffre. De retour en salle d’attente, je n’ai plus qu’à patienter jusqu’à ce qu’une dernière fois, le boss m’appelle.
Il me dit que le résultat de l’océté est à peu près semblable à ce qu’il était l’année précédente mais qu’il faudra vraiment refaire un schéma visuel l’an prochain. Je lui parle des gouttes de Cosidime qui me donnent une sorte d’allergie. « C’est peut-être le conservateur », me dit-il. « Je croyais qu’il n’y avait pas de conservateur dans le Cosidime. Le pharmacien m’a dit que c’était pour cela qu’il ne fallait pas utiliser un flacon plus de vingt-huit jours. » « Vous me mettez le doute », me dit-il. Il vérifie via son ordinateur. Effectivement, il n’y a pas de conservateur. Il me propose de le remplacer par un médicament équivalent. « Il faut qu’il soit au moins aussi efficace que celui que je prends », lui dis-je. « Il faudra le vérifier, je vous donnerai un nouveau rendez-vous pour mesurer la tension oculaire dans quatre mois. » « Dans ce cas, je préfère garder ce Cosidime. » Je lui souhaite de bonnes fêtes et vais régler mon dû à la secrétaire.
Je sors de là à moitié anxieux et rejoins l’arrêt de bus devant la Bibliothèque Simone de Beauvoir. Il est dix-sept heures. Au bout de dix minutes apparaît un Effe Sept. En traversant le pont Corneille, grâce à mon opération de la cataracte de l’an dernier, je vois fort bien le coucher de soleil sur l’endroit d’où je viens, une réussite dont je suis redevable au boss, mais je trouve inquiétant qu’il en sache moins que moi sur un médicament qu’il prescrit.