Vendredi, samedi, dimanche, alors que la chaleur reste supportable

1er juillet 2025


Un écran noir et rien qui se passe, tel est l’état de mon ordinateur depuis son retour de Colmar. Il n’a pourtant subi aucun choc durant le voyage. Comment en trouver un autre quand on a besoin d’un pour cela. Je lance deux ou trois appels à l’aide dans le voisinage. Nul n’en a un de disponible.
Bien sûr, je dois dans le même temps faire face aux contingences du retour à la vie normale. Vendredi à neuf heures je passe à la Pharmacie du Centre où j’apprends que mon indispensable collyre destiné à retarder mon glaucome est indisponible. Rupture chez le fournisseur, on ne peut pas le commander. Quand même, le pharmacien, grâce à son ordinateur, m’apprend qu’il en reste un flacon à la Pharmacie de la Gare et trois à celle de Jouvenet. Il appelle la première pour qu’on le mette de côté pour moi. J’y monte et me voilà tranquille pour un mois mais après ?
L’avantage d’habiter à Rouen, c’est que je me trouve sur l’étroite bande de territoire qui reste verte sur la carte de la météo. Il n’y fait pas trop chaud, surtout en comparaison de ce que j’ai subi en Alsace. Le soir venu, je tente une dernière fois de mettre en route mon vieil ordinateur. Il redémarre, comme une fleur, rien à y comprendre.
Samedi matin, au lieu d’aller au Marché des Emmurées me ravitailler en fruits et légumes, je trouve plus nécessaire d’aller à la vente de livres d’occasion du Secours Populaire au Centre Commercial des Docks. J’y trouve quelques livres dont je ferai commerce et deux que je lirai un jour j’espère : La dédicace de Botho Strauss (Gallimard) et Souvenirs sur Igor Strawinsky de Ramuz (Séquences). Au retour, je dois faire avec trois clochards malodorants qui profitent du bus gratuit. Se cramponnant à la barre, déjà saouls, ils vont boire.
Dimanche matin, rue de la République, tandis que des filles saoules se courent après, j’attends le bus Effe Un de sept heures treize (le premier de la journée). Il se remplit en cours de route de celles et ceux qui vont au même endroit que moi. Tout le monde descend à Mairie de Bois-Guillaume. De là, il faut marcher un moment avant d’arriver au vide-greniers organisé par le cleube de foute de la ville. Autrefois, c’était un bon pour ce qui est de trouver des livres.
Encore trop peu d’exposants sont installés à huit heures trente quand j’en ai fait le tour, une partie sur un terrain défoncé à se faire une entorse, l’autre sur un terrain de foute. L’organisation est tellement tatillonne qu’ils doivent attendre une heure, moteur tournant, avant de pouvoir déballer. Vraiment rien pour moi. Je m’apprête à rentrer quand je repère l’album Les Chats de Dubout chez Hoebeke. Je n’ai pas envie de l’acheter mais quand je demande le prix à sa vendeuse et qu’elle me dit deux euros, j’ouvre mon porte-monnaie. Et voilà un livre de plus. J’aime le dessin de couverture qui montre un chat de dos et son orifice anal. Il me rappelle un chat que j’ai eu au temps où j’étais marié : Trouduc.
Revenu à Rouen, je me rends au Marché du Clos Saint-Marc pour y acheter un neufchâtel. Un homme pose sa mini-bicyclette contre le trottoir au carrefour de la rue Martainville et de la rue Victor-Hugo. Il sort un marqueur rose et se met à écrire sur une des bandes blanches du passage piétonnier en chantonnant « Je suis Tonton. Je suis Tonton. Je suis pas net. Je suis pas net. » Je sais maintenant qui est celui qui écrit « Tonton, pas nèt » partout en ville depuis des mois, sur les murs, sur les sols, sur le mobilier urbain. Pour passer inaperçu, il porte une casquette gavroche et un pantalon orange.  
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A la boulangerie, une femme en surpoids (comme on dit) demande un pain bio, puis au moment de payer : « Et mettez-moi aussi la viennoise au chocolat. »  A peine sortie, elle la mange goulûment.
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Tandis que je lis Le Couteau de Salman Rushdie au Son du Cor passe une fille avec un mini-ventilateur coincé entre les seins. Un peu plus tard, à la table voisine de la mienne, une lycéenne interrompt sa conversation pour dire « Bonjour Madame » à une qui passe. La Madame en question est une de ses profs qui lui demande à quelle heure les résultats demain. Elles ont une courte conversation. Quand la prof s’éloigne, la lycéenne à celui avec qui elle boit un verre : « Je la déteste. »