Wade in the Water par la Compagnie 14:20 à l’Opéra de Rouen

7 avril 2017


En chemin vers l’Opéra ce jeudi soir, je rencontre l’un de mes lecteurs qui va au même endroit.
-Il y a un livre qui devrait vous intéresser, me dit-il, c’est les Carnets d’un vieil amoureux.
-De Mathiot ? Oui je l’ai lu. C’est très intéressant en effet, et bien écrit.
Je le remercie d’avoir pensé à moi et me dis qu’il faudra que je relise ce journal d’une vie sentimentale et sexuelle intense et mouvementée qu’a tenu l’instituteur Marcel Mathiot jusqu’à la fin de sa vie (il est mort à quatre-vingt-quatorze ans).
A l’arrivée, nous nous séparons. L’homme au chapeau vient me débusquer derrière mon pilier.
-Tiens, tu n’es pas allé voir Poutou ? lui dis-je.
-Poutou ? me répond-il de l’air de celui qui ne comprend pas de quoi je parle.
Je lui apprends la présence à la Halle aux Toiles du candidat du Nouveau Parti Anticapitaliste à l’élection présidentielle. Cela va faire des spectateurs en moins pour Wade in the Water que donne ce soir la Compagnie 14:20. Un certain nombre des membres rouennais du Hennepéha sont abonnés à l’Opéra.
J’ai place en fond d’orchestre, là où on ne peut caser ses genoux. A la vue du décor, une cuisine et une chambre, platement réalistes, mon voisin s’étonne :
-C’est de la danse ou du théâtre ?
C’est officiellement de la danse mais c’est surtout de la « magie nouvelle ». Il s’agit d’évoquer le deuil. Les travaux d’une psychiatre ont été mis à contribution. La musique, originale, est d’Ibrahim Maalouf, qui a des ennuis avec la Justice pour n’avoir pas résisté à une stagiaire de quatorze ans qui lui offrait ses lèvres. Cette musique est diffusée à fond, de quoi abrutir le spectateur. Sans cesse le noir est mis sur le plateau, façon hypnose. Les trois interprètes dansent à peine et font des choses magiques. Cela m’endort un peu et m’ennuie profondément. J’aurais peut-être dû aller voir Poutou.
Il en est d’autres à qui ça plaît. Ils trouvent cela « poétique ». Une fille et son copain applaudissent debout, serait-ce la cousine d’un(e) des interprètes ? Celle-ci et ceux-ci saluent, rejoints par la nombreuse équipe chargée des effets spéciaux.
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La magie nouvelle, c’est comme la politique nouvelle, les ficelles sont les mêmes mais on les voit moins.
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L’Opéra de Rouen a son nouveau directeur, Loïc Lachenal, qui prendra ses fonctions le premier octobre prochain.
Son élection a été un grand moment de démocratie. Si je suis bien renseigné, seuls quatre membres du Conseil d’Administration, la Présidente (Notre Sénatrice), un autre représentant de la Région, celui de la Mairie, celui du Ministère de la Culture, ont pu lire avant de voter les projets des six candidat(e)s en lice pour le choix final. Les autres membres ont dû se contenter des six noms et de leurs cévés. Cela a entraîné un refus de vote des deux représentants des personnels (l’un pour les musiciens, l’autre pour l’administratif et la technique).
L’abstention n’étant pas prise en compte, Loïc Lachenal est réputé avoir été élu à l’unanimité.
Il a trente-huit ans et est actuellement le Président du syndicat professionnel Forces Musicales, qui (me dit-on) est le Medef de la musique classique.