Quand Caroline est effacée au profit de Gustave

17 janvier 2023


Discrimination sexiste, voilà de quoi on pourrait accuser l’éditeur rennais La Part Commune pour le livre dont la couverture porte comme auteur Gustave Flaubert et pour titre Lettres à sa sœur, alors qu’il contient également les lettres de Caroline à son frère et que celles-ci valent bien celles-là. Pour la réédition, il serait bon d’inscrire sur la couverture : Caroline et Gustave Flaubert Correspondance.
Quelques échantillons notés lors de ma lecture :
Mais enfin tu n’es pas à Rouen et c’est tout ce qui suffit pour être heureux. Caroline à Gustave, Rouen, dimanche onze avril mil huit cent quarante et un
Car après-demain il y a tournois, joutes, carrousels, courses, feux d’artifices, etc. et nous ne voulons rien perdre. Que je nous trouve tous bêtes, mon pauvre vieux ! et que j’abandonnerais tout cela pour un quart d’heure de baisoteries comme nous en avons passé deux un certain jour dans le grand fauteuil. Maman a eu la migraine hier, elle est déjà couchée et moi, cher Gus, je vais bientôt aller reposer ma grosse mine coiffée de mon bonnet d’enfant sur ton traversin. Je rêverai de toi, bien sûr. Caroline à Gustave, Rouen, trois mai mil huit cent quarante-trois
Il est impossible d’entrer n’importe où sans qu’on entende des gens qui disent : « Ah ! je m’en vais à Rouen, je viens de Rouen, irez-vous à Rouen ? » Jamais la capitale de la Neustrie n’avait fait autant de bruit à Lutèce. On en est tanné. Gustave à Caroline, Paris, douze mai mil huit cent quarante-trois (on vient d’inaugurer la ligne de chemin de fer)
Si tu savais, vieux rat, combien je pense à cette bienheureuse fin du mois et à la manière dont je me précipiterai hors l’Ecole de Droit quand je serai reçu ! – Quelles bêtises je dirai et ferai dans la voiture avec toi ! quelles grimaces et quelles bouffonneries ! je te promets un rire comme tu n’en as jamais entendu. Gustave à Caroline, Paris, dimanche matin neuf juillet mil huit cent quarante-trois
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Pauvre Caroline, le mariage lui sera vite obligatoire et suivi de l’enfantement qui la tuera.