Michel Perdrial . Textes en revues
Michel Perdrial



Loïc Boyer
On trouvera ici de mes textes courts publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).

Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.

Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.

Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième chez L’Imprimante.

Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.








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La balançoire

Texte paru dans la revue Salmigondis n°1 en mars 1997


Il est entré attiré par la fraîcheur prodiguée par les murs épais de la bâtisse rustique. Il n’était qu’onze heures mais le soleil d’été chauffait déjà très fort. Le bâtiment était communal et abritait pendant la belle saison une exposition des peintres amateurs régionaux.
Ce fut elle qu’il contempla avant même de poser les yeux sur les tableaux. Elle aussi le regarda et les yeux accrochés, ils se dirent bonjour.
C’était une demoiselle brune aux longs cheveux souples. Elle était la gardienne du lieu et se tenait assise à une table dans un coin de la grande salle du rez-de-chaussée. Un livre était posé devant elle et il se dit qu’elle aurait pu porter avec grâce une paire de petites lunettes cerclées. Les livres, les lunettes et les jeunes filles vont si bien ensemble.
Elle le suivit des yeux qui déambulait de tableau en tableau et se demanda si vraiment il aimait ce genre de peinture. Elle appréciait la façon un peu provocante dont il mettait les mains dans les poches de son jean et l’élégance un peu distante avec laquelle il se déplaçait dans l’espace trop vaste de la salle.
Les tableaux s’entêtaient à présenter un monde mort depuis déjà très longtemps et il passait rapidement de l’un à l’autre. Un seul l’arrêta qui montrait en premier plan une balançoire à l’abandon derrière laquelle se tenait, dans le soir tombant, une maison, porte et fenêtres ouvertes, toutes lampes allumées.
Il s’attendait à voir surgir par cette porte béante une demoiselle en robe blanche qui courrait vers la balançoire puis s’élèverait dans le ciel sombre oubliant qu’elle avait grandi et qu’il n’était plus sage de dévoiler ses longues jambes fines.
Mais peut-être au contraire la jeune fille venait-elle d’abandonner l’escarpolette pour se précipiter dans la maison à l’appel d’un cri ressemblant à celui du malheur.
Vraiment cette balançoire était par trop inutile et la maison bien trop éclairée.
Il les quitta et monta à l’étage où les tableaux semblaient encore plus vains. Il ne s’y attarda pas et l’escalier craqua sourdement lorsqu’il le redescendit. Il s’approcha du radiateur sur lequel était posé un livre d’or et y inscrivit quelques mots.
« Merci Soleil pour la jolie jeune fille veillant sur cette fraîche demeure et qui eût été parfaite se balançant jupe au vent dans le tableau numéro dix-huit. »
Elle le regarda écrire et il se retourna pour lui dire au revoir. Elle lui sourit et trouva qu’il avait une jolie voix.
Lorsqu’il fut sorti, elle se leva et alla voir ce qu’il avait écrit. Les mots la traversèrent brutalement et elle dut se tenir au radiateur.
Il restait dix minutes avant midi, dix minutes avant qu’elle puisse fermer les portes de l’exposition pour la pause du déjeuner, dix minutes pour gâcher sa vie.
Elle le chercha par les rues du village tandis que s’égrenaient les douze coups dans le clocher de l’église et ne parvint à l’entrée du parking de la mairie qu’à l’instant où lui, dans sa petite voiture, le quittait par l’autre issue. Il ne la vit pas bien qu’il pensât à elle et quelques kilomètres plus loin se rendit compte qu’il ignorait le nom du village où il venait de s’attarder.