Le Journal de Michel Perdrial
Le Journal de Michel Perdrial



Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

A Paris, évitant la pluie

17 septembre 2015


« Tu as ton parapluie ? » me demande celui que je croise à proximité de la gare de Rouen ce mercredi matin. Oui, et à la main, bien qu’aucune goutte ne tombe encore mais le pire est annoncé.
Ce pire tombe vers onze heures à Paris, pendant que je suis à l’intérieur du Book-Off de la Bastille en compagnie de certain(e)s qui renoncent à « affronter le déluge ». Chacun(e) patiente en achetant quelques livres supplémentaires et en écoutant Léo Ferré, le meilleur choix que pouvait faire l’équipe du magasin, du moins pour moi, un cédé débutant par La The Nana, Petite et Les Anarchistes et s’achevant quand la pluie diminue d’intensité par Poètes vos papiers.
Mes livres protégés, j’ouvre mon parapluie. Le carrefour Ledru-Rollin Faubourg Saint-Antoine étant partiellement inondé, c’est par la rue de Charonne que je rejoins le Bistro du Commerce. J’y déjeune d’un caviar d’aubergine au chorizo suivi d’une pièce du boucher sauce au bleu, frites, salade. Avec un quart de bordeaux et un café, cela fait un peu plus de vingt euros.
La pluie ne cessant, je me réfugie d’un coup de métro chez Pompidou où depuis plusieurs semaines le contrôle de sécurité à l’entrée est renforcé, portique de détection des métaux, fouille approfondie des sacs. Monté au sixième, je revois avec un certain plaisir l’exposition Mona Hatoum qui a déçu le critique Lunettes Rouges : « Mona Hatoum s'est rangée, elle a choisi de se plier au marché, sans doute poussée par sa galerie, elle a choisi de faire de plus en plus d'œuvres agréables, séduisantes, illustratives, vendables, mais sans âme, sans profondeur, sans ambiguïté. »
Je descends à l’étage du dessous dont l’entrée est désormais surmontée d’une pelle à neige de Marcel Duchamp En prévision du bras cassé pendue à un fil et qu’il faudrait renommer, tant le fil qui la suspend est mince, En prévision de la fracture du crâne. J’échappe à cette éventualité et baguenaude parmi les œuvres d’art moderne que je connais bien. Assis un long moment face à la Grande Anthropophagie bleue, hommage à Tennessee Williams d’Yves Klein, j’y découvre soudain un animal furieux à grosse tête bondissant vers la gauche. Près de moi, une jeune Asiatique prend des notes et fait des dessins, Elle est rejointe par deux autres. Leur conversation est en français d’apprentissage, de quoi je déduis qu’elles ne sont pas du même pays : « Les profs sont en retard, c’est catastrophe. »
Il pleut encore un peu lorsque, après avoir pris un café à La Clé des Champs, je me charge d’autres livres dans le second Book-Off, parmi lesquels En attendant l’aube recueil de cinq récits de guerre de Mario Rigoni Stern (La Fosse aux Ours), que je lis Chez Léon, et De l’Assassinat considéré comme un des Beaux-Arts de Thomas De Quincey (L’Etrangère/Gallimard), que je relis en diagonale et en sommeillant dans le train du retour.
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Pièce du boucher : ainsi ennoblit-on le faux-filet.
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Un employé de Beaubourg originaire de Chine à sa collègue : « Je ne peux pas être nostalgique de la Chine, tous les paysages de mon enfance ont disparu. »
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Buveur de bière à la Clé des Champs : « On lave nos voitures avec l’eau potable, on pisse dans l’eau potable, on chie dans l’eau potable, la seule chose qu’on ne fait pas avec l’eau potable, c’est la boire. »
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Parmi les autres livres rapportés de Paris : Lettres d’adieu, cent quarante missives écrites par des hommes et femmes célèbres juste avant leur mort prévue ou ignorée et réunies par Agathe Colombier Hochberg (Hugo&Cie), le Dictionnaire des citations de Raoul Vaneigem (Librio) et l’Encyclopédie capricieuse du tout et du rien de Charles Dantzig (Grasset).