Le Journal de Michel Perdrial

Le Journal de Michel Perdrial




Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

30 septembre 2023


Embêtant pour le matinal que je suis, le jour se lève de plus en plus tard. De surcroit, je dois attendre que le soleil soit vraiment là pour le sentir en terrasse. Sans lui, ça caille. Plus possible de prendre le petit-déjeuner dehors avant huit heures et demie. Jusqu’à présent, je n’ai trouvé qu’un seul estaminet ensoleillé à cette heure, le Café des Ducs, dont me voici client régulier.
Mon projet du jour est de suivre le Thiou depuis cette terrasse jusqu’où je pourrai aller. Comme c’est un jour de marché, des étals sont installés sur les ponts. Je ne peux faire les photos que je voudrais. En chemin je m’arrête à la pharmacie Sainte-Claire pour un renouvellement de médicaments. La pharmacienne ne veut pas admettre que ma mutuelle soit sur ma Carte Vitale. Elle finit par le constater. Jamais encore, où que ce soit, je n’avais eu droit à ça.
Après, le chemin qui longe le Thiou passe prés d’un local de la Croix-Rouge. Je me fraie un passage parmi des dizaines de nécessiteux à chariot qui attendent l’ouverture.  Quand il n’est plus entouré de belles bâtisses, ce Thiou est une rivière sans attrait. Arrivé à un jardin de quelques bancs, je fais demi-tour.
Dans l’île du Palais, je remarque le Café des Arts dont la tersasse est à l’ombre mais à cette heure, c’est ce que je cherche. La clientèle est jeune et essentiellement locale. Le personnel jeune et survolté, souriant aussi, une rareté dans le coin. J’y bois un café à un euro soixante-dix puis lis Saint-Simon. En face, sur une porte condamnée, est une peinture rappelant qu’il n’y a pas de plan Bé pour la planète. C’est signé du logotype des Soulèvements de la Terre.
A midi, je déjeune encore une fois à La Cuisine des Amis. Le plat du jour est un filet de merlu dont l’accompagnement est quasiment le même qu’hier. Un chanteur de rue ne sachant pas chanter casse les oreilles de tout le monde. Lorsqu’il passe avec son chapeau, il ne récolte pas un centime. « Eh bien, bienvenue en France ! », commente-t-il. Quand il revient devant L’Abbaye, le restaurant un peu plus chic de la rue, il se fait éjecter avant la fin de son premier couplet. La serveuse du Napoli a sorti de son armoire une minijupe évasée. J’ai pour voisinage un homme et une femme sexagénaires. C’est un rendez-vous de site de rencontre. Lui est bien, physiquement et intellectuellement. Elle, se fait remarquer par la bêtise de ses propos et sa voix assortie. Mon dessert, vendu sous le nom de tiramisu à la framboise, est composé d’un morceau de biscuit sec, de purée de framboise et d’une crème indéfinissable.
« A demain », me dit la patronne quand je quitte les lieux. Elle s’avance un peu.
                                                                        *
Le Thiou, trois kilomètres et demi, est l’exutoire du lac d’Annecy dans le Fier. C'est une rivière sans source, qui part du lac. Ça lui donne l’air de couler à l’envers.
 

29 septembre 2023


Un pain au chocolat à un euro trente-cinq acheté en bas de mon logis provisoire à La Panière où petit-déjeunent des clients de l’Hôtel des Alpes et du Novotel voisins. Je l’accompagne d’un allongé en terrasse au Café des Ducs, table haute, face au navire du Thiou, soleil dans le dos. Je bénéficie aussi de la conversation de deux copines qui se sont donné rendez-vous ici. Elles sont d’accord. Le nettoyage des vitres, c’est hyper dur, ça et les miroirs. Elles parlent ensuite des multiples activités culturelles de leurs filles. Inès, elle en est où maintenant ? En grande (comprendre : grande section de maternelle). Et qu’est-ce qu’elle fait en périsco ? (comprendre : activités périscolaires). J’ai envie de leur demander ce qu’elles font, elles, dans le domaine de la pratique culturelle, après le nettoyage des vitres et des miroirs.
Ce jeudi matin, je passe le Pont des Amours pour marcher de l’autre côté du lac. On y trouve, côté eau, une succession de loueurs de pédalos et, côté Parc du Pâquier, l’installation en cours du High Five Festival, une grosse opération qui mobilise beaucoup de monde et de matériel. Suit la rectiligne et arborée Promenade du Docteur Servettaz et me voici dans le Parc Charles Bosson qui en saison à sa plage privée avec toboggans géants. C’est aussi là que se trouve le seul palace d’Annecy. Il est énorme et comprend un hôtel, le Casino et le Centre de Congrès.
La vue sur le lac et les montagnes d’en face est superbe à cet endroit. Pendant qu’assis sur une chaise individuelle, je lis Saint-Simon, deux photographes professionnels se disputent le ponton où il faut être, une femme pour des bébés coiffés et vêtus en enfançons modèles et un homme pour un gentleman anglais qui doit avoir une haute idée de son physique. Le contraste entre son chic britannique et le débraillé du jeune homme à cheveux longs et chapeau d’artiste est plaisant. La photographe de bébés sait s’y prendre, aucun ne pleure pendant la longue séance de pose, ni ne chute du ponton dans l’eau du lac. Les parents, en retrait, n’en mènent pas large.
Revenu au cœur de ville, je retourne déjeuner à La Cuisine des Amis, même table que l’autre jour. En face, la serveuse du Napoli fait porter son effort vestimentaire sur la partie supérieure de son corps : un crop top blanc à fanfreluches dont les manches laissent nues ses épaules. Le patron porte la même tenue que l’autre fois, un vieux djine et un vieux pull. « On n’est pas les meilleurs mais on est sympa », dit-il à ses clients.
De mon côté, le personnel est sobre et réservé. La formule du jour comprend des aiguillettes de volaille crème de curry riz légumes, un chou farci crème caramel et le café. Elle me convient et quand je quitte les lieux, vers une heure dix, elle est toujours en cours.
Je lis une bonne heure dans les Jardins de l’Europe puis continue à la terrasse du Café des Ducs, même table que ce matin, tabouret opposé, face à l’église Saint François. Dans le ciel les mêmes moutons blancs qu’en début de journée. Peut-être toussé-je un peu moins, ou alors je m’habitue.
                                                                 *
Sur le chemin du retour, je chante pouille à l’un des arrêteurs de rue à ticheurte vert de la Ligue pour la Protection des Oiseaux : « Vous êtes pire que les pigeons. »
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High Five Festival,  « le festival du ski mais pas que… », apprends-je une fois rentré.
 

28 septembre 2023


Enfin résolu le problème de la ouifi qui ne fonctionnait pas. En regardant sous la tour Internet, j’ai trouvé, parmi les indications techniques, le code pour me connecter, celui que m’avait donné ma logeuse était fantaisiste. Comme elle commençait à mettre en doute ma compétence en la matière, « avec les autres ça fonctionnait », je ne suis pas mécontent de lui avoir montré que le problème venait d’elle.
Pour ce qui est de ma toux et de ma fatigue, rien n’est réglé.
Ce mercredi matin, en allant vers le lac, j’achète un pain au chocolat chez TresAlp’ain (un euro trente) mais pour ce qui est de le manger au Café des Ducs, impossible, c’est son jour de congé. Rien ne peut me servir de plan Bé.
Je vais donc au bord du lac et le mange sans boire sur un banc puis poursuis le chemin qui de ce côté mène au quartier des Marquisats. Je passe le port, guère impressionnant, un simple alignement de bateaux le long de la côte, arrive à la base nautique puis à une plage rudimentaire. Le chemin continue, appelé alors Promenade Cheltenham, mais la départementale qui va à Albertville s’en rapproche de plus en plus où circulent nombre de voitures et de bruyants camions.
Je fais donc demi-tour et comme à l’aller doit faire plusieurs pauses sur un banc. Revenu au cœur de ville au bord du Thiou, je trouve ouvert Le Beau Soleil. Il porte bien son nom ce matin. J’y bois un allongé à deux euros à l’une des tables qui sont coincées entre le mur et le passage des piétons.
A midi, rue du Pâquier, je suis tenté par un des plats du jour affichés : cuisse de canard confite, mogette façon cassoulet. C’est celui de L’Appart du Premier Etage. Comme son nom l’indique, il faut y monter. J’arrive dans des salles sombres qui sont sans doute chaleureuses l’hiver, mais déprimantes par ce temps de ciel bleu. Il est trop tard pour reculer. Je mange à un bout d’une des salles, un couple à l’autre bout. Un groupe est dans la deuxième salle. Les haricots sont très peu cuits, croquants, et je n’aime pas ça. J’ai du mal à les terminer. Les quetsches du clafoutis du dessert sont également peu cuites. C’est, cadre et cuisine, une grosse déception.
Chose que je n’ose pas dire à l’aimable serveuse à qui je paie dix-neuf euros. Elle me souhaite une bonne soirée, avant de se reprendre. On peut effectivement dans ce lieu se croire à la tombée de la nuit.
Après avoir lu Saint-Simon dans les Jardins de l’Europe, je rentre sans avoir pu prendre de café et fais une chose qui montre que ça ne va pas fort, une sieste.
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Entendu dans la rue : « Mais on va manger où là ? On va quand même pas manger traiteur ! »
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TresAlp’ain, un boulanger marié à une coiffeuse ?
 

27 septembre 2023


Une première nuit au calme à Annecy mais troublée par ma toux. Allant vers le lac, j’achète un pain au chocolat chez Chevallier (un euro trente) et m’installe à une table haute de la partie ensoleillée de la terrasse du Café des Ducs à côté du bâtiment emblématique de la ville, le Palais de l’Ile, « un navire sur le Thiou ». On est face à l’église Saint François à laquelle de nombreux touristes de toutes les nationalités, mais surtout des Anglais, tournent le dos pour faire une emblématique photo de l’emblématique bâtiment.
L’allongé est à deux euros dix. Je reste là un bon moment à me faire chauffer le dos dans l’espoir d’une guérison. Mon voisin a commandé un petit-déjeuner continental à neuf euros soixante. Quand il voit arriver un expresso, un petit verre de jus d’orange et un pain au chocolat, sa déception est grande. Durant un moment, sur la rive opposée du Thiou, une équipe de photographes asiatiques s’active autour de leur modèle, un joli garçon européen qui ne doit pas en être à sa première pose. Une femme supervise deux hommes à appareil photo et celui qui m’amuse, chargé de sortir à toute vitesse d’un sac, sur sa demande, un miroir circulaire dépliant.
Lorsque l’ombre me rattrape, je me dirige vers Les Jardins de l’Europe, parc du bord du lac à l’embouchure du Thiou. C’est l’endroit d’où partent les bateaux promène-touristes. J’en fais le tour jusqu’au canal de Vassé, port des bateaux de pêche traditionnels, à l’entrée duquel est le Pont des Amours, autre lieu couru, essentiellement par des jeunes couples, essentiellement par des Asiatiques, qui selfient à qui mieux mieux.
N’allant pas plus loin, je m’assois sur un banc ensoleillé de ces Jardins de l’Europe et lis un peu Saint-Simon tout en regardant qui passe, la montagne en face et le Château à bâbord.
A midi, je déjeune à l’ombre, à la terrasse de La Cuisine des Amis, rue du Pâquier, de la formule du jour, hachis Parmentier de veau salade, poire Belle-Hélène et café pour quinze euros cinquante. En face, la pizzéria Napoli m’offre le spectacle de sa jeune serveuse en mini-chorte fendu sur les côtés. A une heure moins dix, la patronne annonce qu’il n’y a plus de plat du jour, donc plus de formule, un vieux truc de restaurateurs quand ils constatent que tous les restaurants sont quasiment pleins et que ceux qui veulent manger accepteront de le faire pour plus cher. Néanmoins, le couple qui vient de s’installer prés de ma table lève le camp.
Je retourne au bord du lac sur un banc au soleil en face de loueurs de pédalos et de bateaux sans permis lire Saint-Simon mais à cette heure il fait trop chaud. Je vais poursuivre cette lecture au Café des Ducs, à l’ombre. Un accordéoniste s’installe au bout du pont. Quand il a joué depuis dix minutes, la serveuse va lui chanter pouille. Il plie sa chaise et va ailleurs. Peu de gens supportent l’accordéon très longtemps, moi le premier.
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Mieux que la marcheuse à bâtons, la marcheuse à bâtons sans bâtons, toute la gestuelle elle l’a.
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Derrière moi à La Cuisine des Amis, un couple de garçons. L’un d’eux à propos d’un chien qui se met à aboyer à la terrasse d’à côté : « Ah mais, c’est quoi ça ? Fait chier ce clebs ! » Ça me fait plaisir de savoir que je ne suis pas le seul à le penser
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Saint-Simon à propos de Madame de Montespan devenue vieille et craignant de mourir : Cette inquiétude l’entretenait dans le goût des voyages.
 

28 septembre 2023


La clé de ma studette, je dois la laisser sur la table en partant, ai-je fini par savoir. Trente-cinq minutes de train et je débarque à la Gare d’Annecy. Je n’ai qu’à traverser la place pour trouver ma troisième logeuse qui m’attend devant l’immeuble dont je vais occuper un petit studio pour une personne, au sixième étage.
L’installation faite, j’entre dans une pharmacie pour acheter de quoi soigner mon mal de gorge et ma toux. La pharmacienne me propose des huiles essentielles, un sirop avec du miel ou bien de l’homéopathie. Je lui dis que je ne crois en rien de tout ça. Une deuxième officine s’affiche pharmacie homéopathique. Je n’y entre pas. Aucune autre sur le chemin des jolies rues pleines de touristes qui mènent au lac.
Je regarde ce dernier sans m’en approcher. Il est midi. Je cherche une table dans mes prix au soleil. Celles pas trop chères sont à l’ombre dans une rue où il souffle un vent coulis. Aussi je finis par revenir vers la Gare et échoue au Bureau. Il y a un monde fou à l’intérieur, des groupes de touristes étrangers et des collègues. Quelques tables sont dehors au soleil. A l’une d’elles, je mange avec difficulté un burgeur classique à quatorze euros quatre-vingt-dix. Je n’ai pas faim.
Après avoir fait quelques courses dans un Carrefour City, je rentre. Lorsque je mets en marche mon ordinateur, je m’aperçois que les codes ouifi que m’a donnés ma logeuse ne correspondent à rien. Je me connecte donc avec mon téléphone, heureusement que je l’ai.
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A une autre pharmacie, je finis par acheter, dix-huit euros, deux produits qui ne me donnent pas confiance. Sur l’un est inscrit, je le vois en rentrant, « Ceci n’est pas un médicament ». Annecy a un Maire Ecolo, je me demande si ce ne sont pas les pharmaciens qui l’ont élu.
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Désappointement à l’Office de Tourisme situé dans un affreux centre commercial. Comme à Aix-les-Bains, beaucoup des cars et des bus permettant de sortir de la ville ne fonctionnent qu’en juillet et août. En plus, ici, ils sont gratuits à cette période. De quoi me rendre un peu nerveux.
 

25 septembre 2023


C’est porteur d’un pull et d’une écharpe que je retourne ce dimanche à Chambéry. En train, pour la Grande Braderie qui a commencé hier soir à vingt-deux heures. Un aller et retour pour quatre euros. Ce qui n’est guère plus que le coût du trajet en bus et bien plus rapide, dix minutes.
Un petit train bleu d’aspect fatigué se présente à l’heure prévue. De la Gare d’arrivée, je marche quelques centaines de mètres avant d’être en terrain connu. Je commence par une grosse déception. Dans les rues principales, il n’y a que des commerçants sédentaires ou ambulants. Ils vendent avec rabais de la marchandise neuve de qualité moyenne ou médiocre, dont je n’ai rien à faire. Comme il fait presque froid, je me réfugie à l’intérieur du Café de Paris. J’y bois un allongé à deux euros en mangeant un pain au chocolat acheté à Aix avant de partir.
Heureusement sur les places autour sont installés des particuliers. Voilà le vide grenier que j’espérais, mais j’ai beau m’épuiser à le parcourir, pas un livre pour m’intéresser. La foule en revanche est bien présente qui ajoute à ma fatigue. Aussi arrive le moment où j’abandonne, m’installant à la terrasse du Bistrot du Théâtre, devant celui-ci, nommé Charles Dullin, que je n’avais pas encore vu. Le soleil revenu me permet de lire un peu Saint-Simon.
Deux mille cinq cents exposants, annonce la Mairie. C’est exagéré. A midi, je déjeune succinctement de diots à la polenta pour quatorze euros à la terrasse du Bistrot du Palais devant ce bâtiment d’architecture sarde dont je peux faire une meilleure photo que celle d’hier.
Un peu patraque depuis le coup de froid d’hier en attendant le bus, je rentre une heure plus tôt que prévu à l’aide d’un vieux train Corail. Je vais passer une dernière nuit à ma studette Air Bibi. Ma logeuse ne répondant pas à mes messages, ni quand je frappe à sa porte, je ne sais pas ce que je dois faire de la clé en partant.
                                                               *
Charles Dullin est né à Yenne en Savoie. Ceci explique cela.
                                                               *
Ça m’aurait plu de pouvoir acheter un ouvrage qui serait devenu mon livre de Chambéry.
                                                                *
Une de ma connaissance, pas vue depuis longtemps, était à Chambéry ce ouiquennede. Le hasard qui a permis que l’on se rencontre une fois à Paris il y a plusieurs années n’a pas doublé la mise.
 

24 septembre 2023


Où sont les Chambérien(ne)s le samedi matin ? Au marché pour beaucoup. Je le constate en arrivant aux Halles vers neuf heures avec le bus A. Il y a du monde partout et devant certains étals une file d’attente conséquente. Cela me gêne pour photographier le Palais de Justice, qui est le dernier édifice de type sarde construit avant le rattachement de la Savoie à la France (il devait accueillir le Sénat). De même suis-je gêné par les passages incessants devant l’Hôtel Restaurant de la Banche, qui a une bonne tête. Difficile aussi de faire une photo de la rue de Boigne, artère rectiligne aux belles arcades qui va du Château aux Eléphants, mais pour une autre raison : les voitures en stationnement.
Je passe par l’Hôtel de Cordon dans lequel Henri le Quatrième a dormi en mille six cent puis j’entre dans la Cathédrale mais reste au bord car il y a des fidèles à l’intérieur. Face à celle-ci est la rue de la Métropole où se coudoient un bouquiniste et un écrivain public. Entre ce dernier et le bar rose Hop Høp Hop est une plaque indiquant qu’« Ici vécut Marc-Claude de Buttet, poète de la Pléiade, ami et contemporain de Ronsard ».
Cette rue de la Métropole me mène à la place Saint-Léger. J’y photographie quelques façades colorées qui tranchent avec le gris des passages naissant de part et d’autre d‘icelle. Cette place est en longueur car elle a été fabriquée avec deux rues parallèles en supprimant le canal de l’Albanne qui coulait entre celles-ci.
Je vais voir aussi, à la limite de l’hyper-centre, le Carré Curial, ancienne caserne où Yves Boisset tourna les principales scènes d’Allons z’enfants et l’Espace Malraux, Scène Nationale, dont l’architecte est Mario Botta et qui me plaît peu.
Je reviens alors place Saint-Léger et m’installe à la terrasse du Café de l’Horloge pour boire un café et lire Saint-Simon. Quand me parviennent du Château les premières notes du concert de carillon qui se déroule comme à Rouen chaque samedi en fin de matinée, je vais, pour mieux l’entendre, m’asseoir au soleil sur un banc proche de la Tour Yolande où sont les soixante et onze cloches.
Le Café Chabert est ouvert le samedi avec un plat du jour à quinze euros, un sauté de veau à la provençale avec des pâtes. Je l’accompagne d’un quart de vin blanc de Savoie. Il y a du monde ce jour, surtout à l’intérieur. Le couple de tenancières, une en cuisine, une au service, s’en trouve débordé. Aussi, je me prive de dessert, ne souhaitant pas l’attendre plus qu’il n’est raisonnable, et retourne au Café de l’Horloge pour un autre café lecture.
Plus cette journée avance, plus il fait frais. Je me caille en attendant le bus A du retour. Il faut croire qu’ici l’automne est vraiment arrivé.
                                                                         *
Marc-Claude de Buttet  « ami et contemporain de Ronsard ». Difficile d’être ami avec quelqu’un si on n’est pas son contemporain.
 

23 septembre 2023


Ce sera bientôt le terme de mon séjour à Aix-les-Bains. Aussi ce vendredi matin le prends le bus Trois dont le terminus est Thermes Chevalley afin de voir à quoi ça ressemble. Ce bus n’est quasiment fréquenté que par des curistes et je ne suis pas fier d’être pris pour l’un d’eux. Tout le monde descend sur les hauteurs de la ville. Je m‘attendais à mieux. Le bâtiment des Thermes Chevalley est récent, fonctionnel et laid. Il est jouxté d’un parquigne à campigne-cars. On peut venir par ce moyen prendre des bains et se faire masser. On peut aussi aller à l’hôtel ou dans les meublés qui pullulent dans la rue.
Je n’aï pas envie d’entrer. Je retourne à l’abribus. Il est extra-long avec trois bancs pour que s’assoient les vieilles et les vieux. Dans un tel état, à quoi leur sert la cure ? Les trois bancs sont bientôt occupés par celles et ceux qui redescendent en ville. Dans le bus, ça parle ennuis de santé. « C’est le coup de se lever le matin et après c’est parti. »
Je descends à l’arrêt Rond-Point des Thermes, près d’un autre établissement du même genre, où il y a correspondance avec la ligne Un. Bientôt, je suis dans un bus avec de la jeunesse à l’intérieur car il va à l’Université. Je sonne pour descendre à Base des Mottets. Le chauffeur oublie de s’arrêter. Il se rattrape cinquante mètres plus loin, s’excuse et réitère ses excuses. Celui-là est sympathique, il n’est pas comme son collègue de l’autre jour qui m’a largué sans prévenir à l’arrêt Rochettes.
En réponse à mon mail de protestation, Ondéa Grand Lac m’a invité à télécharger son application pour être prévenu des problèmes sur les lignes. Comme si le chauffeur ne devait pas aussi en informer la clientèle. J’ai récrit pour dire que cette réponse n’était pas satisfaisante. Aucune réaction.
Après cette parenthèse, je reprends mon narré, comme écrit Saint-Simon. Sitôt traversé le Hameau de Terre Nue, je m’assois au soleil sur un banc de la demi-lune pour commencer la lecture du deuxième volume Folio des Mémoires de ce Saint-Simon. On y trouve beaucoup de portraits et d’anecdotes, de quoi m’intéresser.
A midi, j’entre une dernière fois à l’Hôtel de Viviers où la clientèle est de plus en plus nombreuse pour le déjeuner. Ce vendredi, comme les autres, c’est de la morue. Et aujourd’hui : « Morue spirituelle ». « Un gratin », m’explique la serveuse. Pour la première fois, je trouve bon le plat du jour.
Avec un bus Un je vais à Grand Port et m’assois au bout de la dernière jetée sur le banc du flûtiste pour reprendre ma lecture en profitant encore une fois du calme et de la beauté du Lac du Bourget.
Au retour j’entre au Casino Grand Cercle pour voir sa coupole due au mosaïste vénitien Salviati, restaurateur de la Basilique Saint-Marc, cinq cent mille petits cubes de verre pourpres sertis sur fond d’or. Ça ne me fait pas beaucoup d’effet.
Point de cris du voisin ce jour, mais me parviennent les effluves d’un concert d’accordéon au Théâtre de Verdure. Cela doit plaire aux curistes.
                                                                    *
Verlaine est venu faire une cure à Aix-les-Bains, pour soigner son arthrite. Il semble qu’il ait surtout apprécié les massages au jet d’eau par de solides gaillards et la compagnie des blanchisseuses, raconte mon Guide du Routard Alpes de deux mille six qui évoque aussi la vie nocturne de cette ville que certains appelleraient Sexe-les-Bains. Aujourd’hui, on y trouve toujours des bars de nuit et au moins un cleube libertin, près de la Gare.
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Pas de cure pour Lamartine, mais une histoire d’amour avec la belle et phtisique Julie Charles, trente ans, dont le mari, physicien brillant de soixante ans, est impotent. Julie meurt. Lamartine écrit Le Lac et se console en épousant Léna de Larche dont il a une fille qu’il prénomme Julie.
 

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