Le Journal de Michel Perdrial
Le Journal de Michel Perdrial



Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

En lisant Lettres à Sartre (volume deux) de Simone de Beauvoir (un)

6 mai 2015


Les Lettres à Sartre de Simone de Beauvoir (Gallimard) groupées dans le volume deux ont été écrites de mil neuf cent quarante à soixante-trois. Beaucoup concernent l’an quarante pendant lequel Sartre fait le militaire attendant l’ennemi puis, quand celui-ci arrive, devient prisonnier de guerre. J’y retrouve la Simone que j’aime, entourée de sa cour de lycéennes et d’étudiantes, et prends suffisamment de notes pour alimenter ce Journal pendant plusieurs mercredis.
J’ai pris un chocolat au « Mahieu » et fait mon cours –il y a deux stagiaires qui sont des déchets d’humanité, à qui j’ai remis deux paquets de copies, c’est toujours ça de pris. (mardi neuf janvier mil neuf cent quarante)
J’ai travaillé près de 2h ½, mangé une choucroute en regardant une N.R.F. que j’avais volée au lycée et où il n’y a rien du tout –et puis lycée où j’ai fait rire mes élèves comme toujours… (lundi quinze janvier mil neuf cent quarante)
… la femme de l’hôtel (m’a arrêtée) pour me dire que l’eau étant arrêtée dans les cabinets, on utilisait le système espagnol des « corbeilles à papier », ce qui m’a rempli l’âme d’horreur. (samedi vingt janvier mil neuf cent quarante)
On est rentrées, on a dîné chez « Pagès » en badinant agréablement sur la meilleure manière de faire connaissance de Ch. Munch, le plaisant chef d’orchestre à tête de drogué qui nous charme fort. (dimanche vingt et un janvier mil neuf cent quarante)
Comme je mettais le pied dehors j’ai entendu une galopade ; c’était Sorokine qui me guettait depuis ¼ d’heure –elle était en détresse parce que depuis deux jours ses parents s’entr’égorgent pour se séparer sans l’emmener ; la mère pleure, le père gueule et cependant attire de temps en temps la fille sur son sein en disant : « ton père est bien seul aussi » et essaie de l’embrasser sur la bouche. (lundi vingt-deux janvier mil neuf cent quarante)
Après ça on est revenues aux étreintes et elle s’est énervée et alanguie jusqu’à ce que je me livre malgré tout sur elle aux dernières violences ; c’est marrant comme elle est devenue calme en un instant, et tout en tendresse gaie et vraiment charmante. (mercredi vingt-quatre janvier mil neuf cent quarante)
                                                                      *
Les expressions de Simone : ça m’a fait plaisant, ça m’a fait poétique, ça m’a fait décevant, ça m’a fait triste, ça me fait morne, ça me fait amer.
                                                                      *
En bas de la page quatre-vingt-dix-neuf de mon exemplaire, un discret tampon de La Radiotechnique Portenseigne Bibliothèque Loisirs rue Carnot à Suresnes. Souvenir de l’usine Portenseigne de Louviers où d’y travailler était prestige assuré pour l’ouvrier.
Que fabriquait-on chez Portenseigne ? Des antennes, je crois.
Variantes lovériennes : travailler chez Philips, travailler chez Wonder. Toutes usines disparues.