Le Journal de Michel Perdrial
Le Journal de Michel Perdrial



Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

Un mercredi parisien à la sauce portugaise

7 mai 2015


C’est à côté des trois militaires en arme que j’attends le sept heures vingt pour Paris ce mercredi à la gare de Rouen. Ils discutent des remboursements de frais de mission. Je trouve place à proximité d’une voyageuse qui lit L’Histoire de France de 1789 à nos jours pour les Nuls. Pour ma part, je relis Mes prix littéraires de Thomas Bernhard publié de façon posthume en deux mille neuf en Allemagne et un an plus tard en France chez Folio Gallimard. On ne part pas immédiatement. « Notre train est retenu momentanément à quai suite à l’intervention des forces de l’ordre », annonce le contrôleur.
Au bout de cinq minutes, nous démarrons et apprenons qu’il s’agissait d’un voyageur agressif envers les autres voyageurs et les contrôleurs. Le trajet est paisible et comme je ne suis pas pressé, je grimpe dans le bus Vingt qui prend son temps pour me déposer à la Bastille. Après quelques gouttes sur la tête et un café au comptoir du Faubourg, je fais l’ouverture de Book-Off et y déniche Femmes de plâtre, essai sur l’art médical de Romain Slocombe de Sréphan Lévy-Kuentz (La Musardine).
Je déjeune face au passage Lhomme (rue pavée, végétaux qui grimpent sur les façades, ateliers d’artistes et d’architectes) dans le restaurant Chez Céleste, rue de Charonne, que je découvre portugais, d’un feroz d’avocat, sorte de guacamole avec de la morue, suivi d’un feijoada, sorte de cassoulet au porc salé et aux haricots rouges accompagné de riz et d’orange, formule à douze euros cinquante, tout cela bien bon avec pour boire un quart de vin du pays. Derrière moi une femme attend les trois qui manquent à sa table de quatre. Deux lui téléphonent à qui elle dit que ce n’est pas grave, qu’ils prennent leur temps. Le quatrième arrive, à qui elle dit que les deux autres ne seront pas là avant vingt-cinq minutes et que ça devient pénible leur habitude d’être en retard. Elle explique ensuite qu’elle joue Labiche, mais mon café bu, je n’en saurai pas davantage.
J’entre à côté à la galerie Arts Factory. J’y fais le tour de Notoriété discrète, exposition des dessins d'Aurélie William Levaux & Moolinex dont je ne saurais dire ce que j’en pense mais parmi les textes insérés dans les images, je note le réjouissant : « Si rien ne cloche, c’est que le problème est ailleurs. »
Sous un ciel menaçant, je rejoins Châtelet à pied. Remettant à un autre jour mon passage par Le Corbusier au Centre Pompidou, je fouille dans les livres poussiéreux du Boulinier de la Fontaine des Innocents et extrais du bac des livres à vingt centimes La compagnie des zincs de François Caradec publié en mil neuf cent quatre-vingt-six chez Ramsay.
C’est ce livre que j’ai le temps de lire entièrement Chez Léon en attendant l’heure du retour, après avoir évité la plus grosse averse en étant dans le bus Vingt-Sept et avoir trouvé dans l’autre Book-Off le Journal d’Andy Warhol (Grasset) que j’espère intéressant et qui me ramènera à Pittsburgh et New York.
Le train qui me ramène à Rouen est victime d’un ralentissement dû à « une difficulté de gestion du trafic entre Epône et Mantes-la-Jolie », ce qui me permet d’achever la relecture de Mes prix littéraires de Thomas Bernhard dont la rage inextinguible m’est un délice.
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Comme je déteste ces villes moyennes avec leurs célèbres monuments qui les défigurent, sans que la population n’y trouve jamais rien à redire ! Les églises et les ruelles étroites, dans lesquelles végètent des êtres humains chaque jour plus bornés. Salzbourg, Augsbourg, Ratisbonne, Wurtzbourg, je les déteste toutes, parce qu’elles servent d’écrin séculaire à l’abrutissement. (Thomas Bernhard, Le prix du cercle culturel de la fédération de l’industrie allemande)
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Au fond tous ces dignitaires ayant rallié Darmstadt aux frais de l’Etat ne s’y réunissent que dans le but, après une année stérile passée à se haïr à distance, de se raser mutuellement durant une semaine supplémentaire. Le verbiage des écrivains dans les halls d’hôtel de la petite Allemagne est probablement ce qu’on peut imaginer de plus répugnant. Ça empeste plus encore lorsque c’est subventionné par l’Etat, à l’image de tout ce nuage actuel de subventions qui empeste et empuantit tout. Les poètes et les écrivains ne doivent pas être subventionnés, encore moins par une Académie elle-même subventionnée, ils doivent être livrés à eux-mêmes. (Thomas Bernhard, A propos de ma démission)