Michel Perdrial . Textes en revues

Michel Perdrial




Loïc Boyer
On trouvera ici de mes textes courts publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).

Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.

Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.

Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième chez L’Imprimante.

Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.








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Texte paru en France dans la revue Supérieur Inconnu n°18 au printemps/été 2000 et au Canada (Québec) dans la revue Les Saisons Littéraires livraison 2002


Elle était assise sur les marches de l’église, les yeux sur le cimetière et au-delà sur la mer où se balançait un bateau de pêche à la coque bleue. A ses pieds, un chien ne dormait que d’un œil. Landévennec, village breton de la presqu’île de Crozon n’avait pas fini sa nuit. Moi non plus qui partais de l’hôtel voisin où la tenancière m’avait servi le petit-déjeuner en charentaises avec Libération sous le bras. Une coutume locale peut-être.
Sans doute pas plus de quinze ans, me suis-je dit en approchant. Elle a tourné la tête vers moi et m’a évalué sans émotion apparente. Son chien s’est dressé sur le postérieur, la truffe en alerte.
-Bonjour, il s’appelle comment ton chien ? lui ai-je demandé.
Elle a gardé le silence pendant qu’une petite vieille entrait dans le cimetière et sitôt la barrière refermée m’a dit :
-Va te faire foutre.
Je ne me le suis pas fait dire deux fois. J’ai pivoté et me suis dirigé vers ma voiture. Le chien m’a rejoint, glissant sa tête par la portière entrouverte.
-Va te faire foutre, viens ici, s’est écriée la demoiselle.
L’animal a couru s’asseoir à ses pieds. J’ai claqué la portière, suis retourné la voir.
-Il s’appelle comment ton chien ?
-Va te faire foutre, c’est son nom. Parfois je préfère n’utiliser que les initiales, le v, le t, les deux f. Ça fait Vétédeuzeffe et ça pose moins de problèmes.
Elle s’appelait Maïwenn, m’a-t-elle dit, et elle attendait son père qui devait, selon son expression, la récupérer pour la seconde moitié des congés de février. Il était en retard apparemment. Elle n’avait pas la clé de la maison de vacances. C’était sa mère qui l’avait déposée aux aurores avec Va te faire foutre qui ne la quittait pas. Elle commençait à en avoir marre d’attendre. En plus il faisait froid.
Je lui ai proposé de venir boire quelque chose de chaud au bar de l’hôtel. Elle a dit oui. Le chien a suivi.
Elle a commandé un chocolat et j’ai opté, faute de meilleure idée, pour un nouveau café. Elle ne tenait pas en place sur sa chaise. J’avais du mal à suivre le mouvement de ses seins qu’elle avait bien ronds et plutôt tentants.
Tout à coup, elle s’est levée, a demandé le téléphone. Son petit cul bougeait aussi bien que ses seins.
-Alors papa, qu’est-ce que tu fous ? a-t-elle demandé un peu fâchée.
Il a un problème avec sa voiture, m’a-t-elle expliqué en se rasseyant face à moi. Il ne sera pas là avant onze heures.
Un groupe de randonneuses munies de tout l’attirail nécessaire à la marche et cornaqué par un guide au visage plutôt ingrat, est entré bruyamment. Des institutrices, me suis-je dit, un peu accablé. L’une d’elles a remarqué le chien couché sous la table et a tenté d’attirer son attention par une série de borborygmes assez inquiétants.
-Comment s’appelle ce joli chien ? a-t-elle fini par demander.
-Va te faire foutre, a répondu Maïwenn.
-Vous pourriez être polie, mademoiselle, s’est indignée la marcheuse.
-Et vous qui êtes son père, vous devriez avoir honte, m’a-t-elle gourmandé de sa voix la plus professionnelle.
Elle s’est lancée dans une tirade consacrée à la jeunesse d’aujourd’hui, à l’absence de repères et à la démission des pères avant de se réfugier au sein de son troupeau à qui elle s’est empressée de conter sa mésaventure.
-Vous ne devriez pas rester avec moi, m’a dit Maïwenn, je vais vous attirer des ennuis.
-Cela ne fera que renverser un peu les rôles, lui ai-je répondu. Habituellement, ce sont plutôt les petites jeunes filles comme toi qui risquent des ennuis avec les hommes dans mon genre.
-Oh vous, vous n’êtes pas dangereux, il suffit de vous dire Va te faire foutre et vous vous repliez dans votre voiture.
-Et avec ceux qui insistent comment fais-tu ?
-Va te faire foutre est là pour me défendre. Il a déjà bouffé les couilles à plus d’un obsédé.
J’en étais là avec Maïwenn quand le téléphone a sonné. Pas celui de l’hôtel. Le mien. J’ai vu son numéro affiché sur l’écran grisé. J’ai décroché.
-Qu’est-ce que tu fais ? m’a-t-elle demandé.
-J’écris l’histoire d’une adolescente et de son chien, lui ai-je répondu.
-Ah oui, je vois.
-Quoi ? Qu’est-ce que tu vois ?
-Elle baise avec son chien, je suppose.
-Pas du tout. C’est une histoire très chaste.
-Et il s’appelle comment ce chien ?
-Va te faire foutre.
Elle a raccroché aussi sec. J’ai cherché son numéro dans la mémoire de mon téléphone et ai appuyé sur la touche verte.
-Va te faire foutre, c’est le nom du chien, lui ai-je expliqué. C’est bien ce que tu me demandais, n’est-ce pas ?
-C’est malin, m’a-t-elle répondu. Tu ne pouvais pas lui donner un autre nom à cet animal.
-Il peut aussi s’appeler par ses initiales si tu préfères.
-Je ne comprends rien à ce que tu me racontes. Que me proposes-tu pour ce soir ? Quand tu auras fini ton histoire bien sûr puisque je passe toujours après tes écritures.
-Non, maintenant si tu veux. Je terminerai demain. Vétédeuzeffe.
-Quoi ?
-Viens te faire foutre.
Elle ne se l’est pas fait dire deux fois.

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