Le Journal de Michel Perdrial
Le Journal de Michel Perdrial



Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

A propos des Bonheurs quotidiens de Tatiana Roy

6 novembre 2022


En lisant Bonheurs quotidiens, le journal d’octobre mil neuf cent soixante-cinq à deux mille de Tatiana Roy paru aux Editions Tirésias, j’ai pu constater encore une fois qu’être femme d’écrivain n’était pas de tout repos.
La vie ne fut pas facile pour l’auteure avec celui qu’elle appelait Julius ou « mon cher grand écrivain », ce Jules Roy, qui était connu au temps de la Gauche au pouvoir (épisode Mythe Errant) et est presque oublié.
Le pire fut au début de leur relation, quand il lui tapait dessus ou la virait du domicile conjugal :
Il ajouta pour arranger les choses qu’il en avait assez de me voir souffrir à faire la cuisine pour lui, et de me voir sans cesse faire la gueule… Je hurlais que c’était faux, que je ne faisais jamais la gueule. Ce hurlement de démente le mit hors de lui et, se levant d’un bond, il abaissa son poing sur ma pauvre caboche, renversant le vin et continuant à taper aussi fort qu’il le pouvait, sur cette pauvre tête affolée sur la table, et qui essayait de se protéger. Il criait que je « l’emmerdais », que je n’avais qu’à partir puisqu’il ne me supportait plus. Moi aussi je me levais d’un bond, mais pour le traiter de « con », folle de rage et en voulant qu’une seule chose : fuir cette espèce de brute qui levait la main sur moi ! (mil neuf cent soixante-sept)
Il aurait dû être fier que je lui aie fait une scène de jalousie. Eh bien non, il s’est fâché, m’a demandé de « foutre le camp », m’a jetée hors du lit, et je suis partie « chez ma mère »… Pour revenir le lendemain matin, parce que mon désarroi était grand à la pensée de revivre seule, alors que je l’aimais. (mil neuf cent soixante-neuf)
Par la suite, il se contentera de l’engueuler en privé et de la dénigrer devant les invités.
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Trois autres notes prises lors de ma lecture :
Dîner chez les Vilmorin avec Malraux, sans tic, et ne buvant pas du tout. Mais l’œil toujours un peu sanguinolent. Fuyant la vie d’aujourd’hui, refugié dans cet écrin des Vilmorin à Verrières. Cela va si peu à Malraux. Il est devenu comme une institution des Vilmorin, qui ont remplacé Louise dans le lit du maître par une de ses nièces. (mil neuf cent soixante-treize)
La petite fille de Simone, Isabelle, treize ans, vraie Lolita. Perverse en diable et joli corps de femme dodue. (Simone Lacouture, femme de Jean) (mil neuf cent soixante-dix-sept)
A une certaine date de la vie, sonne l’heure d’un certain « non-retour ». On se rend compte qu’à partir de là, on a beau faire, on ne peut rattraper les dégâts. Jusque-là il y eut une longue, longue attente de quelque chose d’irrémédiable. On essayait de s’étourdir et puis clac, la souricière se referme, la lucidité vient et l’on a le sentiment que tout a été vain, et que dorénavant il ne reste qu’à descendre doucement à la rencontre du mystère qui nous guette à chaque détour du chemin. Sera-ce aujourd’hui ou demain ? Certains n’atteignent jamais cette lucidité du temps où l’on devient le témoin impuissant de sa propre dégradation. (mil neuf cent quatre-vingt-sept)