Le Journal de Michel Perdrial
Le Journal de Michel Perdrial



Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

Mes prélèvements dans les Mémoires de Saint-Simon

14 novembre 2023


D’Aix-les-Bains à Annecy, j’ai voyagé avec des extraits des Mémoires de Saint-Simon, parfois enchanté par ma lecture, parfois déçu.
J’en ai prélevé quatre portraits (l’un de ses talents, le portrait vachard) :
La duchesse de Castries : Mme de Castries était un quart de femme, une espèce de biscuit manqué, extrêmement petite, mais bien prise, et aurait passé dans un médiocre anneau; ni derrière, ni gorge, ni menton, fort laide, l'air toujours en peine et étonné, avec cela une physionomie qui éclatait d'esprit et qui tenait encore plus parole.
La princesse de Montauban : C’était une bossue tout de travers, fort laide, pleine de blanc, de rouge et de filets bleus pour marquer les veines, de mouches, de parures et d’affiquets, quoique déjà vieille, qu’elle a conservés jusqu’à plus de quatre-vingts ans qu’elle est morte.
Monsieur le Prince : Fils dénaturé, cruel père, mari terrible, maître détestable, pernicieux voisin, sans amitié, sans amis, incapable d'en avoir, jaloux, soupçonneux, inquiet sans aucune relâche, plein de manèges et d'artifices à découvrir et à scruter tout, à quoi il était occupé sans cesse aidé d'une vivacité extrême et d'une pénétration surprenante, colère et d'un emportement à se porter aux derniers excès même sur des bagatelles, difficile en tout à l'excès, jamais d'accord avec lui-même, et tenant tout chez lui dans le tremblement; à tout prendre, la fougue, et l'avarice étaient ses maîtres qui le gourmandaient toujours.
Le maréchal de Vauban : Vauban s’appelait le Prestre ; petit gentilhomme de Bourgogne, tout au plus, mais peut-être le plus honnête homme et le plus vertueux de son siècle, et avec la plus grande réputation du plus savant homme dans l’art des sièges et de la fortification, le plus simple, le plus vrai, le plus modeste : c’était un homme de médiocre taille, assez trapu, qui avait fort l’air de guerre, mais en même temps un extérieur rustre et grossier, pour ne pas dire brutal et féroce. Il n’était rien moins : jamais homme plus doux, plus compatissant, plus obligeant, mais respectueux sans nulle politesse, et le plus avare ménager de la vie des hommes, avec une valeur qui prenait tout sur lui, et donnait tout aux autres.
Trois morceaux de bravoure :
Le duc de Parme eut à traiter avec M. de Vendôme; il lui envoya l’évêque de Parme, qui se trouva bien surpris d'être reçu par M. de Vendôme sur sa chaise percée, et plus encore de le voir se lever au milieu de la conférence et se torcher le cul devant lui.
La Reine supportait avec peine sa hauteur avec elle, bien différente des ménagements continuels et des respects de la duchesse de La Vallière qu'elle aima toujours, au lieu que de celle-ci il lui échappait souvent de dire: « Cette pute me fera mourir. » (celle-ci : Mme de Montespan)
Par-ci par-là il l’interrompait crédulement de questions pour la mieux enferrer ; puis, s’approchant de son oreille, il lui dit qu’elle était une menteuse, une friponne, une coquine, une pute à chien, et lui répéta mot pour mot toute la conversation du Roi et d’elle. (il : le duc de Lauzin, elle : Mme de Montespan)
Et un point Rouen :
Il obtint permission d’aller passer quelque temps à Rouen, où son abbaye de Saint-Ouen lui donnait des affaires, mais ce fut à condition de prendre sa route de telle sorte qu’il n’approchât de nulle part plus près de trente lieues de Paris et de la cour. (il : le cardinal de Bouillon)
                                                                          *
Obsessionnel et ressassant, le duc de Saint-Simon, en lisant certaines de ses pages, je me demandais si je ne lisais pas Thomas Bernhard, un plagiat par anticipation.