Le Journal de Michel Perdrial

Le Journal de Michel Perdrial




Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

16 novembre 2020


Un dimanche de pluie et de vent, le genre de jour que, confiné ou non, on passe à la maison, je l’occupe à choisir quelques extraits de mes notes de relecture du volume deux de la Correspondance de Paul Léautaud :
Je n’ai pas le sens de la famille, je me réjouis d’avoir mené ma vie sans en traîner une derrière moi et sans en avoir créé une autre. Fontenay-aux-Roses le dix-huit janvier mil neuf cent trente-six à un inconnu
N’ayez pas de maître. On doit trouver son maître en soi-même. N’employez pas le mot servir, tant à la mode aujourd’hui, et qui est bas, et ravale les écrivains qui s’en font un programme au rang de gens de maison. Paris le dix-huit mars mil neuf cent trente-sept à Lucien Combelle qui tournera mal
La maison de Bourg-la-Reine était en effet un lieu de prosélytisme à n’y pas remettre les pieds et je connais un trait de grossièreté fameuse de la part de Bloy à l’égard d’un ami de longue date, qui l’avait souvent obligé, mis à peu près à la porte, parce qu’il venait de se marier civilement, la maison ne pouvant recevoir une « putain ». Je me suis souvent demandé s’il n’y avait pas une part d’un certain théâtre dans cet étalage religieux, comme une affectation devenue une seconde nature dans ces propos visant à l’énormité, injures ou apologies. Madame Bloy était donc là-dedans presque unique et je l’ai mis dans un mot : « La femme de cet écrivain est si laide qu’on comprend qu’il ait écrit Le Désespéré. » Le lundi trois mai mil neuf cent mil neuf cent quarante-trois à René-Louis Doyon
La religion dans ses préceptes, est pour beaucoup un enseignement d’hygiène (…) et de domination, et de tranquillité sociale, en assurant à ceux que le sort n’a pas favorisés, qui peinent dur dans la pauvreté, qu’ils auront le bonheur ailleurs. De même l’enseignement de la charité : donnez, cela vous sera rendu au centuple. Les gens qui ont bâti cela savaient bien que la majorité des humains ne fait rien sans intérêt et elle leur montrait tous les profits futurs de la charité ici-bas. Pendant ce temps, avec tous ces excellents préceptes, les riches ont la paix. Le lundi trois janvier mil neuf cent quarante-quatre à une inconnue
Je ne suis pas un ami du cinéma. Ah ! bigre non. Je le tiens pour un instrument d’abrutissement public faisant bon pendant à la T.S.F. Le samedi vingt-six février mil neuf cent quarante-quatre à François Vinneuil (de Je suis partout)
Le grand jardin pittoresque, presque terrain vague, rue Lhomond, dans lequel habitait autrefois le dessinateur anarchiste Grandjouan, que j’y ai visité remplacé par une hideuse école communale de garçons. J’ai dû me sauver devant le vacarme de la récréation. Le mardi dix avril mil neuf cent quarante-quatre à André Billy
J’ai vu des citations des nouveaux poèmes de Larguier. Etre dégringolé à ce point ! Pas de très haut il est vrai. Le mardi trente et un mai mil neuf cent quarante-quatre à René Maran
Je me suis mis à relire ces jours-ci quelques pages d’un ouvrage que je connais depuis longtemps sur les guerres de Vendée. Les jeunes paysannes se jetant à achever les soldats républicains laissés blessés sur le sol, et leur ouvrant le ventre avec leur faucille. Toute l’histoire le démontre : quand elles s’y mettent, les femmes sont pires que les hommes. Le vendredi vingt-six juillet mil neuf cent quarante-six à Richard Anacréon
Il y a 30 centimètres de neige à Fontenay, ni viande, ni pommes de terre, ni charcuterie, ni bois, ni charbon. La Libération n’est pas un vain mot. Nous sommes en effet libérés de beaucoup de choses. Le vendredi trente et un janvier mil neuf cent quarante-sept à Mathias Tahon
… permettez-moi de vous donner cet avis : n’offrez jamais de vous charger des corvées des autres. Vous pourriez tomber un jour sur un particulier qui dise oui, et trois jours après vous vous en mordriez les doigts. Le lundi vingt-trois juin mil neuf cent quarante-sept à Roger Karl
Vous êtes charmant d’avoir pensé à moi pour votre enquête. Excusez-moi de n’avoir aucune réponse à y faire. Je suis peu actif. Je n’ai aucun projet, je ne prépare rien. Je passe mon temps à regarder tout le travail que j’ai à faire, et que je ne fais pas. Le vendredi vingt-cinq juillet mil neuf cent quarante-sept à Jacques Chabannes
Vous devez le savoir aussi bien que moi : les journaux, les mémoires, les correspondances, sont les seuls écrits qui survivent, par ce qu’ils peignent des hommes et des époques. A côté d’eux, l’Histoire, avec un grand H, camelote romancée ou partisane. Le dimanche soir dix août mil neuf cent quarante-sept à Maurice Garçon
Faites attention, ce n’est pas au coin de la rue d’Assas et de la rue de Seine que nous nous sommes rencontrés, mais au coin de la rue d’Assas et de la rue de Vaugirard. La rue d’Assas et la rue de Seine auraient bien de la peine à faire angle. Le mercredi vingt et un janvier mil neuf cent quarante-huit à Gaëtan Sanvoisin
Ne vous emballez pas pour les Entretiens à la radio. On n’y est pas libre. On y est censuré. On m’a fait recommencer des passages trouvés trop vifs, comme les amours de mon père, homme à tant de succès de femmes, à une si belle capacité dans le plaisir. Le lundi dix-huit décembre mil neuf cent cinquante à M. Bry
Le mot authenticité, devenu à la mode, ne veut rien dire, dans l’emploi qu’on en fait. Un manche à balai est authentique : c’est un manche à balai. Un tableau est authentique, c’est-à-dire bien du peintre dont il porte la signature. Sinon, c’est un faux.
Un homme n’est pas authentique. Il est franc, d’esprit libre, de caractère droit – ou le contraire, c'est-à-dire un cabot, ou un courtisan, etc., etc. Le mardi onze septembre mil neuf cent cinquante et un à Angèle Emery-Blanzat
                                                              *
Parmi les correspondantes de Léautaud, alors âgé de soixante-quatorze ans, une certaine Albertine Rivet de qui il espère plus qu’elle ne lui donne :
Moi, une femme de qui je n’ai rien, avec qui je ne fais rien, est sans agrément. Le samedi trente et un août mil neuf cent quarante-six
Vous m’avez demandé un jour de vous donner 10 000 francs pour me « laisser faire tout ce que je voudrais ». Vous devez vous rappeler ma réponse : que vous ne les valez pas, insensible aux caresses comme vous l’êtes, femme qu’on peut caresser pendant des heures sans résultat de sa part, que c’est le résultat qui est l’agrément de celui qui caresse. Le samedi onze octobre mil neuf cent quarante-sept
 

15 novembre 2020


Muni de deux autorisations, l’une me permettant une heure de promenade, l’autre l’achat de produits de première nécessité, en l’occurrence des pommes, prêt à dégainer la plus convenable en cas de contrôle policier, je remonte la rue Beauvoisine ce samedi matin. 
A sa moitié, je vois venir vers moi, suivi d’un branlotin chevelu que j’imagine être son fils, un bouquiniste du Clos Saint-Marc portant à bout de bras de lourds sacs peut-être emplis de livres et sous le menton son masque.
Je fais un détour par la chaussée afin de mettre plus d’un mètre entre lui et moi.
-Vous avez peur des virus ? me demande-t-il.
-Eh oui, lui réponds-je.
-Parce que vos croyez que le masque, ça protége ?
Je connais ce genre d’individu. Le marché du Clos Saint-Marc en est plein, côté vendeurs comme côté acheteurs, mentalité Gilets Jaunes, complotistes et compagnie, rebelles à la petite semaine.
Mon sac à dos alourdi de deux kilos, je continue la balade, passant par le square Verdrel et frôlant un contrôle près du Palais de Justice. Le concert hebdomadaire de carillon est en train quand je regagne mon logis.
                                                                  *
C’est est fini pour le Panorama Ixe Ixe Aile, planté telle une verrue sur le quai rive droite, une idée lumineuse de Laurent Fabius qui n’aura servi qu’à enrichir son concepteur Yadegar Asisi. Nicolas Mayer Rossignol, héritier du Fabuliste, a décidé de le détruire.
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Hervé Morin, Duc de Normandie, Centriste de Droite, interrogé par France Trois Normandie à propos d’un éventuel vote par correspondance pour les élections régionales et départementales à venir : « On l'a arrêté parce que c'était un moyen de tripatouillages et de fraude électorale. On voit comment ça se passe aux Etats-Unis ». Ce sot ne se rend pas compte de ce qu’il dit.
 

14 novembre 2020


Encore passé une bonne partie de la journée à tapoter des notes de lecture et de relecture. Dans celles relatives à la Correspondance de Paul Léautaud, relue en Bretagne cet automne, j’extrais la missive d’icelui envoyée le lundi treize octobre mil neuf cent quarante-neuf au jeune Georges Poulot (futur Perros), après que celui-ci a commis l’imprudence de s’épancher auprès de son aîné :
Mon cher Poulot.
Vous m’écrivez une lettre bien déplaisante, dans son style, dans son vocabulaire, dans les attitudes qu’elle évoque, les airs penchés et gémissements.
« Je me croîs fini. » Vous parlez comme les romanciers de l’école réaliste ou naturaliste, fabricants de littérature, inventeurs de sujets sur lesquels ils bûchaient comme des manœuvres pour en tirer le meilleur parti possible, et qui, parbleu ! arrivés à un certain âge, leur faculté d’invention se faisait rétive à la découverte de nouveaux chefs-d’œuvre à fabriquer.
C’est pitoyable. Je n’aime pas les gémissements, les gens qui exagèrent leur malheur, (ou leur bonheur). Je comprends qu’on se retire, mais s’aplatir, perdant tout ressort ? A votre âge ? Vous avez vraiment des airs de poète romantique. (…)
Et par-dessus le marché, qu’êtes-vous : comédien, ou écrivain ? Les deux ? Cela engendre les Truffier, les Féraudy, les Mounet-Sully, d’autres que j’oublie.
A vous.
Comment le jeune Poulot prit la chose, j’aimerais le savoir. Ce qui est sûr, c’est qu’il abandonna assez vite ses activités de comédien.
                                                                     *
En bonus, l’avis de Léautaud sur Les Essais de Montaigne, ma lecture d’été dans le Massif Central :
Mais, que diable, vous aussi, après d’autres, me jetez-vous Montaigne dans les jambes. Vous ne trouverez son nom dans rien de ce que j’ai écrit. Je n’ai jamais pu le lire. Dans ma jeunesse, ayant acheté les Essais, après avoir lu dix pages, j’ai bazardé l’ouvrage. J’ai horreur des citateurs. Le vendredi vingt-sept mai mil neuf cent quarante-neuf à Henri Clouard
 

13 novembre 2020


Jean Castex, Premier Ministre, il ne lui manque qu’une blouse grise pour ressembler tout à fait à mes instituteurs de l’école Anatole France, rue Pampoule à Louviers, dans les années cinquante. Plusieurs avaient recours au tirage d’oreille et aux coups de règle sur les doigts.
Pas plus de droits en cette année deux mille vingt que lorsque j’avais l’âge de fréquenter cette triste école de garçons où je me sentais néanmoins mieux que dans l’étouffante atmosphère de la maison familiale au centre d’un terrain de deux hectares entouré de quatre murs. Aujourd’hui, la laisse fait un kilomètre et l’engueulade est toujours garantie si je ne rentre pas à l’heure.
                                                                       *
La marchande de pelotes de laine de la rue du Petit Salut tient son magasin ouvert. Je suppose que le tricotage est assimilé au bricolage. Quand j’étais enfant route de Pacy, il y avait au bout de la rue un couple de fleuristes suffisamment connu de mes grands-parents pour que l’on aille voir la femme malade à l’hôpital. Son mari, assis sur une chaise, tricotait. Cela m’avait fort étonné et jamais je n’ai revu ça.
                                                                       *
Les dirigeants de l’entreprise américaine du vaccin à quatre-vingt-dix pour cent de réussite qui vendent leurs actions pour engranger le bénéfice de la hausse consécutive à l’annonce de leur découverte, n’attendant donc pas la confirmation de la valeur de ce vaccin et une nouvelle hausse de la Bourse, cela donne à entendre qu’ils ne sont sûrs de rien.
 

12 novembre 2020


Le onze onze à onze heures, au moment où je sors faire ma promenade dérogatoire quotidienne, les cloches de la Cathédrale sonnent à la volée. J’ai une pensée pour Grand-Père Jules en ce moment précis du jour de commémoration, un jour férié qui passe inaperçu à certain(e)s. Ma boulangère, lorsque hier je lui ai demandé si ce serait ouvert demain, m’a regardé comme si ma question n’avait pas de sens.
Rentré, je poursuis le tapotage de mes notes de relecture, en Bretagne cet automne, de la Correspondance de Paul Léautaud. Le vendredi vingt-quatre novembre mil neuf cent trente-neuf, Léautaud écrit à son ancienne amante Anne Cayssac, dite Le Fléau. Il fait le point sur sa situation matérielle à l’approche de sa soixante-neuvième année (un âge qui est le mien pour encore quelques mois), ce qui l’amène à un délicieux souvenir :
Moi, un homme riche ! Un homme qui depuis six ans est obligé de se passer de bonne, qui fait ses repas lui-même, qui déjeune de légumes achetés tout cuits qui le dégoûtent, qui dîne de pain et de fromage et d’un fruit, qui lave lui-même son linge de corps, qui sort et rentre lui-même sa poubelle, qui tient lui-même à peu près propre un pavillon d’un rez-de-chaussée et d’un premier, qui fait lui-même, le matin avant de partir, ses lampes pour le soir, qui en a été réduit récemment à prendre sur le métro un abonnement à la semaine, comme un vulgaire employé… (…)
Et cet homme est un écrivain, qui va entrer prochainement dans sa soixante-neuvième année, un chiffre qui nous a été souvent bien agréable, à vous et à moi, vous devez vous le rappeler.
                                                                 *
Le onze onze est le jour anniversaire de la naissance de ce Journal. Quatorze ans que ça dure.
 

11 novembre 2020


Euphorie générale chez les journalistes ce mardi dix novembre, à laquelle n’échappent pas ceux de France Culture. Un laboratoire américain aurait trouvé un vaccin efficace à quatre-vingt-dix pour cent contre le Covid. Quand on fouille un peu, on se rend compte que rien n’est sûr. Ça ne les empêche pas d’y croire. Cela donne une idée de l’abattement dans lequel chacun est plongé.
Yannick Jadot, Ecologiste, Député Européen, interrogé sur la question de savoir s’il faut rendre obligatoire ce vaccin virtuel a un court moment de flottement, pendant lequel il se demande quelle réponse on attend de lui dans la perspective de son avenir présidentiel, puis répond positivement (ce qui ne manque pas de sel quand on sait que sur sa liste européenne a été élue une Députée furieusement anti-vaccins).
                                                                        *
Les politicien(ne)s français(e)s semblent en ce moment faire le concours du plus ridicule. A ce jeu, Marie Ségolène Royal a toutes ses chances, qui déclare que les fermetures de magasins sont « des décisions anti-patriotiques ». « Vous croyez que le général de Gaulle aurait fermé les commerces et les librairies? »
                                                                        *
Le front lifté de Marie Ségolène Royal m’amène à me poser des questions sur celui du nouveau Président des Etats-Unis.
                                                                        *
Que j’en sois réduit à évoquer l’actualité donne une idée du peu de chose qui se passe dans ma vie de confiné.
 

10 novembre 2020


Pour la dernière étape de mon nouveau parcours médical, je monte l’avenue de la Porte des Champs à l’heure où se pressent les élèves à l’entrée du collège Fontenelle. Cette jeunesse est fort disciplinée, pas un(e) qui ne porte son masque, et correctement.
En haut de la côte, je prends le temps de retrouver mon souffle avant d’entrer chez  mon médecin traitant avec qui j’ai rendez-vous ce lundi.
Quand c’est à moi, je lui présente les conclusions de mon échographie abdominale. Certes mon foie est fatigué, m’explique-t-il, mais rien de grave. « On ne va rien faire », conclut-il. Il ne me propose pas de changer de régime alimentaire, sachant que c’est un conseil que je n’arriverais pas à suivre.
-Est-ce que c’est un problème que mon pancréas n’ait pas été vu, lui demandé-je.
-Quand on le voit bien, c’est souvent mauvais signe, me dit-il. Pourquoi ? Ça vous inquiète ?
-Pas spécialement mais je sais qu’un cancer du pancréas, ça arrive.
-Vous auriez déjà perdu dix kilos, me dit-il.
A la pesée, je n’en ai perdu qu’un et ma tension est, comme d’habitude, on ne peut plus normale.
-Et le moral, comment ça va ? me demande-t-il.
-C’est moyen. Comme pour beaucoup, il me semble. La perspective d’aller de confinement en confinement ne m’enchante pas.
Il me dit qu’il pense qu’après cette deuxième vague les suivantes seront moins fortes car beaucoup de gens auront été en contact avec le virus.
Nous nous quittons sur le constat qu’il s’agit de passer l’hiver.
                                                               *
La bouffonnerie du jour : l’annonce de la candidature de Mélenchon à la prochaine Présidentielle si cent cinquante mille de ses affidé(e)s le lui demandent (« j’ai très bien perdu les deux premières fois, donc je suis le mieux placé pour perdre à nouveau »).
 

9 novembre 2020


L’homme a désir d’être seul / Que très entouré d’autres hommes écrit Georges Perros dans Une vie ordinaire. C’est mon cas. Raison pour laquelle le premier confinement pendant lequel je pouvais lire dans le jardin alors qu’y vaquaient les habitant(e)s de la quinzaine d’appartements occupés me fut plus facile que le deuxième pendant lequel je suis incapable de lire en journée dans mon appartement
Je ne lis que le soir dans mon lit. Au bout de dix jours, je suis toujours dans le premier volume de la Correspondance entre Ferdinando Galiani (abbé) et Louise d’Epinay (marquise), plus intéressé par les lettres d’icelui que d’icelle.
De lui, cette fine analyse de l’éducation :
Ainsi qu’on fasse apprendre ou le latin, ou le grec, ou le français à un enfant ce n’est pas l’utilité de la chose qui intéresse. C’est qu’il faut qu’il s’accoutume à faire la volonté d’autrui (et s’ennuyer) et à être battu par un être né son égal (et souffrir). Lorsqu’il est accoutumé à cela, il est dressé, il est social ; il va dans le monde, il respecte les magistrats, les ministres, les rois (et ne s’en plaint pas). Il exerce les fonctions de sa charge et il est à son bureau, ou à l’audience, ou au corps de garde, ou dans l’œil de bœuf, et baille et reste là, et gagne sa vie. S’il ne fait pas cela il n’est bon à rien dans l’ordre social. Donc l’éducation n’est que l’élaguement des talents naturels, pour donner place aux devoirs sociaux. L’éducation doit amputer et élaguer des talents, si elle ne le fait pas, vous avez le poète, l’improvisateur, le brave, le peintre, le plaisant, l’original, qui amuse, et meurt de faim ne pouvant se placer plus dans aucune niche de celles qui existent dans l’ordre social. Ferdinando Galiani à Louise d’Epinay, Naples, le quatre août mil sept cent soixante-dix
                                                                      *
Deux autres extraits :
Enfin j’adore M. de Sartine, je lui ai mille obligations et je voudrais lui en avoir encore davantage. Il ne dépend que de lui que je retourne à Paris. Il n’a qu’à me faire inspecteur de police, et me donner le département des demoiselles. Je vole, je cours, j’abandonne tout. Ferdinando Galiani à Louise d’Epinay, Naples, le trente juin mil sept cent soixante-dix
Attendons les paiements de Merlin, et dites toujours entre vos dents lorsqu’il viendra chez vous « Puisses-tu pisser comme tu paies goutte à goutte. » Cela vous soulagera. Il n’y a rien de tel que de jurer. Ferdinando Galiani à Louise d’Epinay, Naples, le premier septembre mil sept cent soixante-dix
 

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