Le Journal de Michel Perdrial

Le Journal de Michel Perdrial




Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

23 mai 2019


Trois décennies plus tard, Anatole Deibler était de retour à Rouen avec sa guillotine. Il narre la chose avec moult détails et quelques redites mais je résiste à l’envie de le raccourcir :
Exécuté à Rouen, le 21 juin 1930
Le nommé Verdière, Henri Ferdinand, débardeur âgé de vingt-quatre ans, né le 12 juin 1906 à Saint-Aignan, village situé à deux kilomètres au nord de Rouen, condamné par la cour d’Assises de la Seine-Inférieure le 7 mars 1930, pour attentat à la pudeur, viol et meurtre d’une fillette de huit ans.
Le mercredi 11 décembre 1929, vers 2 heures de l’après-midi, Monsieur Galland, employé des chemins de fer, demeurant au 5 de la rue des Limites à Rouen, signalait à la police la disparition de sa fillette Christiane, âgée de huit ans, qu’il avait envoyée faire une commission vers midi et demi.
Quelques instants après cette déclaration, des inspecteurs de police se mirent à la recherche de la fillette, et commencèrent à inspecter un hôtel meublé à côté de la maison où elle habitait.
Ils demandèrent à la gérante de l’hôtel de leur faire visiter les chambres. Au bas de l’escalier qui donnait accès au premier étage, ils trouvèrent une paire de sabots d’enfant, sabots qui furent reconnus comme appartenant à la petite Christiane Galland. Bientôt, dans la misérable chambre occupée par un débardeur nommé Verdière, ils découvrirent le cadavre encore chaud de la fillette entre le matelas et le sommier.
Elle était morte depuis peu et ses vêtements en désordre laissaient supposer qu’elle avait été violée. La malheureuse avait les mains liées et la bouche bâillonnée. Pour ce faire, le misérable individu s’était servi d’une chemise kaki dont les morceaux inutilisés furent retrouvés dans un coin de la chambre.
Toute l’après-midi et toute la nuit, les inspecteurs de la Sûreté recherchèrent Henri Verdière sans résultat.
Le lendemain matin, vers 10 heures, les inspecteurs Méridienne et Clouet l’arrêtèrent alors qu’il travaillait sur le quai. Il protesta d’abord de son innocence, donnant des alibis qui seront démentis après avoir été vérifiés.
Après un interrogatoire serré, Verdière finit par admettre qu’il avait rencontré la petite fille près de chez lui.
L’ayant attirée dans sa chambre en lui offrant des bonbons, et s’être livré sur elle à des attouchements obscènes, la victime, se mettant à crier, il la bâillonna et lui attacha les mains avec des bandelettes arrachées à sa chemise ; puis, l’ayant violée, il la cacha entre le matelas et le sommier de son lit avant de prendre la fuite. Elle mourra étouffée peu de temps après.
Le jour de son exécution, réveillé par l’avocat général qui lui demandait d’avoir du courage, et s’il avait compris que son recours en grâce était rejeté, il répondit « non » d’un geste de la tête.
Après s’être habillé, il consentit à entendre la messe, à genoux sur un prie-Dieu. Il communia et récita le Pater Noster et l’Ave Maria avec l’aumônier puis, d’un pas ferme, il descendit au greffe avec deux gardiens.
L’avocat général lui demanda s’il avait des déclarations ou des recommandations à faire :
-Non, aucune. Rien, répondit le condamné.
L’avocat général, s’adressant alors à l’exécuteur, lui dit :
-Monsieur l’exécuteur, le condamné vous appartient.
L’aumônier et l’avocat adressèrent quelques paroles d’encouragement à Verdière, et comme le défenseur lui disait : « Montrez que vous êtes un homme ! », le condamné lui répondit d’une voix calme :
-Je veux mourir comme un brave. Je n’ai pas peur !
On lui offrit une cigarette et un demi-verre de rhum dont il but quelques gorgées. Il ôta lui-même son veston et se laissa entraver les mains et les jambes sans souffler mot.
Puis, avant de sortir du greffe, se tournant vers les gardiens, d’une voix nette, il les remercia des égards qu’ils avaient eus pour lui, sans oublier le gardien-chef.
D’un pas ferme, il monta dans le fourgon, qui s’arrêta quelque cent mètres plus loin, au coin de la place Bonne-Nouvelle. Verdière en descendit, toujours calme, embrassa l’aumônier puis se laissa basculer sur la guillotine sans offrir la moindre résistance.
Le père et les deux grands-pères de la petite Christiane Galland assistaient à l’exécution.
                                                                 *
Employé modèle, Anatole Deibler mourut à la tâche. Le deux février mil neuf cent trente-neuf, âgé de soixante-quinze ans, il s’écroula sur le quai du métro Porte de Saint-Cloud alors qu’il se rendait à la gare Montparnasse afin de prendre le train pour Rennes où il devait guillotiner Maurice Pilorge, vingt-quatre ans, qui avait tué son amant Néstor Escudero devant le Casino de Dinard.
Un sien neveu héritera de son activité et de sa guillotine.
                                                                 *
Maurice Pilorge fut guillotiné par un des assistants d’Anatole Deibler puis immortalisé (comme on dit) par Jean Genet dans son poème Le Condamné à mort.
 

22 mai 2019


Descendant d’une lignée de bourreaux, Anatole Deibler n’a pas seulement coupé des têtes, il a aussi fait le récit de chacune des missions pour lesquelles lui-même et sa guillotine se rendaient en train dans toute la France. Ces récits ont été publiés en deux mille quatre sous le titre Carnets d’exécutions (1885-1939) par l’Archipel.
Ils sont d’une réjouissante lecture. En voici un premier :
Exécuté à Rouen, le 9 septembre 1901
Le nommé Bouvier Etienne, ajusteur mécanicien âgé de trente-sept ans, condamné par la cour d’Assises de Seine-Inférieure, le 20 juillet 1901, pour avoir, le 4 avril 1901, tenté de violer et d’assassiner la petite Godalier, Madeleine, âgée de cinq ans, habitant chez ses parents, rue Eau-de-Robec à Rouen.
Bouvier avait entraîné la petite Madeleine en lui promettant des gâteaux puis, quand la pauvre enfant s’était trouvée hors de vue des voisins, il l’avait emmenée en courant jusque chez lui. Là, il essaya d’abuser d’elle, mais comme l’enfant criait, il lui trancha la gorge et pour faire disparaître les traces de son crime, il dépeça et désarticula les membres du petit cadavre pour les disperser un peu plus tard en différents endroits.
Mais il ne put le faire aussi facilement qu’il aurait désiré, car, du 4 avril au 20 avril, il dut conserver cachés, dans le matelas sur lequel il couchait, les membres en décomposition de la jeune Madeleine. Le 20, des pêcheurs installés en face de l’île aux Cerises, à Sotteville-lès-Rouen, aperçurent deux paquets flottant sur l’eau. C’étaient les deux bras de la fillette. Le lendemain, deux autres paquets étaient découverts, l’un près du bois de Saint-Léger, l’autre dans une prairie à Darnétal. C’était les restes du cadavre de l’enfant. Bouvier, soupçonné, puis arrêté, fit des aveux complets.
Ses antécédents étaient déplorables : bien qu’alcoolique, il était reconnu par les médecins comme possédant toute sa responsabilité.
Il avait déjà subi cinq condamnations.
                                                               *
Pour une tentative d’assassinat, elle fut quand même bien réussie. On ne saura pas comment s’est comporté le condamné à l’approche de la guillotine. Plus tard, Anatole Deibler devint plus prolixe dans ses comptes-rendus.
J’aurais également aimé savoir dans quelle maison de la rue Eau-de-Robec vivait la pauvre enfant. Etait-ce en face du Son du Cor ?
 

21 mai 2019


Qu’on puisse choisir le dimanche pour mourir, rien de moins surprenant. C’est ce qu’a fait, d’une insuffisance cardiaque, à l’âge de soixante et un an, Nilda Fernández qui était encore Daniel Fernández quand il enseignait l’espagnol au lycée Thomas Corneille de Barentin, ville dont il a fait une description sans baratin dans l’une de ses premières chansons intitulée 76360.
Son premier album de treize chansons, paru en mil neuf cent quatre-vingt-un avec son prénom officiel, passa inaperçu mais fut réédité en mil neuf cent quatre-vingt-douze après le succès des deux suivants, publiés avec celui permuté de Nilda.
C’est à cette époque que je le vis en concert au Théâtre des Chalands à Val-de-Reuil avec celle qui me tenait la main quand j’habitais là-bas. Depuis, cette salle a disparu et maintenant Nilda Fernández est mort.
                                                                    *
Ce dimanche à dix-sept heures quarante-cinq mon téléphone sonne. Comme je ne m’attends pas à un démarchage en ce jour férié, je décroche. « Bonjour, c’est Jean-Luc Mélenchon ». Il a un message pour moi, qui ne me prendra pas plus d’une minute. « Pour l’écouter, tapez un ». Je m’en dispense.
Dans la semaine et dans ma boîte à lettres, une liasse de publicités pour supermarchés comprenant un tract de Nathalie Loiseau. Je n’ai eu qu’à pivoter pour mettre le tout dans la poubelle.
                                                                    *
Une nouvelle directrice pour l’Office du Tourisme de Rouen, une manageuse dans l’air du temps, comme le montre sa première déclaration sur 76actu : «Il s’agit de voir comment le territoire se positionne par rapport aux grandes tendances actuelles du tourisme : tourisme créatif, collaboratif, durable etc. Il s’agira également de continuer à développer le sentiment d’appartenance au territoire.»
                                                                    *
Au Sacre. Celui qui prend une mangue à l’eau. Et pourquoi pas un bingue à l’eau ?
 

20 mai 2019


Faute de beau temps, c’est au Faute de Mieux que je prends un café en tapotant sur mon ordinateur ce samedi après-midi. Vers quinze heures, l’arrivée de motards de la Police au carrefour signale l’habituelle approche des Gilets Jaunes. Cela a pour effet de faire fuir un couple de consommateurs :
-Ils nous font chier les Gilets Jaunes.
-Bon ben ça au moins, c’est clair, commente le serveur.
Le cortège est encore moins nombreux que la semaine dernière. Une seule pancarte s’y fait remarquer : « On veut vivre correctement, pas vous ? ».
-Correctement, ça veut dire quoi ? commente la serveuse à temps partiel pour qui l’argent n’est pas une priorité (plus elle fait la fête, plus elle vit correctement).
Ce qui met davantage en émoi le personnel, ce sont les deux couples de quinquagénaires qui s’installent à une table pour commander des verres d’eau.
L’apprenti serveur leur explique qu’ici c’est un commerce.
Le quatuor ressort.
-Des Français en plus, commente le patron.
                                                                 *
Plus tôt dans la semaine, une nonagénaire et sa copine octogénaire au Lido :
-L’autre semaine c’était folklorique avec les gays, là, qui étaient dehors.
-Ah oui, je croyais que c’était un lycée qui faisait carnaval, mais on m’a expliqué.
                                                                 *
Et au Son du Cor des élèves de Terminale discutent de la double réponse positive inattendue qu’a reçu de Parcoursup l’une qui hésite maintenant entre Caen ou la Sorbonne « Du coup. A la base. Carrément. Trop dar. » (Le soir venu, ayant appris que le système s’est planté et que beaucoup se retrouvent en attente, je crains qu’elle en soit.)
A une autre table, des élèves de Seconde dont l’un est en manque d’argent de poche. « Un truc qui marche bien, lui explique l’une, c’est « J’ai une soirée d’anniversaire, faut que je cotise pour le cadeau. ». Ces filles et ces garçons évoquent ensuite le passé ; « C’était une prof de musique qui était nudiste et qui avait un œil de verre. A chaque fois qu’on la faisait chier, elle nous faisait un solo de batterie. » puis écoutent une chansonnette incorrecte via un téléphone muni d’une petite enceinte, une ritournelle que reprend celle qui paraît la plus jeune : Elle parlait trop, j'ai tout rentré dans sa bouche/ J'aime quand elles sont classes/ J'aime pas quand elles font la rue/ Elle veut un négro en place/ J'espère qu'elle secoue bien son cul. (La Puenta de Diddi Trix, apprends-je le soir venu.)
 

18 mai 2019


Au temps où je lisais de la fiction, j’ai beaucoup aimé les romans et nouvelles autobiographiques de John Fante, fils d’immigrés italiens aux Etats-Unis : Bandini, La Route de Los Angeles, Demande à la poussière, Rêves de Bunker Hill, Les Compagnons de la grappe, Pleins de vie, L’Orgie, Le Vin de la jeunesse.
Le seul texte de lui qui m’ait ennuyé est Mon chien Stupide (pas plus que les histoires d’enfants, les histoires d’animaux ne m’intéressent).
Après la lecture de la Correspondance de John Fante avec le journaliste et critique littéraire  Henry Louis Mencken (laquelle a duré vingt ans, jusqu’à la mort de Fante, sans que les deux hommes se rencontrent) qui a été publiée en France par Christian Bourgois en mil neuf cent quatre-vingt-onze, je retiens cet extrait d’une lettre datée du seize juin mil neuf cent trente-quatre :
Personnellement, je n’ai aucune sympathie pour les masses. Les masses existeront toujours. Elles sont composées d’imbéciles. Elles sont indispensables à la société. Si vous voulez mon opinion, je hais les masses. J’ai vécu avec elles, j’ai respiré leur haleine fétide, côtoyé leur esprit abruti. La culture ne les concerne pas. En fait, rien ne les concerne. Elles sont condamnées. Qu’elles crèvent donc. Mon boulot dans l’existence, c’est de me sauver. C’est là une rude affaire. Je ne compte pas me salir les mains en essayant de sauver les masses.
Et dans la même lettre :
Qu’est-ce que j’en ai à foutre du communisme ? Ils peuvent bien me coller le dos au mur et me fusiller, ce n’est pas pour ça que j’adhérerai au marxisme de pacotille d’une coterie imbécile de diplômés d’Harvard qui – parce qu’ils n’ont rien dans les tripes – gobent et défendent des principes auxquels ils pigent que dalle. Aujourd’hui, n’importe quel marginal, pédé ou lesbienne est communiste. Ils me rendent malade !
 

17 mai 2019


Sorti du Book-Off de Ledru-Rollin ce mercredi après-midi, je vais faire le lézard dans le port de l’Arsenal où je reprends la lecture des Lettres d’Afrique à Madame de Sabran du Chevalier de Boufflers.
Quand il est temps de se rapprocher de la gare Saint-Lazare, j’opte pour le bus Vingt-Neuf. Il n’avance pas : travaux, camion mal garé, déviation. Quand le chauffeur nous annonce qu’il ne peut pas redémarrer, je commence à craindre de rater mon train. Il téléphone à sa hiérarchie qui lui conseille de reprendre la procédure au début. Ouf, nous repartons. Je suis devant le quai dix-huit quand le dix-sept heures vingt-trois s’y affiche.
Comme à l’aller, c’est un train à étage et sièges colorés, mais le chef de bord ne juge pas utile d’annoncer aux porteurs et porteuses de billet avec réservation que ce matériel non conforme n’en possède pas.
J’ai déjà rassuré deux inquiètes lorsque j’en vois arriver une troisième. Pantalon noir, veste rouge, foulard discret, lunettes de soleil relevées sur des cheveux tressés, petit sac à main pour seul bagage, je la reconnais immédiatement et ne suis même pas surpris de la voir car ce matin aux infos de France Culture j’ai entendu qu’elle serait ce soir à Rouen au secours de la liste européenne conduite par Raphaël Glucksmann.
-Bonjour madame Taubira, ne vous donnez pas la peine de chercher votre place réservée, ce train n’est pas le bon, il n’en a pas.
-Pas le bon ? Il va bien à Rouen ?
-Oui oui, mais ce n’est pas le Corail habituel.
-Alors je peux m’asseoir où je veux ?
Elle s’installe dans le carré voisin, me demande si elle est bien dans le sens de la marche. Nous sommes dans la partie de la voiture située au-dessus des roues, où ne sont que quelques sièges. Trois autres sont occupés par de jeunes hommes à ordinateur qui ne l’ont pas reconnue.
Si j’osais, je lui proposerais de lui tenir compagnie. Nous pourrions discuter des missives du Chevalier de Boufflers et de sa façon d’évoquer le sort des nègres (comme on disait à cette époque), mais je crains qu’elle me dise oui bien qu’elle ait envie de rester seule avant d’être assaillie par les caméras et les micros. Alors je n’en fais rien. Je poursuis ma lecture tandis qu’elle bidouille un peu avec son mobile puis regarde le paysage.
Quand passe le contrôleur, il ne reconnaît pas cette ancienne Ministre qui voyage en seconde classe avec un billet acheté.
-Bonsoir monsieur, me dit-elle à l’arrivée.
-Bonne soirée, bon meeting, dis-je à madame Taubira.
-Merci monsieur, me sourit-elle.
                                                            *
Devinette mégalo : sachant qu’à la gare Saint-Lazare j’ai croisé François Hollande, tout juste désigné candidat, partant en pèlerinage dans sa ville natale, et qu’ensuite il est devenu Président ; que dans cette même gare j’ai croisé Emmanuel Macron, alors Ministre de l’Economie, interrogé par une télévision dans la galerie marchande, et qu’ensuite il est devenu Président, qui occupera ce poste en deux mille vingt-deux ?
 

16 mai 2019


C’est un train à étage et sièges colorés qui se présente en gare de Rouen ce mercredi à sept heures cinquante-neuf au lieu du Corail attendu. Le chef de bord s’excuse de ce « matériel non conforme » et invite celles et ceux qui cherchent leur place réservée à abandonner.
Tout va bien jusqu’à l’approche de la capitale. Là se produit un ralentissement inquiétant. Peu après, le chef de bord annonce un « accident grave de personne » à La Garenne-Colombes. Nous sommes détournés sur des voies de banlieue, ce qui entraînera un retard de dix à vingt minutes. En réalité, et suite à plusieurs arrêts, c’est avec un retard de quarante-cinq minutes que nous arrivons à Saint-Lazare.
Etre peu avant dix heures devant la porte du Book-Off de Quatre Septembre avec mon sac de livres à revendre était mon objectif. C’est mort (si je peux me permettre). Je n’ai néanmoins pas à attendre trop longtemps avant que l’employé chargé du rachat me les échange contre neuf euros dix. J’en dépense trois avant de quitter la boutique.
Le métro Huit m’emmène à Ledru-Rollin d’où je rejoins le marché d’Aligre. Malgré le beau temps, le vendeur de livres le mieux fourni n’y est pas. A midi moins le quart, je suis au Péhemmu chinois. « Comme d’habitude ? » me demande la gentille serveuse avant de me souhaiter « Bon app’ ».
L’addition réglée, j’entre au second Book-Off. J’y trouve quelques livres à un euro et le vieux bouquiniste que j’ai déjà croisé la semaine dernière dans l’autre où il s’était réjoui d’avoir revendu cent euros un livre acheté cinq deux jours plus tôt.
-Encore vous, lui dis-je.
-Je ne sais faire que ça, me répond-il.
-Mais attention hein, ajoute-t-il, je ne lis pas.
-Ah oui.
-Je suis chasseur de livres et…
-Abstinent.
-Marchand.
                                                               *
Place de l’Opéra, un barbu de banlieue qui se met à courir avec sa poussette sur le passage pour piétons au moment où le feu passe au vert pour les voitures. Freinages, claquesons, engueulade.
Lui, prêt à en découdre :
-Tu vas pas écraser le petit ?
                                                              *
Place de l’Opéra encore, la mendiante assise contre l’abribus qui met son gobelet empli de centimes au milieu du trottoir. Il y a toujours quelqu’un pour chouter dedans. Honteux, le piégé ramasse les pièces et se sent obligé d’ajouter quelque chose.
                                                              *
Parmi les livres trouvés chez Book-Off deux poches qui vont bien ensemble : L’Art de se promener de Karl Gottlob Schelle (Rivages) et L’Art de péter de Pierre-Thomas-Nicolas Hurtaut (Payot).
 

14 mai 2019


Depuis combien de mois ne suis-je pas allé sur la rive gauche de Rouen, c’est la question que je me pose en franchissant la Seine ce lundi matin avec dans la poche un courrier qui devient urgent (date limite le seize mai).
Il s’agit de ma déclaration de revenus que je n’ai eu qu’à dater et signer. Elle est réputée être faite obligatoirement via Internet mais il est aussi indiqué sur l’imprimé que si on l’estime impossible, elle peut être faite sur papier. Tant que c’est obligatoire sans l’être, je défends l’emploi des fonctionnaires.
La Seine a son aspect habituel, un garage de bateaux de croisière dont les occupants ne vont pas tarder à envahir ma ruelle, cornaqués par les guides touristiques dont ils sont le gagne-pain. Bientôt, elle prendra l’aspect qu’elle a tous les quatre, cinq ou six ans, un garage de bateaux à voiles. Cette nouvelle Armada sera le copier-coller des précédentes. Je serai absent de la ville pour son début et pour sa fin. Rien d’imprévu ne pourra s’y dérouler. Sauf si le pont Flaubert refuse de se lever pour laisser entrer les bateaux, ou mieux encore pour les laisser repartir.
Je prends à droite sur le quai de la rive gauche et me dirige vers le Centre des Finances Publiques, pas surpris de voir sur le trottoir et jusqu’aux rails du métro une longue file de contribuables ayant besoin d’aide. Même devant la boîte à lettres il y a du monde, je ne suis pas le seul récalcitrant.
                                                                 *
Facile devinette de conversation téléphonique :
-T’as passé de bonnes vacances ?
-…
-C’est l’essentiel.
(… = Je me suis bien reposé)
 

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