Le Journal de Michel Perdrial

Le Journal de Michel Perdrial




Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

24 avril 2024


« Comment ça va les étrangers ? » C’est un Chinois qui s’adresse aux Gaulois du marché prenant le café au Maryland ce mercredi matin. Ils lui répondent « Salut l’immigré ! ». « On est chez nous maintenant, leur dit-il, fallait pas nous laisser entrer, c’est vous les étrangers. » C’est une vieille plaisanterie entre eux. Toulon qui a malheureusement été gérée par le F-Haine, il y a des années, est parmi les villes où je suis passé une des rares où je n’entends  jamais de propos racistes, qu’ils soient explicites ou sous-entendus.
C’est le troisième et dernier jour de ma tournée d’adieu aux destinations des bateaux bus. Je prends celui de huit heures pour Les Sablettes. A l’arrivée, je longe la mer jusqu’au Port de Saint-Elme où se prépare une compétition de bateaux à voiles en plastique qui font un bruit désagréable au vent. Je poursuis par le sentier du littoral jusqu’à Sainte-Asile où je trouve fermé le bar tabac du même nom. Il n’ouvre qu’à neuf heures. Il est neuf heures moins deux et rien ne bouge. N’ayant pas envie d’attendre, je fais le chemin dans l’autre sens. Trop de vent froid pour la terrasse du Prôvence Plage, un dernier regard aux Deux Frères et je rentre avec le neuf heures cinquante-cinq.
Il y a là des familles dont certaines semblent considérer ce bateau bus comme un élément d’un parc d’attraction qui s’appellerait Rade de Toulon et qui comporterait aussi la Grande Roue installée devant l’Arsenal (mais c’est plus cher). A l’arrêt Tamaris, un père monte avec son dix ans. « Oh la la, lui dit-il, il y a de la marmaille, viens on va derrière. »
« Bonjour monsieur, un p’tit café ? » me demande la serveuse du Grand Café de la Rade, tout sourire avec moi aujourd’hui, après qu’hier je lui ai dit ce que je pensais d’elle. Elle est tout aussi agréable quand elle me l’apporte.
Comme ce Grand Café de la Rade propose aujourd’hui pour formule à seize euros quatre-vingt-dix, un tajine de poulet carottes olives et une tarte Tatin, j’y reste pour déjeuner.
Si cet établissement a la meilleure vue sur l’entrée et sortie du Port, sa cuisine est médiocre. Le tajine est plutôt un poulet façon tajine et la tarte Tatin m’arrive froide après que je l’ai attendue extrêmement longtemps. Je m’en plains au patron qui me dit qu’il a un nouveau personnel en cuisine et qu’ils ne savent pas gérer. En compensation, il m’offre un café.
J’en prends un autre à La Gitane où le vent froid m’invite à ne pas rester très longtemps. D’ailleurs, il me faut rentrer pour faire ma valise et le ménage (un peu).
                                                                     *
Ça m’aurait plu de pouvoir dire au revoir au frère de Momo.
 

24 avril 2024


On baisse les joues de la terrasse au Maryland tellement il fait froid ce mardi matin. Je ne m’y attarde pas et rejoins la Gare Maritime qui est dotée d’une confortable salle d’attente.
C’est le deuxième jour de ma tournée d’adieu aux destinations des bateaux bus. J’attends celui qui part pour La Seyne à sept heures cinquante. Il arrive de là-bas et décharge sa cargaison de navetteurs ayant un emploi à Toulon. Beaucoup moins de monde dans l’autre sens, je voyage non loin de deux lectrices. Je sais seulement que l’une lit un roman édité par Stock, reconnaissable à sa couverture noire.
A l’arrivée, je fais le tour du port puis entre dans le Parc de la Navale et me rapproche du pont-levant toujours levé. Ce pont-levis muni d’un contrepoids permettait aux trains de franchir le Port pour aller des Chantiers de la Méditerranée à la Gare de La Seyne. Son utilisation débuta en mil neuf cent vingt. La délocalisation de la construction navale entraîna la fermeture des Chantiers en mil neuf cent quatre-vingt-neuf. Depuis deux mille neuf, ce pont est ouvert au public après avoir été durant deux ans entièrement rénové et stabilisé en position verticale.
A neuf heures précises, j’entre à l’accueil et y trouve deux femmes. « C’est que à pied », me dit la plus âgée qui semble douter de mes capacités. L’ascenseur, que je n'avais pas l'intention de prendre, est en panne. La plus jeune sort avec moi en grelotant pour m’ouvrir la porte d’accès à l’escalier qui permet d’atteindre le sommet. C’est gratuit et ça se grimpe facilement, niveau par niveau. Il est préférable de s’arrêter à l’avant-dernier car au-dessus c’est entouré de vitres anti-suicide qui empêchent le regard direct sur le monde alentour. Vu de là, le bateau bus a l’air d’un jouet d’enfant quand il passe à la base de cet édifice métallique. En descendant, on traverse une salle où se trouve ce qu'il reste des mécanismes d’autrefois.
De retour à l’embarcadère, je rentre avec le bateau de neuf heures quarante. Il part alors que traversent la ville les camions rouges de Dino Park « le retour des dinosaures ».
Direction le Grand Café de la Rade dont la serveuse est la seule désagréable de tous les cafés que je fréquente depuis trois semaines. En première ligne, j’ai pour voisins un couple de vieux. Elle cherche quelle heure il est, là où est sa fille. « Ça m’énerve qu’on n’ait pas tous la même heure ! »
A midi, je retourne au Mondial Café pour les farcis maison à seize euros. A l’issue de mon repas, le patron m’offre un petit verre de Get Vingt-Sept en guise d’au revoir.
Le café, c’est au France, en première ligne, malgré le petit vent frais. Celui-ci est de plus en plus frais et de moins en moins petit, au point qu’il m’oblige à rentrer.
                                                                          *
Le Pont de La Seyne, un des rares monuments publics dont les horaires d’ouverture soient compatibles avec les miens. Je  l’aurai eu cette fois encore pour moi seul.
 

23 avril 2024


Ambiance du lundi au Maryland où je prends mon petit-déjeuner. Un seul vendeur de fruits et légumes est présent pour faire marché en bas du cours Lafayette. C’est le début de ma tournée d’adieu en trois jours aux destinations des bateaux bus. Première de la liste : Saint-Mandrier par le bateau de huit heures.
Arrivé sur place, je fais à nouveau et une dernière fois le tour du vaste port, m’attardant sur un banc, côté ensoleillé, avec pour spectacle un couple qui sort un canot de l’eau.
Comme ça se couvre et que je n’ai envie de retourner dans aucun des deux cafés à disposition, je rentre avec le bateau de neuf heures trente qui est accueilli par les contrôleurs.
Le ciel bleu est de retour quand je m’installe en première ligne au Grand Café de la Rade. Avec les vacances, c’est l’apparition des pères divorcés. Un à ma gauche avec son trois ans à qui il dit : « J’appelle Mamie pour savoir quand elle te gardera. » « Allô maman, là j’ai pas été bon, j’ai emmené le petit chez le coiffeur mais c’est lundi, c’est fermé. » A ma droite un autre avec sa fille adolescente qui ronchonne : « J’ai faim, on n’a rien mangé hier soir ». Elle ne cache pas à quel point elle s’ennuie déjà.
Au Mondial Café, un seul plat est affiché, celui que j’avais demandé : souris d’agneau avec son écrasé de pommes de terre, vingt et un euros tout de même. Il y a deux ans, j’avais payé vingt-deux euros cinquante avec le quart de vin rouge.
-Vous direz merci au cuisinier, dis-je à l’aimable serveuse.
-En plus, il est parti à sept heures et demie ce matin pour aller chercher la viande, m’apprend-elle.
Copieux et délicieux, c’est mon jugement de fin de repas.
Je vais m’installer au perchoir de La Gitane. Après mon café, je relis les missives de Strindberg à l’époque de Mademoiselle Julie. Bientôt des nuages apparaissent. Il fait trop froid pour rester en terrasse. Je choisis de rentrer. Alors que je suis devant l’église des traditionalistes, il arrive sur moi et me serre la main.
-Salut, tu te rappelles de moi j’espère.
-Oui, le frère de Momo.
-Une grave nouvelle. Ma femme est décédée.
-Ah, ça arrive. Bonne journée.
 

22 avril 2024


A défaut de me risquer à la rejoindre par le bord de mer, c’est par la route que je veux atteindre ce dimanche matin la Tour Royale. Je monte pour ce faire dans le bus Trois de sept heures cinquante-neuf à l’arrêt Mayol et en descends à l’arrêt Polygone.
Près de cet arrêt s’élance vers le ciel l’église contemporaine Saint-Jean Bosco dont je fais une photo puis je marche sur l’avenue de la Tour Royale située entre deux blocs de bâtiments militaires, dont l’un abrite des essais de missiles.
Au bout de cette avenue sans issue, j’arrive à cette Tour Royale, également nommée Grosse Tour, tour à canons édifiée à la pointe de Pipady. Outre sa fonction militaire, elle a connu divers usages au cours des siècles. Après les massacres de la Saint Barthélémy, le commandant Nicolas de Pignan y donna asile aux familles protestantes toulonnaises. Dans la seconde moitié du dix-huitième siècle, elle devint une prison où les paolistes corses et les révolutionnaires croupissaient dans des conditions terribles. Au cours de la guerre franco-allemande de mil huit cent soixante-dix, elle abrita l'or de la Banque de France. Durant la Première Guerre Mondiale, de nombreux prisonniers de guerre allemands y furent internés. Pendant la Deuxième Guerre Mondiale, elle fut occupée par les soldats nazis et très endommagée lors des bombardements alliés. Désormais, elle appartient à la ville de Toulon et on peut la visiter mais seulement l’été.
Autour de cette Tour massive, je croise des personnes à chiens, des militaires qui courent et une femme qui donne à manger à des chats errants (peut-être la même qu’il y a deux ans). De la jetée qui mène à un bâtiment militaire récent, j’observe un bateau pilote qui se porte vers un ferry jaune arrivant de Corse.
A côté se trouve le parc du bathyscaphe qui donne vue sur le port de Toulon. Des Antillais(e)s sont à la fin de leur nuit avec de la musique du pays à fond. Une voiture de la Gendarmerie passe sans s’arrêter.
De retour à l’arrêt Polygone, j’ai une petite frayeur en voyant la rue barrée pour cause de triathlon. La jeune fille qui fait la police au rond-point me dit que les bus passent quand même. Une femme attend le neuf heures neuf avec moi. Elle doute de sa venue. Des coureurs cyclistes passent à fond l’un après l’autre, précédés de motards de la Police. C’est une folie de faire circuler des bus au milieu de cette compétition sportive mais elle et moi sommes contents de voir arriver le nôtre.
A neuf heures trente, je suis à la terrasse du Grand Café de la Rade juste avant que le soleil ne l’atteigne. C’est ici ce dimanche que je termine la lecture du volume deux de Correspondance d’August Strindberg. Pour ne pas alourdir mon bagage, je n’ai pas pris le volume trois. Mes derniers jours en rade de Toulon seront des jours de relecture. Derrière moi, c’est encore un couple de trentenaires atteints de gâtisme juvénile depuis qu’ils sont parents de Génération Cinquante, « Il est où le pigeon ? » « Allez, on va au tchou tchou » (le petit train pour touristes).
Le dimanche est encore une fois mon jour de couscous à l’Unic Bar, chez Béchir, puis je me dirige vers La Gitane pour le café. Tels des goélands énervés par le vent, trois curés tradis en soutane blanche s’ébattent avec quelques ouailles devant l’église Saint-François-de-Paule, assurément la plus belle de la ville. L’un d’eux rejoint une paroissienne en jupe longue et son fils à la terrasse du bar tabac, trop loin de moi pour que j’entende leur conversation.
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Ils sont nombreux à partir ceux qui s’assoient à la terrasse des grands cafés du bord de port quand ils ne sont pas servis au bout de dix minutes ou parfois moins.
 

21 avril 2024


L’île du Gaou malgré les travaux est ouverte le samedi et le dimanche, ai-je appris du site de la Mairie de Six-Fours-les-Plages. Aussi ce samedi prends-je le bateau bus de sept heures trente-cinq pour La Seyne où nous ne sommes que deux passagers. Je rejoins le point de départ du bus Quatre-Vingt-Sept pour Le Brusc. Il part cinq minutes plus tard. Je suis encore une fois le seul à aller jusqu’à son terminus, près de mon but.
Sous la passerelle qui permet d’entrer sur l’île se cache un tout petit port qui n’abrite que le bateau de pêche nommé Roumpi. Il y a deux ans, comme tout un chacun, pour faire le tour de cette île j’avais pris à droite après la passerelle. Donc cette fois je prends à gauche. Cela me permet d’être d’emblée au-dessus des plus belles pointes rocheuses attaquées par les vagues d’une mer bouillonnante et de croiser les sportifs qui courent tous dans le sens de tout un chacun.
Le chemin du tour de l’île longe des barrières en bois qui protègent la végétation, barrières qui sont l’objet d’une remise à neuf. Les travaux ont aussi pour but d’installer tous les cent mètres de grosses lances à incendie rouges. L’été, dès qu’il y a un risque de feu, l’île est fermée, de même que le sentier du littoral, plus de randonnées pour les touristes, ni d’endroits où faire pisser son chien près de la mer en regardant un beau paysage pour les autochtones.
Il est neuf heures vingt quand je termine mon tour de l’île du Gaou dans le sens des aiguilles d’une montre, l’heure à laquelle les premières familles arrivent. Un bus Quatre-Vingt-Sept est là qui part dans cinq minutes et à l’arrivée à La Seyne, je peux monter dans le bateau de dix heures cinq trois minutes avant son départ. A l’arrivée, direction le Grand Café de la Rade.
Je le constate encore une fois avec le jeune couple que je côtoie à cette terrasse : avoir un enfant nuit gravement au niveau intellectuel. Leur Isabelle rend ces parents stupides,  « C’est le monsieur qui t’a donné un gâteau, il est gentil hein ? » « Tiens, voilà les policiers, tu vas leur faire coucou. »
Leur succèdent trois filles qui ont envie de potins à se raconter. L’une a du sérieux à propos d’une connaissance commune qui a rompu avec un certain Vincent auteur d’un livre sur la Bretagne. Elle a mis ce livre sur Le Bon Coin, à donner, avec un commentaire racontant combien ce Vincent est un odieux personnage. Celle qui raconte ça lit l’annonce aux deux autres. Ce garçon en prend vraiment pour son grade.
-On avait dit lundi.
-Oui mais là je viens pour l’aïoli.
Tel est mon dialogue avec la serveuse du Mondial Café à midi. Cet aïoli à seize euros est honorable mais refroidit vite.
Je prends le café puis lis à La Réale où j’apprends que le premier rang des terrasses s’appelle pour les serveurs la première ligne. « Pas de cendriers en première ligne, ils s’envolent. »
                                                                      *
Cette histoire de Vincent, ça donnerait des idées, mais il y a longtemps que j’ai jeté le livre dédicacé de celui auquel je pense.
 

20 avril 2024


Les parasols parapluies sont de retour ce vendredi matin tout au long du Marché Lafayette, le mistral ayant momentanément disparu. Il s’agit pour moi d’en profiter en tentant de rejoindre la Tour Royale par le bord de mer à partir du Port Saint-Louis du Mourillon avec passage par La Mitre.
Pour ce faire, je prends le bus Trois à l’arrêt Mayol. Il est empli de lycéen(ne)s dont c’est le dernier jour d’école avant les vacances de Printemps. Tou(te)s descendent à l’arrêt suivant. Je peux alors m’asseoir jusqu’à l’arrêt Mitre.
La balade vers la Tour Royale est fort belle mais comporte des escaliers un peu ardus pour un vieux. Après le belvédère, j’arrive sur la petite plage de la Mitre, autrefois réservée aux militaires et à leurs femmes, et qui doit son nom au rocher entouré d’eau, sculpté par la mer, souvent qualifié de pain de sucre. Il peut faire penser à autre chose.
Des ouvriers à bétonnière travaillent à consolider la paroi rocheuse qui surplombe cette plage. Je continue sur le sable parmi les rochers dont l’un semble être une tête renversée vers l’arrière, puis à flanc de falaise, puis sur une structure en bois au-dessus de l’eau, jusqu’à une autre petite plage, Pipady, d’où j’aperçois la Tour Royale, toute proche. Elle est accessible à pied mais par des rochers partiellement recouverts par des vagues avec lesquelles il faut jouer pour ne avoir les chaussures trempées et si j’ai osé franchir ce passage dangereux il y a deux ans, là je m’y refuse.
Je retourne à mon point de départ tandis qu’un ferry quitter Toulon pour la Corse puis je poursuis jusqu’au bar tabac La Réserve et trouve une table sur sa terrasse ensoleillée pour un café lecture avec vue sur le Fort Saint-Louis et Saint-Mandrier de l’autre côté de la rade. Quand je lève les yeux de mon livre je vois passer un sous-marin. Je quitte ce lieu à dix heures trente quand arrive la jolie serveuse.
A midi je choisis Le France pour déjeuner car on y propose des moules de Tamaris avec frites maison (quatorze euros quatre-vingt-dix), « moules préparées à la minute ». Je m’installe en terrasse, au soleil, sans vent ou très peu, avec vue sur le mouvement des bateaux bus. J’espère que ces moules viennent bien de Tamaris, elles sont assez grosses et rouges, à mon goût.  Le moindre dessert étant à huit ou neuf euros, j’y renonce.
Quand j’arrive à La Gitane, le mistral reprend ses tours. Je me trouve une table à l’abri, sur le côté. Pas loin de moi un jeune couple est en crise. « Même quand c’est bien, ça va pas, lui dit-elle. Moi j’en ai marre, ras le cul. Qu’est-ce que tu fais là avec moi aujourd’hui ? » Il ne répond pas grand-chose et trop bas pour que j’entende. « Tu pourras m’emmener à Pampelune, ça changera rien à l’affaire, tu me rends malheureuse. » Elle va payer. Ils s’en vont. Il marche les mains dans les poches.
                                                                         *
Je découvre que je ne suis pas le seul à déplorer le manque de bancs publics dans cette ville où je loge provisoirement. Un collectif d’artistes s’en soucie, les Robins des Bancs.
« A Toulon, les Robins des Bancs ont constaté une absence quasi-totale de bancs dans le centre-ville. Ils se sont alors donnés pour mission de rendre aux usagers de la ville un droit fondamental : le droit de s’asseoir ! »
« En 2022, les Robins des Bancs ont lancé l’opération « Sortez vos chaises, soyez à l’aise ! » Les Robins invitent les commerçants à sortir une ou deux chaises pour permettre une « Pause Minute » aux passants. »
Ils publient la Carte des Assises Toulonnaises qui « recense les endroits où s’asseoir dans Toulon. Les bancs verts représentent une assise publique. Les chaises représentent les commerçants mettant au moins une chaise à la disposition de tous pendant leurs heures d’ouverture, rouge si elle est à l’extérieur, violette si elle est à l’intérieur. »
                                                                         *
Thierry Turpin, journaliste à La Marseillaise, à propos de la demande des Robins de davantage de bancs à Toulon : « Une requête sur laquelle il est difficile de s’asseoir. »
 

19 avril 2024


Encore un mistral froid ce jeudi matin, il souffle tout autant. Pourtant certains commerçants du marché ont ressorti les parapluies, bien fixés au sol.
A huit heures, inaugurant ma troisième carte de sept jours en illimité dans le Réseau Mistral, je prends le bateau bus pour Les Sablettes. A l’arrivée, je tourne à gauche au bout du ponton et marche comme je peux jusqu’au coin des mytiliculteurs et des ostréiculteurs. Ils sont une dizaine à se partager la Baie de Tamaris et le Port du Lazaret et on vient jusqu’à eux plutôt en voiture.
Ces éleveurs d’huîtres et de moules vendent une partie de leur production sur place mais on ne se sent pas désiré dans cet endroit aussi désordonné qu’une cour de ferme où les employés conduisent à toute allure des chariots élévateurs et des bateaux à fond plat. J’ose entrer chez l’un d’eux, Maison Giol, pour voler quelques photos.
Derrière se situe l'Espace des Chapiteaux de la Mer. Il est composé de trois chapiteaux blancs, un grand pour des spectacles de cirque contemporains, un presque grand pour la formation des professionnels et des amateurs du cirque et 'un petit pour la buvette d’avant les représentations. Tout est fermé.
Je reviens vers l’embarcadère avec la certitude qu’il vaut mieux voir ça d’un peu loin. Du bateau bus, les chapiteaux blancs servent de point de repère longtemps avant l’arrivée aux Sablettes. Les bâtiments de la zone conchylicole et aquacole sont longés par ce même bateau, notamment les jolis cabanons sur pilotis, certains en ruine.
Avec le mistral toujours soufflant froid, je rentre par le bateau de neuf heures cinquante-cinq, quand même plus secoué que d’habitude car la rade finit par être rendue remuante par le vent incessant. Au retour à Toulon, je trouve une place partiellement abritée en terrasse au Grand Café de la Rade.
A midi, je déjeune à l’intérieur de la Brasserie Le Zinc, en entrée œufs de Mamé anchois persillade et en plat du jour une escalope de veau coupée en trois avec de longues pâtes chiantes à manger, le tout portant un nom italien pour l’enjoliver. Le service est inexpressif sauf pour les amis, la salle à suspensions et banquettes rouges, l’addition à dix-huit euros. On ne m’y verra plus.
Malgré le vent, mon café lecture se déroule une nouvelle fois à La Réale et au soleil. Le plus fatigant avec cet incessant mistral, c’est le bruit qu’il fait dans les mats des voiliers qui ne quittent jamais le port.
                                                                      *
Tamaris et Les Sablettes font partie de La Seyne-sur Mer mais huîtres et moules de La Seyne ou plage de La Seyne, cela ferait moins envie, rapport au passé industriel de la ville.
                                                                      *
« Le merci, c’est pour les chiens ? » me demande aux Sablettes une automobiliste que je viens d’obliger à s’arrêter pour me laisser traverser sur le passage piéton. Cela dit en accélérant juste derrière moi.
Je ne peux donc pas expliquer à cette femme qu’on n’a pas à dire merci quand on est prioritaire. Alors, pour l’énerver encore plus, je lui fais un doigt d’honneur.
 

18 avril 2024


Ce mercredi matin, je suis dans le bateau bus parti à six heures trente en direction de La Seyne, le jour pas encore levé, le Fort de Six-Fours éclairé là-haut sur son sommet. J’ai un rendez-vous à neuf heures et prévois large comme toujours. La traversée est tranquille. Le mistral n’a aucune incidence sur l’état de la mer dans la rade de Toulon. Les flots y sont légèrement agités qu’il vente ou non.
Arrivé à La Seyne, j’attends un petit quart d’heure le bus Douze qui va à Ollioules. J’en descends à l’arrêt Ollioules Centre et achète un pain au chocolat à un euro dix à la boulangerie que je rencontre en me dirigeant vers la place de la Mairie et de l’église et des cafés.
Le bar tabac La Régence est ouvert mais le mistral souffle si froid qu’il n’est pas envisageable de s’asseoir à sa terrasse qui de plus est à l’ombre. Je trouve place à l’intérieur avec la télé de Bolloré allumée heureusement sans le son. Ma viennoiserie mangée et mon allongé à un euro soixante bu, je me mets à la lecture de la Correspondance de Strindberg.
À neuf heures, j’entre chez Steph Bien-Etre, rue Baudin. C’est elle-même, et non pas sa collègue de La Parenthèse, à qui j’avais eu affaire précédemment, qui me masse pendant une heure contre la modique somme de vingt euros. Le prix n’a pas été augmenté malgré l’inflation cependant il faut désormais fournir ses serviettes. Le massage de Stéphanie est fort bon mais comme la deuxième fois, c’est toujours moins bien que la première, je ressors de là pas autant content qu’il y a deux ans.
Je fais ensuite le tour d’Ollioules, cette charmante bourgade dominée par les ruines de son château et coincée derrière La Seyne entre Toulon et Sanary. J’en prends quelques photos sous le ciel radieux. J’emprunte ensuite la promenade aménagée qui longe le petit fleuve nommé La Reppe puis comme la terrasse du seul restaurant possible, Le Papillon, est à l’ombre et balayée par le vent, je rentre à La Seyne par le premier bus Douze qui passe, ensuite un petit coup de bateau pour Toulon.
A midi, je déjeune au Mondial Café d’une andouillette frites tomate provençale à seize euros qui me déçoit un peu. Je dis à la serveuse qu’il y a deux ans j’ai beaucoup aimé leur souris d’agneau et que je suis désolé de ne plus en trouver sur la carte. Elle me dit qu’elle va voir ça avec le cuisinier puis revient en m'annonçant que lundi j’aurai ma souris d’agneau. Ce cuisinier n’est pas le patron, comme je le croyais. Ce dernier est encore plus vieux qu’il en a l’air. « Et tu n’as pas d’arthrose ? » lui demande un habitué. « Non, y a juste un machin qui marche moins bien. »
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Pour le café verre d’eau lecture, je retrouve la terrasse de La Réale, soleil à tribord, vent dans le dos. Trois vieilles à mon exemple s’assoient dehors. « On est vaillantes », dit l’une. A la première bourrasque, « Non non », elles filent à l’intérieur.
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Le sympathique « Eh bonjour ! » des serveurs et serveuses des cafés de Toulon, suivi d’un « Allez ! » quand la commande est passée.
A comparer avec le mécanique bonjour des serveuses rouennaises du Socrate, suivi d’un « Pas de souci » quand on leur a passé commande.
 

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