Le Journal de Michel Perdrial

Le Journal de Michel Perdrial




Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

9 octobre 2022


A Toulon, c’est toujours le samedi qu’il pleut. Après mon petit-déjeuner au Maryland, je vais prendre un autre café au bar crêperie du port nommé Le France puis j’y lis Léautaud jusqu’à ce qu’il soit bientôt onze heures.
J’arrive devant l’Ancien Evêché, cours Lafayette, pour l’ouverture de l’exposition Design Parade Toulon organisée hors les murs par la Villa Noailles. Elle montre le travail des dix jeunes lauréats du sixième concours d’architecture intérieure, dont le thème était cette année « une pièce dans une maison au bord de la Méditerranée ».
Dans l’entrée, ça bouchonne à cause d’un lot de familles, dont l’une venue avec le vieux père à qui il faudra indiquer toutes les marches. Je me faufile et demande à une accueillante par où passer pour monter dans les étages. « Vous voulez voir quoi ? », me demande-t-elle. « Peu importe, je veux fuir cette foule. » Elle me montre où trouver l’escalier de l’une des ailes du bâtiment. Me voilà seul mais, arrivé en haut, une autre accueillante me dit que pour aller plus loin il faut retirer ses chaussures. « Non désolé, ça me gave, ça me saoule. »
Redescendu, je trouve l’escalier de l’autre aile et ne rencontre pas d’obstacle à mon entrée dans les différentes salles.
Je me rends compte que la seule chose qui m’intéresse vraiment dans ces propositions d’intérieurs méditerranéens, ce sont les livres posés çà et là comme éléments de décor, un Hervé Guibert, un Milan Kundera, un Paul Valéry.
Tout le reste glisse sur moi. Je n’éprouve pas le besoin de m’informer sur les créateurs et leurs propositions. J’en fais néanmoins des photos, et aussi du bâtiment.
A onze heures trente, je suis dehors, me demandant comment occuper la demi-heure avant de pouvoir me présenter chez Côté Cochon.
Car c’est là que je déjeune encore une fois, à l’abri sous le tivoli installé au fond de la terrasse, de la formule plat dessert café. Je choisis le galetou « Cochon » (émietté de cochon à la broche, pommes de terre et jus de thym, dans une galette de sarrasin) puis une mousse au chocolat noir que m’apporte une nouvelle serveuse. « Je débute », me dit-elle. Elle a les mêmes grandes lunettes que la boulangère de Campaillette. Un moment, j’ai cru que c’était elle.
Près de moi mangent une quadragénaire et son invitée sexagénaire un peu amortie à qui elle raconte son nouvel appartement. « J’ai acheté une console Art Nouveau pour ma chambre », lui dit-elle. Car elle vit seule. Une console, ça console.
                                                                        *
Point d’autre café à La Gitane. D’une part, le temps est toujours mauvais. D’autre part, à dix-sept heures, il y a « le match » à Mayol.
                                                                        *
Je n’y connais heureusement rien en rugby, sinon le résultat du match, quarante-sept à zéro contre Brive, me donnerait à penser.
 

8 octobre 2022


Cette fois, pas question de faire demi-tour. Pour ne pas avoir trop chaud, je prends tôt, devant le Stade Mayol, un bus Mistral numéro Trois direction Le Mourillon et en descends à l’arrêt Mitre à hauteur du Port Saint-Louis. Là commence le chemin côtier qui doit me mener à la Tour Royale marquant l’entrée du Port de Toulon.
J’assiste au lever du soleil (qui vaut bien son coucher) puis me lance sur un chemin d’abord dallé car desservant de pimpantes villas. Après le belvédère (nul nudiste en contrebas à cette heure), il devient de terre et les rochers léchés par la mer me font penser à la Bretagne.
Un rude escalier, heureusement à descendre, me conduit sur la plage de la Mitre connue pour « son rocher en forme de pain de sucre ». Sous un certain angle, j’y vois une belle bite.
Après cette plage de gravier est un petit bout de chemin bétonné au-dessus de la mer puis il n’y a plus rien. Il faut passer d’une pierre baignant dans l’eau à une pierre baignant dans l’eau. Un panneau interdit de le faire en cas de mer agitée. Ce matin, c’est fort calme mais, avant de me lancer, j’attends qu’arrive quelqu’un d’en face. Une coureuse se jouant des difficultés avec l’aisance de la jeunesse me démontre que l’on peut passer.
J’avance prudemment sur ces pierres bien qu’elles ne bougent pas et ne soient pas glissantes. Un pas après l’autre, j’arrive au bout de ma peine et à la Tour Royale. C’est militaire, on ne peut pas entrer, mais il est possible de la contourner.
Je suis alors dans un espace public avec bancs et jeux pour les enfants. De cet endroit le Port de Toulon semble proche. J’assiste de loin à l’entrée d’un sous-marin dont les hommes sont alignés sur le pont. J’entends la trompette du lever des couleurs dans la Tour. Je me dis « Marchons Marchons ».
Au bout de ce parc est un autre terrain militaire. Un aimable balayeur municipal m’explique comment passer par une propriété privée pour rejoindre un bassin du port de plaisance, mais de nouveau l’armée est là avec l’entrée de la Caserne du Mourillon et en face un long et haut mur de pierre qu’il me faut longer. Je dois ensuite contourner la partie du Port réservée aux ferries. Je commence à en avoir plein les pieds quand je vois surgir ma délivrance, le Stade Mayol. La boucle est bouclée (comme on dit).
Il ne me reste plus qu’à aller par le quai jusqu’à la Station Maritime d’où partent et arrivent les bateaux bus et je m’assois presque en face, au Grand Café de la Rade. Il n’est que dix heures. J’ai du temps pour me remettre de mon exploit en lisant Léautaud. De ma table, j’ai quand même la vue sur la mer entre les deux bateaux de riches. Sur l’un un jeune homme, sur l’autre une jeune femme, astiquent. Ça sent le travail que l’on fait parce qu’il faut bien s’occuper.
A midi, comme c’est vendredi, je vais manger l’aïoli chez Béchir. Pour préserver mon foie, je n’essaie pas d’obtenir un supplément de mayonnaise aillée.
Ma place est libre pour le café à La Gitane. Le ouiquennede n’a pas commencé mais il y a déjà foule à Toulon. Près de moi est une jeune femme qui a invité ses parents, une mère grincheuse et un père amorti. Elle se donne beaucoup de mal pour que ce moment en soit un bon, ou du moins en ait les apparences. Une voisine photographie le trio. « Je vais l’envoyer à Natacha, vous allez voir, elle va dire qu’on a de la chance ».
 

7 octobre 2022


Ce jeudi matin, j’attends un bus Mistral numéro Trois à l'arrêt Mayol, face au stade, qui est une église pour certains. Passe d’abord un bus U plein comme un œuf, au point que ses portes ont du mal à se refermer (il dessert les Universités), puis arrive un Trois plutôt chargé car c’est l’heure d’aller au travail. Il se vide en cours de route et je suis le seul à descendre quand il atteint l’arrêt Mourillon, son terminus.
J’ai besoin de revoir ce quartier de Toulon, sa succession de petites plages (anse des Pins, anse de la Source, anse Mistral, anse du Lido), le Port Saint-Louis et le Fort Saint-Louis construit dans l’eau (c’est militaire, défense d’entrer). Car à mon premier passage, il faisait trop chaud. Cette fois, il fait beau et doux. De plus, je sais mieux où je suis. Et ce que je vois en face n’a plus de secret pour moi.
Il n’empêche qu’encore une fois, je m’arrête près du Fort, à la terrasse surélevée du bar tabac La Réserve, où le café n’est qu’à un euro soixante. J’y lis Léautaud en ayant à bâbord la Presqu’île de Giens et à tribord la Presqu’île de Saint-Mandrier.
Quand je reprends la marche le long de la mer, je découvre un sentier bien aménagé qui d’après deux dames que je croise permet de rejoindre la Tour Royale. Il est dix heures quand j’arrive au belvédère de la Mitre (juste en-dessous est une petite crique que l’on ne peut rejoindre qu’en nageant et où se montrent quelques nudistes). J’ai bientôt trop chaud car je marche avec sur ma droite une paroi rocheuse qui fait office de cuiseur. Aussi j’arrête là et rentre avec le premier bus Trois.
Descendu à Mayol, j’achète pêches et nectarines à mes marchandes habituelles du cours Lafayette car oui, je mange le soir (un yaourt et un fruit) puis je vais prendre un autre café à la terrasse du Grand Café de la Rade, furieux de découvrir que des bateaux de riches sont désormais garés devant, cachant de leurs trois étages une partie de la sortie du port.
Mon déjeuner est sous l’un des oliviers de La Feuille de Chou, faux-filet grillé sauce moutarde à l’ancienne et brioche perdue au caramel mais le café qui suit n’est pas pour La Gitane où trois pignoufs occupent ma place.
La terrasse ombragée d’un bar crêperie dont j’oublie de noter le nom, proche de l’Hôtel de Ville, avec vue sur les fesses de la statue du port, m’accueille. Près de moi sont des employées de cette Mairie. Des histoires de collègues occupent leur conversation.
Sur le quai passe un groupe de vieilles et de vieux qui va faire le tour de la rade en bateau. Elles et eux sont pris en charge par une association caritative, comme l’indique le ticheurte rouge qu’on leur fait porter, avec inscrit dans le dos Les Petits Frères des Pauvres.
Comme dans la chanson de Jacques Brel, il faut reconnaître ses pauvres à soi. Les montrer aussi.
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Rentré à mon logis provisoire, j’apprends qu’Annie Ernaux a reçu le Prix Nobel de Littérature. Tout le monde semble s’en réjouir. Moi itou. J’aime la plupart de ses livres, mais je ne partage pas ses prises de position politiques alignées sur celles de La France Insoumise.
Malheureusement, il semble que ce soit plus pour ses idées politico-sociales que pour ses qualités d’écriture qu’elle ait reçu ce prix.
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Pour Paris Normandie, c’est : « La Cauchoise Annie Ernaux a reçu le prix Nobel de la littérature. ». Ces journaux régionaux ne voient jamais plus loin que leur nombril. A noter aussi l’article devant le mot littérature.
 

6 octobre 2022


« Non, il n'y a aucun incendie en ce moment. Ce que vous voyez dans tout Toulon est uniquement de la brume marine, autrement dit « la Sague » alors n'encombrez pas les services de secours pour rien. », informent les autorités de la ville mardi peu avant la tombée de la nuit. De mon quatrième étage, je vois bien ce que je prenais pour une colonne de fumée et n’en est donc pas une. Jamais encore, je n’avais entendu parler de cette sague 
Ce mercredi matin, quand je me dirige vers la Station Maritime, le ciel est noir de l’autre côté de la rade et il le reste quand je la traverse dans le bateau bus qui va aux Sablettes. Je commençais à me languir de ce mode de transport. Bien qu’il n’y ait pas de vent, la mer bouge, ça tangue un peu et j’aime bien.
A l’arrivée, je traverse le parc Fernand-Braudel pour passer de l’autre côté de l’isthme. Me voici à nouveau face à l’anse des Sablettes et à sa belle plage. Au bout du Cap Sicié, les Deux Frères sont sombres, pas encore réveillés semble-t-il (ils sont nés de la même mer, disait la cabinière du téléphérique du Mont Faron).
Je marche dans leur direction, d’abord sur la promenade bordée de restaurants, puis sur le sable mouillé (le seul que je supporte), ensuite je me heurte à des tas de propriétés privés et ne peux aller plus loin.
Tandis que le ciel se dégage et vire au bleu, je reviens sur mes pas pour aller boire un café verre d’eau à un euro soixante-dix à la terrasse de bord de mer du Prôvence Plage.
Je lis là Léautaud en me mêlant mentalement de la vie des autres. Une quinquagénaire arrive avec deux hommes de son âge qui se mettent en maillot et plongent illico tandis qu’elle ne se trempe que les jambes en soulevant sa robe. Sont-ce ses mari et amant ? J’aimerais avoir l’audace de lui poser la question quand elle remonte avec le duo rhabillé.
Vers onze heures, je reprends la marche, dans l’autre direction, jusqu’au port de Saint-Elme. En ce jour de congé, de la jeunesse s’exerce à la voile, tandis qu’un original traverse le bassin sur une caisse à savon flottante immatriculée comme une voiture.
A midi, je reviens au Prôvence Plage pour déjeuner de sa formule plat dessert verre de vin café à dix-sept euros quatre-vingts. C’est d’abord un pavé de bœuf bien tendre puis une tarte normande qui me rappelle le pays.
A l’issue, je prends un autre café que je fais suivre d’un long moment de lecture. C’est une journée de fainéant, mon inaction étant encouragée par la beauté de l’anse.
Au retour, durant la traversée et à l’arrivée dans le port de Toulon, j’essaie de photographier ce qui est à portée d’œil, mais ce n’est pas simple quand ça bouge. Je réussis quand même un Hôtel de Ville presque droit. Ce n’est pas le plus beau bâtiment de la ville, loin de là, mais comme disait mon chauffeur de l’autre jour dans la Presqu’île de Giens, on finit par s’y faire. Je fais aussi une photo de face du Dixmude, le porte-hélicoptère amphibie. Il n’a pas bougé depuis mon arrivée. Il illustre parfaitement l’expression « être en rade ».
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Aux Sablettes, rue Pablo-Picasso, un salon de coiffure Miss t’Hair. Et un Hôtel George Sand en bord de mer, elle séjourna juste à côté à Tamaris avec un jeune amant et est l’auteure d’un roman portant ce nom.
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A Bandol, un Espace Culturel Paul Ricard. A La Seyne, un Centre Culturel Henri Tisot. C’est un département où on aime les intellectuels.
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Dans le Var Matin du jour, lu au Maryland, le début du procès de l’homme qui, après avoir étranglé sa femme, a jeté son corps du haut du Mont Faron.
 

5 octobre 2022


C’est le dernier jour de validité pour ma carte d’abonné mensuel aux cars Zou ! du Var. En l’utilisant ce mardi pour retourner à Bandol avec le sept heures quarante-cinq, je réussis juste à l’amortir.
Descendu au terminus, devant le Casino, je longe le port sans rien en voir, la faute au marché qui n’a de remarquable que sa longueur. Bandol est une ville de riches avec des boutiques et des commerces ambulants de piètre qualité. C’est étrange. Quand j’arrive au dernier éventaire, je respire un peu et fais ce que la chaleur m’a empêché de faire la première fois, le tour de la presqu’île qui n’a pas de nom, en face de laquelle se trouve, très près, l’île de Bendor, qui appartenait à Paul Ricard. Un engin de démolition y met bas un immeuble. Je termine mon tour juste avant d’être à la plage de Renécros, à la hauteur du Trou Madame, et rentre par l’intérieur, empruntant un boulevard Louis-Lumière qui n’est qu’une rue étroite et éteinte.
Au niveau de l’Office de Tourisme commence le boulevard Victor-Hugo où, au numéro dix-sept, doit se trouver l’agence d’architecture de Rudy Ricciotti. A cet endroit, le boulevard devient une montée sans autre issue qu’un escalier qui mène dans les hauteurs et je ne vois là qu’une villa rouge nommée La Tartane dont le portail, rouillé et envahi par une végétation luxuriante, pourrait donner à penser que c’est inhabité. Je me demande si je suis au bon endroit.
Une vieille dame à béquilles est assise sur le muret. Elle m’interpelle à propos du chat qui est devant ce portail. « Il n’est à personne, me dit-elle, tout le monde lui donne à manger, il aime bien aller chez monsieur Ricciotti. » Je suis donc au bon endroit. « Ils sont plusieurs à l’intérieur à travailler », m’explique celle qui est sa voisine. Elle me raconte aussi qu’elle a été renversée par une voiture il y a trois ans sur un passage pour piétons et que depuis elle est handicapée.
Du bruit se fait entendre dans le jardin de la maison rouge. « Tenez, quelqu’un vient », me dit-elle. Une clé tourne dans le portail et sort, non pas le patron, mais un de ses collaborateurs avec un café et une cigarette. Tandis que la voisine rentre chez elle, j’explique à ce trentenaire que j’étais en train de faire une photo de la maison, que je ne connais pas Rudy Ricciotti mais que j’ai suivi à Rouen sa visite guidée de ce qui devait être la Médiathèque et que j’aime ses propos provocants quand je l’entends sur France Culture. « Oui, il est un peu rentre-dedans, me dit-il, mais c’est une façon de se protéger. » Il me dit aussi qu’il a de la chance de travailler ici et je le laisse à sa pause.
Cette maison rouge est davantage visible quand on redescend sur le port, où on a du recul, et je la photographie une dernière fois. De sa terrasse, la belle vue est assurée sur la baie.
Un peu plus loin, je trouve à m’asseoir au premier rang de la terrasse de L’Amiral, un des restaurants présentables de Bandol, avec vue sur la route et sur le marché qui gâche le port. Le café y est à un euro quatre-vingts, moins cher qu’au petit Flament B situé à l’autre bout de la promenade en béton, ce matériau que chérit Ricciotti.
Je lis Léautaud jusqu’à ce qu’il soit temps de retourner devant le Casino. Je valide une dernière fois ma carte d’abonné mensuel dans le car Zou ! d’onze heures. Il me permet d’être à midi attablé sous un autre des quatre oliviers de la terrasse de la Feuille de Chou.
Aujourd’hui, c’est blanquette de veau pommes vapeur. Quand je vais payer au comptoir, la jeune serveuse m’apprend qu’un petit digestif à la menthe m’est offert puisque je viens tous les jours. « Attention, lui dis-je, il n’est pas sûr que je vienne toujours tous les jours ».
                                                                           *
A Bandol, Rudy Ricciotti a construit une villa avec piscine aquarium. On peut la louer sur Air Bibi.
En saison, c’est mille cinq cent soixante-dix euros par nuit (sur la base de huit adultes, sans les frais et taxe de séjour, prix été deux mille vingt et un).
 

4 octobre 2022


Je n’en ai pas fini avec Sanary, raison pour laquelle je prends une fois de plus ce lundi le car Zou ! de sept heures quarante-cinq terminus Bandol, dans lequel les arrêts ne sont pas annoncés. En conséquence, je demande au chauffeur de me faire descendre à La Micheline. Pas de femme bavarde assise derrière lui pour le distraire, il n’oublie pas de le faire.
Cet arrêt est proche du marché de Sanary que je longe par l’extérieur. Arrivé au port, je poursuis sur le quai jusqu’à une route interdite à la circulation. C’est la promenade des Baux. Elle ne va pas très loin, se heurtant à des propriétés privées. Pour continuer par la corniche, il faudrait monter un escalier de dingue.
Je m’en abstiens, fais demi-tour et passe par le boulevard Courbet, une simple allée piétonnière avec des marches pour faciliter la montée. C’est en même temps le chemin de croix des Sanaryen(ne)s, un chemin de croix peinard qui mène à la chapelle Notre-Dame de la Pitié, dans laquelle on semble être en prière permanente. Vient ensuite le mal nommé chemin de la Corniche, qui est une route goudronnée plus large que le boulevard Courbet. Entre deux villas on a la vue sur la ville, le port et le large.
Je cherche et trouve la Villa La Tranquille dans laquelle vécurent quelques mois Thomas Mann et sa femme Katia, qui eurent ensuite la chance d’émigrer aux États-Unis. Cette modeste maison fait l’objet d’un permis de construire pour agrandissement et j’apprends même, en lisant le panneau explicatif, que ce n’est pas la vraie, qui fut remplacée par une batterie anti-aérienne en mil neuf cent quarante, puis reconstruite. Au moins, je sais ce que voyaient l’écrivain et sa femme quand ils quittaient leur logis provisoire.
En redescendant, je me mets à la recherche du Moulin Gris, la villa où résidaient Franz Werfel et sa femme Alma Mahler Werfel. Je l’ai manquée en montant, et pour cause, elle n’est pas au numéro indiqué sur le dépliant « Les artistes étrangers à Sanary 1925 - 1940 », pas au neuf mais au dix-neuf du chemin de la Corniche. Elle est bien grise en effet, cette tour coincée entre deux cyprès, mais il y a son côté donnant sur la mer que je ne peux voir. Eux s’en sortirent en fuyant à travers les Pyrénées en compagnie d’Heinrich et Golo Mann, grâce à Varian Fry.
Cela accompli, revenu au port, je prends place à une table de premier rang à la terrasse de La Marine et y bois un café qui ne coûte qu’un euro soixante, puis j’y lis Léautaud jusqu’à ce que l’heure du car de retour approche, tout en m’amusant de ces bicyclistes et de ces adeptes de la trottinette marchant à côté de leur engin pour obéir à la loi municipale.
En retournant à La Micheline, je passe par l’Office de Tourisme pour me procurer un plan de Bandol, car je n’en ai pas fini avec Bandol, et je signale à la responsable l’erreur de numérotation sur le dépliant des artistes étrangers à Sanary. « Vous êtes la première personne à nous le dire depuis trois ans que ce document existe », me dit-elle en notant la correction à faire sur son ordinateur. Je n’entreprends pas de lui expliquer que les écrivains ne sont pas des artistes.
Revenu à Toulon, je déjeune une fois de plus à La Feuille de Chou où il ne reste que quelques tables en terrasse. « C’est l’automne, me dit la jeune serveuse auprès de qui je m’en étonne, voyez, je suis frileuse, j’ai mis le blouson. » « Oui, fini le crop top », lui réponds-je. « C’est vrai », conclut-elle prudemment.
Aujourd’hui, c’est une brandade de morue que je déguste sous l’un des quatre oliviers. A l’issue de ce repas, je vais pour un café Léautaud à La Gitane où l’on a rangé les parasols, le soleil étant devenu supportable.
                                                                    *
Octobre est là, qui ne change rien pour moi, mais plus de marché du tout le lundi matin sur le cours Lafayette, ce qui permet de le découvrir à l’état naturel (si je puis dire), une magnifique allée arborée. Et ma boulangerie habituelle n’est pas ouverte à sept heures. La concurrence l’est, où le pain au chocolat est moins cher de dix centimes et tout aussi bon.
 

3 octobre 2022


Hyères, c’est la Presqu’île de Giens, Porquerolles, Port-Cros, l’Ile du Levant, la station balnéaire aux multiples palmiers et aux villas Belle Epoque. C’est aussi un centre médiéval et je veux le visiter ce dimanche. François Truffaut y tourna son dernier film Vivement dimanche !
Je prends donc encore une fois le car Zou ! direction Saint-Tropez et en descends à son seul arrêt hyérois. Me trompant de direction, je découvre le joli Casino de la ville. Une autochtone au bras dans le plâtre me dit de la suivre pour arriver à la majestueuse Porte Massillon qui est l’entrée principale des rues médiévales. La plus pittoresque étant celle que je trouve tout de suite à gauche, la rue des Porches, quasiment couverte.
Revenu rue Massillon, je la monte jusqu’à la Tour des Templiers puis j’atteins la Collégiale Saint-Paul. Sur le parvis de celle-ci, un panorama permet de voir la ville aux palmiers, la Presqu’île de Giens et ses trois îles et le Massif des Maures. En me retournant, j’aperçois là-haut, au-dessus de cette vieille ville, un bâtiment d’’architecture moderne. Je demande à un autochtone à baguette de pain s’il s’agit bien de la Villa Noailles.
Il me le confirme et me dit que s’il faut monter pour l’atteindre, c’est tout à fait faisable. Il me conseille de passer par la Collégiale. Ça grimpe, c’est dur, je m’épuise, suis totalement essoufflé et dois faire une pause.
Enfin je suis devant le bâtiment construit par l’architecte Mallet-Stevens pour Charles et Marie-Laure de Noailles. Cette villa blanche aux lignes pures est partiellement en travaux pour « la réfection du bâtiment dit des Garages ». Marie-Laure, Charles et leurs ami(e)s ne montaient pas ici à pied.
Je fais quelques photos de ce lieu dans lequel nombre d’écrivains et d’artistes sont venus. C’est ici que Man Ray a tourné Les Mystères du château de Dé et que Luis Buñuel a écrit le scénario de L'Âge d'or. Depuis les jardins, c’est la même vue qu’au panorama de la Collégiale, de plus haut. Une exposition est en cours, dont je me désintéresse.
En redescendant la rue Saint-Bernard, je passe devant une plaque indiquant qu’ici a vécu Ambroise Thomas, « l’immortel auteur de Mignon ». Arrivé à proximité de la Collégiale, je trouve la rue Paradis et sa belle Maison Romane puis le rue Sainte-Claire où dans le Castel Sainte-Claire vécut Edith Wharton.
Je ressors de la ville médiévale comme j’y suis entré, par la Porte Massillon. Arrivé à Hyères à neuf heures dix, je la quitte à onze heures avec un car Zou ! ponctuel. Pour sûr, j’ai bien employé cette matinée de dimanche. Je n’avais jamais mis le pied avant ce jour dans le centre médiéval d’Hyères, ni vu la Villa Noailles, deux belles découvertes.
Comme le Mondial Café est ouvert sept jours sur sept, j’y déjeune d’un burgueur, cette fois au munster. De nouveau, je constate que souvent, la deuxième fois est moins bien que la première. La viande que j’avais demandée saignante est trop cuite. Ni la patronne, ni le cuisinier ne m’en demandent des nouvelles.
Le beau temps calme me permet de boire le café sur ma chaise haute de La Gitane puis d’y lire longuement Léautaud.
                                                                       *
Il y a une Villa Léautaud à Hyères, qui fut celle du comte de Léautaud Donine, rien à voir avec la famille de l’écrivain. En mil huit cent quatre-vingt, ce comte fit percer la terrasse de sa villa pour laisser passer la tête d'un palmier qu'on dit avoir été planté par Lamartine.
                                                                       *
Un autre Hyérois : Alexis Godillot. Il fit fortune en chaussant l’armée napoléonienne et posséda jusqu’à un quart de la ville.
                                                                      *
« Hyères encore, j’avais vingt ans », me suis-je chanté quand je manquais d’air dans la rude montée vers chez les Noailles.
 

2 octobre 2022


Avant que le bus Mistral Soixante-Sept vers La Tour Fondue ne cesse de fonctionner, je le prends encore une fois à son départ d’Hyères où m’a encore conduit un car Zou ! et j’en descends à l’arrêt Bona, du nom de la plage proche.
Je longe celle-ci vers le haut de la Presqu’île de Giens, passe devant le renommé Hôtel de la Potinière, trouve un petit coin de bateaux de pêche, dont l’un appelé Calimero, et arrive dans un complexe d’immeubles d’habitation avec bassins à bateaux de plaisance, une sorte de marina, Port Saint-Pierre. Le dernier immeuble témoigne d’une dure réalité. Ses portes et ses fenêtres sont murées. Il est couvert de graffitis. C’était le Yacht Club et son restaurant.
La plupart des rez-de-chaussée sont occupés par des restaurants. Je m’arrête à la terrasse de Madame M pour y boire un café à un euro quatre-vingts puis y lire Léautaud devant les bateaux. Le vent souffle encore. Mes voisins s’en plaignent au patron qui leur répond : « Ne dites pas du mal du mistral, c’est mon nom. »
A midi, je vais à la crêperie Tata Suzette et y commande un tartare à l’italienne dont le prix est raisonnable pour un samedi. C’est un endroit où le service est efficace et impersonnel. Avec le quart de vin rouge, j’en ai pour vingt euros.
L’arrêt de bus La Gavine se trouve à proximité où je n’attends qu’une minute mon dernier Soixante-Sept. En revanche, je dois (im)patienter vingt-cinq minutes à Hyères avant que se présente le car Zou ! qui va à Toulon. Cette fois, il est bien à l’heure.
Arrivé au but, je vais boire un café à La Gitane mais j’en suis encore une fois chassé par « le match » à la télé, dont le son se répand à l’extérieur.
J’ai un autre déboire en rentrant : plus de ouifi. Cela s’est déjà produit une fois, mon logeur étant intervenu rapidement sur la boxe qui se trouve dans l’appartement d’en face, mais cette fois il est absent.
                                                                     *
Officiellement, j’ai une logeuse. Dans la réalité, c’est un logeur. Il est plutôt sympathique. Et efficace en cas de souci. Lorsqu’il est là.
Je n’ai pas à me plaindre de mon studio. Il est situé en plein centre du vieux Toulon dans un endroit calme de jour comme de nuit et il m’est loué à un prix modéré.
Il a quand même un sérieux défaut : les toilettes n’ont pas de porte.
Ce n’est pas gênant quand on y est seul. Pour un couple, même si on ne s’appelle pas Ariane et Solal, cela peut s’avérer problématique.
 

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