Le Journal de Michel Perdrial
Le Journal de Michel Perdrial



Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

En lisant Le Prolifique et le Dévoreur de Wystan Hugh Auden

6 septembre 2017


Une récente lecture du soir : Le Prolifique et le Dévoreur, recueil de réflexions écrit par Wystan Hugh Auden au cours du printemps et de l’été de mil neuf cent trente-neuf, puis abandonné. Il ne sera publié aux Etats-Unis qu’en mil neuf cent soixante-seize, trois ans après la mort de celui qui est surtout connu comme poète. La version française est sortie chez Anatolia/Les Editions du Rocher en deux mille trois. J’en retiens une partie de ce qu’il dit des artistes et des politiciens :
Nous ne reprochons pas aux artistes du passé d’avoir nourri des croyances religieuses ou politiques différentes des nôtres. En revanche, nous en faisons grief aux artistes d’aujourd’hui, parce que notre époque nous déroute et que, désespérément désireux de trouver les réponses à nos problèmes, nous blâmons sans distinction tous ceux qui sont incapables de nous les fournir, oubliant que l’artiste ne se targue nullement de fournir une réponse à quoi que ce soit. (…)
Le prolifique et le dévoreur : l’artiste et le politique. Qu’ils comprennent bien qu’ils sont ennemis, c’est-à-dire que chacun a une vision du monde qui restera forcément incompréhensible à l’autre. (…)
Quand il rencontre un inconnu, l’artiste se demande : « Est-ce que je le trouve sympathique ou antipathique ? »
Le politicien se demande : « Est-il démocrate ou républicain ? »
Les écrivains qui, tel D. H. Lawrence, dans Le Serpent à plumes, s’efforcent de bâtir leurs propres systèmes politiques, se couvrent immanquablement de ridicule, parce qu’ils les forgent d’après leur propre expérience, traitant l’Etat moderne comme s’il s’agissait d’une minuscule paroisse et la politique comme si c’était une affaire de rapports personnels, alors  que la politique moderne a trait presque exclusivement aux rapports qui sont impersonnels.
Ainsi, la formule de Lawrence : «  La colère est parfois juste, la justice ne l’est jamais », laquelle est un admirable conseil donné aux amoureux, ne peut, appliquée à la politique, vouloir dire qu’une seule chose : « Cassez la figure à tous ceux qui ne sont pas de votre avis. »
Un des plus puissants attraits de Fascisme, c’est de laisser entendre que l’Etat est une grande famille : en insistant sur le Sang et la Race, il s’efforce de duper le quidam ordinaire et de lui faire croire que les rapports politiques sont personnels. (…) L’une des meilleures raisons de savoir que le Fascisme est une fumisterie, c’est qu’il ressemble beaucoup trop aux espèces d’utopies que les artistes imaginent autour d’une table de café, aux petites heures de la nuit. (…)
Mais si les artistes se fourvoient en matière de politique, les politiciens en font autant en matière d’art. (…)
L’Etat moderne protecteur des Arts. Quoi de plus atroce ? Songez un peu aux bâtiments de Washington. Songez aux statues colossales, érigées à travers le monde entier, représentant le Travailleur, le Triomphe du Fascisme, la Liberté de la Presse. Songez aux Hymnes nationaux.
                                                               *
La vie scolaire m’enseigna que j’étais un anti-politique. Je voulais qu’on me laissât tranquille, afin de pouvoir écrire de la poésie, choisir mes propres amis et mener ma vie sexuelle à ma guise. L’ennemi était, et il l’est toujours, la politique, c’est-à-dire la personne qui veut organiser la vie des autres et les obliger à filer doux. (Wystan Hugh Auden Le Prolifique et le Dévoreur)