Le Journal de Michel Perdrial
Le Journal de Michel Perdrial



Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

En relisant le Journal de Jean-René Huguenin

10 août 2016


Tout ceci tiré de ma relecture en diagonale du Journal, paru chez Points/Seuil, de Jean-René Huguenin, l’auteur d’un seul roman La Côte sauvage, jeune homme au physique moderne mort prématurément d’un accident d’automobile, qui plaisait à François Mauriac et connut Jean-Edern Hallier et Philippe Sollers à leurs débuts. Le portrait qu’il fait de ce dernier m’apparaît des plus perspicaces. Ceux d’autres écrivains ou de notables sont également bien réussis :
La soirée du mercredi 7, où 20 000 étudiants (dont moi) ont mis le feu au siège du parti communiste, m’est restée sur le cœur comme quelque chose d’exaltant et d’effroyable. (vendredi neuf novembre mil neuf cent cinquante-six, après Budapest)
J’ai vu ce matin Michel Butor, pour le journal. Il m’a déçu, ce myope sournois, avec ses regards de chienne fouettée. (samedi trente novembre mil neuf cent cinquante-sept)
A Villejuif, cérémonie d’inauguration de bâtiments dont mon père avait obtenu les premiers crédits. (…) Au premier rang, deux crânes chauves, briqués de frais, entouraient l’énorme tête de cochon, couverte d’une chevelure d’un blanc pisseux, avec sa lippe goulue et son gros nez fier de ses poils, la grosse tête cabossée de M. le président du conseil général. (lundi dix mars mil neuf cent cinquante-huit)
Vu hier après-midi Ph. Sollers. (…) Il lui manque quelque chose, un poids, du tragique, un rêve, son intelligence éclaire tout, elle ne respecte pas ces grands repaires d’ombre où notre mystère se tapit, il explique trop ; il n’inquiète pas. (mardi deux décembre mil neuf cent cinquante-huit)
Vu Gracq. (…) Trop tranquille. Pas de femmes, peu de relations. Un métier anodin, fait de façon anodine. Il ne livre jamais rien de lui-même : un roman tous les sept ans, c’est tout ce qu’on sait de lui. Je crois que son secret est simple : il est resté dans son enfance, c’est un enfant qui se cache. (mercredi trois décembre mil neuf cent cinquante-huit)
Vu aussi Nimier ; mes questions l’ennuient, non à cause du sujet choisi, mais en tant que questions tout court, parce qu’elles l’obligent à réfléchir, à prendre parti, à essayer de s’intéresser à quelque chose. (même jour)
Je le crèverai, J.-Ed. Ce sera lui ou moi, je le sais depuis longtemps et il le sait aussi. Nous sommes nés tous les deux le même jour, il y en a un de trop, c’est évident. (samedi quatorze février mil neuf cent cinquante-neuf)
Il manque à Sollers le sens du tragique, le goût du va-tout, des grandes folies, du désespoir. C’est déjà un homme de lettres.  (lundi seize février mil neuf cent cinquante-neuf)
Renaud et moi exclus de Tel Quel –qui décidément court à sa perte. Malgré les assez méchantes manigances de Jean-Edern et de Philippe, je ne me sens pas de rancune. (…) Je suis assez satisfait de ne plus traîner ce boulet qu’était Tel Quel. (samedi deux juillet mil neuf cent soixante)
Mais d’elle, de son corps mat, enfantin et nerveux, je ne suis jamais rassasié. Elle garde pour moi le charme d’une vierge –chair mystérieuse et lisse, si inquiète, à la fois purifiante et corruptible ! (lundi trente avril mil neuf cent soixante-deux)