Le Journal de Michel Perdrial
Le Journal de Michel Perdrial



Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

Légèrement seul avec Daniel de Roulet

12 décembre 2023


Genevois, Daniel de Roulet, bien qu’athée, marche en deux mille douze de Saint-Coulomb à Soissons sur les traces de Gall et de Colomban, moines partis d’Irlande en l’an six cent douze. Je le suis en lisant au Socrate son récit de voyage Légèrement seul publié chez Phébus. Muni d’un gépéhesse et d’une carte, il va au bord des routes, pas les rouges ni les jaunes, mais les blanches, moins fréquentées par les véhicules à moteur, ce qui n’empêche pas que parfois il doive sauter dans le fossé pour éviter d’être heurté.
Au cours de ma lecture, je découvre, pour une fois, quelqu’un d’accord avec moi sur les éoliennes :
Ces moulins à vent métalliques s’élèvent donc à cent vingt et un mètres. Dix fois trois pales tranchent le vent, produisant un bruit que je ne peux que qualifier de langoureux ; comme le serait un ressac régulier sur la plage d’une mer calme, avec un quelques chose d’industriel fort plaisant, la rumeur d’un bateau amarré résistant au ressac. Ceux qui n’aiment pas les éoliennes disent qu’elles gênent le sommeil des vaches. Le bruit d’une fontaine nous empêche-t-il de dormir ?
Et qui a le même regard que moi sur les familles de bicyclistes :
Dimanche, de joyeuses familles cyclistes en promenade à la queue leu leu, comme les canards, le mâle devant et la mère qui roule derrière les canetons casqués.
Son parcours le mène au Havre :
Il vient sans doute d’Irak ou de plus loin. Je lui parle anglais, puis français, il ne comprend pas. Pour lui, le voyage est terminé, il ne réussira pas à s‘accrocher sous un camion qui traverse la Manche. Malgré mon habituel manque de charité, je lui laisse une pièce et m’enfile dans une belle et grande librairie, La Galerne, où je trouve de confortables fauteuils de cuir rouge, du café, des pâtisseries et des rayonnages bien garnis. (…)
Entré dans la librairie à 11 heures, j’en ressors à 18 h 30.
Puis le voici marchant le long des falaises allant de valleuse en valleuse et se méprenant :
A chaque fois que la rivière réussit à s’ouvrir un passage jusqu’à la mer, la falaise s’interrompt, il faut descendre jusqu’à une crique, remonter de l’autre côté. L’une d’elles, surnommée l’Avaleuse du curé, est si friable que le maire a fait placarder une mise en garde sous plastique désormais illisible.
La pluie le fait flancher et rejoindre la Gare de Bréauté-Beuzeville :
Quand le train arrive à Rouen, il pleut encore. Dans la ville policée j’ai mauvaise allure, grosses chaussures, chemise hors du pantalon. Deux clochards sous un abribus me hèlent : « Allez, le vieux, viens finir le litron avec nous. »
Il prend une chambre prés de la Gare :
Hôtel Morand. Construction médiévale tremblant à chaque fois qu’on referme la porte, escalier aux marches de bois couvertes d’un tapis retenu par des tringles. La réceptionniste, petite boulotte sympathique comme une Sud-Américaine, sourit en servant le café et plus tard, changent les draps, encaissant les factures, renseignant les clients attirés par le prix dérisoire des chambres. Même si la nuit est animée par des bruits divers à tous les étages, au matin je n’y pense plus. Devant moi, une journée à Rouen ; je la consacrerai à chercher les traces du passage de Gall ou de Colomban.
Daniel de Roulet ne trouve pas trace de ce passage dans la Cathédrale, ni au Musée des Beaux-Arts où il croit voir dans un tableau Mme Bovary transportée par deux brancardiers suivis d’un cortège de curieux et dans un autre ce pauvre M. Bovary se désolant au pied du lit de la morte.
Peut-être nous sommes-nous croisés ce vendredi dix-huit mai deux mille douze quand il se baladait en ville, ce qu’il résume (beaucoup trop, à mon goût) d’un simple : Promenade sur les pavés de Rouen. car, me dit mon Journal, j’étais en ville ce jour-là :
Ce vendredi matin, sur le parvis de la Cathédrale de Rouen, on monte la scène destinée aux festivités d’inauguration de l’Espace Monet-Cathédrale, l’immeuble privé construit en lieu et place du jardin promis aux Rouennais(e)s par Valérie Fourneyron avant qu’elle ne soit élue Maire, remplaçant feu le Palais des Congrès abandonné pendant des années qui avait fini par ressembler à un kouglof pas très frais.
                                                                       *
Jamais entendu parler de Daniel de Roulet (né à Genève le quatre février mil neuf cent quarante-quatre) avant de payer son Légèrement seul un euro chez Book-Off.
Ouiquipédia m’apprend que le cinq janvier mil neuf cent soixante-quinze, il incendia le chalet du magnat de la presse allemande Axel Springer, ancien nazi, situé sur un alpage au-dessus de Rougemont. Un acte qu’il rendit public dans le livre Un dimanche à la montagne paru en deux mille six, après le délai de prescription.