Direction Roquebrune-sur-Argens avec le bus Quatre de sept heures trente ce vendredi. Il se charge encore une fois des gens bizarres qui descendent à l’entrée de Puget où est leur hôpital de jour puis circule presque à vide. J’en descends avant le bourg de Roquebrune au Lac de l’Aréna.
Ce lac était autrefois une sablière. Il fait trente hectares, est alimenté par le fleuve Argens et est situé au pied de l’impressionnant Rocher de Roquebrune. On peut en faire le tour par un sentier de trois kilomètres cinq en à peu près une heure quinze. C’est à portée de mes pieds et c’est un vrai plaisir.
Au milieu de chants d’oiseaux, je marche sur le chemin qui me rapproche du Rocher de Roquebrune (le Colorado du Routard). La rencontre d’un petit bâtiment de pierre doté d’une annexe toute neuve en bois me permet d’avoir encore une première fois dans ma vie : celle d’utiliser des toilettes sèches. Arrivé sous le Rocher, avec mes yeux rénovés, je distingue aisément les Trois Croix à son sommet. Elles sont l’œuvre de Bernar Venet, lui ont été inspirées par Giotto, Grünewald et le Gréco. Chacune pèse une tonne et a été hélitreuillée. On peut aller là-haut pédestrement pour les voir de près et jouir d’une vue qui va jusqu’à la mer mais ce n’est plus dans mes compétences (« Ce sentier se termine par une montée particulièrement physique et des mains courantes »).
Après une photo de cette imposante muraille rocheuse, photo qui je le sais ne donnera pas une idée exacte de sa hauteur, je marche sur la partie retour du chemin entre le Lac et l’Argens, petit fleuve où l’on peut faire du canoë. Vers la fin, une passerelle permet de traverser le lit d’un ruisseau à sec. « Attention vous êtes dans une zone inondable. Danger de mort. »
Pour rejoindre le bourg, j’emprunte l’ancien pont devenu piétonnier qui permet de traverser l’Argens puis je dois longer la route à voitures qui toutefois passe devant la belle Chapelle Saint-Roch. Une Tesla s’arrête dont le passager me demande le marché médiéval. Je ne sais pas de quoi il parle. Lors de la montée dans les ruelles du bourg, je trouve un Office du Tourisme qui n’est pas celui où j’ai eu un plan la fois précédente. Je me demande si je n’ai pas la berlue. J’entre demander s’il y en a deux. « Nous venons de déménager. » Arrivé au cœur de Roquebrune, je découvre que le marché médiéval, c’est le banal marché hebdomadaire. Il n’attire pas la foule.
Je m’installe à la terrasse du Café de Roquebrune pour un café verre d’eau lecture. A ma droite deux quadragénaires sont attablés. L’un semble protégé par un jeune homme qui lui demande s’il repartira à pied ou s’il aura besoin d’une voiture puis reste debout devant la terrasse. Soudain surgit un homme corpulent qui se jette aux genoux de l’homme protégé. Le jeune homme se précipite, repousse l’intrus qui disparaît, puis se remet en faction. « Excusez-moi, monsieur, vous êtes quelqu’un de connu ? » demandé-je à ce voisin intrigant. « Non, en fait, c’était un petit exercice de formation de garde du corps. »
Je lis Balzac un moment, bien que cette terrasse soit à l’ombre, puis vais faire de même au soleil, au bout du marché, devant la Chapelle Saint-Michel. Elle date de mil trois cent quatorze, a appartenu aux Chevaliers de Saint-Jean puis aux Pénitents Blancs. Aujourd’hui, c’est un lieu d’exposition artistique visité par tous les touristes allemands.
J’ai près de moi une marchande de chapeaux. « Allez, monsieur dame, un petit chapeau. Profitez. Dix euros seulement. » Une femme en essaie un. « Il vous va bien. Vous avez une tête à chapeau, madame. » Un quart d’heure plus tard, elle s’assoit pas loin de moi. « Oh, j’en ai marre. » Elle a largement l’âge d’être à la retraite. Son mari l’accompagne mais il reste dans la voiture. Un seul chapeau vendu en une heure.
A onze heures trente, je commence à chercher où manger et trouve ouvert sur une placette tranquille un restaurant traiteur qui était fermé lors de mon précédent passage. J’y obtiens une table bien que le traiteur soit mal aimable. A chaque fois qu’il sort, c’est pour rayer un plat sur la carte. Je me rabats donc sur un de ceux qui restent : poulet rôti label rouge frites maison. Dans l’assiette, la cuisse de ce poulet peut-être label rouge n’est pas grosse. Les frites sont bien de la maison mais peu nombreuses et accompagnées d’une salade qui n’était pas annoncée. Ça coûte treize euros quatre-vingt-dix. C’est beaucoup pour ce que c’est. L’endroit s’appelle Evelyne.com à la maison (ah ah ah).
En remontant, je me procure une tartelette au citron à la Boulangerie du Rocher (trois euros dix) et direction le Café de Roquebrune, cette fois au soleil, café verre d’eau lecture. Le serveur a lui aussi l’âge d’être en retraite. Il est treize heures. Le marché est quasiment remballé.
Je rentre en début d’après-midi avec un bus dans lequel un couple de vieux réussit à faire accepter ses bicyclettes. Cela pose un problème au premier arrêt du Centre Commercial quand une femme monte avec une poussette garnie non seulement d’un bébé mais de toutes ses courses. Après un beau cafouillage, des chutes de bouteilles de lait et de casques de vélo, nous pouvons repartir.
*
On peut disparaître ici quand on a quinze ans. Jeudi, c’était Gabriela, partie de Roquebrune-sur-Argens à quatorze heures pour, avait-elle dit, aller à la plage à Saint-Raphaël et pas rentrée à la maison. Sa mère l’annonce retrouvée ce vendredi. Le sept avril, c’est Louenn, de Fayence, qui s’est, lui, déclaré en fugue. Sa mère et ses ami(e)s le cherchent toujours.
Ce lac était autrefois une sablière. Il fait trente hectares, est alimenté par le fleuve Argens et est situé au pied de l’impressionnant Rocher de Roquebrune. On peut en faire le tour par un sentier de trois kilomètres cinq en à peu près une heure quinze. C’est à portée de mes pieds et c’est un vrai plaisir.
Au milieu de chants d’oiseaux, je marche sur le chemin qui me rapproche du Rocher de Roquebrune (le Colorado du Routard). La rencontre d’un petit bâtiment de pierre doté d’une annexe toute neuve en bois me permet d’avoir encore une première fois dans ma vie : celle d’utiliser des toilettes sèches. Arrivé sous le Rocher, avec mes yeux rénovés, je distingue aisément les Trois Croix à son sommet. Elles sont l’œuvre de Bernar Venet, lui ont été inspirées par Giotto, Grünewald et le Gréco. Chacune pèse une tonne et a été hélitreuillée. On peut aller là-haut pédestrement pour les voir de près et jouir d’une vue qui va jusqu’à la mer mais ce n’est plus dans mes compétences (« Ce sentier se termine par une montée particulièrement physique et des mains courantes »).
Après une photo de cette imposante muraille rocheuse, photo qui je le sais ne donnera pas une idée exacte de sa hauteur, je marche sur la partie retour du chemin entre le Lac et l’Argens, petit fleuve où l’on peut faire du canoë. Vers la fin, une passerelle permet de traverser le lit d’un ruisseau à sec. « Attention vous êtes dans une zone inondable. Danger de mort. »
Pour rejoindre le bourg, j’emprunte l’ancien pont devenu piétonnier qui permet de traverser l’Argens puis je dois longer la route à voitures qui toutefois passe devant la belle Chapelle Saint-Roch. Une Tesla s’arrête dont le passager me demande le marché médiéval. Je ne sais pas de quoi il parle. Lors de la montée dans les ruelles du bourg, je trouve un Office du Tourisme qui n’est pas celui où j’ai eu un plan la fois précédente. Je me demande si je n’ai pas la berlue. J’entre demander s’il y en a deux. « Nous venons de déménager. » Arrivé au cœur de Roquebrune, je découvre que le marché médiéval, c’est le banal marché hebdomadaire. Il n’attire pas la foule.
Je m’installe à la terrasse du Café de Roquebrune pour un café verre d’eau lecture. A ma droite deux quadragénaires sont attablés. L’un semble protégé par un jeune homme qui lui demande s’il repartira à pied ou s’il aura besoin d’une voiture puis reste debout devant la terrasse. Soudain surgit un homme corpulent qui se jette aux genoux de l’homme protégé. Le jeune homme se précipite, repousse l’intrus qui disparaît, puis se remet en faction. « Excusez-moi, monsieur, vous êtes quelqu’un de connu ? » demandé-je à ce voisin intrigant. « Non, en fait, c’était un petit exercice de formation de garde du corps. »
Je lis Balzac un moment, bien que cette terrasse soit à l’ombre, puis vais faire de même au soleil, au bout du marché, devant la Chapelle Saint-Michel. Elle date de mil trois cent quatorze, a appartenu aux Chevaliers de Saint-Jean puis aux Pénitents Blancs. Aujourd’hui, c’est un lieu d’exposition artistique visité par tous les touristes allemands.
J’ai près de moi une marchande de chapeaux. « Allez, monsieur dame, un petit chapeau. Profitez. Dix euros seulement. » Une femme en essaie un. « Il vous va bien. Vous avez une tête à chapeau, madame. » Un quart d’heure plus tard, elle s’assoit pas loin de moi. « Oh, j’en ai marre. » Elle a largement l’âge d’être à la retraite. Son mari l’accompagne mais il reste dans la voiture. Un seul chapeau vendu en une heure.
A onze heures trente, je commence à chercher où manger et trouve ouvert sur une placette tranquille un restaurant traiteur qui était fermé lors de mon précédent passage. J’y obtiens une table bien que le traiteur soit mal aimable. A chaque fois qu’il sort, c’est pour rayer un plat sur la carte. Je me rabats donc sur un de ceux qui restent : poulet rôti label rouge frites maison. Dans l’assiette, la cuisse de ce poulet peut-être label rouge n’est pas grosse. Les frites sont bien de la maison mais peu nombreuses et accompagnées d’une salade qui n’était pas annoncée. Ça coûte treize euros quatre-vingt-dix. C’est beaucoup pour ce que c’est. L’endroit s’appelle Evelyne.com à la maison (ah ah ah).
En remontant, je me procure une tartelette au citron à la Boulangerie du Rocher (trois euros dix) et direction le Café de Roquebrune, cette fois au soleil, café verre d’eau lecture. Le serveur a lui aussi l’âge d’être en retraite. Il est treize heures. Le marché est quasiment remballé.
Je rentre en début d’après-midi avec un bus dans lequel un couple de vieux réussit à faire accepter ses bicyclettes. Cela pose un problème au premier arrêt du Centre Commercial quand une femme monte avec une poussette garnie non seulement d’un bébé mais de toutes ses courses. Après un beau cafouillage, des chutes de bouteilles de lait et de casques de vélo, nous pouvons repartir.
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On peut disparaître ici quand on a quinze ans. Jeudi, c’était Gabriela, partie de Roquebrune-sur-Argens à quatorze heures pour, avait-elle dit, aller à la plage à Saint-Raphaël et pas rentrée à la maison. Sa mère l’annonce retrouvée ce vendredi. Le sept avril, c’est Louenn, de Fayence, qui s’est, lui, déclaré en fugue. Sa mère et ses ami(e)s le cherchent toujours.