De l’agitation à La Passerelle ce jeudi un peu après sept heures et demie. Une simplette vient s’y réfugier après qu’un drogué l’a embêtée dans la rue. Ce type arrive à la porte. « Tu rentres pas ou je te casse la gueule ! » lui crie le patron. L’autre part. « Comme j’aurais plaisir à le démonter », renchérit le patron. « Je me suis déjà accroché avec ce bâtard », raconte-t-il ensuite aux deux habitués qui arrivent. Cet homme a le sang chaud (comme on dit), ça pourrait lui jouer des tours. La simplette va prendre son bus, surveillée par la patronne. Un des habitués parle d’autre chose. De celui qui lui a piqué son boulot chez Leclerc et qu’il va emmerder en semant des herbes invasives dans son jardin. C’est un endroit où l’on se fait justice soi-même.
Le ciel est affreusement noir mais je prends le risque de monter dans le bus E direction Cesson, que l’on prend à la Gare Routière devant La Passerelle, celui de huit heures sept qui fait un détour par le Valais. Les suivants n’y vont pas.
Des gouttes se mettent à tomber lorsque j’en descends à l’arrêt Le Valais. Une autochtone m’indique où trouver la Grève du Valais. Une route pentue y mène. Arrivé en bas, la pluie ayant cessé, je replie mon parapluie. Une fille venue ici avec sa voiture munie d’un A d’apprentie est assise à une table, méditant face au lever du soleil. Nous nous bonjourons. Sur la droite de cette plage, je prends l’escalier qui mène à un promontoire d'où l’on surplombe la Baie de Saint-Brieuc et la Réserve Naturelle, en face Hillion et la Pointe du Grouin.
Je me concentre ensuite sur ce qui m’amène ici : les cabanons colorés de la Cité Baby. Leur installation date des congés payés de mil neuf cent trente-six pour les plus anciens. Ce serait peut-être mieux de les voir sous le soleil. Pas sûr. Leurs couleurs ressortent dans la grisaille. Il y a ceux d’en bas et ceux d’en haut. Ceux d’en bas sont au plus près de la mer. Parfois au-dessus grâce à des pilotis. Au risque d’être emportés par les vagues. Ceux d’en haut, accrochés à la falaise, ne risquent rien. C’est un endroit un peu secret et foutraque comme je les aime. Tous sont fermés ce jeudi matin. L’un a pour nom La Normande et un autre Copa Cabanon. Ces cabanons appartiennent aux descendants de leurs constructeurs. Ils ont failli disparaître. On voulait les faire détruire au profit de la Réserve Naturelle. La résistance l’a emportée.
Après les avoir bien photographiés en bas puis en haut, je prends le Géherre Trente-Quatre. Me voici parti pour une longue marche qui, je l’espère, me fera arriver au Port du Légué. Elle s’avère un peu sportive avec des escaliers à monter et à descendre et un sentier qui penche parfois du côté de l’embouchure du Gouët que l’on surplombe. A travers les branches, j’aperçois le phare côté Plérin et un bateau de pêche qui part en mer.
J’atteins le Port au niveau de l’écluse, après ce bel exploit pendant lequel je n’ai croisé personne, au moment où la franchissent des bateaux de pêche.
Le soleil point quand je passe le Pont Tournant. Au marché est installé un crêpier à qui j’en achète deux pour deux euros. Je découvre qu’il m’en a mis trois quand je les mange avec un allongé aux Mouettes. Alors que le ciel redevient noir et que souffle un vent frisquet, j’ouvre Toulet. Comme tous les petits bourgeois de tous les pays, ils ont chacun une grosse femme et une grande fille.
Pour déjeuner, j’opte encore une fois pour le Quai Gourmand et je l’atteins rapidement grâce à la passerelle déployée. Pas question d’y entrer avant midi, le personnel fume devant, un œil sur son smartphone. « Ah putain, dès qu’on sort, le temps, il passe trop vite. »
Pour plat, je choisis le travers de porc breton caramélisé aux pommes avec frites, puis en dessert, une tarte au citron meringuée. Une arrivante s’adresse à l’homme de l’accueil : « Y a le monsieur avec son cheval qui demande s’il peut manger à une table dehors. » Effectivement, devant l’entrée du restaurant se trouve un sexagénaire accompagné d’un cheval qui porte son bivouac. C’est oui. L’animal est attaché à un poteau de signalisation pendant que son propriétaire déjeune.
Comme il fait un peu frais, je m’installe à l’intérieur des Mouettes pour le café, une salle sympathique qui rappelle l’intérieur d’un navire. Elle est un peu bruyante au comptoir. Dans un coin, un couple, chacun sur son smartphone. Elle devant un tuto (comme ils disent) sur la pose d’un thermostat. Un expresso et retour à Paul-Jean Toulet. La ville de Saïgon se glorifie de trois ou quatre tigres et de quelques employés des Postes. Contre les uns comme aussi contre les autres une administration prudente a protégé le public par un appareil de grilles …
Je rentre avec le bus D en validant correctement ma carte dix voyages. Il n’y a pas de contrôleurs dans les Transports urbains briochins, me disais-je. Jusqu’à ce que ce matin dans le bus E en montent trois pour contrôler les cinq voyageurs. J’ai tendu ma carte de dix voyages à l’un d’eux qui a regardé si je l’avais passé dans le valideur. Il me l’a rendue et j’ai soupiré intérieurement de soulagement car j’étais en fraude. Sur cette carte, outre mes voyages validés dans les bus, il y avait ceux effectués dans les cars BreizhGo où, faute de valideur, le chauffeur inscrit la date au stylo. Avec cette carte, j’en étais déjà à treize voyages. Il n’y a de la chance que pour les crapules, comme disait je ne sais qui.
C’est une façon de me dédommager de n’avoir pu obtenir une carte mensuelle à mon arrivée à Saint-Brieuc.
*
Message reçu à mon retour :
« Vigilance – Risque d’éboulement sur le GR34
Suite aux pluies exceptionnelles des 21 et 22 septembre 2025, le trait de côte est fragilisé.
Les sols peuvent être instables : nous vous recommandons la plus grande prudence si vous empruntez le GR34.
Merci d’adopter un comportement responsable pour votre sécurité et celle des autres. »
Le ciel est affreusement noir mais je prends le risque de monter dans le bus E direction Cesson, que l’on prend à la Gare Routière devant La Passerelle, celui de huit heures sept qui fait un détour par le Valais. Les suivants n’y vont pas.
Des gouttes se mettent à tomber lorsque j’en descends à l’arrêt Le Valais. Une autochtone m’indique où trouver la Grève du Valais. Une route pentue y mène. Arrivé en bas, la pluie ayant cessé, je replie mon parapluie. Une fille venue ici avec sa voiture munie d’un A d’apprentie est assise à une table, méditant face au lever du soleil. Nous nous bonjourons. Sur la droite de cette plage, je prends l’escalier qui mène à un promontoire d'où l’on surplombe la Baie de Saint-Brieuc et la Réserve Naturelle, en face Hillion et la Pointe du Grouin.
Je me concentre ensuite sur ce qui m’amène ici : les cabanons colorés de la Cité Baby. Leur installation date des congés payés de mil neuf cent trente-six pour les plus anciens. Ce serait peut-être mieux de les voir sous le soleil. Pas sûr. Leurs couleurs ressortent dans la grisaille. Il y a ceux d’en bas et ceux d’en haut. Ceux d’en bas sont au plus près de la mer. Parfois au-dessus grâce à des pilotis. Au risque d’être emportés par les vagues. Ceux d’en haut, accrochés à la falaise, ne risquent rien. C’est un endroit un peu secret et foutraque comme je les aime. Tous sont fermés ce jeudi matin. L’un a pour nom La Normande et un autre Copa Cabanon. Ces cabanons appartiennent aux descendants de leurs constructeurs. Ils ont failli disparaître. On voulait les faire détruire au profit de la Réserve Naturelle. La résistance l’a emportée.
Après les avoir bien photographiés en bas puis en haut, je prends le Géherre Trente-Quatre. Me voici parti pour une longue marche qui, je l’espère, me fera arriver au Port du Légué. Elle s’avère un peu sportive avec des escaliers à monter et à descendre et un sentier qui penche parfois du côté de l’embouchure du Gouët que l’on surplombe. A travers les branches, j’aperçois le phare côté Plérin et un bateau de pêche qui part en mer.
J’atteins le Port au niveau de l’écluse, après ce bel exploit pendant lequel je n’ai croisé personne, au moment où la franchissent des bateaux de pêche.
Le soleil point quand je passe le Pont Tournant. Au marché est installé un crêpier à qui j’en achète deux pour deux euros. Je découvre qu’il m’en a mis trois quand je les mange avec un allongé aux Mouettes. Alors que le ciel redevient noir et que souffle un vent frisquet, j’ouvre Toulet. Comme tous les petits bourgeois de tous les pays, ils ont chacun une grosse femme et une grande fille.
Pour déjeuner, j’opte encore une fois pour le Quai Gourmand et je l’atteins rapidement grâce à la passerelle déployée. Pas question d’y entrer avant midi, le personnel fume devant, un œil sur son smartphone. « Ah putain, dès qu’on sort, le temps, il passe trop vite. »
Pour plat, je choisis le travers de porc breton caramélisé aux pommes avec frites, puis en dessert, une tarte au citron meringuée. Une arrivante s’adresse à l’homme de l’accueil : « Y a le monsieur avec son cheval qui demande s’il peut manger à une table dehors. » Effectivement, devant l’entrée du restaurant se trouve un sexagénaire accompagné d’un cheval qui porte son bivouac. C’est oui. L’animal est attaché à un poteau de signalisation pendant que son propriétaire déjeune.
Comme il fait un peu frais, je m’installe à l’intérieur des Mouettes pour le café, une salle sympathique qui rappelle l’intérieur d’un navire. Elle est un peu bruyante au comptoir. Dans un coin, un couple, chacun sur son smartphone. Elle devant un tuto (comme ils disent) sur la pose d’un thermostat. Un expresso et retour à Paul-Jean Toulet. La ville de Saïgon se glorifie de trois ou quatre tigres et de quelques employés des Postes. Contre les uns comme aussi contre les autres une administration prudente a protégé le public par un appareil de grilles …
Je rentre avec le bus D en validant correctement ma carte dix voyages. Il n’y a pas de contrôleurs dans les Transports urbains briochins, me disais-je. Jusqu’à ce que ce matin dans le bus E en montent trois pour contrôler les cinq voyageurs. J’ai tendu ma carte de dix voyages à l’un d’eux qui a regardé si je l’avais passé dans le valideur. Il me l’a rendue et j’ai soupiré intérieurement de soulagement car j’étais en fraude. Sur cette carte, outre mes voyages validés dans les bus, il y avait ceux effectués dans les cars BreizhGo où, faute de valideur, le chauffeur inscrit la date au stylo. Avec cette carte, j’en étais déjà à treize voyages. Il n’y a de la chance que pour les crapules, comme disait je ne sais qui.
C’est une façon de me dédommager de n’avoir pu obtenir une carte mensuelle à mon arrivée à Saint-Brieuc.
*
Message reçu à mon retour :
« Vigilance – Risque d’éboulement sur le GR34
Suite aux pluies exceptionnelles des 21 et 22 septembre 2025, le trait de côte est fragilisé.
Les sols peuvent être instables : nous vous recommandons la plus grande prudence si vous empruntez le GR34.
Merci d’adopter un comportement responsable pour votre sécurité et celle des autres. »