Le Journal de Michel Perdrial
Le Journal de Michel Perdrial



Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

Saint-Brieuc (vingt-six) : Pointe de Pordic (presque)

27 septembre 2025


« Eh les garçons, ça fait vingt-quatre ans que je suis dans le bâtiment, me prenez pas pour un con ! » Le calme règne ce vendredi matin à La Passerelle et le jour se lève sur un mixte de ciel bleu et de nuages noirs.
Je repasse par-dessus les voies ferrées pour prendre le car BreizhGo Deux Cent Un de huit heures trente-cinq. J’en descends à Pornic Centre à neuf heures.
« Trois kilomètres », me dit le sympathique patron de l’Hôtel Restaurant Le Perroquet à qui je demande la mer au plus court. Il me donne un plan. C’est la route qui va au Petit Havre, d’où je suis revenu l’autre fois en voiture avec un serviable autochtone. Elle mène aussi à la Pointe de Pordic.
Je me lance. Trois kilomètres, c’est long pour moi. Je m’en rends compte à mi-chemin. Il n’y a là à voir que des maisons individuelles. Une exception : la chapelle Notre-Dame de la Garde. Dire qu’il va falloir faire ces trois kilomètres dans l’autre sens, mon chauffeur n’étant sûrement pas disponible. Soudain, je me souviens qu’un des très rares bus Dix remonte à dix heures. J’accélère, espérant avoir le temps d’arriver à la Pointe avant l’heure de son départ. Il n’en est rien. De peu. Je vois quand même la mer entre le Petit Havre et cette Pointe.
J’utilise ma carte à voyages gratuits. Quel contrôleur se risquerait sur ce bout de ligne ? Je descends à Rue de l’Ic et vais à la Boulangerie Pâtisserie Nina me récompenser d’une pantoufle (un euro cinquante). C’est l’équivalent du chausson aux pommes en meilleur. Arrivé à L’Arrivée, je l’accompagne d’un allongé. La clientèle d’habitué(e)s a l’esprit atteint par ce qu’elle voit à la télé ou sur son smartphone. « Bientôt, on pourra plus sortir de chez nous. » C’est terrible de vivre dans ces villages, l’enfermement mental qui en résulte (loto et ragots).
J’ai avec moi Par les routes de Sylvain Prudhomme. Je vais voir si j’arrive à lire un roman. Peut-être, c’est de l’autofiction ou ça y ressemble. L’auteur y raconte un ami qu’il appelle l’autostoppeur. A ce propos, j’ai lu que la seule région française dans laquelle l’autostop se pratique encore avec une chance de réussite, c’est la Bretagne, région reculée. Par les routes est le genre de livre où je passe mon temps à corriger l’auteur : J’ai bu la fin de mon café. (J’ai fini mon café.) Pourquoi pas : J’ai mangé la fin de mon gâteau ?
« Je suis revenu avec le bus », dis-je au patron du Perroquet. « Ah, vous avez triché ! » « Vous y allez, vous, là-bas, à pied ? » « J’ai un vélo électrique et une trottinette électrique. Remarquez, je me suis calmé, parce que j’ai des copains qui sont morts avec ces engins. »
Le choix au menu est toujours le même. J’opte pour la galette complète (ne suis-je pas en Bretagne ?) J’en ai connu des meilleures mais la tarte du dessert me sied. « A lundi », me dit le patron. Je ne lui dis ni oui ni non.
Direction L’Arrivée pour encore un p’tit café et de la lecture en attendant de rentrer avec le BreizhGo de quatorze heures quatorze (un horaire facile à mémoriser). « Bisou, mon petit Roland », dit la serveuse à l’un qui s’en va. Tous ces bisous qui se disent et ne se font pas.
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Une arrivante à L’Arrivée : « T’es tout seul, Michel ? » « Oui, j’attends madame », répond l’homme derrière moi. Ouf, j’ai eu peur.
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Vous devez être bien ici, j’ai dit à Julien après un silence. (…) C’est beau, j’ai dit. (…) Tu te plais ici, j’ai demandé. (…) Dix-sept ans, Marie s’est exclamée. J’ai horreur de cette façon de dire qu’on dit, qu’on demande, qu’on s’exclame. Son utilisation systématique par Sylvain Prudhomme me conduit à le ranger parmi les mauvais écrivains.
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Ça y est, Marie-Jo est entrée dans les Côtes-d’Armor, une marcheuse de soixante-dix-neuf ans qui fait des dix-huit kilomètres par jour avec son gros sac à dos tout en cherchant des habitants pour l’héberger. J’aime la façon dénuée de fioritures dont elle raconte ça sur le réseau social Effe Bé. Ça s’appelle Les 10 000 km à pied de Marie-Jo.