Le Journal de Michel Perdrial
Le Journal de Michel Perdrial



Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

Apprendre à dire non avec Henri Michaux

14 mars 2019


Quel auteur fut capable de refuser que l’on publie ses textes dans une revue ou une anthologie, qu’on en réédite d’autres, de faire partie d’un comité de rédaction, d’être pris en photo, de recevoir un prix littéraire, de faire une lecture publique, d’écrire un article de commande ou un scénario, de faire une conférence, que l’on publie ses lettres, d’être l’objet d’une exposition ou d’un numéro spécial ou d’un colloque, de passer à la radio ou à la télévision, que l’on mette son nom sur une plaque commémorative et même d’être publié dans La Pléiade de son vivant ?
Henri Michaux.
Jean-Luc Outers a eu la bonne idée de rassembler en un recueil publié en deux mille seize chez Gallimard les lettres de refus que l’écrivain et artiste a envoyé, entre mil neuf cent trente et un et mil neuf cent quatre-vingt-quatre, pour réponse aux sollicitations dont il fut l’objet, sous un titre on ne peut plus clair : Donc c’est non. C’est d’une lecture réjouissante.
En voici, extraite par mes soins, la substantifique moelle :
Vous allez m’excuser. JE N’AI AUCUNEMENT L’INTENTION D’ACCEPTER. Je ne m’y vois pas, non. Me suis-je assez montré ! Mais oui, envoyez-là au diable. Procédé un : pas de réponse. Procédé deux : je vous en pire, laissez-moi dormir. Dois-je vous dire que je m’oppose catégoriquement à ces exhibitions et que dans la mesure où je le sais, je l’interdis. N’en parlons plus. Je m’oppose de façon catégorique à la réédition. Dans la crise du papier, ce n’est pas moi qui mordrai dans le stock. Ne comptez pas sur moi. Comme vous me connaissez mal ! Non, décidément non. Veuillez donc supprimer mon nom. Je serai Intraitable, cela va sans dire. N’y songez plus. Ne les publiez pas. Il n’y aura pas d’exception. Il ne peut en être question. Veuillez prendre note que je l’interdis absolument. Interdiction d’en faire mention. Vous saviez bien pourtant que je ne parle jamais au micro. Je regrette de devoir répondre de façon décourageante. Est-il besoin de dire que je m’y oppose formellement. C’est encore une fois NON. Je cherche une secrétaire qui sache pour moi de quarante à cinquante façons écrire non. Croyez bien que j’en ai autant de regret que j’ai eu de surprise à vous lire. Je décide de ne pas donner suite à ces propositions. Je suis catégoriquement opposé à ce qu’on republie. Je ne me montre pas à la Télévision. Je voudrais qu’on n’en fasse rien. On a peut-être espéré aussi que je changerais d’avis, ce n’est pas le cas. Vous comprenez que mon parti est pris, c’est non. Auriez-vous l’obligeance de répondre, de ma part, non à cette dame. Dans les constructions et échafaudages à mon sujet, je tiens à n’avoir aucune part. Je m’y oppose formellement. Qu’il n’en soit donc plus question. Cependant, j’ai peu envie. Ne comptez pas sur moi pourtant. Faites qu’il ne soit rien de plus. Attendez la fin de ma vie qui ne saurait tarder. Je vous prie de renoncer à votre projet. Je répugne – en ce qui me concerne – à l’étalage. Mais cela ne me va pas à moi d’être membre d’honneur ni lié à un groupe. Je suis au regret de devoir tout vous refuser. Non. Plus jamais. J’ai décidé de n’accorder même à un ami la moindre interview. A quoi bon des essais, monsieur ? Voici vos textes, gardés trop longtemps peut-être. Laissez tomber cette manifestation projetée, du moins en ce qui me concernait. Refus catégorique, et cette fois pour toutes. Je ne puis accepter ce prix qui ferait le bonheur de tout poète ! Sachez que j’aimerais que vous renonciez. Laissez-moi mourir d’abord. Et vous demande de bien vouloir renoncer à ce projet. Il faut y renoncer. Je ne peux pas vous aider.