Le Journal de Michel Perdrial
Le Journal de Michel Perdrial



Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

En Haute-Saône, de Jussey à Villersexel

28 juillet 2015


Un couple d’Anglais et moi-même sommes les seuls clients de l’Hôtel du Vieux Chêne à La Quarte. Dans la nuit noire souffle un vent à décrocher les draps du fil à linge et tombe une pluie à les tremper. Au matin, je descends dans la salle où m’attend un copieux déjeuner campagnard : saucisson, tomate, gros pain, motte de beurre, jus d’orange, confiture de mure, café à volonté, tout cela pour quatre euros et en regardant sur Arte un film expliquant l’astrologie en Inde.
Sous une petite pluie, je prends la route qui mène à Jussey, vieux bourg typique dans lequel ne sont ouvertes que les boulangeries et les pharmacies ainsi que le Péhemmu qui ne connaît pas la ouifi et la Maison de la Presse où j’apprends qu’une carte Michelin jaune comme je cherche ça n’existe plus depuis au moins quinze ans. Je refuse d’acheter le nouveau modèle.
« C’est plus le même temps », me dit un autochtone qui me voit passer sous le parapluie. Je n’ai pas connu l’autre. Il s’améliore quand je passe dans les Vosges pour voir Châtillon-sur-Saône et bientôt je me retrouve en Haute-Marne à Bourbonne-les-Bains, curieuse station thermale. J’y trouve la ouifi à l’Hôtel de l’Agriculture puis repasse en Haute-Saône.
Mon intention de déjeuner au Trianon à Saint-Loup-sur-Semouse est mise à bas par la marchande de chaussures qui m’apprend qu’il est fermé depuis des années. Voilà ce qu’il en coûte de voyager avec un Guide du Routard d’il y a dix ans. Il n’y a pas de restaurant ouvert le lundi, m’apprend-elle, à part une pizzéria à la sortie. Elle en oublie un qui se trouve aussi à la sortie, le restaurant gastronomique Remy, sis dans un manoir, qui propose le midi un menu à treize euros. Je fais marche arrière et y entre. Une belle salle donnant sur le parc, une hôtesse charmante qui parle comme à Neuilly, une clientèle majoritairement composée de trios, de duos ou de solos, je me sens tout de suite à mon aise. Ici on déjeune le pull posé sur les épaules, Lacoste ou non. Derrière moi s’installe un trio composé de Martine et Robert, qui ont du mal à faire oublier leurs origines populaires, et de leur petite fille blonde à chignon de danseuse, complètement hamiltonienne. « Tu raconteras ça à ta mère », lui dit le grand-père.
Pour accompagner mon risotto d’épeautre aux trompettes et le poulet sauté à la moutarde, je choisis une demi-bouteille de vin du Jura : un Arbois-Pupillin de la maison Ploussard, ici proposé à quinze euros.
-Y a maman qu’a répondu : « Tu as de la chance, ils te gâtent tes grands-parents ».
Bientôt le téléphone du grand-père sonne bruyamment. Il explique que tout le monde mange à des tables rondes et que la petite est contente.
Pour dessert, c’est un excellent café accompagné d’une boule de glace à la violette. L’hôtesse se renseigne sur la demoiselle qui est en sport études. Elle va bientôt faire un championnat du monde de natation. Ce sera à Versailles. L’an dernier, c’était à Rio. Dommage.
Je quitte l’endroit content, échangeant un sourire avec la jolie nageuse. Il me faut ensuite aller bien plus loin que j’en avais envie, passer Luxeuil-les-Bains, traverser le plateau des Mille Etangs (tous privés, dont je vois au moins six), ignorer la chapelle du Corbusier à Ronchamp, voir Lure, gros bourg qui me repousse, pour enfin trouver une chambre en bordure de l’Ognon à l’Hôtel de la Terrasse de Villersexel. C’est cinquante-cinq euros pour un solitaire et comme il n’en restait qu’une, c’est la meilleure, celle disposant de la vaste terrasse qui donne nom à l’établissement où sont installés une table avec deux chaises et un seul transat dont je profite avant d’aller à pied jusqu’au bourg.
Soulagé d’être casé pour la nuit, je prends un diabolo menthe à un euro cinquante au Café du Centre, au rez-de-chaussée d’une bâtisse sans cachet qui date pourtant de mil six cent dix-sept. On y parle du Marcel, le copain de la mère au Christian, qui savait faire les paniers comme les manouches.
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Je n’accroche pas vraiment avec cette Haute-Saône. Elle ne me donne pas envie de la photographier.