Le Journal de Michel Perdrial
Le Journal de Michel Perdrial



Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

Une dose de Léautaud (trois)

29 mars 2023


Troisième et dernière série d’extraits du premier volume du Journal littéraire de Paul Léautaud, tirée de mes notes prises lors de ma lecture à Toulon. Cela commence fort :
Vendredi vingt-quatre octobre mil neuf cent vingt-quatre (celle dont il est question est son amante, Anne Cayssac, qu’il appelle le fléau)
Ah ! oui, je l’ai secouée. Ensuite traînée sur son lit, troussée et là encore corrigée, malgré ses ongles dont elle m’a attrapé le visage et les mains. Résultat, naturellement, défense de revenir chez elle, et tous les noms prodigués. Coquine !
Samedi vingt-cinq octobre mil neuf cent vingt-quatre
J’ai une main toute déchirée et une longue ligne de griffe à une joue de la scène d’hier. Si ce n’est pas ridicule !
Lundi vingt-sept octobre mil neuf cent vingt-quatre
Femelle, qui ne s’est montrée aimable que pour les affaires de cul. Que de fois, après les pires disputes, il me suffisait de lui montrer ma queue bien raide pour l’entendre dire d’une voix mouillée : « Viens m’enfiler ! » et montrer alors la plus belle ardeur.
Dimanche premier février mil neuf cent vingt-cinq
Dîné et passé la soirée chez A… Toujours charmante, tendre, aimante. Des paroles, des regards. J’en suis touché, et j’en ris aussi, de cette aventure à mon âge. L’affaire du pucelage n’a encore pas marché. Un petit mieux, mais toujours grande souffrance et qui a même duré après. Elle-même a remis à une autre fois. Elle doit être fort étroite. Je l’ai fait mettre dans une certaine position. Elle a un tout petit sexe.
Mercredi vingt-deux avril mil neuf cent vingt-cinq
Hier soir, été couché chez A… Manque d’habitude de coucher à deux. Mal dormi. Je suis vanné. Bien failli réussir dans la fameuse opération, mais elle a poussé de tels cris, avec les voisins au-dessus, et cette petite chambre dans laquelle tout s’entend, que nous n’avons pas persévéré.
Jeudi sept mai mil neuf cent vingt-cinq
J’ai presque dép… A… ce soir à 7 heures. Je crois même pour de bon.
Dimanche dix mai mil neuf cent vingt-cinq
Visite de A… à Fontenay. Pour échapper à l’ennui, je l’emmène dîner à Robinson. Elle m’entreprend ensuite pour que je rentre chez elle. Je me suis laissé faire. Sapristi ! elle n’est du tout dép… comme je le croyais. Rien à faire devant ses cris de souffrance.
Mardi vingt-deux décembre mil neuf cent vingt-cinq
J’aurais un grand plaisir en ce moment à pouvoir dépenser une dizaine de mille francs en imbécilités.
Jeudi vingt-quatre décembre mil neuf cent vingt-cinq
Je me suis payé pour près de 250 francs de bougies d’un coup : 35 kilog. C’est mon seul luxe, cet éclairage.
Je peux ajouter, à ce que je notais précédemment d’argent dépensé sans résultat, mon dentier, en avril ou mai dernier, 500 francs, et que je ne mets jamais.
Jeudi vingt-huit janvier mil neuf cent vingt-six
Rictus passait son temps à dire qu’il ne fallait pas que la guerre cessât qu’on eût rattrapé l’Alsace et la Lorraine, mais quand commencèrent les visites des avions allemands sur Paris et les obus de la Bertha, Jehan Rictus prit sa valise et fila aussitôt se réfugier en Eure-et-Loir, bien à l’abri. Pousser la guerre aussi loin qu’il le faudrait, il entendait cela pour les autres, pas pour lui.
Dimanche vingt-six décembre mil neuf cent vingt-six
Je me rappelle Autexier, à l’école communale de Courbevoie, j’avais douze ans, lui de visage si joli, si fille, si fille aussi dans sa démarche et ses allures, – le fils d’une femme de ménage à Courbevoie aussi, j’avais quatorze ou quinze ans, qui venait souvent à la maison, ma belle-mère absente, jouant tous les deux, le pantalon tombé, et moi par derrière lui, la q… bandant, entre ses cuisses, en faisant de mon mieux le mouvement nécessaire, mais toujours dérangés par le retour de ma future belle-mère, preuve que nous n’étions ni l’un ni l’autre très habiles, car enfin dix minutes auraient pu suffire, – le petit garçon de bains, établissement rue des Quatre-Vents, 1902, 03 ou 04, par qui je me fis branler un jour, (j’avais voulu la réciprocité en même temps, qu’il avait refusée), – auparavant, je l’oubliais, quand j’étais clerc d’avoué chez Barberon, mes jeunes collègues M… et un autre dont le nom m’échappe, – mon aventure un soir, à la place de l’Etoile, aves deux petites fripouilles de gamins que je faillis bien amener chez moi rue de l’Odéon, heureusement au dernier moment je préférai les laisser en plan, après m’être laissé aller avec eux à la recherche d’un coin tranquille du côté de la Porte du Bois. Hypocrites et poltrons autant que sots ceux qui cachent cela pour leur compte et s’en indignent pour les autres ; dans les choses de l’amour, tout est possible, tout est humain et tout se vaut.