Le Journal de Michel Perdrial

Le Journal de Michel Perdrial




Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

22 juillet 2021


Nancy ayant obtenu une journée de sursis pour le retour du masque à l’extérieur, c’est le nez au vent que je descends la Grande Rue ce mercredi à sept heures et demie. Un dernier passage chez Seb le Tentateur et me voici place Stanislas où je m’installe à la terrasse du Café du Commerce, histoire de boucler la boucle et de lire une fois encore le Journal d’Edmond de Goncourt dans sa ville natale, à cent kilomètres de l’ancien village nommé Goncourt.
Vers dix heures, après avoir tenté en vain de publier ma journée d’hier dans mon Journal (le copier-coller ne fonctionne pas), je range mon ordinateur dans ma valise, laisse la clé de mon minuscule studio Air Bibi sous le tapis et par une montée raisonnable rejoins la Gare devant laquelle je prends un nouveau café à deux euros au Leffe. Il m’est servi par un faux Jean-Paul Gaultier.
Le train qui doit m’emmener à Bar-le-Duc ne part qu’à douze heures trente-quatre. Après être passé par Liverdun, Toul, Commercy et avoir longé des champs encore inondés, il arrive à son terminus à treize heures quarante.
Je traverse l’Ornain par le pont de la Gare, tourne à droite boulevard de la Rochelle et ai la chance, bien qu’il soit presque quatorze heures, que l’on accepte de me servir le menu du jour au Comptoir de Maître Kanter. Il est à douze euros quatre-vingt-dix. J’ajoute un quart d’edelzwicker à sept euros. Tomates mozzarella, suprême de poulet et tian de légumes, crumble aux fruits, cela me suffit. Un point commun à mes voisins qui se relaient pour boire des cafés durant mon repas : se plaindre de leur descendance qui ne se soucie pas assez d’eux. Une illustration en est donnée par un trentenaire qui dit à sa femme qu’il va prendre un rendez-vous sur Doctolib pour le vaccin de sa grand-mère mais qu’il lui dira que ce jour-là, il a un rendez-vous pour le boulot. « Elle peut bien prendre un taxi ! »
Vers quinze heures, je me mets à la recherche de mon nouveau logis Air Bibi. Pourvu qu’il ne soit pas dans la ville haute, me dis-je en apercevant celle-ci dont j’ignorais l’existence. Heureusement non, il est à deux pas, et comme le rendez-vous avec ma nouvelle logeuse n’est qu’à seize heures, je bois un café pas loin, à un euro quarante, avec Edmond.
Au bon moment je sonne à l’adresse indiquée. Une jolie jeune femme m’ouvre et m’invite à la précéder jusqu’au troisième étage où j’arrive complétement essoufflé. Mon nouveau logement provisoire est vaste. On pourrait y mettre six fois celui que j’ai quitté à Nancy.
Mon ordinateur raccordé à la ouifi, j’essaie une nouvelle fois de publier ma journée d’hier et n’y parviens que par un coup de chance, en bidouillant. Il semble que le problème vienne de mon navigateur.
Par ailleurs, le clavier de mon ordi commence à lâcher. La lettre f a des aiblesses, ichtre, uck !
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Une septuagénaire à sa copine du même âge à la terrasse du Comptoir de Maître Kanter à propos de son fils : « Déjà hier soir au téléphone, il m’a fait des répliques ».
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La patronne du troquet où je bois un café plutôt que de dire « Il y a deux ans » : « Y a une paire d’années en arrière ».

21 juillet 2021


Pour ma dernière journée nancéenne, j’entreprends ce mercredi dès sept heures l’exploration Art Nouveau Ecole de Nancy. Le point de départ de mon périple est la Pharmacie du Point Central et mon repère la Gare.
C’est autour d’icelle que se trouvent la plupart des édifices remarquables relevant de ce mouvement artistique qui a touché la ville après la Guerre de Soixante-Dix. Certains de ces édifices sont parasités par des enseignes telles que MacDo, Starbucks ou Fnac. D’autres souvent plus intéressants, et heureusement moins bien situés commercialement, sont épargnés.
Je papillonne de l’un à l’autre, passe outre Gare où s’en trouvent certains, avec en tête la localisation du bouquet final. J’ai la surprise d’arriver à celui-ci par la rue des Goncourt. La Villa Majorelle est superbe. J’en fais quelques photos puis reviens vers la Gare, et au-delà mets le cap sur la boulangerie Les Tentations de Seb. Après avoir remonté la Grande Rue, j’arrive au Pinocchio place Saint-Epvre pour l’ouverture : neuf heures.
Mon petit déjeuner pris, je lis Goncourt, celui qui reste, tandis qu’en face dans l’immense basilique ont lieu des obsèques auxquelles n’assistent qu’une dizaine de personnes. Quand les cloches annoncent la sortie du cercueil, la plupart de mes voisin(e)s de bar préfèrent regarder ailleurs.
A midi, je retrouve ma table de terrasse au Vivier. A ma gauche sont trois ouvriers, un Français et deux Moldaves qui communiquent grâce au smartphone : « Pour la cuisson de la viande : bleu, saignant, bien cuit ? », traduction en roumain, réponse en français « Comme vous voulez ». Derrière moi, c’est une tablée de huit hospitaliers j’espère vaccinés. Mon choix se porte sur le saumon mariné sauce vierge, les filets de sardines grillées pommes grenaille et la tarte au citron meringuée, avec un quart de chardonnay, le tout pour un peu moins de vingt euros.
Ensuite, je bois un dernier café au Pinocchio avant d’aller lire à la Pépinière. Dès qu’il fait chaud, cela saute aux yeux, Nancy est une ville méridionale.
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Devant le Pinocchio, la boîte à livres la plus fréquentée que j’aie jamais vue. Bien qu’elle ne contienne que de la daube. De temps à autre, un homme en ticheurte et chorte orange vient remettre de l’ordre dans les livres d’une façon maladive.
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La loi doit avoir un nom qui veut que lorsqu’on s’apprête à photographier un bâtiment s’arrête devant lui un automobiliste ou un bicycliste ou un piéton qui s’appuie sur le mur pour téléphoner.

20 juillet 2021


Ce lundi matin, lorsque je descends du train pour Metz à l’arrêt Pont-à-Mousson, ce n’est pas pour réparer une erreur d’aiguillage mais parce que je veux découvrir cette ville mal réputée, assimilée qu’elle est à Saint-Gobain.
C’est d’ailleurs une quantité de tuyaux et de canalisations dans l’attente d’un train de fret que je vois de prime abord, ce qui me remet en tête mes soucis rouennais.
Laissant la Gare dans mon dos, je marche en direction de la Moselle et, avant d’apercevoir celle-ci, arrive à la place Duroc, triangulaire et entourée de majestueuses bâtisses à arcades. C’est là que je mange croissant et pain au chocolat avec un allongé à un euro soixante-dix, en terrasse au Café des Arcades.
Cela fait, je poursuis mon chemin et quand j’arrive au pont surgit à mes yeux sur l’autre rive l’ébouriffante église Saint-Martin et sur sa gauche l’abbaye des Prémontrés.
Il n’est que huit heures quinze mais la première est ouverte. Je peux y avoir pour moi seul la splendide mise au tombeau de Ligier Richier aux drapés impressionnants.
En revanche, je suis déçu par la façade, d’ailleurs en travaux, de l’abbaye, laquelle est partiellement transformée en hôtel trois étoiles. Il faudrait payer pour entrer dans la partie visitable, et c’est fermé.
De même suis-je déçu par le port qui me fait marcher pour un intérêt limité. Repassé sur l’autre rive, je vais voir l’église Saint-Laurent, moins excitante que sa concurrente, et comme il fait déjà chaud, je décide que j’ai terminé de visiter Pont-à-Mousson (PAM pour les intimes).
Je retourne au Café des Arcades. A l’ombre d’un pilier desdites, je m’offre un long café lecture. Vers onze heures, le restaurateur voisin arrive, suivi de ses jeunes serveuses. Pierre Bonaventure & Fils, depuis trois générations, cuisson au four à pain, voilà qui me séduit d’emblée.
J’y déjeune à l’ombre, d’une passable terrine de porc artisanale à l’ail des ours, d’un très bon demi-coquelet en crapaudine sauce crème champignons pommes sautées et d’une excellente soupe de fraise et glace au yaourt, tout cela accompagné d’un quart de Saint-Chinian. A ma gauche, une jolie fille en robe noire est l’invitée de ses grands-parents. Devant moi, un trentenaire et sa compagne enceinte vont bientôt dire adieu à la tranquillité. A ma droite, trois vieilles copines rêvent d’une thalasso à Saint-Malo. Le personnel est agréable et efficace. Le fils Bonaventure à qui je paie vingt-deux euros quatre-vingts est chaleureux. Je lui dis ma satisfaction.
C’est un train en provenance de Luxembourg qui me ramène à Nancy. Comme hier, je trouve refuge à la Pépinière sur un banc à double assise que je partage avec un couple de filles. Elles font le point sur leur relation. L’une reproche à l’autre de ne pas assez s’investir dans l’appartement. Je poursuis ma relecture du Journal des Goncourt.
Vers seize heures, le bal du lundi démarre, style guinguette, près de la buvette géante. L’animateur annonce que c’est la dernière occasion de danser sans masque. En effet, mercredi, c’est le retour de l’obligation de le porter en extérieur dans la Métropole. A Pont-à-Mousson aussi. Delta prospère. La guerre est loin d’être finie.
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Parmi les nés à Pont-à-Mousson :
Robert Morel, éditeur à Forcalquier, connu notamment pour ses collections  Célébrations, des livres carrés présentant dans chaque volume un objet ou une notion à célébrer, et O, des petits livres aux pages rondes retenues par un anneau.
Georges Navel, lui aussi parti dans le Sud, écrivain libertaire, manœuvre, ajusteur, terrassier, ouvrier agricole, apiculteur, correcteur d’imprimerie, auteur entre autre de Travaux.
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Il y a un moment dans la vie où l’on a plus le cœur d’arranger, de restaurer ce qui tombe en ruine autour de soi. On se dit : « Bah ! ça durera bien autant que moi ! » (Edmond de Goncourt, lundi deux septembre mil huit cent soixante-dix-huit)
 

19 juillet 2021


« Tiens, c’est l’été », me dis-je ce dimanche matin en considérant au-dessus de la Grande Rue le rond jaune dans le ciel bleu. Sur le parvis de la gare, la présence d’une colonie de vacances en partance le confirme. Combien réjouissante est la fausse décontraction des parents. Je prends un billet pour Toul et ne me trompe pas de train Fluo. Celui-ci a pour terminus Dijon, où se rendent une sexagénaire et sa trentenaire de fille pour des vacances en Bourgogne. Elles sont déjà en bisbille sur la place à choisir dans la voiture.
Je descends au premier arrêt et me dirige vers la Cathédrale Saint-Etienne que l’on repère de loin. Je découvre d’abord le port, assez mignon, puis les fortifications derrière lesquelles, porte de France, un bar à terrasse est ouvert, La Licorne, où je petit-déjeune. L’allongé est à un euro quarante et les clients ont la tête des manifestants contre la « dictature sanitaire ». D’ailleurs, c’est de cela qu’ils causent, et de la vaccination anti Covid, tu te fais piquer et hop tu chopes le syndrome de Guillain-Barré.
Je ne m’attarde pas avec ces types bien barrés, passe d’abord par l’église Saint-Gengoult qui est défigurée par des filets anti chute de pierres puis par la Cathédrale qui est en bon état mais dont le cloître est fermé jusqu’à je ne sais quelle heure. Après un petit tour dans les rues de la vieille ville, je bois un autre café sur une place à jet d’eau à la terrasse du Central dont la clientèle est la même qu’à La Licorne.
Toul ne me sourit pas. De plus, je n’y vois aucun restaurant susceptible de m’accueillir à midi. Aussi vais-je lire sur un banc bien ombragé dans le port jusqu’à l’heure du premier train pour rentrer : treize heures deux. Celui-ci longe une Moselle toujours boueuse et fait une halte à Liverdun, village perché à château.
Arrivé à Nancy, je rejoins la place Saint-Epvre et trouve une table à la terrasse du kebabier voisin du Pinocchio : une assiette, un jus d’orange, un café, douze euros. Il est quatorze heures, une femme et sa moutarde de trois ans rejoignent la grand-mère qui mange avec d’autres de son âge. C’est le début d’un dialogue édifiant.
La grand-mère : « Depuis qu’elle est plus à l’école, elle est énervée. »
La mère : « Je l’ai couchée à minuit. »
La grand-mère : « Ouh la… »
La mère : « On a fait des massages et je vais attaquer la méditation. »
Comme il fait fort chaud, je vais chercher la fraîcheur pas loin, dans le parc de la Pépinière, vingt et un hectares de verdure en pleine ville, à côté de la place Stanislas. Là aussi je lis.
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Oublié dans des toilettes publiques : un pot de miel de tournesol acheté chez Serge Poirot et fils, apiculteurs à Seichamps. Je m’interroge puis le fais mien. Une cure de miel ne pourra me faire que du bien.
 

18 juillet 2021


Etre dans la lune quand on veut aller à Lunéville, quoi de plus naturel. Ce n’est que lorsque le train a démarré qu’un message du contrôleur m’alerte : je suis monté par erreur dans le train pour Thionville, les deux partaient à sept heures cinquante. Je vais lui expliquer mon problème. Il se révèle compréhensif : pas de billet supplémentaire à acheter, que je descende au premier arrêt, Pont-à-Mousson, pour prendre le train qui arrivera dans l’autre sens. Il prévient par messagerie le contrôleur de cet autre train puis me dit à quel endroit me rasseoir pour descendre au niveau de l’escalier.
Arrivé à Pont-à-Mousson, il veille à ma descente et je le remercie vivement. Je suis à peine sur le quai d’en face que l’autre train arrive et je découvre que si je peux y monter, c’est qu’il circule avec dix minutes de retard. A l’arrivée en Gare de Nancy, je vais voir le tableau des départs. Un train pour Lunéville part dans une minute. Il est là devant moi sur le quai Un. J’y grimpe. Il démarre aussitôt.
Ce samedi, une heure plus tard que prévu et sous un ciel gris, j’arrive à Lunéville un peu déchiré, mais moins que le voyageur que représente J4, l’œuvre de Bruno Catalano installée sur le parvis.
Je trouve le chemin du centre-ville, traverse masqué le marché et arrive à proximité du Château après avoir acheté un croissant et un pain au chocolat. Une terrasse me fait signe. L’allongé est à un euro soixante-dix et les viennoiseries se révèlent desséchées. Ce petit déjeuner terminé, je rejoins le Château en partie restauré et en partie décati. Au centre de la place est une statue de Lasalle, né à Metz, mort à Wagram. De l’autre côté est un vaste parc à la française.
Je parcours ensuite les rues de la vieille ville aux façades colorées, fais le tour de l’imposante église Saint Jacques puis retourne au café où je lis Edmond de Goncourt suffisamment longtemps pour apprendre qu’on peut manger ici le midi, même si aucun menu n’est affiché. Des autochtones ont cette coutume, dont deux vieux qui viennent avec leur serviette de table. J’obtiens de garder ma table pour ce repas et d’être servi dès midi afin de pouvoir rejoindre la Gare à temps pour mon train de retour. C’est d’abord des moules farcies puis un dos de cabillaud rôti et enfin une tarte aux pommes. Avec un quart de pinot blanc, cela fait vingt-deux euros.
« Vous êtes libre de courir », me dit la patronne de ce café restaurant qui n’a même pas de nom. Ce qui signifie que je n’aurai pas à me presser pour rejoindre la Gare.
Je fais attention d’être sur le quai marqué « Direction Nancy », rejoins cette ville sans problème et prends le café au Pinocchio. A ma gauche, deux garçons dépriment : « Y a aucun plaisir à être ici » « Mais les gens qui achètent à manger vers quinze heures, quinze heures trente, qu’est-ce qu’ils font avant ? » A ma droite, deux filles exultent : « Ton enterrement, ça va ou pas ? » « Oh oui, complètement ! » (il s’agit de celui de sa vie de jeune fille). Je ne sais pas qui je dois plaindre le plus.
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Je vois Lunéville comme un Nancy du pauvre.
 

17 juillet 2021


J’ai beau sortir dès sept heures ce vendredi matin je trouve des Nancéen(ne)s debout avec qui je dois composer pour photographier la partie principale de la Vieille Ville qui va de la place Stanislas à la porte de la Craffe en passant par la Grande Rue où je loge présentement.
Sur cette place Stanislas, on trouve l’Hôtel de Ville, l’Office de Tourisme, le Musée des Beaux-Arts et des cafés et restaurants aux imposantes terrasses, toutes mises en place, et ça prend longtemps et c’est lourd,  par des hommes à la peau noire. Aucun véhicule n’y est admis. Les livreurs tirent des transpalettes.
Après la statue de Jacques Calot commence la Grande Rue aux nombreux hôtels particuliers remarquables. Elle est jouxtée par la basilique Saint-Epvre. On y trouve la maison où fut veillé le corps de Charles le Téméraire tué à la bataille de Nancy le cinq janvier mil quatre cent soixante-dix-sept, le Palais des Ducs de Lorraine, l’église des Cordeliers. Cette Grande Rue se termine avec la porte de la Craffe aux allures de château.
Autre monument démesuré situé ailleurs et que je vais voir après : la Cathédrale. Une voyageuse tirant sa valise que je photographie devant donne une idée de la taille de cet édifice. L’échelle de certains monuments nancéens est à un et demi.
C’est encore à la boulangerie Les Tentations de Seb que j’achète un croissant en forme de croissant et un pain au chocolat, tous deux excellents. Je suis servi par Seb lui-même à qui je demande si je peux trouver un café ouvert ailleurs que place Stanislas. Il me répond que non, tous des fainéants, il n’y a qu’à Stan.
Je retourne donc au Café du Commerce où l’allongé coûte toujours deux euros vingte (comme on dit dans la région) puis vers dix heures je vais boire un expresso place Saint-Epvre au Pinocchio où il ne coûte que deux euros. Je lis là Edmond de Goncourt que je trouve toujours aussi ennuyeux. C’est lui qui aurait dû mourir, et non Jules.
A midi, dans la rue des Maréchaux où, hormis la boulangerie de Seb, il n’y a que des restaurants, côte à côte et des deux côtés, je choisis Le Vivier qui propose un menu à treize euros quatre-vingt-dix. J’opte pour les rillettes aux deux saumons, le risotto de fruits de mer et le cheesecake citron framboise, avec un quart de chardonnay à quatre euros quatre-vingt-dix. J’ai une table bien abritée en terrasse et c’est heureux car en cours de repas, une drache s’abat qui oblige certain(e)s à se réfugier à l’intérieur. Personne n’ose trop se plaindre au regard de la catastrophe qui touche l’Allemagne et la Belgique.
Après ce bon repas, et alors que l’on va de drache en drache, je bois le café à la terrasse du Pinocchio, face la basilique où à l’aide d’une nacelle télescopique des ouvriers se livrent à de mystérieuses réparations. Demain devrait être un jour un peu meilleur, s’agissant de la météo.
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Deux sœurs avec leur vieille mère un peu sourde à la table voisine de la mienne au Vivier.
L’une : « C’est laquelle ton oreille, maman ? »
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Une femme à une autre au Pinocchio : « Donc, si un jour on me retrouve en une dizaine de morceaux, tu donneras aux flics cette liste. »
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S’il est une ville qui pourrait concourir pour la Plus Grande Terrasse de France, c’est Nancy. Nicolas le Mégalo, Maire de Rouen, Socialiste, qui en revendique le titre devrait venir y faire un tour. Il pourrait aussi s’inspirer de la ville pour faire de Rouen la Ville La Plus Propre de France, un autre de ses délires.
 

16 juillet 2021


A entendre ce qui tombe du ciel pendant la nuit, je m’inquiète de ce qui m’attend ce jeudi, jour de transfert. Heureusement, au matin il pleut peu tandis que je monte vers la Gare d’Epinal. Le train Fluo de sept heures quarante-trois m’emmène à Nancy en suivant des cours d’eau rendus marron par la boue.
A l’arrivée il pleut toujours peu. Je fais rouler ma valise jusqu’à la place Stanislas que je traverse en demi diagonale puis je prends à gauche et à droite. Me voici Grande Rue où se trouve mon nouveau studio Air Bibi avec un lit d’une personne. Comme il ne sera prêt que dans l’après-midi ma nouvelle logeuse m’a proposé de stocker mes bagages dans un débarras à elle : « Derrière les vélos dans la cour, il y a une porte où se trouve le compteur Linky. Sur ce compteur, il y a une clé avec un porte-clés rose. Cette clé ouvre le premier étage sur votre gauche. Vous pouvez y déposer vos affaires. »
Je procède ainsi et allégé de ce poids achète croissant et pain au chocolat à la boulangerie Les Tentations de Seb puis retourne place Stanislas et, sous l’auvent chauffé du Café du Commerce, commande un allongé à deux euros vingt. Je reste là un long moment à lire Edmond de Goncourt puis quand l’accalmie se présente, je fais un tour dans mon nouveau quartier, depuis la basilique Saint-Epvre (apparemment fermée) jusqu’à la porte de la Craffe (à forme d’immense château) en passant par l’église des Cordeliers qui contient les vestiges du Duché de Lorraine (visitable gratuitement).
A midi quarante-cinq, heure de notre rendez-vous, je vois s’arrêter un taxi au bout de la Grande Rue et en descendre celle qui travaille à Paris, présente aujourd’hui à Nancy pour une visite de chantier. Ce sont nos retrouvailles après presque un an et demi sans se voir. On s’embrasse malgré le danger.
Je lui propose de déjeuner au Café du Commerce, ce que nous faisons bientôt, abrités et chauffés sous l’auvent, mignon de porc et coupe glacée avec pinot d’Alsace et café, en parlant de nos vies respectives, heureux de nous retrouver.
Il est quinze heures lorsque je l’accompagne à la Gare où elle doit travailler dans un café avant de prendre son Tégévé de retour. Nous y buvons un autre café, puis un dernier regard au travers de la vitre et me voici redescendu Grande Rue où je trouve comme convenu la clé de mon tout petit studio sous un paillasson au deuxième étage.
 

15 juillet 2021


Une succession d’explosions, c’est à quoi se résume pour moi le feu d’artifice d’Epinal tiré pour la Fête Nationale. Rendormi, je suis à nouveau réveillé par deux ou trois explosions du même genre, un particulier donnant libre cours à ses émotions patriotiques sans doute.
Il ne pleut pas (pas encore) quand je sors ce mercredi vers sept heures dans cette rue des Minimes aux ballons colorés que je vais bientôt quitter. On y trouve en son milieu une hideuse statue monumentale en bronze de César installée pour le bicentenaire de la Révolution Française, Liberté, deux doigts qui font le signe de la victoire.
La Moselle traversée par sa passerelle semi couverte, je trouve le marché qui s’installe comme un mercredi banal. Des municipaux font enlever par la fourrière les voitures de quelques-uns qui s’en souviendront de ce Quatorze Juillet. J’entre pour la dernière fois à la Boulangerie du Moulin du Château, la seule à faire encore un croissant en forme de croissant, mais arrive trop tôt à la Brasserie du Commerce qui n’ouvre qu’à la demie.
Plutôt que d’attendre, je retraverse la Moselle et m’assois sur un banc place de la Chipotte pour manger mes viennoiseries. Une œuvre monumentale de Bernar Venet y est installée, La ligne indéterminée, sculpture en acier de cinq mètres de large et sept mètres de haut, « une arabesque qui recompose l’espace dans le volume de la place ». Dommage qu’elle soit gênée par des arbres autour et une pizzéria derrière.
Je longe ensuite ce que je prenais pour un bras de la Moselle mais qui est un canal, celui des Grands Moulins, dont les eaux sont vives. A la pointe de l’île, j’arrive au Musée Départemental d’Art Ancien et Contemporain où je ne serai pas entré. Je retraverse la Moselle et pénètre dans le Parc du Cours. Son allée principale est au nom de Marcel Mauss, né à Epinal. Le Spinalien n’est pas matinal, je suis le seul à faire le tour de ce jardin public dont le kiosque est en tricolore. Il servira à la cérémonie du jour.
Il ne pleut toujours pas quand vers neuf heures je regagne mon studio Air Bibi, ni quand j’en ressors à midi pour aller déjeuner au Grand Café, mais le vent froid empêche la terrasse.
Pas de menu du jour le Quatorze Juillet, je choisis à la carte, l’assiette de rillettes puis le confit de canard pommes sautées salade et suis seul sous la véranda pendant le repas. Au comptoir, un homme se nourrit de jeux à perdre. Dans la salle principale, très sombre, mangent deux femmes seules et un duo d’hommes. L’un d’eux, jardinier, est en boucle : « Treize tomates sur le même pied ! ». Avec le quart de côtes-du-rhône et le café, j’en ai pour vingt et un euros soixante.
Dans l’après-midi, alors qu’il pleut bien, ma sympathique logeuse et son ami m’invitent à prendre le thé dans leur appartement situé en face. Encore une nuit à Epinal et il s’agira de changer d’adresse provisoire. La météo est catégorique : demain sera très pluvieux.
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Une femme fait tomber son masque sur le pavé, le ramasse et le glisse dans son sac. Le voilà prêt au réemploi.
 

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