Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
23 juin 2015
Ce n’est pas que j’aie besoin de m’encombrer de quelques livres supplémentaires mais ma petite voiture n’a pas roulé depuis deux semaines, aussi ce lundi je prends la route, en espérant ne pas me faire encore une fois choper en excès de vitesse, et conduis jusqu’à Quévreville-la-Poterie.
Cette année, l’étroite route sinueuse qui permet d’atteindre le hameau du Fresnay où se cache Détéherre, la plus grande bouquinerie rurale de Normandie (et peut-être de France), n’est pas bordée de maïs mais de céréales (blé, orge ou autres) ce qui assure une meilleure visibilité en cas de voiture arrivant en face. Je ne croise personne, me gare près du pré aux ânes.
A treize heures, la porte métallique s’ouvre. Je fouine environ une heure parmi les six cent mille livres tout en subissant la radio Chérie et repars avec peu.
*
Avant de ranger ce livre dans ma bibliothèque, ultimes citations prises dans la correspondance entre Maxime Gorki et Anton Tchekhov publiée sous le titre « Merci, Dr Tchekhov » (Les Cahiers Rouges, Grasset) :
Je suis ukrainien, et affreusement paresseux. Vous écrivez que je suis sévère. Je ne suis pas sévère, mais paresseux –je passe mon temps à me promener et à siffloter. (Tchekhov à Gorki, le dix-huit janvier mil huit cent quatre-vingt-dix-neuf)
On ne bute pas dans le sol parce qu’on écrit ; on écrit parce qu’on s’enfonce et qu’on ne peut plus aller nulle part. (du même au même, le même jour)
Je crois bien que le métier d’écrivain n’est pas tellement rose. On est surtout embêté par les dames qui viennent vous peloter de toutes les façons : «Etes-vous féministe ?», «Croyez-vous à l’existence d’une puissance suprême ?», «Pourquoi buvez-vous du cognac ?»
Que leur dire ? Elles m’assomment. (Gorki à Tchekhov, en septembre mil huit cent quatre-vingt-dix-neuf)
Cette année, l’étroite route sinueuse qui permet d’atteindre le hameau du Fresnay où se cache Détéherre, la plus grande bouquinerie rurale de Normandie (et peut-être de France), n’est pas bordée de maïs mais de céréales (blé, orge ou autres) ce qui assure une meilleure visibilité en cas de voiture arrivant en face. Je ne croise personne, me gare près du pré aux ânes.
A treize heures, la porte métallique s’ouvre. Je fouine environ une heure parmi les six cent mille livres tout en subissant la radio Chérie et repars avec peu.
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Avant de ranger ce livre dans ma bibliothèque, ultimes citations prises dans la correspondance entre Maxime Gorki et Anton Tchekhov publiée sous le titre « Merci, Dr Tchekhov » (Les Cahiers Rouges, Grasset) :
Je suis ukrainien, et affreusement paresseux. Vous écrivez que je suis sévère. Je ne suis pas sévère, mais paresseux –je passe mon temps à me promener et à siffloter. (Tchekhov à Gorki, le dix-huit janvier mil huit cent quatre-vingt-dix-neuf)
On ne bute pas dans le sol parce qu’on écrit ; on écrit parce qu’on s’enfonce et qu’on ne peut plus aller nulle part. (du même au même, le même jour)
Je crois bien que le métier d’écrivain n’est pas tellement rose. On est surtout embêté par les dames qui viennent vous peloter de toutes les façons : «Etes-vous féministe ?», «Croyez-vous à l’existence d’une puissance suprême ?», «Pourquoi buvez-vous du cognac ?»
Que leur dire ? Elles m’assomment. (Gorki à Tchekhov, en septembre mil huit cent quatre-vingt-dix-neuf)
22 juin 2015
Dernier appel téléphonique de Pékin ce samedi soir, juste avant l’embarquement dans l’avion, et ce dimanche, voici celle chez qui j’ai passé une semaine en son absence de retour à Paris, à l’heure matutinale où je me lève, laissant derrière elle l’exposition de l’architecte américain bien éclairée.
Pour une fois, le dimanche après-midi à Rouen ne sera pas semblable à un électroencéphalogramme plat, puisque c’est l’été et donc la Fête de la Musique.
J’en profite avant même de l’avoir voulu car dès midi, à l’heure où je lis le Journal d’Andy Warhol en terrasse au Son du Cor, j’ai en fond sonore l’electro de Lucien, un collectif issu de l’Ecole d’Architecture, installé sur le terrain de boules (il a posé des sculptures en grillage fin sur des tables et accroché des photos et dessins en périphérie). C’est de la musique pour jeunesse saine, laquelle se livre à de petites chorégraphies, le garçon qui ne sait pas danser se cachant derrière les autres et la fille qui ne sait pas quoi faire de son corps faisant les photos, pendant que celui qui s’amuse tout seul se tripote les boutons derrière la console.
A quinze heures, je me transporte place de la Rougemare où devant la crêperie du même nom joue Hot Slap, un trio de rockabilly qui fête la sortie de son cédé édité par une de mes connaissances qui pour cela a ressuscité son label Smap Records. C’est de la bonne musique d’il y a longtemps. Chaque chanson a le même titre : « Celle-ci vous la connaissez déjà ». Je me crois revenu à la fin des années cinquante, encore plus à considérer certains autour de moi, porteurs de belles salopettes ou de costumes d’époque et coiffés d’une banane bien lustrée, parmi lesquels un branlotin lui aussi tombé dans la faille temporelle. D’autres spectateurs arrivent en élégantes Déesse Dix-Neuf. Un couple de quinquagénaires se lance de temps à autre dans un rock des plus académiques tandis que d’autres dansent seuls à leur manière dont celui que j’appelle le petit bonhomme, reggae man déjà bien imbibé. Un harmoniciste est parfois invité à rejoindre le trio.
-T’as acheté le disque, me demande une autre de mes connaissances.
-Non, lui dis-je, parce que je ne l’écouterai pas.
-Eh bien, me répond-il, tu l’achètes comme ça tu es content, et ensuite tu me l’offres, comme ça tu es content une deuxième fois.
Après Hot Slap, le curseur va encore un peu en arrière avec la country des Muddy Hill Boys, un quatuor de bluegrass à la vêture idoine et dont les voix sont nasillardes à souhait.
Je les quitte en cours pour aller place Saint-Marc où, face aux cafés qui ont étendu leurs terrasses dans la rue, est installée une scène sur laquelle est présent à l’heure dite (dix-huit) le duo The Tombstone Brothers mais le début de la prestation se fait attendre, le chanteur faisant sa coquette. Celui-ci, accompagné d’un guitariste, donne à entendre des standards de la rock pop music. On est quelque part entre l’hommage et la parodie. Cela a le don de me lasser. Je rentre un peu avant dix-neuf heures, n’ayant aucun goût pour la fête de la bière qui prend le pas sur celle de la musique à partir du début de soirée.
*
En novembre mil neuf cent quatre-vingt-deux, Andy Warhol est à Pékin :
Deux heures de voiture. Tout le monde chantait de superbes chansons américaines. Quand nous sommes arrivés à la Grande Muraille, j’ai vu qu’elle était vraiment grande. J’en avais ri, mais elle est renversante. (…) Mes cheveux ont presque été emportés par le vent. (lundi premier)
Debout à 6h30. Une autre excursion. (…) Dans un village, les enfants ont chanté God Bless America et Jingle Bells. C’était écœurant parce que c’était triste de voir ces petits enfants devoir faire les singes. (mercredi trois)
Envoyé Benjamin à Chinatown parce que je n’avais pas acheté de cadeaux en Chine. (lundi huit, de retour à New York)
Pour une fois, le dimanche après-midi à Rouen ne sera pas semblable à un électroencéphalogramme plat, puisque c’est l’été et donc la Fête de la Musique.
J’en profite avant même de l’avoir voulu car dès midi, à l’heure où je lis le Journal d’Andy Warhol en terrasse au Son du Cor, j’ai en fond sonore l’electro de Lucien, un collectif issu de l’Ecole d’Architecture, installé sur le terrain de boules (il a posé des sculptures en grillage fin sur des tables et accroché des photos et dessins en périphérie). C’est de la musique pour jeunesse saine, laquelle se livre à de petites chorégraphies, le garçon qui ne sait pas danser se cachant derrière les autres et la fille qui ne sait pas quoi faire de son corps faisant les photos, pendant que celui qui s’amuse tout seul se tripote les boutons derrière la console.
A quinze heures, je me transporte place de la Rougemare où devant la crêperie du même nom joue Hot Slap, un trio de rockabilly qui fête la sortie de son cédé édité par une de mes connaissances qui pour cela a ressuscité son label Smap Records. C’est de la bonne musique d’il y a longtemps. Chaque chanson a le même titre : « Celle-ci vous la connaissez déjà ». Je me crois revenu à la fin des années cinquante, encore plus à considérer certains autour de moi, porteurs de belles salopettes ou de costumes d’époque et coiffés d’une banane bien lustrée, parmi lesquels un branlotin lui aussi tombé dans la faille temporelle. D’autres spectateurs arrivent en élégantes Déesse Dix-Neuf. Un couple de quinquagénaires se lance de temps à autre dans un rock des plus académiques tandis que d’autres dansent seuls à leur manière dont celui que j’appelle le petit bonhomme, reggae man déjà bien imbibé. Un harmoniciste est parfois invité à rejoindre le trio.
-T’as acheté le disque, me demande une autre de mes connaissances.
-Non, lui dis-je, parce que je ne l’écouterai pas.
-Eh bien, me répond-il, tu l’achètes comme ça tu es content, et ensuite tu me l’offres, comme ça tu es content une deuxième fois.
Après Hot Slap, le curseur va encore un peu en arrière avec la country des Muddy Hill Boys, un quatuor de bluegrass à la vêture idoine et dont les voix sont nasillardes à souhait.
Je les quitte en cours pour aller place Saint-Marc où, face aux cafés qui ont étendu leurs terrasses dans la rue, est installée une scène sur laquelle est présent à l’heure dite (dix-huit) le duo The Tombstone Brothers mais le début de la prestation se fait attendre, le chanteur faisant sa coquette. Celui-ci, accompagné d’un guitariste, donne à entendre des standards de la rock pop music. On est quelque part entre l’hommage et la parodie. Cela a le don de me lasser. Je rentre un peu avant dix-neuf heures, n’ayant aucun goût pour la fête de la bière qui prend le pas sur celle de la musique à partir du début de soirée.
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En novembre mil neuf cent quatre-vingt-deux, Andy Warhol est à Pékin :
Deux heures de voiture. Tout le monde chantait de superbes chansons américaines. Quand nous sommes arrivés à la Grande Muraille, j’ai vu qu’elle était vraiment grande. J’en avais ri, mais elle est renversante. (…) Mes cheveux ont presque été emportés par le vent. (lundi premier)
Debout à 6h30. Une autre excursion. (…) Dans un village, les enfants ont chanté God Bless America et Jingle Bells. C’était écœurant parce que c’était triste de voir ces petits enfants devoir faire les singes. (mercredi trois)
Envoyé Benjamin à Chinatown parce que je n’avais pas acheté de cadeaux en Chine. (lundi huit, de retour à New York)
20 juin 2015
« Ah, Michel, j’ai pensé à toi, j’ai installé des sièges ». Ainsi m’accueille dans le bar de l’Hôtel de l’Europe, Georges-André, le maître des lieux, ce vendredi soir. Rachel Ries doit y donner concert. Mieux qu’un siège, j’opte pour une place sur la banquette.
En première partie, j’assiste au nourrissage d’une enfançonne, un spectacle auquel d’autres sont fort sensibles. Ils félicitent le père pour son savoir-faire. La mère, comme on pouvait si attendre, déclare que c’est parce qu’il y a du monde.
Du monde, il y a, mais peu. C’est une bonne chose. Je vais ainsi pouvoir profiter dans des conditions optimales de la jolie voix de Rachel Ries, fille du Dakota du Sud. Elle y vit dans une ville de mille habitants et est à Rouen en résidence, invitée par Europe and Co, afin d’écrire de nouvelles chansons loin de son univers habituel, comme l’explique en introduction l’un des membres de l’association.
La première session est à l’eau plate. Rachel Ries y chante assise au clavier Yamaha puis debout à la guitare électrique. Elle présente en anglais ses chansons. Son accent américain me permet de la comprendre à soixante-quinze pour cent quand elle parle, mais pas du tout quand elle chante, ce qui ne m’empêche pas d’aimer.
A la pause, je commande un verre de vin blanc à Georges-André. Il est excellent. Quand je lui demande son nom, il me répond « Secret ». C’est effectivement ce qui est écrit sur la bouteille. Il m’explique que les meilleurs bordeaux sont soumis à un numerus clausus. Les bouteilles excédentaires sont commercialisées sans que l’on puisse y mettre un nom.
La deuxième session est au ouiski. Rachel Ries y chante assise à la guitare électrique puis au clavier Yamaha. Elle invite à la fin à faire « la la la » avec elle. J’y arrive un peu.
Après les chaleureux applaudissements, le maître des lieux met en place un généreux buffet (pâté, saucisson, houmous et guacamole). J’offre un verre à l’homme au chapeau et en reprends un de « Secret ». Une discussion s’instaure sur le fait de chanter en anglais ou en français quand on est d’ici, à laquelle je ne me mêle pas. Un artiste local explique qu’il chante en anglais parce qu’il parle anglais (il l’enseigne) mais qu’à l’inverse de certaine qui chante en anglais une vie fantasmée d’irlando-bretonne, lui chante sa vie réelle de natif de Saint-Etienne-du-Rouvray. L’important, dit-il, ce n’est pas la langue dans laquelle on chante mais l’authenticité.
Pour moi, ne lui dis-je pas, une chanson en anglais est une chanson dont je ne comprends pas les paroles, donc authentique ou pas c’est kif-kif.
*
Dans ses compositions, Rachel Ries évoque notamment Chicago, sa grand-mère agricultrice disparue trop tôt, un pigeon récemment mort (une des chansons écrites à Rouen et intitulée The Cathedral Bells, celles d’un bâtiment proche sonnent au moment où elle en parle), son ancien amour pour son ingénieur du son qui a fait l’objet d’un disque entier « c’est trop », l’erreur d’avoir été une épouse (si j’ai bien compris).
*
Elle dessine aussi. L’une de ses pochettes de disques montre une femme entourée de fleurettes. Si je n’avais connu que ça d’elle, je n’aurais pas mis l’oreille à son concert.
En première partie, j’assiste au nourrissage d’une enfançonne, un spectacle auquel d’autres sont fort sensibles. Ils félicitent le père pour son savoir-faire. La mère, comme on pouvait si attendre, déclare que c’est parce qu’il y a du monde.
Du monde, il y a, mais peu. C’est une bonne chose. Je vais ainsi pouvoir profiter dans des conditions optimales de la jolie voix de Rachel Ries, fille du Dakota du Sud. Elle y vit dans une ville de mille habitants et est à Rouen en résidence, invitée par Europe and Co, afin d’écrire de nouvelles chansons loin de son univers habituel, comme l’explique en introduction l’un des membres de l’association.
La première session est à l’eau plate. Rachel Ries y chante assise au clavier Yamaha puis debout à la guitare électrique. Elle présente en anglais ses chansons. Son accent américain me permet de la comprendre à soixante-quinze pour cent quand elle parle, mais pas du tout quand elle chante, ce qui ne m’empêche pas d’aimer.
A la pause, je commande un verre de vin blanc à Georges-André. Il est excellent. Quand je lui demande son nom, il me répond « Secret ». C’est effectivement ce qui est écrit sur la bouteille. Il m’explique que les meilleurs bordeaux sont soumis à un numerus clausus. Les bouteilles excédentaires sont commercialisées sans que l’on puisse y mettre un nom.
La deuxième session est au ouiski. Rachel Ries y chante assise à la guitare électrique puis au clavier Yamaha. Elle invite à la fin à faire « la la la » avec elle. J’y arrive un peu.
Après les chaleureux applaudissements, le maître des lieux met en place un généreux buffet (pâté, saucisson, houmous et guacamole). J’offre un verre à l’homme au chapeau et en reprends un de « Secret ». Une discussion s’instaure sur le fait de chanter en anglais ou en français quand on est d’ici, à laquelle je ne me mêle pas. Un artiste local explique qu’il chante en anglais parce qu’il parle anglais (il l’enseigne) mais qu’à l’inverse de certaine qui chante en anglais une vie fantasmée d’irlando-bretonne, lui chante sa vie réelle de natif de Saint-Etienne-du-Rouvray. L’important, dit-il, ce n’est pas la langue dans laquelle on chante mais l’authenticité.
Pour moi, ne lui dis-je pas, une chanson en anglais est une chanson dont je ne comprends pas les paroles, donc authentique ou pas c’est kif-kif.
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Dans ses compositions, Rachel Ries évoque notamment Chicago, sa grand-mère agricultrice disparue trop tôt, un pigeon récemment mort (une des chansons écrites à Rouen et intitulée The Cathedral Bells, celles d’un bâtiment proche sonnent au moment où elle en parle), son ancien amour pour son ingénieur du son qui a fait l’objet d’un disque entier « c’est trop », l’erreur d’avoir été une épouse (si j’ai bien compris).
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Elle dessine aussi. L’une de ses pochettes de disques montre une femme entourée de fleurettes. Si je n’avais connu que ça d’elle, je n’aurais pas mis l’oreille à son concert.
19 juin 2015
Pas question de terminer la semaine parisienne sans passer au Book-Off de Saint-Augustin. J’y vais pour l’ouverture, à un moment où il est peu fréquenté, et peux donc flâner à mon aise et trouver quelques livres à mon goût.
Je remonte à pied jusqu’à Notre-Dame de Lorette où se trouve le métro le plus pratique pour rejoindre le Dix-Huitième et avant de le prendre déjeune à L’Alvéole, rue Saint-Georges, dont la cuisine est si basique qu’il n’est pas utile d’en dire plus (il est vrai qu’après Le Bon Coin d’hier…). Des habitués en semblent pourtant satisfaits, qui parlent de la naissance d’une petite Léa dont les parents ont eu l’appartement cambriolé pendant l’accouchement (ordinateurs, bijoux, etc.). On soupçonne un voisin.
Rentré dans l’appartement prêté par une rame dans laquelle un mendiant demande une pièce pour manger en pleurant bruyamment (une technique improductive), je mets de l’ordre dans l’appartement et passe l’après-midi en compagnie des deux bestioles à longue queue sur fond de bruit des travaux de la dent creuse à terminer la lecture de « Merci, Dr Tchekhov », la correspondance entre Gorki l’impétueux et Tchekhov le mesuré.
Lourdement chargé, je rejoins la gare Saint-Lazare en début de soirée et par un train de dix-neuf heures trente surchauffé regagne Rouen où le ciel est gris. Un message de Chine m’attend sur le répondeur, visant à me rassurer, la communication via Internet laissant à désirer ces derniers jours.
*
Maxime Gorki à Anton Tchekhov (début de juillet mil neuf cent) :
Cher Anton Pavlovitch,
Allons en Chine ! Un jour à Yalta vous avez dit que vous iriez volontiers. Partons ! J’ai une envie formidable d’aller là-bas et je pense me proposer comme correspondant à quelque journal. Ma femme ne tient pas à me laisser partir seul, mais elle serait tout à fait tranquille si vous veniez aussi. Partons, Anton Pavlovitch ! Là-bas la vie est intéressante, ici elle est grise.
*
Anton Tchekhov à Maxime Gorki (douze juillet mil neuf cent) :
Cher Alexis Maximovitch,
Votre proposition d’aller en Chine m’a étonné. Et votre pièce ? Où en est votre pièce ? C’est donc que vous l’avez achevée ? Quoi qu’il en soit, il est déjà tard pour aller en Chine car la guerre touche manifestement à sa fin. Et je ne peux aller là-bas que comme médecin. Médecin militaire. Si la guerre dure, j’irai, mais en attendant je reste ici et j’écris tout doucement.
Je remonte à pied jusqu’à Notre-Dame de Lorette où se trouve le métro le plus pratique pour rejoindre le Dix-Huitième et avant de le prendre déjeune à L’Alvéole, rue Saint-Georges, dont la cuisine est si basique qu’il n’est pas utile d’en dire plus (il est vrai qu’après Le Bon Coin d’hier…). Des habitués en semblent pourtant satisfaits, qui parlent de la naissance d’une petite Léa dont les parents ont eu l’appartement cambriolé pendant l’accouchement (ordinateurs, bijoux, etc.). On soupçonne un voisin.
Rentré dans l’appartement prêté par une rame dans laquelle un mendiant demande une pièce pour manger en pleurant bruyamment (une technique improductive), je mets de l’ordre dans l’appartement et passe l’après-midi en compagnie des deux bestioles à longue queue sur fond de bruit des travaux de la dent creuse à terminer la lecture de « Merci, Dr Tchekhov », la correspondance entre Gorki l’impétueux et Tchekhov le mesuré.
Lourdement chargé, je rejoins la gare Saint-Lazare en début de soirée et par un train de dix-neuf heures trente surchauffé regagne Rouen où le ciel est gris. Un message de Chine m’attend sur le répondeur, visant à me rassurer, la communication via Internet laissant à désirer ces derniers jours.
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Maxime Gorki à Anton Tchekhov (début de juillet mil neuf cent) :
Cher Anton Pavlovitch,
Allons en Chine ! Un jour à Yalta vous avez dit que vous iriez volontiers. Partons ! J’ai une envie formidable d’aller là-bas et je pense me proposer comme correspondant à quelque journal. Ma femme ne tient pas à me laisser partir seul, mais elle serait tout à fait tranquille si vous veniez aussi. Partons, Anton Pavlovitch ! Là-bas la vie est intéressante, ici elle est grise.
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Anton Tchekhov à Maxime Gorki (douze juillet mil neuf cent) :
Cher Alexis Maximovitch,
Votre proposition d’aller en Chine m’a étonné. Et votre pièce ? Où en est votre pièce ? C’est donc que vous l’avez achevée ? Quoi qu’il en soit, il est déjà tard pour aller en Chine car la guerre touche manifestement à sa fin. Et je ne peux aller là-bas que comme médecin. Médecin militaire. Si la guerre dure, j’irai, mais en attendant je reste ici et j’écris tout doucement.
18 juin 2015
Ce mardi, à treize heures j’attends l’ami Philippe Dumez devant une Mairie du Dix-Huitième couverte de slogans et de drapeaux syndicaux, ce sont les postiers qui ne sont pas contents. Quand il arrive, je lui suggère un restaurant que j’ai repéré mais il a mieux à me proposer, une brasserie ouverte depuis mil neuf cent trente-quatre, nommée Le Bon Coin, à deux pas de là où je passe mes nuits.
Cet endroit mérite son nom. Il offre une cuisine à base de plats du Massif Central et un accueil chaleureux. Nous y déjeunons excellemment, pour un prix des plus raisonnables, tout en parlant (entre autres) de nos expériences d’écriture et de notre fréquentation assidue des vide greniers. La tarte pomme rhubarbe est somptueuse en qualité et en quantité, nous aurions eu tort de nous priver de dessert. Il est presque quinze heures quand nous nous séparons devant la dent creuse où les ouvriers forent toujours.
Un peu plus tard, je prends à nouveau le bus Soixante et en descends au canal de l’Ourcq au long duquel je marche un moment puis je m’assois au bord du bassin de la Villette où voguent les bateaux sans permis et commence à lire la correspondance entre Maxime Gorki et Anton Tchekhov publiée aux Cahiers Rouges chez Grasset sous le titre « Merci, Dr Tchekhov ». J’y trouve ceci à propos de l’écriture sous la plume de Tchekhov, qui n’est pas sans me faire songer à notre conversation méridienne : L’unique défaut, c’est l’intempérance, le manque de grâce. Lorsque pour un effet déterminé, on met en jeu le minimum de gestes, cela s’appelle la grâce.
Au retour, je descends à Pont-Cardinet afin de voir à quoi ressemble ce Ground Control dont m’a parlé Philippe Dumez, un lieu éphémère installé dans d’anciens locaux de la Senecefe rue Ordener, immense endroit où se côtoient bars, restaurants, boulodrome, expositions, concerts, poulailler et friches à jardiner, mais bizarrement il est fermé.
*
Pas de prise de courant dans la salle de bains. Je vais rentrer à Rouen membre de la tribu des néo barbus.
Cet endroit mérite son nom. Il offre une cuisine à base de plats du Massif Central et un accueil chaleureux. Nous y déjeunons excellemment, pour un prix des plus raisonnables, tout en parlant (entre autres) de nos expériences d’écriture et de notre fréquentation assidue des vide greniers. La tarte pomme rhubarbe est somptueuse en qualité et en quantité, nous aurions eu tort de nous priver de dessert. Il est presque quinze heures quand nous nous séparons devant la dent creuse où les ouvriers forent toujours.
Un peu plus tard, je prends à nouveau le bus Soixante et en descends au canal de l’Ourcq au long duquel je marche un moment puis je m’assois au bord du bassin de la Villette où voguent les bateaux sans permis et commence à lire la correspondance entre Maxime Gorki et Anton Tchekhov publiée aux Cahiers Rouges chez Grasset sous le titre « Merci, Dr Tchekhov ». J’y trouve ceci à propos de l’écriture sous la plume de Tchekhov, qui n’est pas sans me faire songer à notre conversation méridienne : L’unique défaut, c’est l’intempérance, le manque de grâce. Lorsque pour un effet déterminé, on met en jeu le minimum de gestes, cela s’appelle la grâce.
Au retour, je descends à Pont-Cardinet afin de voir à quoi ressemble ce Ground Control dont m’a parlé Philippe Dumez, un lieu éphémère installé dans d’anciens locaux de la Senecefe rue Ordener, immense endroit où se côtoient bars, restaurants, boulodrome, expositions, concerts, poulailler et friches à jardiner, mais bizarrement il est fermé.
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Pas de prise de courant dans la salle de bains. Je vais rentrer à Rouen membre de la tribu des néo barbus.
17 juin 2015
Peu de bus au cœur du Dix-Huitième, la faute à la butte Montmartre. Ce lundi matin, je prends l’un des deux passant rue Ordener, le Soixante, direction Gambetta, une façon économique de visiter Paris. C’est ainsi que je passe au carrefour de la rue Pajol où il y a peu la Police s’en prenait violemment aux refugiés d’Erythrée et d’ailleurs, puis enjambe le canal de l’Ourcq, frôle les Buttes-Chaumont et arrive à un endroit qui m’est familier depuis les vide greniers du ouiquennede.
De ces hauteurs je n’ai plus qu’à me laisser descendre à pied par l’avenue Gambetta qui longe le Père-Lachaise et la rue du Chemin-Vert, tourner à gauche avenue Parmentier puis à droite rue de Charonne pour aboutir à midi pile au restaurant Chez Céleste et m’y installer en terrasse. J’y déjeune d’un confit de canard pas aussi bon que celui du Péhemmu chinois de la rue du Faubourg-Saint-Antoine en bénéficiant de la conversation de deux hommes actifs dans le domaine de l’urbanisme :
-C’est là que tu te rends compte que les intellectuels, c’est hyper réac, ils sont anti architecture, ils veulent toujours conserver l’existant.
Jean-Paul Raynaud est ensuite l’objet de leur critique : « arrogant » « agressif », « mais il est vrai que dès que l’on met un mec derrière une tribune… »
Au point où j’en suis, je n’ai plus qu’à aller chez Book-Off. Auparavant je passe boire le café à la Brasserie du Faubourg à l’angle de Ledru-Rollin où l’on s’étonne de la présence d’un nouveau personnel. La jeune femme blonde des pays de l’Est qui avait remplacé le bougon de Nasbinals n’est plus là. L’une demande qui est le nouveau gérant.
-C’est moi depuis ce matin, répond le remuant jeune homme derrière le comptoir, vous m’avez pris pour le barman ?
Il explique que sa gérance est aléatoire, tout l’immeuble est vendu et doit être cassé puis refait. Il ne sait pas pour combien de temps il est là mais ça peut durer car il y a les locataires au-dessus qui ne veulent pas partir. En attendant, il ne peut pas faire grand-chose, simplement changer la carte, qui ne lui plaît pas, et donner un coup de propre.
*
Mœurs des cafetiers entourant la Mairie du Dix-Huitième : plus de boissons chaudes en terrasse après seize heures et on est tenu de renouveler sa consommation toutes des quarante minutes.
*
Femme s’asseyant au bout de la terrasse. Au barman venu prendre sa commande :
-Non non, c’est juste pour téléphoner.
De ces hauteurs je n’ai plus qu’à me laisser descendre à pied par l’avenue Gambetta qui longe le Père-Lachaise et la rue du Chemin-Vert, tourner à gauche avenue Parmentier puis à droite rue de Charonne pour aboutir à midi pile au restaurant Chez Céleste et m’y installer en terrasse. J’y déjeune d’un confit de canard pas aussi bon que celui du Péhemmu chinois de la rue du Faubourg-Saint-Antoine en bénéficiant de la conversation de deux hommes actifs dans le domaine de l’urbanisme :
-C’est là que tu te rends compte que les intellectuels, c’est hyper réac, ils sont anti architecture, ils veulent toujours conserver l’existant.
Jean-Paul Raynaud est ensuite l’objet de leur critique : « arrogant » « agressif », « mais il est vrai que dès que l’on met un mec derrière une tribune… »
Au point où j’en suis, je n’ai plus qu’à aller chez Book-Off. Auparavant je passe boire le café à la Brasserie du Faubourg à l’angle de Ledru-Rollin où l’on s’étonne de la présence d’un nouveau personnel. La jeune femme blonde des pays de l’Est qui avait remplacé le bougon de Nasbinals n’est plus là. L’une demande qui est le nouveau gérant.
-C’est moi depuis ce matin, répond le remuant jeune homme derrière le comptoir, vous m’avez pris pour le barman ?
Il explique que sa gérance est aléatoire, tout l’immeuble est vendu et doit être cassé puis refait. Il ne sait pas pour combien de temps il est là mais ça peut durer car il y a les locataires au-dessus qui ne veulent pas partir. En attendant, il ne peut pas faire grand-chose, simplement changer la carte, qui ne lui plaît pas, et donner un coup de propre.
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Mœurs des cafetiers entourant la Mairie du Dix-Huitième : plus de boissons chaudes en terrasse après seize heures et on est tenu de renouveler sa consommation toutes des quarante minutes.
*
Femme s’asseyant au bout de la terrasse. Au barman venu prendre sa commande :
-Non non, c’est juste pour téléphoner.
16 juin 2015
Ce dimanche est l’un des mieux fournis de la saison en vide greniers à Paris et c’est donc de fort bon matin que je traverse la capitale en direction de la Butte aux Cailles dans le Treizième, un lieu autrefois parcouru en même circonstance avec celle chez qui je dors (nous y avions fait un bon repas en terrasse). Ce quartier de boboïtude affirmée est toujours soumis aux dessins bébêtes de Miss Tic. Certaines rues anciennes à pavés y échappent, pas celles où l’on déballe. Beaucoup de livres ici et là parmi lesquels je trouve L’autre fille d’Annie Ernaux, ouvrage de peu d’épaisseur consacré à sa sœur morte avant sa propre naissance (NiL Editions). Pendant que je le paie (cinquante centimes), un quidam s’adresse au vendeur de livres d’à côté pour lui demander le numéro de téléphone d’un autre : « Je lui ai acheté un coffret de dix petits livres de poésie pour dix euros, or j’ai vu à la maison qu’ils sont numérotés. J’ai regardé sur Internet et ils valent soixante-dix euros. Si j’arrive à les vendre, j’aimerais lui filer un petit billet. » Comme on est vertueux ici, ce n’est pas à moi que viendrait une telle idée.
Je rejoins ensuite la place de la Nation pour aller à Charonne, l’un des deux plus importants vide greniers du jour, dont je parcours les allées rectilignes en regardant des deux côtés à la fois. Parmi les vendeurs, je découvre l’homme aux livres d’Algérie d’hier à qui je souhaite une journée fructueuse. Là aussi, je trouve des livres dont, m’attendant en évidence sur le trottoir, le Pascin de Gaston Diehl (Flammarion). Un peu défraîchi, il devient mien pour deux euros.
L’autre plus important vide grenier du dimanche est celui de la rue des Pyrénées et adjacentes et que vois-je m’attendant sur le trottoir ? Pascin, le magicien du réel, le copieux catalogue de l’exposition ayant eu lieu au Musée Maillol en deux mille sept. En excellent état, il me coûte le même prix que l’autre.
Je déjeune sur place, à la terrasse de la brasserie Les Rigoles d’un steak tartare, frites, salade et câpres avec un quart de côtes-du-rhône (dix-sept euros vingt). J’ai bonne vue sur l’extrémité du déballage, regardant qui passe et écoutant le jeune couple de la table voisine. Ils en sont au moment où l’amour ne se suffit plus à lui-même, parlent d’aménagements dans la maison qu’ils vont acheter. Je ne la sens pas motivée par cette histoire d’escalier à refaire et lui envoie des ondes mentales : « Tire-toi pendant qu’il en est encore temps ».
Mon erreur du jour est d’aller par plusieurs métros à Montholon dans le Neuvième où le « grand vide grenier » annoncé n’occupe que deux côtés du square et une courte rue. Je n’y trouve rien et peux enfin faire usage de mon mauvais esprit à l’égard de l’association de charité qui l’organise : « Vous appelez ça un grand vide grenier ? L’an prochain, annoncez un petit vide grenier, on peut être honnête même si on est du Secours Populaire ». Les deux darnes haussent les sourcils sans me répliquer quoi que ce soit.
Après une pause en mon logis, je repars à pied jusqu’à l’arrondissement voisin pour un ultime vide grenier, celui de l’avenue de Saint-Ouen, dont je n’attends pas merveille et cela se confirme. Peu de livres hormis toute une table sans grand intérêt que le vendeur propose à dix euros pièce.
*
Conseil d’une vendeuse à un curieux :
-Si vous ne savez pas ce que c’est, il vaut mieux ne pas l’acheter car vous ne saurez pas vous en servir.
*
Un vendeur à propos d’un téléphone :
-C’est à la grand-mère. Il est encore fonctionnel et il est collector.
*
Encore une journée où j’aurai réussi à ne pas acheter un billet de tombola aux pompiers.
Je rejoins ensuite la place de la Nation pour aller à Charonne, l’un des deux plus importants vide greniers du jour, dont je parcours les allées rectilignes en regardant des deux côtés à la fois. Parmi les vendeurs, je découvre l’homme aux livres d’Algérie d’hier à qui je souhaite une journée fructueuse. Là aussi, je trouve des livres dont, m’attendant en évidence sur le trottoir, le Pascin de Gaston Diehl (Flammarion). Un peu défraîchi, il devient mien pour deux euros.
L’autre plus important vide grenier du dimanche est celui de la rue des Pyrénées et adjacentes et que vois-je m’attendant sur le trottoir ? Pascin, le magicien du réel, le copieux catalogue de l’exposition ayant eu lieu au Musée Maillol en deux mille sept. En excellent état, il me coûte le même prix que l’autre.
Je déjeune sur place, à la terrasse de la brasserie Les Rigoles d’un steak tartare, frites, salade et câpres avec un quart de côtes-du-rhône (dix-sept euros vingt). J’ai bonne vue sur l’extrémité du déballage, regardant qui passe et écoutant le jeune couple de la table voisine. Ils en sont au moment où l’amour ne se suffit plus à lui-même, parlent d’aménagements dans la maison qu’ils vont acheter. Je ne la sens pas motivée par cette histoire d’escalier à refaire et lui envoie des ondes mentales : « Tire-toi pendant qu’il en est encore temps ».
Mon erreur du jour est d’aller par plusieurs métros à Montholon dans le Neuvième où le « grand vide grenier » annoncé n’occupe que deux côtés du square et une courte rue. Je n’y trouve rien et peux enfin faire usage de mon mauvais esprit à l’égard de l’association de charité qui l’organise : « Vous appelez ça un grand vide grenier ? L’an prochain, annoncez un petit vide grenier, on peut être honnête même si on est du Secours Populaire ». Les deux darnes haussent les sourcils sans me répliquer quoi que ce soit.
Après une pause en mon logis, je repars à pied jusqu’à l’arrondissement voisin pour un ultime vide grenier, celui de l’avenue de Saint-Ouen, dont je n’attends pas merveille et cela se confirme. Peu de livres hormis toute une table sans grand intérêt que le vendeur propose à dix euros pièce.
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Conseil d’une vendeuse à un curieux :
-Si vous ne savez pas ce que c’est, il vaut mieux ne pas l’acheter car vous ne saurez pas vous en servir.
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Un vendeur à propos d’un téléphone :
-C’est à la grand-mère. Il est encore fonctionnel et il est collector.
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Encore une journée où j’aurai réussi à ne pas acheter un billet de tombola aux pompiers.
15 juin 2015
C’est lorsque qu’on veut aller d’un arrondissement du bord à un autre qu’on se rend compte qu’il manque des lignes de métro à Paris, me dis-je une nouvelle fois, ce samedi matin désireux d’aller du Dix-Huitième au Vingtième où c’est vide grenier à Saint-Blaise. J’y arrive quand même et découvre les nombreux exposants installés dans les rues du quartier, dont Vitruve où vécut Barbara au numéro cinquante, une plaque en témoigne, de mil neuf cent quarante-six à cinquante-neuf, dans un immeuble à l’aspect modeste dont je fais des photos.
C’est un cédé de Christophe, Paradis retrouvé, que je convoite. L’aimable vendeuse me le laisse à deux euros au lieu de trois. Nous échangeons nos souvenirs de concert dudit puis je continue ma tournée découvrant quelques livres à mon goût et discutant avec un homme qui en cherche sur son pays d’origine, l’Algérie. L’ambiance est détendue dans ce vaste vide grenier parisien sauf à sa fin où est déballé à même le sol ce que des migrants ont trouvé dans les poubelles. Une vendeuse chinoise est prête à se battre avec son client d’origine arabe.
J’en ai fait le tour quand je m’entends appeler. C’est l’homme aux livres d’Algérie qui me fait savoir que la paroisse d’à côté organise une vente de livres dans les sous-sols près de l’église. Nous y allons ensemble. Le premier livre sur lequel je tombe (comme on dit) en est un de Boualem Sansal que je lui donne, à son contentement. En revanche, je ne trouve rien pour moi et il le regrette.
Par un autre métro indirect et bondé je rejoins la rue Petit dans le Dix-Neuvième. Ce vide grenier est moins étendu qu’annoncé mais j’y trouve quand même de quoi me plaire auprès d’une association dont les vendeurs sont des enfants issus de la diversité (comme disent certains). Après avoir refusé les billets de tombola des pompiers, je déjeune en terrasse d’un couscous brochette et d’un quart de brouilly pour vingt-deux euros à la brasserie Le Gymnase au coin de la rue Laumière. Le gymnase pour les sportifs est de l’autre côté de l’avenue Jean-Jaurès, un beau bâtiment à verrière et à campanile.
Ensuite je fais l’erreur d’aller au vide grenier des Halles, déployé le long de l’église Saint-Séverin. On y vend plus cher qu’aux deux autres et souvent dans un esprit proche de celui qui règne au centre commercial, toujours en rénovation.
Je rentre dans mon appartement temporaire et m’y repose un peu avant de repartir à pied jusqu’à la courte rue Budin où les parents d’élèves de l’école du même nom organisent la braderie. On y trouve beaucoup de gâteaux et de quoi satisfaire plus d’un acheteur mais pas moi. J’aurais pourtant aimé trouver un bon livre parmi ceux que me vantait la jolie jeune fille aux traits asiatiques.
*
Ici, quand on cherche son chemin, plutôt que demander le vide grenier, dire la braderie ou la brocante.
« Ah, tu fais la braderie ! » (deux nymphettes d’un même collège se croisant à celle de Saint-Blaise, chacune jaugeant l’habillement de sa semblable).
C’est un cédé de Christophe, Paradis retrouvé, que je convoite. L’aimable vendeuse me le laisse à deux euros au lieu de trois. Nous échangeons nos souvenirs de concert dudit puis je continue ma tournée découvrant quelques livres à mon goût et discutant avec un homme qui en cherche sur son pays d’origine, l’Algérie. L’ambiance est détendue dans ce vaste vide grenier parisien sauf à sa fin où est déballé à même le sol ce que des migrants ont trouvé dans les poubelles. Une vendeuse chinoise est prête à se battre avec son client d’origine arabe.
J’en ai fait le tour quand je m’entends appeler. C’est l’homme aux livres d’Algérie qui me fait savoir que la paroisse d’à côté organise une vente de livres dans les sous-sols près de l’église. Nous y allons ensemble. Le premier livre sur lequel je tombe (comme on dit) en est un de Boualem Sansal que je lui donne, à son contentement. En revanche, je ne trouve rien pour moi et il le regrette.
Par un autre métro indirect et bondé je rejoins la rue Petit dans le Dix-Neuvième. Ce vide grenier est moins étendu qu’annoncé mais j’y trouve quand même de quoi me plaire auprès d’une association dont les vendeurs sont des enfants issus de la diversité (comme disent certains). Après avoir refusé les billets de tombola des pompiers, je déjeune en terrasse d’un couscous brochette et d’un quart de brouilly pour vingt-deux euros à la brasserie Le Gymnase au coin de la rue Laumière. Le gymnase pour les sportifs est de l’autre côté de l’avenue Jean-Jaurès, un beau bâtiment à verrière et à campanile.
Ensuite je fais l’erreur d’aller au vide grenier des Halles, déployé le long de l’église Saint-Séverin. On y vend plus cher qu’aux deux autres et souvent dans un esprit proche de celui qui règne au centre commercial, toujours en rénovation.
Je rentre dans mon appartement temporaire et m’y repose un peu avant de repartir à pied jusqu’à la courte rue Budin où les parents d’élèves de l’école du même nom organisent la braderie. On y trouve beaucoup de gâteaux et de quoi satisfaire plus d’un acheteur mais pas moi. J’aurais pourtant aimé trouver un bon livre parmi ceux que me vantait la jolie jeune fille aux traits asiatiques.
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Ici, quand on cherche son chemin, plutôt que demander le vide grenier, dire la braderie ou la brocante.
« Ah, tu fais la braderie ! » (deux nymphettes d’un même collège se croisant à celle de Saint-Blaise, chacune jaugeant l’habillement de sa semblable).
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