Le Journal de Michel Perdrial
Le Journal de Michel Perdrial



Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

Saint-Raphaël (vingt-neuf) : Jardins et Marché

30 avril 2025


« A partir de demain, c’est Axel qui ouvre », m’avertit Seiko, la gentille serveuse d’origine africaine qui m’accueille ce mardi au Café Kro. Le sous-entendu : « Vous ne le trouverez pas ouvert à cette heure-ci. » « Ce ne sera pas un problème pour moi car c’est mon dernier jour ici », lui dis-je. « Il y a des gens comme ça qui n’arrivent pas à se lever tôt », conclut-elle.
Ce dernier jour, il est temps que j’aille découvrir le Jardin Bonaparte qui, surélevé, sépare le Vieux-Port de la plage de Saint-Raphaël, et au coin duquel est plantée la Grande Roue. Ce jardin n’ouvre qu’à neuf heures, ce qui me permet de lire un moment. Je vous apprends avec la plus profonde douleur que les contrariétés et les souffrances de ces deux mois affreux m’ont fait blanchir les cheveux. J’en pleure de chagrin. écrit Balzac à Madame Hanska, le mercredi cinq juin mil huit cent quarante-quatre.
J’arrive au Jardin Bonaparte quand la surveillante en ouvre les portes. Je suis seul pour faire une p’tite photo de la statue de l’archange Raphaël, épaisse et un peu ridicule. Il a des ailes qui ne lui permettraient pas de décoller et tient une fillette par la main. Je regarde de là-haut Fréjus et Saint-Raphaël et les sommets au loin. Je peux revoir le Rocher de Roquebrune. J’ai aussi une vue plongeante sur mon restaurant préféré, où j’ai encore réservé pour midi, Les Sablettes, et sur sa forêt de parasols verts.
Mon tour de Jardin Bonaparte terminé, je vais enfin voir à quoi ressemble le Marché Victor Hugo qui se tient tous les jours derrière mon logis Air Bibi, de l’autre côté de la voie ferrée. J’y trouve une place en terrasse ensoleillée à la brasserie Le Victor Hugo (« depuis 1985 »), un petit troquet au rez-de-chaussée d’un immeuble ancien de deux étages. Le second est sous les toits d’où, par une fenêtre ouverte, un vieux surveille ce qui se passe en bas. On a vue sur les trains qui passent. L’essentiel de la clientèle est constitué de locaux typiques qui ne doivent pas souvent aller voir la mer. C’est une ambiance place de village. On mange ici pour aussi cher qu’en bord de mer mais le café n’est qu’à un euro cinquante. Une des deux vieilles à la table voisine dit qu’elle une vie « relativement mouvementée ». Elle travaille dans la finance. « Tu sais quel âge que j’ai ? », demande-t-elle à celle avec qui elle boit un café. « Soixante-huit ans ! ». Tout le monde lui dit qu’elle ne les fait pas, mais elle ne me demande pas mon avis.
Vers onze heures trente, en longeant la Garonne, petit fleuve canalisé (un filet d’eau qui peut devenir méchant), je traverse l’autre jardin de Saint-Raphaël, le Jardin d’Arménie, tout en longueur. Devant le Monument en Mémoire des Victimes du Génocide, des gerbes de fleurs ont été récemment déposées. Ce jardin mène au Carrousel et au Vieux-Port.
Le pont de la Garonne à traverser et je suis à Fréjus où, face au Café Kro, j’entre aux Sablettes. « On est sur le thème de l’Amérique, me dit celle qui m’accompagne à ma table en terrasse, le plat du jour, c’est T-bone de veau, maïs, frites, sauce barbecue. » J’aime cet endroit où le nombreux personnel est efficace et sympathique. Côté serveuses, tous les physiques sont présents. Il en est trois qui sont à mon goût. Je laisse le maïs qui, lui, ne l’est pas.
Je bois un ultime café à la terrasse d’Au Coq Hardi. A ma gauche, une jolie jeune femme brune et son quatre ans à qui elle demande d’appeler son père chez qui il ira demain. « On est au bar », dit le moutard. Quand elle reprend le téléphone, la jeune mère précise : « On est au bar, ça fait pochtron. On s’est arrêté parce qu’il voulait boire un sirop. » Ce qu’elle ne dit pas, c’est qu’elle en est à son deuxième verre de vin blanc. A ma droite, deux commères commentent la façon de se garer sur deux places de la conductrice d’un pick-up long comme le bras d’où descendent deux petites filles : « Tout ça pour emmener à la plage ces deux merdeuses ! »
Avant de rentrer à mon logis provisoire de la rue de la Garonne, je fais un crochet par Monoprix pour assurer ma survie durant le voyage de retour à Rouen. Il fait de plus en plus chaud dans le Sud et cela sera pire dans le Nord.
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Durant ce mois méditerranéen, personne pour me demander ce que je lis. Un seul pour me souhaiter bonne lecture. Axel, le serveur du Café de Paris à Sainte Maxime.
Axel, un prénom qui semble vous promettre un destin de garçon de café.