Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
13 février 2018
Averti qu’un rouenno-centré spécialiste du petit patrimoine local (à chacun sa marotte) s’était emparé de l’un de mes textes, dans lequel j’évoquais mes frictions avec les guides touristiques qui envahissent la ruelle dès que le printemps revient, je vais voir ce qu’il en est.
Effectivement, ce texte, qualifié d’« amusant » « relevé sur un compte personnel Facebook », est reproduit intégralement en conclusion du différend obscur qui oppose cet indélicat à l’Office de Tourisme de la ville, et cela sans même que mon nom soit cité.
Je proteste :
-Ce que vous appelez un amusant relevé sur un compte personnel Facebook est un extrait de mon Journal dont vous vous servez pour vos règlements de compte sans m'en avoir demandé l'autorisation, je vous demande donc de l'ôter de votre texte.
-Sans aucun problème pour moi mais je suis déçu de ce manque de coopération. Vraiment dommage dans cette ville qui décidément ne sait que défendre des prés carrés illusoires.
-Utiliser un texte d'autrui sans lui demander s'il est d'accord, sans citer le nom de l'auteur, mais en précisant © D… C…, c'est une curieuse pratique de la coopération.
-Voilà, la suppression vient d’être effectuée. C’est bien triste...
-D'agir de cette façon, oui c'est bien triste.
*
Au temps où Willy me faisait le contestable honneur de signer mes romans, il lui arrivait parfois d’insérer dans mes textes quelques mots destinés à satisfaire ses rancunes personnelles. C’est ce qu’il appelait collaborer. (Colette, lettre à Lucien Solvay, Hôtel Métropole de Bruxelles, février mil neuf cent neuf)
*
« Scandale sexuel à Haïti : Londres menace de couper les vivres à Oxfam », titre Le Parisien ce dimanche :
«La Commission caritative a indiqué avoir reçu un rapport d’Oxfam en août 2011. Ce rapport mentionnait des «comportements sexuels inappropriés, des faits d’intimidation, de harcèlement et d’intimidation du personnel». Mais il n’évoquait pas des «abus portant sur des bénéficiaires» de l’ONG ni de «potentiels crimes sexuels impliquant des mineurs».»
«Selon une enquête du Times publiée vendredi, des groupes de jeunes prostituées étaient invitées dans des maisons et des hôtels payés par Oxfam. Une source citée par le quotidien dit avoir vu une vidéo d’une orgie avec des prostituées portant des T-shirts d’Oxfam.»
Effectivement, ce texte, qualifié d’« amusant » « relevé sur un compte personnel Facebook », est reproduit intégralement en conclusion du différend obscur qui oppose cet indélicat à l’Office de Tourisme de la ville, et cela sans même que mon nom soit cité.
Je proteste :
-Ce que vous appelez un amusant relevé sur un compte personnel Facebook est un extrait de mon Journal dont vous vous servez pour vos règlements de compte sans m'en avoir demandé l'autorisation, je vous demande donc de l'ôter de votre texte.
-Sans aucun problème pour moi mais je suis déçu de ce manque de coopération. Vraiment dommage dans cette ville qui décidément ne sait que défendre des prés carrés illusoires.
-Utiliser un texte d'autrui sans lui demander s'il est d'accord, sans citer le nom de l'auteur, mais en précisant © D… C…, c'est une curieuse pratique de la coopération.
-Voilà, la suppression vient d’être effectuée. C’est bien triste...
-D'agir de cette façon, oui c'est bien triste.
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Au temps où Willy me faisait le contestable honneur de signer mes romans, il lui arrivait parfois d’insérer dans mes textes quelques mots destinés à satisfaire ses rancunes personnelles. C’est ce qu’il appelait collaborer. (Colette, lettre à Lucien Solvay, Hôtel Métropole de Bruxelles, février mil neuf cent neuf)
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« Scandale sexuel à Haïti : Londres menace de couper les vivres à Oxfam », titre Le Parisien ce dimanche :
«La Commission caritative a indiqué avoir reçu un rapport d’Oxfam en août 2011. Ce rapport mentionnait des «comportements sexuels inappropriés, des faits d’intimidation, de harcèlement et d’intimidation du personnel». Mais il n’évoquait pas des «abus portant sur des bénéficiaires» de l’ONG ni de «potentiels crimes sexuels impliquant des mineurs».»
«Selon une enquête du Times publiée vendredi, des groupes de jeunes prostituées étaient invitées dans des maisons et des hôtels payés par Oxfam. Une source citée par le quotidien dit avoir vu une vidéo d’une orgie avec des prostituées portant des T-shirts d’Oxfam.»
12 février 2018
Ce vendredi matin Rouen connaît son épisode neigeux (comme disent les journalistes de la météo) mais à peine ai-je fait par ma fenêtre une photo du lampadaire et du jardin d’en face blanchis que ça commence à fondre et le soir c’est sur un pavé mouillé que je marche jusqu’à l’Opéra de Rouen. Sidi Larbi Cherkaoui et sa Compagnie Eastman y donnent Fractus V.
-C’est un opéra ? demande à sa femme l’homme à cheveux blancs qui s’assoit deux sièges à ma gauche au troisième rang du premier balcon.
Le nombre d’hommes amenés là par leur femme et par la nécessité de fréquenter cet endroit quand on fait partie de la bourgeoisie bourgeoisante est conséquent. Celui-là apprend qu’il va voir de la danse.
D’autres, bien plus jeunes, sont présents sans l’avoir décidé eux-mêmes ; ce sont les lycéens conduits là par leurs professeurs mais, contrairement à l’homme à cheveux blancs, cette jeunesse est heureuse d’être là.
Fractus V, chorégraphie de Sidi Larbi Cherkaoui, est interprétée par lui-même et quatre danseurs de sa Compagnie Eastman : Dimitri Jourde, Johnny Lloyd, Fabian Thomé Duten et Patrick « TwoFace » Williams. Ils viennent des univers du cirque, du lindy hop, du flamenco et du hip hop. L’amalgame a pris, c’est une heure et quart de plaisir, une succession de très belles séquences sur une musique d’ailleurs (jouée et chantée en direct par quatre musiciens africains et asiatiques) et des textes dits (traduits en français en fond de scène) de Noam Chomsky sur la manipulation des masses et d’Alan Watts sur la difficulté à mettre son cerveau en veilleuse.
Une déferlante d’applaudissement conclut la soirée. L’homme à cheveux blancs ne semble pas regretter d’avoir été traîné là par son épouse.
*
Sidi Larbi Cherkaoui, interrogé par Vinciane Laumonier dans le livret programme :
« -Qu’est ce qui vous a amené à la danse ?
-La télévision ! J’étais fasciné par les artistes tels que Michael Jackson ou Kate Bush qui chantaient et dansaient en même temps. »
Plus loin :
« Que mon père ait été dur avec moi n’a pas été évident mais m’a aidé, perdre des êtres chers étant enfant, être marocain et belge, être homosexuel, toutes les circonstances sont des leçons. »
*
Les quatre musiciens sont Shogo Yoshii (tambours et chants japonais), le joueur de sarod Soumik Datta, le jazzman coréen Woojae Park et le chanteur congolais Kaspy N’dia. Ils débutent et bouclent Fractus V par des polyphonies corses.
*
Lindy hop kesako ? Je me renseigne de retour à la maison. Il s’agit tout simplement de ce bon vieux jitterbug.
*
Deux mille dix-huit étant l’année du cinquantième anniversaire de la mort à Neuilly-sur-Seine de Marcel Duchamp et Marcel Duchamp étant forcément rouennais une opération métropolitaine baptisée Duchamp dans sa ville est organisée localement, avec notamment une exposition ABCDuchamp au Musée des Beaux-Arts l’été prochain.
Dans l’attente, une expo nommée Indigènes est vernie ce vendredi soir à la Bibliothèque Simone de Beauvoir. Elle est consacrée non seulement à Marcel Duchamp mais aussi à feu son thuriféraire rouennais Patrice Quéréel et est organisée par les orphelins de ce dernier, du moins une partie de ceux-ci car après la mort de leur héros les héritiers se sont divisés en deux groupes hostiles l’un à l’autre, chacun s’estimant détenteur d’un morceau de la Vraie Salopette (rose).
*
Que c'est triste un train qui siffle dans le soir… Il est midi moins cinq ce samedi, le carillon de la Cathédrale de Rouen joue Richard Anthony.
-C’est un opéra ? demande à sa femme l’homme à cheveux blancs qui s’assoit deux sièges à ma gauche au troisième rang du premier balcon.
Le nombre d’hommes amenés là par leur femme et par la nécessité de fréquenter cet endroit quand on fait partie de la bourgeoisie bourgeoisante est conséquent. Celui-là apprend qu’il va voir de la danse.
D’autres, bien plus jeunes, sont présents sans l’avoir décidé eux-mêmes ; ce sont les lycéens conduits là par leurs professeurs mais, contrairement à l’homme à cheveux blancs, cette jeunesse est heureuse d’être là.
Fractus V, chorégraphie de Sidi Larbi Cherkaoui, est interprétée par lui-même et quatre danseurs de sa Compagnie Eastman : Dimitri Jourde, Johnny Lloyd, Fabian Thomé Duten et Patrick « TwoFace » Williams. Ils viennent des univers du cirque, du lindy hop, du flamenco et du hip hop. L’amalgame a pris, c’est une heure et quart de plaisir, une succession de très belles séquences sur une musique d’ailleurs (jouée et chantée en direct par quatre musiciens africains et asiatiques) et des textes dits (traduits en français en fond de scène) de Noam Chomsky sur la manipulation des masses et d’Alan Watts sur la difficulté à mettre son cerveau en veilleuse.
Une déferlante d’applaudissement conclut la soirée. L’homme à cheveux blancs ne semble pas regretter d’avoir été traîné là par son épouse.
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Sidi Larbi Cherkaoui, interrogé par Vinciane Laumonier dans le livret programme :
« -Qu’est ce qui vous a amené à la danse ?
-La télévision ! J’étais fasciné par les artistes tels que Michael Jackson ou Kate Bush qui chantaient et dansaient en même temps. »
Plus loin :
« Que mon père ait été dur avec moi n’a pas été évident mais m’a aidé, perdre des êtres chers étant enfant, être marocain et belge, être homosexuel, toutes les circonstances sont des leçons. »
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Les quatre musiciens sont Shogo Yoshii (tambours et chants japonais), le joueur de sarod Soumik Datta, le jazzman coréen Woojae Park et le chanteur congolais Kaspy N’dia. Ils débutent et bouclent Fractus V par des polyphonies corses.
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Lindy hop kesako ? Je me renseigne de retour à la maison. Il s’agit tout simplement de ce bon vieux jitterbug.
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Deux mille dix-huit étant l’année du cinquantième anniversaire de la mort à Neuilly-sur-Seine de Marcel Duchamp et Marcel Duchamp étant forcément rouennais une opération métropolitaine baptisée Duchamp dans sa ville est organisée localement, avec notamment une exposition ABCDuchamp au Musée des Beaux-Arts l’été prochain.
Dans l’attente, une expo nommée Indigènes est vernie ce vendredi soir à la Bibliothèque Simone de Beauvoir. Elle est consacrée non seulement à Marcel Duchamp mais aussi à feu son thuriféraire rouennais Patrice Quéréel et est organisée par les orphelins de ce dernier, du moins une partie de ceux-ci car après la mort de leur héros les héritiers se sont divisés en deux groupes hostiles l’un à l’autre, chacun s’estimant détenteur d’un morceau de la Vraie Salopette (rose).
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Que c'est triste un train qui siffle dans le soir… Il est midi moins cinq ce samedi, le carillon de la Cathédrale de Rouen joue Richard Anthony.
9 février 2018
Je connais Jean Zay depuis l’âge de trois ans pour la raison que l’école maternelle lovérienne où je fus élève portait (porte toujours) son nom. Ce n’est qu’arrivé au lycée (ou peut-être au collège) que j’ai appris qu’il fut le plus jeune Ministre de l’Education Nationale au temps du Front Populaire et quel fut son sort.
Alors qu’il cherchait à gagner l’Afrique du Nord après la Débâcle pour y poursuivre le combat Jean Zay fut arrêté et mis à l’isolement à la prison de Riom (Puy-de-Dôme) où il tint son journal. Il y relate sa vie quotidienne en captivité en se remémorant son action de Député puis de Ministre (il fut notamment le créateur du Centre National de la Recherche Scientifique et des Centres Régionaux des Oeuvres Universitaires et Scolaires).
Cet épais journal, dont j’avais déjà lu des extraits, est publié sous le titre de Souvenirs et solitude en édition de poche par Belin (éditeur indépendant depuis mil sept cent soixante-dix-sept).
Quelques extraits :
Ce n’est pas la première fois dans notre histoire que les militaires ont perdu une guerre par leur impéritie et leur manque d’imagination. Mais c’est la première fois sans doute qu’en sanction du désastre ils s’emparent du pouvoir. (dix-sept janvier mil neuf cent quarante et un)
La prison nous apprend que nous pouvons nous passer du monde –féconde révélation– et que, plus facilement encore, le monde peut se passer de nous. (vingt-sept janvier mil neuf cent quarante et un)
On n’écrit plus : « Un mari jaloux tue sa femme d’un coup de revolver », mais : « D’où viens-tu ? Elle ne répond pas… il l’abat. » Soit. Mais on n’écrit pas davantage : « Mort de M. X…, le savant biologiste, inventeur de plusieurs sérums. » On écrit : « X… est mort ; il fit son service militaire dans les dragons et jouait mal au bridge », ce qui est déjà plus fâcheux. (treize avril mil neuf cent quarante et un)
En 1939, le spectacle qu’on contemplait dans la cour des palais officiels, par les hautes fenêtres, était celui des abris souterrains dont on poussait l’achèvement et qui furent terminés juste à temps pour ne pas servir. (premier janvier mil neuf cent quarante-trois)
Troisième printemps de captivité. Pour la troisième fois, j’ai bêché les quelques mètres carrés de ma cour, dont un peu de verdure et une grande puissance d’illusion feront bientôt pour la distraction de mes yeux « mon jardin ». (quinze mars mil neuf cent quarante-trois)
Je pense à cet article de Roland Dorgelès que je lus dans un hebdomadaire pendant l’hiver 39-40, sur le front de Lorraine, et où l’écrivain, célébrant l’invincibilité de la ligne Maginot, s’écriait, figé au garde-à-vous devant la mémoire de son auteur : « Merci, sergent !... » (dix-sept mars mil neuf cent quarante-trois)
Les hommes que nous étions avant 1940 gardaient enfouis très loin en eux-mêmes leurs sentiments essentiels, comme ces poissons énormes des grandes profondeurs, invisibles de la surface et dont on ne soupçonne pas l’existence. La tempête a semé l’agitation dans les eaux les plus calmes ; elle a fait remonter au grand jour tout ce qui dormait dans les ténèbres : chacun exhibe sa faune sous-marine. (vingt-deux avril mil neuf cent quarante-trois)
Les carnets de Jean Zay, que sa femme sortait discrètement dans la voiture d’enfant lorsqu’elle venait le voir avec leurs deux filles en bas âge, s’arrêtent à la date du sept octobre mil neuf cent quarante-trois. Après cette date, le régime auquel il est soumis ne cesse de s’aggraver. Le vingt juin mil neuf cent quarante-quatre, des miliciens porteurs d’un ordre de transfert viennent le chercher dans sa prison de Riom. L’un deux l’assassine d’un tir de mitraillette au Puits du Diable dans les bois de Cusset (Allier). Il avait trente-neuf ans.
*
Dans les carnets de Jean Zay ceci aussi concernant Charles Maurras dont il fut question de commémorer cette année le cent cinquantième anniversaire de la naissance :
Huit ans plus tard, devenu député, j’habitais au 46 de la rue de Verneuil. Au 60, trois ou quatre agents arpentaient en permanence le trottoir pour protéger ou surveiller le domicile de Charles Maurras. Au moment du 6 février, la préfecture de police dépêcha d’autres anges gardiens devant ma porte et devant celle, toute voisine également, de mon collègue Pomaret, si bien que le petit tronçon de la rue de Verneuil, entre la rue du Bac et la rue de Poitiers, grouillait d’uniformes. Il ne se passa jamais rien. Je me trouvais souvent, en même temps que le directeur de l’Action française, chez un petit coiffeur du quartier. Le coiffeur était socialiste. Tout en accommodant la barbe de son client monarchiste, il profitait de sa surdité pour tenir à mi-voix des propos railleurs et parfois scabreux : « Hein ! si je te coupais le cou avec mon rasoir, quel débarras pour la société ! » -« Oui, oui », faisait Maurras de la tête, croyant que le figaro l’entretenait de ses cheveux ou de la température. (seize juillet mil neuf cent quarante-trois)
Alors qu’il cherchait à gagner l’Afrique du Nord après la Débâcle pour y poursuivre le combat Jean Zay fut arrêté et mis à l’isolement à la prison de Riom (Puy-de-Dôme) où il tint son journal. Il y relate sa vie quotidienne en captivité en se remémorant son action de Député puis de Ministre (il fut notamment le créateur du Centre National de la Recherche Scientifique et des Centres Régionaux des Oeuvres Universitaires et Scolaires).
Cet épais journal, dont j’avais déjà lu des extraits, est publié sous le titre de Souvenirs et solitude en édition de poche par Belin (éditeur indépendant depuis mil sept cent soixante-dix-sept).
Quelques extraits :
Ce n’est pas la première fois dans notre histoire que les militaires ont perdu une guerre par leur impéritie et leur manque d’imagination. Mais c’est la première fois sans doute qu’en sanction du désastre ils s’emparent du pouvoir. (dix-sept janvier mil neuf cent quarante et un)
La prison nous apprend que nous pouvons nous passer du monde –féconde révélation– et que, plus facilement encore, le monde peut se passer de nous. (vingt-sept janvier mil neuf cent quarante et un)
On n’écrit plus : « Un mari jaloux tue sa femme d’un coup de revolver », mais : « D’où viens-tu ? Elle ne répond pas… il l’abat. » Soit. Mais on n’écrit pas davantage : « Mort de M. X…, le savant biologiste, inventeur de plusieurs sérums. » On écrit : « X… est mort ; il fit son service militaire dans les dragons et jouait mal au bridge », ce qui est déjà plus fâcheux. (treize avril mil neuf cent quarante et un)
En 1939, le spectacle qu’on contemplait dans la cour des palais officiels, par les hautes fenêtres, était celui des abris souterrains dont on poussait l’achèvement et qui furent terminés juste à temps pour ne pas servir. (premier janvier mil neuf cent quarante-trois)
Troisième printemps de captivité. Pour la troisième fois, j’ai bêché les quelques mètres carrés de ma cour, dont un peu de verdure et une grande puissance d’illusion feront bientôt pour la distraction de mes yeux « mon jardin ». (quinze mars mil neuf cent quarante-trois)
Je pense à cet article de Roland Dorgelès que je lus dans un hebdomadaire pendant l’hiver 39-40, sur le front de Lorraine, et où l’écrivain, célébrant l’invincibilité de la ligne Maginot, s’écriait, figé au garde-à-vous devant la mémoire de son auteur : « Merci, sergent !... » (dix-sept mars mil neuf cent quarante-trois)
Les hommes que nous étions avant 1940 gardaient enfouis très loin en eux-mêmes leurs sentiments essentiels, comme ces poissons énormes des grandes profondeurs, invisibles de la surface et dont on ne soupçonne pas l’existence. La tempête a semé l’agitation dans les eaux les plus calmes ; elle a fait remonter au grand jour tout ce qui dormait dans les ténèbres : chacun exhibe sa faune sous-marine. (vingt-deux avril mil neuf cent quarante-trois)
Les carnets de Jean Zay, que sa femme sortait discrètement dans la voiture d’enfant lorsqu’elle venait le voir avec leurs deux filles en bas âge, s’arrêtent à la date du sept octobre mil neuf cent quarante-trois. Après cette date, le régime auquel il est soumis ne cesse de s’aggraver. Le vingt juin mil neuf cent quarante-quatre, des miliciens porteurs d’un ordre de transfert viennent le chercher dans sa prison de Riom. L’un deux l’assassine d’un tir de mitraillette au Puits du Diable dans les bois de Cusset (Allier). Il avait trente-neuf ans.
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Dans les carnets de Jean Zay ceci aussi concernant Charles Maurras dont il fut question de commémorer cette année le cent cinquantième anniversaire de la naissance :
Huit ans plus tard, devenu député, j’habitais au 46 de la rue de Verneuil. Au 60, trois ou quatre agents arpentaient en permanence le trottoir pour protéger ou surveiller le domicile de Charles Maurras. Au moment du 6 février, la préfecture de police dépêcha d’autres anges gardiens devant ma porte et devant celle, toute voisine également, de mon collègue Pomaret, si bien que le petit tronçon de la rue de Verneuil, entre la rue du Bac et la rue de Poitiers, grouillait d’uniformes. Il ne se passa jamais rien. Je me trouvais souvent, en même temps que le directeur de l’Action française, chez un petit coiffeur du quartier. Le coiffeur était socialiste. Tout en accommodant la barbe de son client monarchiste, il profitait de sa surdité pour tenir à mi-voix des propos railleurs et parfois scabreux : « Hein ! si je te coupais le cou avec mon rasoir, quel débarras pour la société ! » -« Oui, oui », faisait Maurras de la tête, croyant que le figaro l’entretenait de ses cheveux ou de la température. (seize juillet mil neuf cent quarante-trois)
8 février 2018
Pas un flocon à Rouen ce mercredi mais à Paris la neige a fait son effet. Dès le lever j’apprends que mon train de sept heures cinquante-neuf est supprimé. Je pourrais prendre le précédent ou le suivant mais à l’arrivée ce serait compliqué. D’une part, les métros bondés car point de bus en circulation et des voitures et les deux roues laissés au garage. D’autre part, le risque encouru sur les trottoirs glissants. Je renonce, bien que passer une semaine à Rouen sans pouvoir aller respirer une journée dans la capitale soit une douleur.
*
Deux filles sortant du Collège Camille-Saint-Saëns, l’une à l’autre :
-On passe à la boulangerie, on se prend un goûter de malade et on se colle à la maison.
*
Etre connu, c’est se demander à chaque personne que l’on croise et qui vous regarde si on la connaît ou non et donc si on doit la saluer ou non.
Ainsi Michel Bussi au bout de la rue Saint-Romain l’autre semaine quand je l’aperçois et me dis « Tiens, Michel Bussi ».
Point de salut, je sais que c’est lui, c’est tout.
*
Ces filles dans la rue qui sans s’arrêter considèrent leur arrière dans les vitrines qui font miroir. « Ça va, j’ai encore un joli petit cul. »
*
Dans ma ruelle :
-Ça s’rait bien de faire un truc dans une p’tite rue comme ça, une chasse au trésor par exemple.
-Oh oui, j’ai déjà fait le labyrinthe dans un champ de maïs.
*
Deux filles sortant du Collège Camille-Saint-Saëns, l’une à l’autre :
-On passe à la boulangerie, on se prend un goûter de malade et on se colle à la maison.
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Etre connu, c’est se demander à chaque personne que l’on croise et qui vous regarde si on la connaît ou non et donc si on doit la saluer ou non.
Ainsi Michel Bussi au bout de la rue Saint-Romain l’autre semaine quand je l’aperçois et me dis « Tiens, Michel Bussi ».
Point de salut, je sais que c’est lui, c’est tout.
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Ces filles dans la rue qui sans s’arrêter considèrent leur arrière dans les vitrines qui font miroir. « Ça va, j’ai encore un joli petit cul. »
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Dans ma ruelle :
-Ça s’rait bien de faire un truc dans une p’tite rue comme ça, une chasse au trésor par exemple.
-Oh oui, j’ai déjà fait le labyrinthe dans un champ de maïs.
7 février 2018
Il faut bien que je me vête et ce que j’ai sur le dos est de plus en plus dépenaillé. Ce lundi, je me résous à entrer dans ces magasins de fringues que j’abhorre et m’efforce de m’intéresser à ces pièces de tissu cousu.
Il va de soi qu’à la fin des soldes, on ne trouve pas toutes les tailles, aussi parmi les vêtements que je paie deux sur trois ne sont pas soldés.
Parmi les boutiques de la rue du Gros il en est une que j’ai évitée : Celio. Ce samedi soir, des étudiant(e)s ont découvert dans les poubelles des vêtements lacérés que les responsables de cette enseigne avaient fait détruire par leurs employé(e)s.
Ces étudiant(e)s ont décoré le rideau de fer de Celio avec les vêtements rendus hors d’usage. La photo prise par une passante de cette œuvre d’un « artiste inconnu » a fait le tour de ce qu’on appelle les réseaux sociaux ce ouiquennede avant d’arriver sur les sites des journaux nationaux.
« Ce sont des vêtements impropres à la vente ou au don. Nous avons eu une inondation et des travaux, des vêtements ont été aspergés de produits. Celio fait déjà des dons, mais là, ce n’était pas possible. », donne comme justification ce lundi la direction.
« Plusieurs vêtements me semblaient en bon état s’ils n’avaient pas été lacérés au cutter, contredit l’auteure de la photo interrogée par Le Parisien. J’ai même hésité à prendre l’une des chemises du tas de vêtements.»
« Celio ne nous a jamais proposé de vêtements », dit une dame du Secours Populaire le soir sur France Trois.
*
Hervé Morin, Duc de Normandie, Centriste de Droite, après consultation du bon peuple a choisi d’appeler sa monnaie régionale le rollon en l’honneur de Rollon. Ce chef viking, chassé de son pays pour ses exactions, est à l’origine du Duché, ayant reçu en neuf cent onze de Charles le Simple un territoire autour de Rouen contre l’arrêt de ses pillages. Il épousa de force Poppa de Bayeux après avoir tué son père lors du sac de cette ville.
Pilleur, incendiaire, tueur et violeur, Rollon méritait bien une monnaie à son nom.
*
Des avenues / Des avenues et des fleurs / Des fleurs / Des fleurs et des femmes / Des avenues / Des avenues et des femmes / Des avenues et des fleurs et des femmes et un admirateur. Telle est la traduction en français d’Avenidas, poème écrit par l’helvético-bolivien Eugen Gomringer.
Celui-ci figure dans sa langue d’origine en lettres géantes sur la façade de la Haute Ecole Alice Salomon de Berlin. Des étudiant(e)s de ladite ont fait pétition pour qu’il soit effacé : « Ce poème reproduit non seulement une tradition artistique patriarcale dans laquelle de belles femmes sont des muses utilisées exclusivement pour stimuler la création artistique des hommes, mais il nous rappelle aussi de façon fort désagréable le harcèlement sexuel auquel les femmes sont quotidiennement exposées.»
Leur initiative n’a pas l’excuse d’être liée aux évènements récents, elle date de deux mille seize.
Il va de soi qu’à la fin des soldes, on ne trouve pas toutes les tailles, aussi parmi les vêtements que je paie deux sur trois ne sont pas soldés.
Parmi les boutiques de la rue du Gros il en est une que j’ai évitée : Celio. Ce samedi soir, des étudiant(e)s ont découvert dans les poubelles des vêtements lacérés que les responsables de cette enseigne avaient fait détruire par leurs employé(e)s.
Ces étudiant(e)s ont décoré le rideau de fer de Celio avec les vêtements rendus hors d’usage. La photo prise par une passante de cette œuvre d’un « artiste inconnu » a fait le tour de ce qu’on appelle les réseaux sociaux ce ouiquennede avant d’arriver sur les sites des journaux nationaux.
« Ce sont des vêtements impropres à la vente ou au don. Nous avons eu une inondation et des travaux, des vêtements ont été aspergés de produits. Celio fait déjà des dons, mais là, ce n’était pas possible. », donne comme justification ce lundi la direction.
« Plusieurs vêtements me semblaient en bon état s’ils n’avaient pas été lacérés au cutter, contredit l’auteure de la photo interrogée par Le Parisien. J’ai même hésité à prendre l’une des chemises du tas de vêtements.»
« Celio ne nous a jamais proposé de vêtements », dit une dame du Secours Populaire le soir sur France Trois.
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Hervé Morin, Duc de Normandie, Centriste de Droite, après consultation du bon peuple a choisi d’appeler sa monnaie régionale le rollon en l’honneur de Rollon. Ce chef viking, chassé de son pays pour ses exactions, est à l’origine du Duché, ayant reçu en neuf cent onze de Charles le Simple un territoire autour de Rouen contre l’arrêt de ses pillages. Il épousa de force Poppa de Bayeux après avoir tué son père lors du sac de cette ville.
Pilleur, incendiaire, tueur et violeur, Rollon méritait bien une monnaie à son nom.
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Des avenues / Des avenues et des fleurs / Des fleurs / Des fleurs et des femmes / Des avenues / Des avenues et des femmes / Des avenues et des fleurs et des femmes et un admirateur. Telle est la traduction en français d’Avenidas, poème écrit par l’helvético-bolivien Eugen Gomringer.
Celui-ci figure dans sa langue d’origine en lettres géantes sur la façade de la Haute Ecole Alice Salomon de Berlin. Des étudiant(e)s de ladite ont fait pétition pour qu’il soit effacé : « Ce poème reproduit non seulement une tradition artistique patriarcale dans laquelle de belles femmes sont des muses utilisées exclusivement pour stimuler la création artistique des hommes, mais il nous rappelle aussi de façon fort désagréable le harcèlement sexuel auquel les femmes sont quotidiennement exposées.»
Leur initiative n’a pas l’excuse d’être liée aux évènements récents, elle date de deux mille seize.
6 février 2018
Du soleil et un étonnant ciel bleu ce dimanche après-midi quand je me rends à l’Opéra où l’on donne concert. J’y arrive peu après quinze heures, avant que ne commence au foyer l’avant spectacle confié au Conservatoire.
Il s’agit de La peur des coups, une saynète de Courteline dont le thème est d’actualité, forcément d’actualité. Cette pochade conjugale n’est pas à mon goût. Aussi, bien que la pianiste soit agréable à regarder, j’entre en salle dès que c’est possible.
De ma place de bout de corbeille, j’étudie le programme et découvre, pas vraiment surpris, que l’Orchestre ne sera pas dirigé, comme il était prévu, par Leo Hussain. Le chef principal de l’Opéra de Rouen est un chef principalement absent.
Kaspar Zehnder, discrète cravate rouge, le remplace à la baguette. De plain-pied avec les musicien(ne)s, il dirige Tetris (pour double quintette à vent) du contemporain Lior Navok (né en mil neuf cent soixante et onze), une plaisante évocation de la trépidante vie new-yorkaise.
L’estrade du chef mise en place, l’Orchestre au complet s’installe. Les musiciens sont sans cravate, une décontraction qui n’est pas synonyme de laisser-aller. Le maestro revient accompagné d’Allan Clayton pour Nocturne de Benjamin Britten. Ce ténor chante à la perfection. La musique est subtile à souhait. Bizarrement, les applaudissements meurent un peu vite. Heureusement, le timbalier Philippe Bajard est là pour les ranimer d’un geste, tel le batteur d’un groupe de rock. Ténor et maestro peuvent revenir une troisième fois saluer.
Celui avec qui je parle à l’entracte est d’accord avec moi : cela commence bien. Par un hasard que le calcul des probabilités n’aurait pas prévu, il occupe à l’autre extrémité de la corbeille le siège symétrique du mien.
A la reprise c’est Silouans Song du contemporain Arvo Pärt (né en mil neuf cent trente-cinq), un court plaisir mystique joué par les cordes, puis la Symphonie numéro trente-six en do majeur, dite Linz car Wolfgang Amadeus Mozart l’a composée vite fait bien fait dans cette ville pour remercier son hôte le comte de Thun.
Kaspar Zehnder est un très bon chef. Il tire le meilleur de l’Orchestre et de chaque instrumentiste. Cela sonne bon ce dimanche après-midi à l’Opéra de Rouen. De quoi ressortir content à dix-huit heures précises. Comme chacun le constate avec satisfaction : les jours rallongent.
Il s’agit de La peur des coups, une saynète de Courteline dont le thème est d’actualité, forcément d’actualité. Cette pochade conjugale n’est pas à mon goût. Aussi, bien que la pianiste soit agréable à regarder, j’entre en salle dès que c’est possible.
De ma place de bout de corbeille, j’étudie le programme et découvre, pas vraiment surpris, que l’Orchestre ne sera pas dirigé, comme il était prévu, par Leo Hussain. Le chef principal de l’Opéra de Rouen est un chef principalement absent.
Kaspar Zehnder, discrète cravate rouge, le remplace à la baguette. De plain-pied avec les musicien(ne)s, il dirige Tetris (pour double quintette à vent) du contemporain Lior Navok (né en mil neuf cent soixante et onze), une plaisante évocation de la trépidante vie new-yorkaise.
L’estrade du chef mise en place, l’Orchestre au complet s’installe. Les musiciens sont sans cravate, une décontraction qui n’est pas synonyme de laisser-aller. Le maestro revient accompagné d’Allan Clayton pour Nocturne de Benjamin Britten. Ce ténor chante à la perfection. La musique est subtile à souhait. Bizarrement, les applaudissements meurent un peu vite. Heureusement, le timbalier Philippe Bajard est là pour les ranimer d’un geste, tel le batteur d’un groupe de rock. Ténor et maestro peuvent revenir une troisième fois saluer.
Celui avec qui je parle à l’entracte est d’accord avec moi : cela commence bien. Par un hasard que le calcul des probabilités n’aurait pas prévu, il occupe à l’autre extrémité de la corbeille le siège symétrique du mien.
A la reprise c’est Silouans Song du contemporain Arvo Pärt (né en mil neuf cent trente-cinq), un court plaisir mystique joué par les cordes, puis la Symphonie numéro trente-six en do majeur, dite Linz car Wolfgang Amadeus Mozart l’a composée vite fait bien fait dans cette ville pour remercier son hôte le comte de Thun.
Kaspar Zehnder est un très bon chef. Il tire le meilleur de l’Orchestre et de chaque instrumentiste. Cela sonne bon ce dimanche après-midi à l’Opéra de Rouen. De quoi ressortir content à dix-huit heures précises. Comme chacun le constate avec satisfaction : les jours rallongent.
5 février 2018
Tout un mois de janvier à pleuvoir et février débute pareillement, l’activité préférée du moment de beaucoup de Rouennais(e)s est de faire le badaud depuis les ponts et les quais hauts pour voir ceux du bas inondés à chaque marée haute. Je m’en garde, me contentant des photos prises par d’autres.
Cette fois encore la Seine est respectueuse des constructions aventureuses. Il n’y a qu’à la télévision nationale que l’« on s’inquiète à Rouen ». Ailleurs, vers Cléon ou Saint-Aubin-lès-Elbeuf, on n’en est plus à s’inquiéter, des maisons sont dans l’eau.
Pas de chance pour les filles de la French Cup, cette compétition mondiale de patinage synchronisé qui se tient à la patinoire non inondée de l’île Lacroix ce ouiquennede. Chignons ultra serrés, tenues sportivo-militaires, les clones de chaque pays, affrontant le mauvais temps, foncent dans les rues en direction de leurs hôtels. Même leurs valises sont identiques. Quand elles déboulent dans les rues pavées, le bruit est d’enfer et t’as intérêt à te garer.
Par la vitre du Sushi Tong, où je soigne mon rhume ce vendredi midi, j’en aperçois un escadron sur le pont Corneille faire face à la drache, chacune semblable à l’autre. Malheureusement, cette perfection est mise à mal par leurs parapluies. Des rouges, des noirs, des bleus, des gris, finie la belle uniformité.
*
Le rhume, des jours de patience (si l’on peut dire) avant d’être guéri. Aucun traitement disponible. Uniquement des médicaments contre les symptômes. Ceux-ci à éviter en raison du risque de crise cardiaque. La médecine moderne remonterait dans mon estime si elle trouvait comment guérir cette maladie virale.
*
Janvier à Rouen : seize centimètres virgule sept d’eau de pluie, dix-huit heures de soleil.
*
Janvier sur mon compte en banque : quarante euros virgule seize de prélèvement Macron (augmentation de la Contribution Sociale Généralisée).
Cette fois encore la Seine est respectueuse des constructions aventureuses. Il n’y a qu’à la télévision nationale que l’« on s’inquiète à Rouen ». Ailleurs, vers Cléon ou Saint-Aubin-lès-Elbeuf, on n’en est plus à s’inquiéter, des maisons sont dans l’eau.
Pas de chance pour les filles de la French Cup, cette compétition mondiale de patinage synchronisé qui se tient à la patinoire non inondée de l’île Lacroix ce ouiquennede. Chignons ultra serrés, tenues sportivo-militaires, les clones de chaque pays, affrontant le mauvais temps, foncent dans les rues en direction de leurs hôtels. Même leurs valises sont identiques. Quand elles déboulent dans les rues pavées, le bruit est d’enfer et t’as intérêt à te garer.
Par la vitre du Sushi Tong, où je soigne mon rhume ce vendredi midi, j’en aperçois un escadron sur le pont Corneille faire face à la drache, chacune semblable à l’autre. Malheureusement, cette perfection est mise à mal par leurs parapluies. Des rouges, des noirs, des bleus, des gris, finie la belle uniformité.
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Le rhume, des jours de patience (si l’on peut dire) avant d’être guéri. Aucun traitement disponible. Uniquement des médicaments contre les symptômes. Ceux-ci à éviter en raison du risque de crise cardiaque. La médecine moderne remonterait dans mon estime si elle trouvait comment guérir cette maladie virale.
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Janvier à Rouen : seize centimètres virgule sept d’eau de pluie, dix-huit heures de soleil.
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Janvier sur mon compte en banque : quarante euros virgule seize de prélèvement Macron (augmentation de la Contribution Sociale Généralisée).
2 février 2018
Il pleut à fond quand je sors du Péhemmu chinois ce mercredi vers midi et demi. Je me jette dans l’escalier du métro le plus proche et constate qu’il faut deux changements pour rejoindre Rambuteau, la station la plus proche de l’entrée du Centre Pompidou (un trajet que je fais ordinairement sans effort à pied).
A cette heure aucune attente pour pénétrer dans le bâtiment dont ce dernier jour de janvier marque le quarante et unième anniversaire de l’inauguration. Je le fête en visitant à l’étage Art Moderne l’exposition consacrée à son élaboration par les architectes Renzo Piano et Richard Rogers (dessins, photos, maquettes et compagnie). Pour suivre (comme on dit dans la restauration) je parcours les salles consacrées à cet Art Moderne où, grâce aux modifications d’accrochage, il y a toujours matière à étonnement. C’est ainsi que je découvre, dans deux salles différentes mais datant tous deux de mil neuf cent trente-quatre, l’irrévérencieux et anachronique Saint Sébastien d’Alfred Courmes et le non moins étonnant Sainte Conversation de Gisberto Ceracchini dont on ne trouve aucune reproduction via Internet. Plus loin je note ce propos de Jean Dubuffet : Une chanson que braille une fille en brossant l’escalier me bouleverse plus qu’une savante cantate.
Sous la pluie, je regagne Rambuteau puis par diverses lignes de métro arrive à Quatre-Septembre au plus près du second Book-Off où je m’attarde suffisamment pour me charger d’autres livres puis, toujours à l’abri sous terre, je rejoins la gare Saint-Lazare près de laquelle je prends un café A la Ville d’Argentan en attendant l’heure de mon train.
Au fond de la salle un écran muet montre les images de la chaîne d’information continue. Je lui tourne le dos. D’autres ont les yeux fixés dessus.
-Je l’avais dit dès le premier jour que c’était le veuf, c’est pas une blague, déclare un buveur de bière.
-Ça aurait pu être un chasseur, conteste le serveur à qui l’autre a beau jeu de répliquer qu’il n’y avait pas trace de balle dans le corps de la jeune morte de Gray (Haute-Saône).
La bétaillère de dix-sept heures quarante-huit est là quand je me présente au bout du quai dix-neuf mais je ne peux m’y asseoir avant l’heure car un barrage de contrôleurs m’en empêche. Ceux-ci vérifient les billets du train voisin. Peu de temps avant son départ, un grand black énervé sans billet force le passage avec l’aide de sa poussette garnie d’un enfant. Les contrôleurs appellent la Police Ferroviaire, laquelle arrive accompagnée d’un chien muselé. Voilà un train qui pouvait partir à l’heure retenu à quai pour une durée indéterminée, c’est-à-dire jusqu’à ce que le contrevenant et sa descendance en soient expulsés et emmenés je ne sais où.
Ce retard a pour conséquence de faire partir le train qui me concerne après l’heure prévue. A l’arrivée, le chef de bord prend la parole : « Notre conducteur a fait tout ce qu’il a pu pour rattraper les dix minutes de retard et il a réussi ! »
Il ne pleut plus à Rouen. Cette fois je n’ai pas rapporté que des livres ; un rhume s’annonce, dû à la pluie reçue dans la capitale, à moins que ce ne soit un cadeau de l'apprentie mezzo-soprano de l’aller.
A cette heure aucune attente pour pénétrer dans le bâtiment dont ce dernier jour de janvier marque le quarante et unième anniversaire de l’inauguration. Je le fête en visitant à l’étage Art Moderne l’exposition consacrée à son élaboration par les architectes Renzo Piano et Richard Rogers (dessins, photos, maquettes et compagnie). Pour suivre (comme on dit dans la restauration) je parcours les salles consacrées à cet Art Moderne où, grâce aux modifications d’accrochage, il y a toujours matière à étonnement. C’est ainsi que je découvre, dans deux salles différentes mais datant tous deux de mil neuf cent trente-quatre, l’irrévérencieux et anachronique Saint Sébastien d’Alfred Courmes et le non moins étonnant Sainte Conversation de Gisberto Ceracchini dont on ne trouve aucune reproduction via Internet. Plus loin je note ce propos de Jean Dubuffet : Une chanson que braille une fille en brossant l’escalier me bouleverse plus qu’une savante cantate.
Sous la pluie, je regagne Rambuteau puis par diverses lignes de métro arrive à Quatre-Septembre au plus près du second Book-Off où je m’attarde suffisamment pour me charger d’autres livres puis, toujours à l’abri sous terre, je rejoins la gare Saint-Lazare près de laquelle je prends un café A la Ville d’Argentan en attendant l’heure de mon train.
Au fond de la salle un écran muet montre les images de la chaîne d’information continue. Je lui tourne le dos. D’autres ont les yeux fixés dessus.
-Je l’avais dit dès le premier jour que c’était le veuf, c’est pas une blague, déclare un buveur de bière.
-Ça aurait pu être un chasseur, conteste le serveur à qui l’autre a beau jeu de répliquer qu’il n’y avait pas trace de balle dans le corps de la jeune morte de Gray (Haute-Saône).
La bétaillère de dix-sept heures quarante-huit est là quand je me présente au bout du quai dix-neuf mais je ne peux m’y asseoir avant l’heure car un barrage de contrôleurs m’en empêche. Ceux-ci vérifient les billets du train voisin. Peu de temps avant son départ, un grand black énervé sans billet force le passage avec l’aide de sa poussette garnie d’un enfant. Les contrôleurs appellent la Police Ferroviaire, laquelle arrive accompagnée d’un chien muselé. Voilà un train qui pouvait partir à l’heure retenu à quai pour une durée indéterminée, c’est-à-dire jusqu’à ce que le contrevenant et sa descendance en soient expulsés et emmenés je ne sais où.
Ce retard a pour conséquence de faire partir le train qui me concerne après l’heure prévue. A l’arrivée, le chef de bord prend la parole : « Notre conducteur a fait tout ce qu’il a pu pour rattraper les dix minutes de retard et il a réussi ! »
Il ne pleut plus à Rouen. Cette fois je n’ai pas rapporté que des livres ; un rhume s’annonce, dû à la pluie reçue dans la capitale, à moins que ce ne soit un cadeau de l'apprentie mezzo-soprano de l’aller.
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