Le Journal de Michel Perdrial
Le Journal de Michel Perdrial



Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

Un petit tour dans mon passé en compagnie de Barbara Chase-Riboud

12 août 2025


La lecture aux terrasses rouennaises de J’ai toujours su de Barbara Chase-Riboud (un mauvais titre pour le livre qui groupe les lettres qu’elle a envoyées à sa mère depuis je jour où, âgée de dix-sept ans, elle quitta la maison de Philadelphie, jusqu’à la mort de sa génitrice), m’a fait faire un voyage dans ma jeunesse.
Nous allons à Marienbad au début de juillet, pour faire un reportage. Tu te souviens du film ? On doit le donner en ce moment à Philadelphie. Va le voir : tu ne comprendras rien, personne n’y a jamais rien compris. Mais c’est intéressant et rempli de fringues Chanel. (premier juin mil neuf cent soixante-trois)
Bon, je commence à être jalouse des « filles-de-17-ans ». Tu remarques comment je les appelle… Les robes sont si courtes, ici et à Londres, c’est incroyable. On les appelle « minijupes » à Londres et elles ont à peu près la longueur de jupettes de tennis. Ça n’a pas encore atteint Paris, mais je suis sûre que ça va arriver… Que vais-je faire alors ? J’appartiendrai à la « vieille génération ». (dix-huit avril mil neuf cent soixante-six)
Marc a vraiment besoin de repos : entre sa mission et les émeutes, il a une tête de déterré. Je dois dire que ça a été une période fantastique – une sorte de vie suspendue. Personne ne FAISAIT rien d’autre que d’écouter la radio, essayer de trouver des journaux, déambuler dans les rues et discuter interminablement. Tout cela a disparu ce week-end aussi vite que c’était arrivé : c’était un week-end de congé, avec un temps magnifique, et le premier depuis trois semaines où il y avait à nouveau de l’essence… Tout le monde a quitté Paris pour aller se détendre ailleurs ! Il n’y a que les Français pour faire une révolution, puis partir tranquillement pour un long week-end de repos… (trente mai mil neuf cent soixante-huit)
Pourquoi n’essayes-tu pas un petit joint de marijuana ? Cela fait réellement des merveilles, crois-moi : rien de tel qu’un petit pétard pour la vie sexuelle. Je t’en apporterai de New York et je te montrerai comment fumer. C’est également excellent pour les nerfs : bien meilleur que l’alcool pour la santé – et sans gueule de bois le lendemain matin… Tout est limpide et tu es libérée de tous les problèmes du monde. Hé, je ne plaisante pas : je crois bien que je vais changer ta vie. (premier janvier mil neuf cent soixante-treize)
Je commence à devenir française en prenant de l’âge. J’aime la solitude et laisser les gens hors de mes affaires. (dix-neuf juin mil neuf cent soixante-treize)
Antoine a un nouveau jouet : un téléphone dans sa voiture. Tout ce qui lui reste à faire est le raccordement à son jet privé. En tout cas, cela fait son bonheur : il a appelé tout le monde dans la famille, à divers moments de la journée, pour informer des conditions de circulation partout où il roulait (sauf dans les tunnels). Après cela son fils emprunte la voiture ainsi équipée pour passer tous SES coups de téléphone… J’espère seulement que Marc ne s’inspirera pas de cette idée. Le téléphone est suffisamment tyrannique dans la maison sans l’avoir en plus dans la voiture… (un lundi de mil neuf cent soixante-quatorze) (Antoine Riboud, pédégé de Danone, frère de Marc Riboud)
Mon ami Jackie Goldman a vendu son appartement à Mitterrand, qui lui reprochait ses soirées : elle habite juste à côté et les services secrets venaient frapper à sa porte chaque soir à 22 h 30, alors qu’elle était évidemment en pleine soirée : « Couvre-feu ! » (Les riches changent de logement – les pauvres ne peuvent pas en trouver.) (novembre mil neuf cent quatre-vingt-un)
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Je n’ai pas lu La Virginienne (histoire de l’esclave noire maîtresse de Thomas Jefferson) qui a fait connaître Barbara Chase-Riboud. Je ne savais pas que c’était aussi une plasticienne est sculptrice renommée, ni qu’elle fut l’épouse de Marc Riboud. Une femme très intéressante.
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Heureuse époque où l’on s’inquiétait de la présence d’un téléphone dans une voiture, loin d’imaginer que quelques dizaines d’années plus tard, quatre-vingt-quinze pour cent des humains vivraient les yeux rivés sur leur onoto (objet nomade totalitaire, comme le nomme Alain Damasio).