Le Journal de Michel Perdrial

Le Journal de Michel Perdrial




Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

23 février 2024


Elle est annoncée pour ce jeudi après-midi, la tempête Louis. Pas encore là quand je quitte mon logis pour mon café lecture quotidien au Socrate, A peine y suis-je qu’une drache s’abat sur la ville. Cela amène certains des touristes ayant déjeuné là à attendre l’éclaircie. Elle finit par venir. Le soleil brille même bien mais soudain le vent se lève si fort que c’est la panique à bord. L’une des serveuses crie que la joue va s’arracher. La joue ? J’apprends que c’est ainsi que l’on nomme la partie de l’auvent accrochée à son extrémité dans le but précisément de protéger du vent la clientèle de la terrasse. L’un des serveurs se précipite dehors, rattache la joue en la fixant davantage.
Je suis de retour chez moi juste avant qu’une nouvelle drache ne tombe. Bien à l’abri, j’écoute le vent qui souffle de plus en plus fort. J’apprends que les trains, qui pour une fois restaient en circulation entre Paris et Rouen, sont bloqués par des chutes d’arbres. Bien content que cela ne se soit pas produit la veille.
Assis devant mon ordinateur, j’ai en point de mire l’appartement d’en face où vivaient Abrutus et Aboyus. Je me rends compte que sa porte est grande ouverte. Comme je le sais à vendre, je pense à une visite. Cela dure. Je comprends que cette porte n’a pas été refermée à clé lors de la venue de potentiels acheteurs et que la tempête est la cause de cette situation.
Que faire ? Je choisis de laisser ouvert pour que d’autres voisins, sachant comment joindre les propriétaires parties à l’autre bout de la planète, aient l’idée de le faire, mais ce vendredi matin, rien ne s’est passé, la porte est toujours grande ouverte.
Je sors la fermer et cherche un moyen de joindre les propriétaires. Je ne me souviens plus de leurs noms. Je connais la profession de chacune. Et plus ou moins, l’endroit où elles vivent actuellement. Impossible de savoir via Internet quoi que ce soit sur l’une mais, en tapant la profession de l’autre suivie de Rouen, je réussis à retrouver son nom. Il me permet d’arriver sur son compte du réseau social Effe Bé. Je lui envoie un message l’informant de la situation. Treize minutes plus tard, je reçois de l’hémisphère sud un message de remerciement. Mission accomplie.
A midi huit, une jeune femme rousse vient fermer à clé.
                                                                          *
Avis de tempête également sur le Salon de l’Agriculture. Je commence à fatiguer de ces agriculteurs et de leur injonction à consommer français. J’en entends dénoncer les trois milliards donnés à l’Ukraine qui seraient mieux employés à leur profit. Des membres de cette Coordination Rurale proche du Rassemblement National et donc pro Poutine.
Internationaliste, j’achète des produits du monde entier.
 

22 février 2024


Il y a une sorte de fatalité dans le train de sept heures vingt-trois pour Paris le mercredi, qui fait que nombre de voyageurs de Rouen montent dans la voiture Trois, où je suis toujours, par la mauvaise extrémité. Leur place est à l’autre bout, ce qui les oblige à se croiser au milieu de la voiture. Or, le couloir est étroit et à chaque fois c’est le bazar. Assis sans problème, puisque je monte du bon côté, je regarde de qui je vais hériter comme voisinage immédiat, craignant tel ou telle. Ce jour, c’est une jolie blonde à lunettes.
Il fait gris dans la capitale. Je fais le pari que la pluie ne tombera pas avant que j’atteigne le Marché d’Aligre aussi prends-je le bus Vingt-Neuf. Sur place, rien pour moi encore une fois.
Au Camélia, je suis le seul client pendant un petit moment. Le café bu, je lis Mémoires inédits de Mathilde Bonaparte, la Princesse, nièce de Napoléon le Premier et cousine de Napoléon le Troisième, laquelle tenait salon fréquenté par les Goncourt, Flaubert, Gautier, etc. Hélas, cela ne concerne que sa jeunesse en exil. Elle n’a pas écrit la suite.
Chez Book-Off, deux sexagénaires se plaignent aussi d’Aligre puis parlent de leur état. « Je suis hypocondriaque, dit l’un, mais je déteste aller chez le docteur ». Pour ma part, je déplore que les rayonnages ne soient pas davantage renouvelés. Je ne repars qu’avec un seul livre à un euro : Les rêveries de Barbey de Jean-François Roseau (Le Cherche Midi).
Au Diable des Lombards, j’opte faute de mieux pour la bavette à l’échalote et la tarte Tatin puis au Book-Off de Saint-Martin cherche presque en vain.
De là aussi je ne repars qu’avec un seul livre à un euro : Silence aux pauvres, le libelle d’Henri Guillemin (Arléa). C’est là qu’il se met à pleuvoir.
Heureusement, je me console dans le troisième Book-Off où je suis plus chanceux qu’ordinaire trouvant à un euro  Au jour le jour, carnets de Paul de Roux (Le temps qu’il fait), Les confessions d’un enfant du cycle d’Alphonse Allais (Mercure de France), Les Allées sombres d’Ivan Bounine (Le Livre de Poche Biblio), La Montagne à seins nus de Pierre Charmoz (Guérin Chamonix), Le Partisan suivi de Le Marcheur d’Yves Martin (La Petite Vermillon) et Kosher Humor d’H.R. Rabinowitz (Allia). Deux filles qui découvrent l’endroit en donne une définition : « C’est comme une friperie, mais pour les livres. »
                                                                             *
Sur des publicités du métro on remercie nos agriculteurs pour leur gaz vert. Ça sent l’opération « Flattons ceux qui sont en colère ».
 

19 février 2024


Dans mon livre de train de mercredi dernier, Hors cadre de Pierre Alechinsky, j’ai lu en diagonale les textes théoriques sur la peinture, n’ai pas esquivé ceux qui évoquent les amis de l’auteur, Henri Michaux, Christian Dotremont et autres, ai surtout apprécié les pages groupant aphorismes et anecdotes. 
D’où cette sélection :
La peinture monumentale commence quand le peintre grimpe sur une chaise.   
Le téléphone ? Ne répondre que pour interrompre la sonnerie. 
Il triait son courrier au petit bonheur : les lettres dignes d’être ouvertes et les autres à renvoyer aussitôt à l’expéditeur avec un cachet à son nom, Max Ernst, et la mention : non ouverte par manque d’intérêt. 
Les sages disparurent (devant lesquels il avait à répondre) et le sexagénaire fut livré à lui-même.
Sur le bord d’une route, entre Gisors et Beauvais, un réparateur de pneus s’écrie : « Je vous reconnais ! Vous étiez dans le jury d’admission qui m’a accepté à l’Ecole des Beaux-Arts. ». 
Je n’ai pas encore peint mon dernier mot. 
Le minimaliste se braque quand on ne lui accorde pas une attention maximale. 
–Quelqu’un se sert-t-il d’un pinceau ?
Ils m’apportèrent leurs brosses, en élèves d’une école de danse qui auraient pris, des années durant, des galoches pour des chaussons.
–Ton père, n’était-il pas tailleur ?
A ce questionneur (plus précisément à son idée derrière la tête), je rétorque :
– Pas juif à ce point. 
« Le mouvement s’exécute pour s’arrêter en substituant au commandement de MARCHE celui de HALTE », me lit Pierre Dumayet ouvrant le Règlement de Manœuvre d’Infanterie (Imprimerie-Librairie Militaire Universelle, Paris, 1914). 
–Jusqu’à quel âge avez-vous éprouvé des difficultés économiques ?
Réponse de Bram van Velde :
–Jusqu’à trop tard. 
Joyce Mansour non loin de sa fin : « Je fais semblant de m’amuser, mais à l’intérieur il n’y a pas grand monde. ». 
Lorsqu’enfin la parenthèse se referma, l’idée avait disparu.
                                                                      *
A propos du titre d’un de ses tableaux, Alice grandit :
Cette forme, pour laquelle je donnerais aujourd’hui le surnom de Libidinette (trop tard, c’est joué) et que j’ai par les mots induite à devenir fillette qui grandit, me diffuse ses harmoniques : antériorités où pointe l’Alice sauvage de Nabokov, La Jeune Fille et la Mort de Schubert, une petite fille espérée, non venue (j’ai deux fils) ou l’impubère et formidable baiser dans l’odeur de foin d’un lointain, toujours proche, été de vacances. Mon Alice subpeinte, entourée de convoiteux parmi lesquels je figure, ne figure pas tout à fait, hésite, rêve, regrette, désire dans ses lignes et vagues.
                                                                      *
Dans Hors cadre aussi, cette citation de Paul Klee : Personne ne songera à exiger de l’arbre qu’il façonne ses branches sur le modèle de ses racines. 
Et cette autre de Marcel Havrenne : Les optimistes sont ceux qui comptent sur les autres.
                                                                      *
Pour finir, la blagounette de Pierre Alechinsky :
–Perrier ou Evian ?
–Evier.
 

17 février 2024


Un jour comme un autre, celui de mon soixante-treizième anniversaire. Que je préfère qualifier de septante-troisième. Il est dangereux quand on est septuagénaire de se croire encore sexagénaire.
Cela faisait déjà un moment que je me sentais avoir soixante-treize ans. Peut-être parce que je préfère les années où mon âge est impair.
Serait-ce parce que je suis né une année impaire ? Ou alors parce que, je ne sais pourquoi, je me dis que je risque plus de mourir une année d’âge pair. En attendant cette échéance, il s’agit de continuer à vivre au mieux tant qu’on le peut.
Me le rappelle, si c’était nécessaire, la mort brutale dimanche dernier d’un Rouennais de cinquante-huit ans. A chaque rencontre, nous nous bonjourions. Sans que je sache vraiment pourquoi, ne l’ayant croisé sans lui parler que dans quelques manifestations et au vide grenier de la Rougemare une année où il vendait. Je savais quand même qu’il était membre des Ecologistes et conseiller municipal. Une crise cardiaque, m’a appris la presse locale en ligne. Il devait pourtant avoir une meilleure hygiène de vie que moi, vu ses engagements. Dimanche dernier, je l’ai reconnu à sa photo et ai appris son nom : Christophe Duboc.
                                                                      *
Il y a comme ça plusieurs personnes, hommes et femmes, avec qui j’échange un bonjour quand nous nous croisons. Pour la plupart, je ne sais pas qui eux et elles sont, ni d’où je les connais, ni ce qu’ils savent de moi. Cela fait des années que ça dure. Parfois un ou une disparaît ; mort ou déménagement ?
                                                                       *
Alexeï Navalny tué par cette ordure de Poutine le jour de mon soixante-treizième anniversaire. C’est le premier triste évènement de ma nouvelle année. J’en crains d’autres, le succès des extrêmes-droites aux Européennes, la réélection de Trump, la défaite de l’Ukraine, l’aggravation du dérèglement climatique, etc.
 

16 février 2024


J’en ai fini avec Anéantir, le dernier livre de Michel Houellebecq, publié chez Flammarion, un roman mêlant plusieurs vies, celles de Paul, de son employeur Bruno (le meilleur Ministre des Finances depuis Colbert), de sa sœur Cécile, de son frère Aurélien, de leur père ancien des services secrets devenu paraplégique et de mystérieux auteurs d’attentats internationaux (nous sommes en deux mille vingt-sept). Cette polyphonie cesse vers la fin du roman, une fois que Paul est malade d’un cancer. Tous les autres personnages sont oubliés, il ne reste que lui en train de mourir.
Je ne peux pas dire que je n’ai pas aimé. Ni que j’ai aimé. Quelques passages notés au passage :
C’était exactement le type de senior, songea-t-il, qui était invariablement mis en scène dans les publicités des plans de prévention obsèques. 
C’était probablement mauvais signe d’avoir envie, comme ça, de se replonger dans ses années de jeunesse, c’était probablement ce qui arrive à ceux qui commence à comprendre qu’ils ont raté leur vie. 
Au bout de son troisième Talisker, Paul se dit qu’il allait être un peu saoul à la messe de minuit ; ce n’était pas forcément une mauvaise chose. 
Quand il avait quitté la maison Aurélien était encore un enfant, quelque chose qu’il distinguait assez peu d’un animal domestique ; il n’avait jamais eu l’impression, en réalité, d’avoir un frère. 
La vie humaine est constituée d’une succession de difficultés administratives et techniques, entrecoupée par des problèmes médicaux ; l’âge venant, les aspects médicaux prennent le dessus. La vie change alors de nature, elle se met à ressembler à une course de haies : des examens médicaux de plus en plus fréquents et variés scrutent l’état de vos organes. Ils concluent que la situation est normale, ou du moins acceptable, jusqu’à ce que l’un d’entre eux rende un verdict différent. La vie change alors de nature une seconde fois, pour devenir un parcours plus ou moins long et douloureux vers la mort. 
Il avait toujours envisagé le monde comme un endroit où il n’aurait pas dû être, mais qu’il n’était pas pressé de quitter, simplement parce qu’il n’en connaissait pas d’autre.
  … une vie n’est jamais belle lorsque l’on considère sa fin, comme l’exprimait Pascal avec sa brutalité habituelle. « Le dernier acte est sanglant, quelque belle que ce soit la comédie en tout le reste : on jette enfin de la terre sur la tête, et en voilà pour jamais. ». 
                                                                   *
Houellebecq pense encore qu’une voiture de Tégévé s’appelle un wagon. Il fait rêver Paul à plusieurs reprises, des pages que j’ai sautées.
                                                                   *
Où est le bec ? Aurélien meurt par pendaison dans la maison familiale où sont présents son frère et sa sœur mais ensuite l’auteur oublie d’évoquer ses obsèques.
 

15 février 2024


Message tonitruant Gare de Rouen ce mercredi matin : « A l’occasion de la Saint-Valentin, nous offrons nos haut-parleurs pour la diffusion de vos mots doux. Bonne fête à tous les amoureux et à ceux qui ne le sont pas ». Sur le borduquet, nul(le) ne s’émeut.
Dans le train de sept heures vingt-trois qui m’emmène à Paris le jeune homme à ma gauche travaille sur son ordinateur et le vieux couple à ma droite exhibe sa médiocre intimité. Lui ne cesse de bailler. « On va bien dormir ce soir », dit-il. « Ouais », lui répond-elle. Je lis Hors cadre de Pierre Alechinsky. En passant à Asnières-sur-Seine, j’ai une pensée pour celle vivant dans cette ville avec qui autrefois je fêtais la Saint-Valentin.
Le bus Vingt-Neuf ne me fait attendre que deux minutes avant de démarrer. En arrivant place de la Bastille, j’ai une pensée pour celle travaillant dans le quartier avec qui autrefois je fêtais  la Saint Valentin.
Au Marché d’Aligre, chez Émile, deux livres sont pour me plaire mais je les ai déjà, la Correspondance Flaubert Sand et le Journal de l’Abbé Mugnier.
Presque personne au Camélia, c’est les vacances à Paris. Dans Le Parisien s’affiche une publicité pleine page pour une banque en ligne : « Les vrais oubliés du 14 février ne sont pas les célibataires mais ceux qui s’appellent Valentin. » Elle offre aux Valentin (et aux Valentine) quatre-vingts euros s’ils ouvrent un compte aujourd’hui.
Peu de monde également au Book-Off de Ledru-Rollin. J-y suis beaucoup moins heureux que souvent dans ma pêche aux livres à un euro. Je ne mets dans mon sac à dos qu’Autoportrait d’Edouard Levé (Pol).
Au Diable des Lombards, je suis le premier arrivé. Un type imbibé entre peu après pour boire une bière. Il est refusé par le patron serveur. On ne peut pas dire qu’il est envoyé au Diable, mais qu’il est envoyé hors du Diable. Suivent des habitués trentenaires, trois hommes et une femme. « Je n’ai encore jamais fêté une Saint-Valentin avec trois hommes », dit-elle au serveur. « J’avais remarqué que tu devenais gourmande », lui répond-t-il. Je choisis la verrine de crevettes guacamole et le mignon de cochon sauce miel moutarde pommes sautées salade.
Pour la première fois, je ne trouve au sous-sol du Book-Off de Saint-Martin aucun livre à acheter. Trois jeunes filles sont plus chanceuses et l’expriment joyeusement. «  Ah Proust ! Et Le Temps retrouvé en plus ! ».
Mon sac est donc léger quand en métro je rejoins le Bistrot de Edmond où je suis toujours bien accueilli. Mon café.de comptoir bu, j’explore le troisième Book-Off. Encore une fois, ma récolte est fort mince, un seul  livre à un euro, Le Bonnet rouge de Daniel de Roulet (Héros-Limite). Celui qui me suit à la caisse est plus heureux et l’exprime bruyamment : « Ah je suis content, ça faisait longtemps que je le cherchais ce cédé de Sardou. Il est introuvable. C’est celui où il y a Les Ricains. La provoc totale au temps de la Guerre du Vietnam. »  L’employé sourit poliment.
Comme je suis en avance pour mon train de retour à Rouen, je termine Hors cadre de Pierre Alechinsky sur l’un des sièges de la Gare Saint-Lazare. A côté de moi, un jeune couple se chamaille. Elle lui reproche de se laisser marcher dessus. Il finit par partir excédé. Elle lui court après. C’est la fête de l’amour. 
                                                                      *
La bonne nouvelle du jour : Macron renonce à virer les bouquinistes qui devaient faire place nette pour la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques, désavouant ainsi son Ministre de l’Intérieur et le Préfet de Police de Paris.
                                                                     *
Actualité encore. Au point où on en est,  il ne manque plus qu’une déclaration de celui qui nous gouverne : « J’étais sous emprise. Je n’avais que seize ans et c’était ma prof de théâtre. » 

 

13 février 2024


Autre correspondance de Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais lue il y a un certain temps, celle qu’il entretint dix ans après la précédente avec Amélie Houret de La Morinaie. Elle a été publiée sous le titre Lettres d’amour. Des lettres d’elle à lui, je n’ai rien retenu, de celles de lui à elle, ces extraits :
Pierre à Amélie, mercredi vingt-quatre octobre mil sept cent quatre-vingt-sept. Vous me troublez, vous me suivez et vous m’empêchez de dormir ; j’ai des agitations tout à fait déplacées ; je sens le feu de votre haleine ; je voudrais, dans ma déraison, pétrirent vos lèvres de mes lèvres pendant au moins une heure entière ; je voudrais que ma main brûlante pût vous parcourir lentement depuis les pieds jusqu’à la tête.
Pierre à Amélie, un jeudi soir de mil sept cent quatre-vingt-huit. Les bonnes qualités que je lui trouvais me la firent garder près de moi. J’en ai fait ma ménagère. Je n’ai point voulu m’asservir, j’ai mis ma liberté à côté de la sienne. Sois tranquille, ma beauté, l’âme de mon âme, il y a sept ans que ma ménagère n’est plus ma femme.
Pierre à Amélie, un vendredi matin de mil sept cent quatre-vingt-huit. J’étais jeune, j’étais beau, j’avais des talents, tout cela est fini. Comme vous dites, mon amie, votre âge, le mien ; vos beautés, ma décrépitude.
Pierre à Amélie, un mardi matin de mil sept cent quatre-vingt-huit. Ne regrette plus tes vingt ans, tu vaux mieux que tu ne valais lorsque tu te croyais parfaite. Ta figure est toujours angélique, ton corps fait à plaisir et ton âme bien instruite, et dans sa noble maturité, la belle femme de trente ans sensible et spirituelle est le chef-d’œuvre de la nature.   
Pierre à Amélie, deux octobre mil sept cent quatre-vingt-dix-huit. Encore aujourd’hui, je te fuirais à mille lieues, si je pouvais te soupçonner de te laisser sucer le con, lécher le cul par un autre homme que par moi ! (…) J’ai sucé ta bouche rosée. J’ai dévoré le bout de tes tétons. J’ai mis avec délice et mes doigts et ma langue dans ton con imbibé de foutre. J’ai léché le trou de ton cul avec le même plaisir divin que ma langue a cherché la tienne. Quand, pardonnant à ma faiblesse, tu as versé le foutre de l’amour en remuant ton cul chéri sur ma bouche altérée de ce foutre divin, je t’ai laissée faire sur moi tout ce qu’il a plu à la tienne. Ce temps de délire est passé.
 

12 février 2024


Ce dimanche un peu avant treize heures arrive l’aimable étudiant avec qui j’ai bu un café mardi dernier. En effet, au cours de notre conversation, alors que je lui disais le temps fou que je passais à transcrire avec deux doigts et un tas de fautes de frappe, des extraits de livres lus, il m’a appris que mon smartphone pouvait me permettre de lire le texte qui serait automatiquement mis à l’écrit sur l’écran, lequel texte je pourrais envoyer à moi-même par mail.
D’où ce rendez-vous dominical pour concrétiser cette possibilité puis boire un café ensemble.
C’est ainsi qu’après son départ, je dicte ces extraits de Lettres galantes à Mme de Godeville de Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais, un livre lu il y a je ne sais combien de mois :
Vendredi matin quatre avril mil sept cent soixante-dix-sept. Si je rendais alors les femmes malheureuses, c’est que chacune voulait être exclusivement heureuse, et qu’il me paraissait que dans cet immense jardin qu’on appelle le monde, chaque fleur avait droit au coup d’œil de l’amateur. 
Jeudi dix avril mil sept cent soixante-dix-sept. Voilà, Madame, comme on écrit dans mon cabinet. Et si vous n’en êtes pas contente, attendez-moi dans le vôtre ; et là, dépouillant… tout artifice, montrez-moi toute nue… la vérité de vos sentiments.
Mercredi matin seize avril mil sept cent soixante-dix-sept. Que l’on s’examine de bonne foi, chacun sentira dans son amitié pour une femme un arrière goût d’amour, je ne sais quoi de spermatique qui anime le commerce et le vivifie.
Vendredi six juin mil sept cent soixante-dix-sept. J’espère que mon doigt me vengera de tant d’injures, et quand je t’entendrai me dire : Ah ! B…, tu me tues, arrête, arrête ! –Non coquette, non déshonnête, non volcan, tourbillon, fureur, etc., etc., tu mourras de ma main, meurs, verse ton sang, la couleur n’y fait rien ; rends-moi l’âme à travers des flots de… Foutre de moi ! J’allais dire une sottise. 
Mardi vingt-quatre juin mil sept cent soixante-dix-sept. J’ouvre ta lettre, j’y trouve : comment te portes-tu ? que fais-tu ? m’aimes-tu ? À cela je réponds : bien, rien, oui. 
Lundi dix-huit août mil sept cent soixante-dix-sept. Tu me rappelles une petite friponne de maîtresse, bien hautaine, bien capricieuse, mais qui aimait le plaisir autant que moi, et c’était beaucoup dire alors. Quand nous nous étions bien chamaillés, et qu’elle me voyait prêt à partir furieux, elle me disait : Eh bien ! va-t-en, je n’ai pas besoin d’amant, moi ; je m’en conte fort bien à moi-même ; et tout en grondant, elle se renversait et me donnait le spectacle de ses cuisses émues et du charmant exercice de son doigt sur le plus joli petit … Va-t-en donc, disait-elle, va-t-en donc. Je n’y pouvais tenir, je me jetais dans ses bras et lorsqu’un plaisir arraché d’autorité me faisait pâmer sur elle, ma friponne en me baisant au front me disait : Je savais bien, moi, que je vous mettrais à la raison ! 
Jeudi vingt-huit août mil sept cent soixante-dix-sept. Je ne voudrais point d’une maîtresse qui fût une putain ; mais je ne hais pas que ma maîtresse soit un peu putain.   
Mardi neuf septembre mil sept cent soixante-dix-sept. Dis-moi ce que tu sens, ce que tu veux, ce que tu désires, ce que tu espères, ce que tu te fais, et ce que je devrais te faire. Montre-moi ma pauvre maîtresse essayant de me suppléer par un doux effort de son doigt majeur, se fatiguant à prendre une peine dont elle voudrait bien me laisser le plaisir.
Samedi vingt septembre mil sept cent soixante-dix-sept. Tu veux de mes cheveux ? Prends-en, qui t’en empêche ? Tu désires être caressée ? Eh bien, dis : Baise-moi, Jâquo, donne la patte mon fils. Tu veux que mon doigt t’amuse ? approche ta petite bouche et dis : gratte péraut. Tu veux voir ta poupée pâmer et rendre l’âme avec un soupir de bonheur ? C’est sous l’aile, auprès de la hanche qu’il faut porter ta main chatouilleuse. (…) Quand j’arrive, qui t’empêche de me dire : Donne-moi du plaisir, j’en veux, j’en ai besoin, je m’en meurs ? (…) Tant que je ne bande pas ou ne te vois pas bander je suis ton ami ; mais lorsque tu bats le briquet ou sur moi ou sur toi, je m’allume, et quoi que je ne sois qu’une faible allumette, elle est encore prête à brûler pour toi par ses deux bouts soufrés. (…)  Au lieu de dormir devant mon portrait, joue-lui un petit air d’amour au nez, et garde pour moi le reste de ta serinette.
                                                                        *
« … et garde pour moi le reste de ta sœur Inette » a transcrit mon smartphone. Il y a bien sûr quelques corrections à faire, mais globalement le gain de temps est appréciable. Il aurait fallu que je sache ça plus tôt mais personne avant lui n’a jugé bon de me donner l’information.
 

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