Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
8 novembre 2022
Plusieurs fois, lors de ma lecture des Lettres à Voltaire de Madame du Deffand, je me suis dit : On dirait Cioran. La Marquise était aveugle, pas de quoi voir la vie en rose. Au-delà de ça, sa lucidité était remarquable. Et ses idées sont aussi les miennes :
Toutes les conditions, toutes les espèces me paraissent également malheureuses, depuis l’ange jusqu’à l’huître ; le fâcheux, c’est d’être né, et l’on peut pourtant dire que de ce malheur-là que le remède est pire que le mal. Paris, vingt-huit octobre mil sept cent cinquante-neuf
Rien ne me retient ici, et je n’ai pour y rester d’autres raisons que celle de la chèvre : où elle est attachée, il faut quelle broute. Paris, vingt-trois juillet mil sept cent soixante
La vieillesse serait supportable si l’on avait à qui parler, mais il me semble que tous les hommes aujourd’hui sont des fous ou des bêtes. Je me dis souvent que c’est peut-être moi qui suis l’un et l’autre, que je suis comme ceux qui ont une jaunisse qui leur fait voir tout jaune ; qu’il est impossible que je sois meilleur juge que tous ceux qui ont tant de célébrité : ainsi, après avoir été mécontente de tout le monde, je conclus, je finis par l’être encore plus de moi-même. Paris, quatorze janvier mil sept cent soixante-quatre
Jugez de ce qui me paraît bon aujourd’hui, où tout est cynique ou pédant ; nulle grâce, nulle facilité, point d’imagination, tout à la glace ; de la hardiesse sans force, de la licence sans gaieté ; point de talent, beaucoup de présomption, voilà le tableau du moment présent. Paris, quatorze mars mil sept cent soixante-quatre
Il n’y a aucun état, quel qu’il puisse être, qui me paraisse préférable au néant. Paris, deux mai mil sept cent soixante-quatre
Tous discours sur certaine matière me paraissent inutiles ; le peuple ne les entend point, la jeunesse ne s’en soucie guère, les gens d’esprit n’en ont pas besoin, et peut-on se soucier d’éclairer les sots ? Que chacun pense et vive à sa guise, et laissons chacun voir par ses lunettes. Ne nous flattons jamais d’établir la tolérance ; les persécutés la prêcheront toujours, et s’ils cessaient de l’être, ils ne l’exerceraient pas. Quelque opinion qu’aient les hommes, ils y veulent soumettre tout le monde. Paris, vingt-huit décembre mil sept cent soixante-cinq
Le goût est perdu, parce qu’il n’y a plus de bons critiques ; chacun loue les ouvrages de son voisin, pour obtenir l’approbation des siens. Paris, treize décembre mil sept cent soixante-huit
Vous serez surpris, si je vous avoue que la perte de la vue n’est pas mon plus grand malheur ; celui qui m’accable, c’est l’ennui. Paris, premier mars mil sept cent soixante-neuf
Il y a longtemps que je pense que la seule chose qu’on puisse bien savoir, c’est que nous sommes faits pour ignorer tout. Paris, vingt-quatre mai mil sept cent soixante-dix
Je ne sais pas si vous trouvez que ce soit un bon lot que de parvenir à la vieillesse ; pour moi, je le trouve détestable, et je suis toujours indignée de l’injustice qu’on a eue de nous faire naître sans notre consentement, et de nous faire vieillir malgré nous. Paris, vingt-sept février mil sept cent soixante et onze
J’éprouve ce qu’a dit Saint-Lambert, et qu’il a très bien dit, sur celui qui a le malheur de vieillir :
Il voit autour de lui tout périr, tout changer,
A la race nouvelle il se trouve étranger, etc.
Paris, le vingt-quatre octobre mil sept cent soixante-treize
*
Un point Rouen chez Madame du Deffand :
On est accablé de remontrances, d’arrêtés, de lettres, de discours. Hors ceux qui nous viennent de Rouen, tous me semblent détestables, surtout ceux de notre bonne ville, qui sont pleins de belles phrases, et qu’on dirait être faits pour concourir aux prix de l’Académie. Paris, vingt-sept février mil sept cent soixante et onze
Toutes les conditions, toutes les espèces me paraissent également malheureuses, depuis l’ange jusqu’à l’huître ; le fâcheux, c’est d’être né, et l’on peut pourtant dire que de ce malheur-là que le remède est pire que le mal. Paris, vingt-huit octobre mil sept cent cinquante-neuf
Rien ne me retient ici, et je n’ai pour y rester d’autres raisons que celle de la chèvre : où elle est attachée, il faut quelle broute. Paris, vingt-trois juillet mil sept cent soixante
La vieillesse serait supportable si l’on avait à qui parler, mais il me semble que tous les hommes aujourd’hui sont des fous ou des bêtes. Je me dis souvent que c’est peut-être moi qui suis l’un et l’autre, que je suis comme ceux qui ont une jaunisse qui leur fait voir tout jaune ; qu’il est impossible que je sois meilleur juge que tous ceux qui ont tant de célébrité : ainsi, après avoir été mécontente de tout le monde, je conclus, je finis par l’être encore plus de moi-même. Paris, quatorze janvier mil sept cent soixante-quatre
Jugez de ce qui me paraît bon aujourd’hui, où tout est cynique ou pédant ; nulle grâce, nulle facilité, point d’imagination, tout à la glace ; de la hardiesse sans force, de la licence sans gaieté ; point de talent, beaucoup de présomption, voilà le tableau du moment présent. Paris, quatorze mars mil sept cent soixante-quatre
Il n’y a aucun état, quel qu’il puisse être, qui me paraisse préférable au néant. Paris, deux mai mil sept cent soixante-quatre
Tous discours sur certaine matière me paraissent inutiles ; le peuple ne les entend point, la jeunesse ne s’en soucie guère, les gens d’esprit n’en ont pas besoin, et peut-on se soucier d’éclairer les sots ? Que chacun pense et vive à sa guise, et laissons chacun voir par ses lunettes. Ne nous flattons jamais d’établir la tolérance ; les persécutés la prêcheront toujours, et s’ils cessaient de l’être, ils ne l’exerceraient pas. Quelque opinion qu’aient les hommes, ils y veulent soumettre tout le monde. Paris, vingt-huit décembre mil sept cent soixante-cinq
Le goût est perdu, parce qu’il n’y a plus de bons critiques ; chacun loue les ouvrages de son voisin, pour obtenir l’approbation des siens. Paris, treize décembre mil sept cent soixante-huit
Vous serez surpris, si je vous avoue que la perte de la vue n’est pas mon plus grand malheur ; celui qui m’accable, c’est l’ennui. Paris, premier mars mil sept cent soixante-neuf
Il y a longtemps que je pense que la seule chose qu’on puisse bien savoir, c’est que nous sommes faits pour ignorer tout. Paris, vingt-quatre mai mil sept cent soixante-dix
Je ne sais pas si vous trouvez que ce soit un bon lot que de parvenir à la vieillesse ; pour moi, je le trouve détestable, et je suis toujours indignée de l’injustice qu’on a eue de nous faire naître sans notre consentement, et de nous faire vieillir malgré nous. Paris, vingt-sept février mil sept cent soixante et onze
J’éprouve ce qu’a dit Saint-Lambert, et qu’il a très bien dit, sur celui qui a le malheur de vieillir :
Il voit autour de lui tout périr, tout changer,
A la race nouvelle il se trouve étranger, etc.
Paris, le vingt-quatre octobre mil sept cent soixante-treize
*
Un point Rouen chez Madame du Deffand :
On est accablé de remontrances, d’arrêtés, de lettres, de discours. Hors ceux qui nous viennent de Rouen, tous me semblent détestables, surtout ceux de notre bonne ville, qui sont pleins de belles phrases, et qu’on dirait être faits pour concourir aux prix de l’Académie. Paris, vingt-sept février mil sept cent soixante et onze
7 novembre 2022
Dans la dernière partie de leur vie, Jules et Tatiana Roy habitaient Vézelay. C’est là que Serge Gainsbourg, déglingué, vint se réfugier peu avant sa mort, d’où invitations réciproques que raconte Tatiana dans son journal Bonheurs quotidiens (Tirésias).
S. Gainsbourg nous avait invités, J. et moi, à déjeuner chez Meneau. Au menu : truffes, bécasses, et un vin qui passe pour le plus fameux – je ne me souviens pas du nom parce que je n’ai pas la mémoire des vins, même si j’en ai le goût. Il devait dater de 1970, quelque part par là. Gainsbourg ne boit presque pas, il trempe les lèvres. Allume cigarette après cigarette, aspire une ou deux goulées et suit une autre cigarette. Au bout de trois ou quatre énormes mégots, les serveurs changent le cendrier, et ça recommence. Il ne mange rien non plus. Physiquement, il n’est pas plus gros qu’une longue allumette, veste croisée bleu marine rayée blanc, chemise col ouvert, et blue-jeans effrangé, pieds nus dans des chaussures en cuir blanc. (…) … Gainsbourg m’a accompagnée jusqu’à la voiture en me tenant par la main. Il a exprimé le désir de venir chez nous. J’ai dit : « Je ne sais rien faire d’autre que le gigot ».
Bambou, sa jeune femme, dînait à part avec deux amies, jeans, pull, elle était le portrait tout calqué de Jane Birkin, sauf les yeux bridés (un von Paulus marié à une Chinoise. Leur fils est un petit Chinois tout craché.)
S. Gainsbourg répète dix fois la même chose, repousse le cendrier d’un air de prince outragé si on oublie de le lui enlever. Il écrit un sonnet, déclare-t-il. D’ailleurs, il ne se réveille que le soir : il joue du piano pour les clients, pour les employés de chez Meneau… Trente décembre mil neuf cent quatre-vingt-dix
Serge Gainsbourg et Bambou à la maison. Lui, comme d’habitude, en jeans, pieds nus dans de belles godasses blanches. La veille, nous avions déjeuné chez Meneau, et Gainsbourg proclama à qui voulait l’entendre : « C’est moi qui paie » avec un air de ravissement immense. (…)
A la maison, le 1er janvier, il nous apporta quelques bouteilles de vin en annonçant que c’était du « vin sublime » mais il avait perdu sa verve. Premier janvier mil neuf cent quatre-vingt-dix
Les cigarettes ont tué S. Gainsbourg qui devait revenir chez Meneau pour Pâques. Six mars mil neuf cent quatre-vingt-onze
Autres invités des Roy, que Tatiana, d’origine russe, connaît, Mstislav Rostropovitch et sa femme, lesquels sont à Vézelay pour une série des concerts dans la Basilique.
Rostropovitch et Galina Vichnevskaia en visite chez nous. Huit janvier mil neuf cent quatre-vingt-onze
Tout est centré sur Rostropovitch, ses répétitions et son prochain concert. Il jouera six suites de Bach. Il est frais, tel un petit « concombre frais », tout rose, avec une bouille de bébé. Agité, sans cesse en mouvement, répétant qu’un violoncelle, qui est masculin, devrait être au féminin parce qu’il faut l’enlacer. On dit d’ailleurs qu’il est très porté sur les petites filles. Dix-sept mars mil neuf cent quatre-vingt-onze
Rostro déjeune à la maison. Il est accompagné d’une jeune pianiste, prof de piano du fils de Meneau. Il n’arrête pas de lui faire du « rentre-dedans ».
(…) Une nature fuyante, toujours ailleurs, sauf quand il parle de lui, bien sûr. Encore plus narcissique que mon Julius, en plus insidieux et plus doucereux. Premier avril mil neuf cent quatre-vingt-onze
S. Gainsbourg nous avait invités, J. et moi, à déjeuner chez Meneau. Au menu : truffes, bécasses, et un vin qui passe pour le plus fameux – je ne me souviens pas du nom parce que je n’ai pas la mémoire des vins, même si j’en ai le goût. Il devait dater de 1970, quelque part par là. Gainsbourg ne boit presque pas, il trempe les lèvres. Allume cigarette après cigarette, aspire une ou deux goulées et suit une autre cigarette. Au bout de trois ou quatre énormes mégots, les serveurs changent le cendrier, et ça recommence. Il ne mange rien non plus. Physiquement, il n’est pas plus gros qu’une longue allumette, veste croisée bleu marine rayée blanc, chemise col ouvert, et blue-jeans effrangé, pieds nus dans des chaussures en cuir blanc. (…) … Gainsbourg m’a accompagnée jusqu’à la voiture en me tenant par la main. Il a exprimé le désir de venir chez nous. J’ai dit : « Je ne sais rien faire d’autre que le gigot ».
Bambou, sa jeune femme, dînait à part avec deux amies, jeans, pull, elle était le portrait tout calqué de Jane Birkin, sauf les yeux bridés (un von Paulus marié à une Chinoise. Leur fils est un petit Chinois tout craché.)
S. Gainsbourg répète dix fois la même chose, repousse le cendrier d’un air de prince outragé si on oublie de le lui enlever. Il écrit un sonnet, déclare-t-il. D’ailleurs, il ne se réveille que le soir : il joue du piano pour les clients, pour les employés de chez Meneau… Trente décembre mil neuf cent quatre-vingt-dix
Serge Gainsbourg et Bambou à la maison. Lui, comme d’habitude, en jeans, pieds nus dans de belles godasses blanches. La veille, nous avions déjeuné chez Meneau, et Gainsbourg proclama à qui voulait l’entendre : « C’est moi qui paie » avec un air de ravissement immense. (…)
A la maison, le 1er janvier, il nous apporta quelques bouteilles de vin en annonçant que c’était du « vin sublime » mais il avait perdu sa verve. Premier janvier mil neuf cent quatre-vingt-dix
Les cigarettes ont tué S. Gainsbourg qui devait revenir chez Meneau pour Pâques. Six mars mil neuf cent quatre-vingt-onze
Autres invités des Roy, que Tatiana, d’origine russe, connaît, Mstislav Rostropovitch et sa femme, lesquels sont à Vézelay pour une série des concerts dans la Basilique.
Rostropovitch et Galina Vichnevskaia en visite chez nous. Huit janvier mil neuf cent quatre-vingt-onze
Tout est centré sur Rostropovitch, ses répétitions et son prochain concert. Il jouera six suites de Bach. Il est frais, tel un petit « concombre frais », tout rose, avec une bouille de bébé. Agité, sans cesse en mouvement, répétant qu’un violoncelle, qui est masculin, devrait être au féminin parce qu’il faut l’enlacer. On dit d’ailleurs qu’il est très porté sur les petites filles. Dix-sept mars mil neuf cent quatre-vingt-onze
Rostro déjeune à la maison. Il est accompagné d’une jeune pianiste, prof de piano du fils de Meneau. Il n’arrête pas de lui faire du « rentre-dedans ».
(…) Une nature fuyante, toujours ailleurs, sauf quand il parle de lui, bien sûr. Encore plus narcissique que mon Julius, en plus insidieux et plus doucereux. Premier avril mil neuf cent quatre-vingt-onze
6 novembre 2022
En lisant Bonheurs quotidiens, le journal d’octobre mil neuf cent soixante-cinq à deux mille de Tatiana Roy paru aux Editions Tirésias, j’ai pu constater encore une fois qu’être femme d’écrivain n’était pas de tout repos.
La vie ne fut pas facile pour l’auteure avec celui qu’elle appelait Julius ou « mon cher grand écrivain », ce Jules Roy, qui était connu au temps de la Gauche au pouvoir (épisode Mythe Errant) et est presque oublié.
Le pire fut au début de leur relation, quand il lui tapait dessus ou la virait du domicile conjugal :
Il ajouta pour arranger les choses qu’il en avait assez de me voir souffrir à faire la cuisine pour lui, et de me voir sans cesse faire la gueule… Je hurlais que c’était faux, que je ne faisais jamais la gueule. Ce hurlement de démente le mit hors de lui et, se levant d’un bond, il abaissa son poing sur ma pauvre caboche, renversant le vin et continuant à taper aussi fort qu’il le pouvait, sur cette pauvre tête affolée sur la table, et qui essayait de se protéger. Il criait que je « l’emmerdais », que je n’avais qu’à partir puisqu’il ne me supportait plus. Moi aussi je me levais d’un bond, mais pour le traiter de « con », folle de rage et en voulant qu’une seule chose : fuir cette espèce de brute qui levait la main sur moi ! (mil neuf cent soixante-sept)
Il aurait dû être fier que je lui aie fait une scène de jalousie. Eh bien non, il s’est fâché, m’a demandé de « foutre le camp », m’a jetée hors du lit, et je suis partie « chez ma mère »… Pour revenir le lendemain matin, parce que mon désarroi était grand à la pensée de revivre seule, alors que je l’aimais. (mil neuf cent soixante-neuf)
Par la suite, il se contentera de l’engueuler en privé et de la dénigrer devant les invités.
*
Trois autres notes prises lors de ma lecture :
Dîner chez les Vilmorin avec Malraux, sans tic, et ne buvant pas du tout. Mais l’œil toujours un peu sanguinolent. Fuyant la vie d’aujourd’hui, refugié dans cet écrin des Vilmorin à Verrières. Cela va si peu à Malraux. Il est devenu comme une institution des Vilmorin, qui ont remplacé Louise dans le lit du maître par une de ses nièces. (mil neuf cent soixante-treize)
La petite fille de Simone, Isabelle, treize ans, vraie Lolita. Perverse en diable et joli corps de femme dodue. (Simone Lacouture, femme de Jean) (mil neuf cent soixante-dix-sept)
A une certaine date de la vie, sonne l’heure d’un certain « non-retour ». On se rend compte qu’à partir de là, on a beau faire, on ne peut rattraper les dégâts. Jusque-là il y eut une longue, longue attente de quelque chose d’irrémédiable. On essayait de s’étourdir et puis clac, la souricière se referme, la lucidité vient et l’on a le sentiment que tout a été vain, et que dorénavant il ne reste qu’à descendre doucement à la rencontre du mystère qui nous guette à chaque détour du chemin. Sera-ce aujourd’hui ou demain ? Certains n’atteignent jamais cette lucidité du temps où l’on devient le témoin impuissant de sa propre dégradation. (mil neuf cent quatre-vingt-sept)
La vie ne fut pas facile pour l’auteure avec celui qu’elle appelait Julius ou « mon cher grand écrivain », ce Jules Roy, qui était connu au temps de la Gauche au pouvoir (épisode Mythe Errant) et est presque oublié.
Le pire fut au début de leur relation, quand il lui tapait dessus ou la virait du domicile conjugal :
Il ajouta pour arranger les choses qu’il en avait assez de me voir souffrir à faire la cuisine pour lui, et de me voir sans cesse faire la gueule… Je hurlais que c’était faux, que je ne faisais jamais la gueule. Ce hurlement de démente le mit hors de lui et, se levant d’un bond, il abaissa son poing sur ma pauvre caboche, renversant le vin et continuant à taper aussi fort qu’il le pouvait, sur cette pauvre tête affolée sur la table, et qui essayait de se protéger. Il criait que je « l’emmerdais », que je n’avais qu’à partir puisqu’il ne me supportait plus. Moi aussi je me levais d’un bond, mais pour le traiter de « con », folle de rage et en voulant qu’une seule chose : fuir cette espèce de brute qui levait la main sur moi ! (mil neuf cent soixante-sept)
Il aurait dû être fier que je lui aie fait une scène de jalousie. Eh bien non, il s’est fâché, m’a demandé de « foutre le camp », m’a jetée hors du lit, et je suis partie « chez ma mère »… Pour revenir le lendemain matin, parce que mon désarroi était grand à la pensée de revivre seule, alors que je l’aimais. (mil neuf cent soixante-neuf)
Par la suite, il se contentera de l’engueuler en privé et de la dénigrer devant les invités.
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Trois autres notes prises lors de ma lecture :
Dîner chez les Vilmorin avec Malraux, sans tic, et ne buvant pas du tout. Mais l’œil toujours un peu sanguinolent. Fuyant la vie d’aujourd’hui, refugié dans cet écrin des Vilmorin à Verrières. Cela va si peu à Malraux. Il est devenu comme une institution des Vilmorin, qui ont remplacé Louise dans le lit du maître par une de ses nièces. (mil neuf cent soixante-treize)
La petite fille de Simone, Isabelle, treize ans, vraie Lolita. Perverse en diable et joli corps de femme dodue. (Simone Lacouture, femme de Jean) (mil neuf cent soixante-dix-sept)
A une certaine date de la vie, sonne l’heure d’un certain « non-retour ». On se rend compte qu’à partir de là, on a beau faire, on ne peut rattraper les dégâts. Jusque-là il y eut une longue, longue attente de quelque chose d’irrémédiable. On essayait de s’étourdir et puis clac, la souricière se referme, la lucidité vient et l’on a le sentiment que tout a été vain, et que dorénavant il ne reste qu’à descendre doucement à la rencontre du mystère qui nous guette à chaque détour du chemin. Sera-ce aujourd’hui ou demain ? Certains n’atteignent jamais cette lucidité du temps où l’on devient le témoin impuissant de sa propre dégradation. (mil neuf cent quatre-vingt-sept)
5 novembre 2022
Avec un billet de train qui me coûte plus cher que d’habitude, me voici ce vendredi dans la voiture Cinq (celles des navetteurs) du sept heures vingt-quatre pour Paris. Je n’y ai pas de voisin immédiat. Certains sont en vacances, d’autres en télétravail (le télétravail, cette façon de commencer le ouiquennede un jour plus tôt).
Arrivé tôt dans la capitale, je tente de perdre mon avance en prenant un bus Vingt-Neuf dans lequel il est affiché qu’on recrute des conducteurs. Celui-ci se sort facilement des travaux du boulevard Sébastopol et me voici à neuf heures quarante-cinq au comptoir du Café du Faubourg où le vieux serveur annonce la pluie pour quinze heures. J’ai pour voisin un quadragénaire qui était déjà là avant la Guerre du Covid, aisément reconnaissable au verre de vin blanc matinal qu’il renouvelle. Désormais, il porte la barbe. En ce début de vingt-et-unième siècle, peu d’hommes auront su résister au désir mimétique d’exhiber sa pilosité. Il suffit pour le vérifier de regarder les publicités télévisées. Presque toutes ont leur néo barbu.
Quand enfin Book-Off ouvre, je n’y suis pas longtemps seul. Là aussi les vacances se font sentir. Il me faut slalomer entre les familles.
-Il est où papa ?
-Il regarde les mangas.
Je regarde ailleurs mais ce n’est pas un bon jour. Au moment de payer, je n’ai dans mon panier que La vie drôle de Curnonsky (Ramsay) et White, le premier livre de non fiction de Bret Easton Ellis (Robert Laffont).
A midi, je déjeune au Paris de la formule à quatorze euros quatre-vingt-dix : crème de lentilles croûtons et tuile de lard puis foie de veau snacké sauce pimentée mousseline de patates douces. Las, pas de tuile de lard m’annonce une nouvelle serveuse (c’est la tuile). Le cuisinier vient me voir pour s’en excuser à la fin de mon repas. Un repas qui me laisse un peu sur ma faim. C’est fort bon mais un peu chiche. J’ai l’impression que certains restaurateurs, soucieux ne pas augmenter les prix, diminuent les quantités.
Un bus Vingt-Neuf (on recrute des conducteurs) me conduit d’un Opéra à l’autre. Au Book-Off de Quatre Septembre, il y a également foule et j’ai beau chercher et chercher, je ne trouve pas le moindre livre pour me plaire.
Il est quatorze heures trente quand je m’installe à l’une des tables d’intérieur du Bistrot d’Edmond tandis que dehors tombe une sévère drache. De nouvelles serveuses sont à l’ouvrage, dont l’une qui fait tomber ma veste sans s’excuser. Je poursuis la lecture de Lettres à Voltaire de Madame du Deffand malgré la musique trop forte.
Je rentre avec le seize heures quarante. Le vendredi, certaines des places de la voiture Cinq sont réservées. D’où la présence parmi nous de Génération Cinquante. Heureusement, celui-ci se contente de gazouiller. Chez les navetteurs, on est content d’être en ouiquennede. L’un qui travaille dans un service après-vente et devrait rentrer avec le dix-sept heures trente a quitté son travail plus tôt. Il surveille son smartphone. Si on m’appelle, dit-il à ses compagnons de voyage, je dirai que j’ai pris mes médicaments et que je ne peux plus conduire. C’est ce que je fais à chaque fois.
Arrivé tôt dans la capitale, je tente de perdre mon avance en prenant un bus Vingt-Neuf dans lequel il est affiché qu’on recrute des conducteurs. Celui-ci se sort facilement des travaux du boulevard Sébastopol et me voici à neuf heures quarante-cinq au comptoir du Café du Faubourg où le vieux serveur annonce la pluie pour quinze heures. J’ai pour voisin un quadragénaire qui était déjà là avant la Guerre du Covid, aisément reconnaissable au verre de vin blanc matinal qu’il renouvelle. Désormais, il porte la barbe. En ce début de vingt-et-unième siècle, peu d’hommes auront su résister au désir mimétique d’exhiber sa pilosité. Il suffit pour le vérifier de regarder les publicités télévisées. Presque toutes ont leur néo barbu.
Quand enfin Book-Off ouvre, je n’y suis pas longtemps seul. Là aussi les vacances se font sentir. Il me faut slalomer entre les familles.
-Il est où papa ?
-Il regarde les mangas.
Je regarde ailleurs mais ce n’est pas un bon jour. Au moment de payer, je n’ai dans mon panier que La vie drôle de Curnonsky (Ramsay) et White, le premier livre de non fiction de Bret Easton Ellis (Robert Laffont).
A midi, je déjeune au Paris de la formule à quatorze euros quatre-vingt-dix : crème de lentilles croûtons et tuile de lard puis foie de veau snacké sauce pimentée mousseline de patates douces. Las, pas de tuile de lard m’annonce une nouvelle serveuse (c’est la tuile). Le cuisinier vient me voir pour s’en excuser à la fin de mon repas. Un repas qui me laisse un peu sur ma faim. C’est fort bon mais un peu chiche. J’ai l’impression que certains restaurateurs, soucieux ne pas augmenter les prix, diminuent les quantités.
Un bus Vingt-Neuf (on recrute des conducteurs) me conduit d’un Opéra à l’autre. Au Book-Off de Quatre Septembre, il y a également foule et j’ai beau chercher et chercher, je ne trouve pas le moindre livre pour me plaire.
Il est quatorze heures trente quand je m’installe à l’une des tables d’intérieur du Bistrot d’Edmond tandis que dehors tombe une sévère drache. De nouvelles serveuses sont à l’ouvrage, dont l’une qui fait tomber ma veste sans s’excuser. Je poursuis la lecture de Lettres à Voltaire de Madame du Deffand malgré la musique trop forte.
Je rentre avec le seize heures quarante. Le vendredi, certaines des places de la voiture Cinq sont réservées. D’où la présence parmi nous de Génération Cinquante. Heureusement, celui-ci se contente de gazouiller. Chez les navetteurs, on est content d’être en ouiquennede. L’un qui travaille dans un service après-vente et devrait rentrer avec le dix-sept heures trente a quitté son travail plus tôt. Il surveille son smartphone. Si on m’appelle, dit-il à ses compagnons de voyage, je dirai que j’ai pris mes médicaments et que je ne peux plus conduire. C’est ce que je fais à chaque fois.
3 novembre 2022
Ce n’est pas souvent que j’entends ça, me dis-je en passant devant le magasin Boulanger alors que je marche vers la terrasse du Sacre. Ça, étant la sirène d’alerte rouennaise du premier mercredi du mois. Il est midi. Si je ne suis pas à Paris ce jour, c’est à cause du prix des billets de train cette semaine. Et comme le soleil est encore là, bien qu’il fasse un peu frais, je m’installe à ma table habituelle où une serveuse inhabituelle vient me demander ce que je prends.
Mon café bu, j’ouvre le livre sorti de mon sac à dos quand un homme vient vers moi : « Bruno. Vous êtes Bruno. » Ce n’est pas une question. Je lui réponds quand même que non. « Ah pardon » Il disparaît. Ce quidam me rappelle le frère de Momo et de Samir qui par trois fois m’interpella à Toulon.
Si je suis à Rouen, je suis aussi au Japon avec Nicolas Bouvier dont je lis Le Vide et le Plein (Carnets du Japon). C’est toujours un bonheur d’ouvrir un livre d’avant le vingt et unième siècle. On peut y lire ce qu’on ne peut plus écrire de cette façon aujourd’hui :
Sur l’estrade éclairée a giorno, une grande jeunesse mélancolique et très poudrée jouait d’une main avec un éventail de plumes, et de l’autre écartait – elle était accroupie au bord de la scène – gracieusement les lèvres de son con pour deux douzaines de spectateurs jeunes et vieux qui quittaient leur place, poussaient des hourras, chaussaient leurs lunettes et fourraient littéralement la tête entre les cuisses blanches pendant que le service d’ordre (un jeune homme malingre et autoritaire) distribuait des claques à ces éperdus en criant « o-kiaksan wa seki e o-kaeri kudasai » (que messieurs les invités veuillent bien regagner leurs sièges !) et que la fille, flattée par cet émoi, frappait de son éventail le nez des plus indiscrets, avec un sourire un peu désabusé mais royal et qui la dépassait bien. Il y a eu cinq autres « artistes », certaines en toilettes de mariées occidentales, d’autres en toréador, mais cela finissait toujours de la même façon, la ruée vers ce con ouvert. Ce n’était pas du strip dans le sens qu’elles ne font pas de mystère – elles se montrent nues. Les filles d’ailleurs jeunes et parfois jolies, bien qu’avec passablement de cicatrices et de gnons que le maquillage cachait mal.
*
La perplexité de ces touristes étrangers qui ayant aperçu l’enseigne Boulanger pensaient qu’on vendait là du pain.
Mon café bu, j’ouvre le livre sorti de mon sac à dos quand un homme vient vers moi : « Bruno. Vous êtes Bruno. » Ce n’est pas une question. Je lui réponds quand même que non. « Ah pardon » Il disparaît. Ce quidam me rappelle le frère de Momo et de Samir qui par trois fois m’interpella à Toulon.
Si je suis à Rouen, je suis aussi au Japon avec Nicolas Bouvier dont je lis Le Vide et le Plein (Carnets du Japon). C’est toujours un bonheur d’ouvrir un livre d’avant le vingt et unième siècle. On peut y lire ce qu’on ne peut plus écrire de cette façon aujourd’hui :
Sur l’estrade éclairée a giorno, une grande jeunesse mélancolique et très poudrée jouait d’une main avec un éventail de plumes, et de l’autre écartait – elle était accroupie au bord de la scène – gracieusement les lèvres de son con pour deux douzaines de spectateurs jeunes et vieux qui quittaient leur place, poussaient des hourras, chaussaient leurs lunettes et fourraient littéralement la tête entre les cuisses blanches pendant que le service d’ordre (un jeune homme malingre et autoritaire) distribuait des claques à ces éperdus en criant « o-kiaksan wa seki e o-kaeri kudasai » (que messieurs les invités veuillent bien regagner leurs sièges !) et que la fille, flattée par cet émoi, frappait de son éventail le nez des plus indiscrets, avec un sourire un peu désabusé mais royal et qui la dépassait bien. Il y a eu cinq autres « artistes », certaines en toilettes de mariées occidentales, d’autres en toréador, mais cela finissait toujours de la même façon, la ruée vers ce con ouvert. Ce n’était pas du strip dans le sens qu’elles ne font pas de mystère – elles se montrent nues. Les filles d’ailleurs jeunes et parfois jolies, bien qu’avec passablement de cicatrices et de gnons que le maquillage cachait mal.
*
La perplexité de ces touristes étrangers qui ayant aperçu l’enseigne Boulanger pensaient qu’on vendait là du pain.
1er novembre 2022
Pour moi Toulon est une ville de province admirable... un décor de Puget et de Vauban avec des marchés qui sont des temples grecs et des places qui sont des salles des fêtes... Elle me représente la paix, le repos, la noblesse, l'élégance, le calme... L'escadre ajoute la vie et la jeunesse. écrivait Jean Cocteau à un correspondant inconnu en mil neuf cent vingt-sept. C’est gravé sur le piédestal de la Fontaine du Panier, située sur le cours Lafayette, devant laquelle je passais chaque jour. Aujourd’hui, les marins qui émoustillaient Cocteau sont moins visibles mais pour ce qui est de la paix, du repos, de la noblesse, de l'élégance et du calme, rien n’a changé, j’ai pu les apprécier tout comme lui.
Sur la face opposée de ce piédestal est inscrit un poème fumeux de Jean Aicard qui ne mérite pas d’être cité.
C’est dans la rue Jean-Aicard qu’est le studio Air Bibi où j’ai passé cinquante jours. Ce n’est pas celle où il est né. Dans laquelle je suis passé un jour par hasard et qui a nom rue de l’Ordonnance. Une plaque le signale.
Jean Aicard semble n’avoir vécu qu’avec sa demi-sœur Jacqueline, il est mort à Paris et a été enterré à Toulon.
*
Je n’ai jamais rien lu de Jean Aicard mais je me souviens bien avoir vu le feuilleton tiré de son roman Maurin des Maures à la télévision familiale. C’était en mil neuf cent soixante-dix. J’avais dix-neuf ans et une question en tête : Comment me sortir de là ?
*
Vu depuis le car Zou ! qui va à Saint-Tropez, un restaurant Maurin des Maures et son annexe la librairie cave de Maurin. C’est à Rayol-Canadel-sur-Mer.
*
Ce Maurin des Maures était à un euro chez Book-Off mercredi dernier, dans la collection de poche de Phébus. Il m’a suffi d’en lire quelques lignes pour le remettre en rayon.
Sur la face opposée de ce piédestal est inscrit un poème fumeux de Jean Aicard qui ne mérite pas d’être cité.
C’est dans la rue Jean-Aicard qu’est le studio Air Bibi où j’ai passé cinquante jours. Ce n’est pas celle où il est né. Dans laquelle je suis passé un jour par hasard et qui a nom rue de l’Ordonnance. Une plaque le signale.
Jean Aicard semble n’avoir vécu qu’avec sa demi-sœur Jacqueline, il est mort à Paris et a été enterré à Toulon.
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Je n’ai jamais rien lu de Jean Aicard mais je me souviens bien avoir vu le feuilleton tiré de son roman Maurin des Maures à la télévision familiale. C’était en mil neuf cent soixante-dix. J’avais dix-neuf ans et une question en tête : Comment me sortir de là ?
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Vu depuis le car Zou ! qui va à Saint-Tropez, un restaurant Maurin des Maures et son annexe la librairie cave de Maurin. C’est à Rayol-Canadel-sur-Mer.
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Ce Maurin des Maures était à un euro chez Book-Off mercredi dernier, dans la collection de poche de Phébus. Il m’a suffi d’en lire quelques lignes pour le remettre en rayon.
31 octobre 2022
Fini le ciel bleu pour ce dernier dimanche d’octobre, mais il ne pleut pas encore quand je me rends au énième vide grenier du quartier Grand Pont. Toutefois certains ont anticipé, il y a des trous entre deux exposants. Je ne m’étonne pas de n’y trouver aucun livre pour moi. En revanche, une vendeuse, au bout de son étalage de brocante, propose des pommes de son jardin de Préaux, à un euro le kilo. J’en emplis le plateau de sa balance et paie deux euros, bon poids (comme on dit dans le commerce).
Après un court passage au marché du Clos Saint-Marc, je vais acheter une tradition à la boulangerie Chez Catherine. Arrivé devant l’entrée en même temps qu’un homme en fauteuil, je m’apprête à le laisser passer mais comme il continue à avancer, je passe derrière lui et entre. Pendant ce temps, il fait une marche arrière pour se placer face au plan incliné et se met à me crier dessus, que je lui ai passé devant, que je fais preuve d’incivilité. Je lui dis que je n’avais pas compris qu’il faisait une manœuvre avant d’entrer et l’invite à passer devant moi. il n’en continue pas moins à me crier dessus, se plaignant de moi a la boulangère et à la vendeuse.
-Vous êtes vraiment très …, lui dis-je
-Vraiment très quoi ? s’excite-t-il encore plus.
-Vraiment très… énervé.
Il annonce qu’il ressort et qu’il reviendra quand je ne serai plus là. J’achète mon pain en expliquant à la boulangère que je n’ai jamais eu l’intention de passer devant ce monsieur. Comme toute bonne commerçante, elle ne prend pas parti. Quand je ressors, l’énervé entre à nouveau.
C’est déjà la deuxième fois depuis mon retour à Rouen que je m’embrouille avec un quidam. La première, c’était avec le vigile qui est à la porte de la Poste provisoire de la rue de la Jeanne. Il ne voulait pas comprendre que si je venais acheter des vignettes à l’automate, je n’avais pas à attendre dans la file de ceux qui viennent retirer de l’argent à un guichet. Il a fallu qu’une postière sorte pour lui dire que je pouvais passer.
En cinquante jours passés à Toulon et ses alentours, jamais je n’ai eu le moindre souci de cet ordre avec quiconque. Là-bas, tout le monde est paisible et courtois. Ici, j’ai encore une fois l’impression d’être entouré de cinglés.
Après un court passage au marché du Clos Saint-Marc, je vais acheter une tradition à la boulangerie Chez Catherine. Arrivé devant l’entrée en même temps qu’un homme en fauteuil, je m’apprête à le laisser passer mais comme il continue à avancer, je passe derrière lui et entre. Pendant ce temps, il fait une marche arrière pour se placer face au plan incliné et se met à me crier dessus, que je lui ai passé devant, que je fais preuve d’incivilité. Je lui dis que je n’avais pas compris qu’il faisait une manœuvre avant d’entrer et l’invite à passer devant moi. il n’en continue pas moins à me crier dessus, se plaignant de moi a la boulangère et à la vendeuse.
-Vous êtes vraiment très …, lui dis-je
-Vraiment très quoi ? s’excite-t-il encore plus.
-Vraiment très… énervé.
Il annonce qu’il ressort et qu’il reviendra quand je ne serai plus là. J’achète mon pain en expliquant à la boulangère que je n’ai jamais eu l’intention de passer devant ce monsieur. Comme toute bonne commerçante, elle ne prend pas parti. Quand je ressors, l’énervé entre à nouveau.
C’est déjà la deuxième fois depuis mon retour à Rouen que je m’embrouille avec un quidam. La première, c’était avec le vigile qui est à la porte de la Poste provisoire de la rue de la Jeanne. Il ne voulait pas comprendre que si je venais acheter des vignettes à l’automate, je n’avais pas à attendre dans la file de ceux qui viennent retirer de l’argent à un guichet. Il a fallu qu’une postière sorte pour lui dire que je pouvais passer.
En cinquante jours passés à Toulon et ses alentours, jamais je n’ai eu le moindre souci de cet ordre avec quiconque. Là-bas, tout le monde est paisible et courtois. Ici, j’ai encore une fois l’impression d’être entouré de cinglés.
29 octobre 2022
La douceur inquiétante des températures en cette fin octobre rend moins difficile mon retour à Rouen. Après un passage à la terrasse du Son du Cor, je privilégie celle du Sacre. La première est à l’ombre, la seconde au soleil. C’est là que je lis chaque après-midi, face à la bouquinerie Le Rêve de l’Escalier, un livre acheté ailleurs.
Ce samedi, à partir de quinze heures, cette bouquinerie fête les morts à la mexicaine. Maquillage, vente d'artisanat, défilé et « hôtel des morts devant la librairie », est-il écrit sur sa page Effe Bé On rêve. Confondre un autel avec un hôtel.
Pour ma part, je suis en Argentine avec Brina Svit qui dans Visage slovène publié chez Gallimard narre ses rencontres avec des Slovènes exilé(e)s dans ce pays avec, en contre-point, une évocation de l’exil du Polonais Gombrowicz.
Avant qu’il ne soit trois heures, je quitte la terrasse du Sacre et m’installe non loin, à celle du Café de Rouen, que j’appelle parfois le Café de la Ville. Cet établissement, durant mon absence, a changé de propriétaire et a renouvelé son mobilier d’extérieur. La Brasserie Jeanne d’Arc, en face, a fait de même, allant plus loin, en changeant aussi de nom. C’est désormais la Brasserie Mamie. On voit le genre.
Au Café de Rouen, l’ancien personnel est toujours là, complété de nouvelles têtes. Je paie mon café, accompagné du même minuscule verre d’eau qu’avant, un euro soixante. Il me semble que c’était plus cher avant. Une des raisons pour lesquelles je n’y allais plus. L’autre étant la vulgarité d’une partie de la clientèle, et du personnel, en roue libre le dimanche, le patron n’étant pas là.
*
C’était le dernier vivant des premiers grands rockeurs, dont les succès firent partie de la bande son de mon enfance. Jerry Lee Lewis est mort en cette fin d’octobre.
Jerry Lee Lewis était également connu pour avoir épousé sa cousine âgée de treize ans. Un mariage qui dura treize ans et leur donna deux enfants, dont l’un mourut à l’âge de trois ans de noyade dans une piscine.
Ce samedi, à partir de quinze heures, cette bouquinerie fête les morts à la mexicaine. Maquillage, vente d'artisanat, défilé et « hôtel des morts devant la librairie », est-il écrit sur sa page Effe Bé On rêve. Confondre un autel avec un hôtel.
Pour ma part, je suis en Argentine avec Brina Svit qui dans Visage slovène publié chez Gallimard narre ses rencontres avec des Slovènes exilé(e)s dans ce pays avec, en contre-point, une évocation de l’exil du Polonais Gombrowicz.
Avant qu’il ne soit trois heures, je quitte la terrasse du Sacre et m’installe non loin, à celle du Café de Rouen, que j’appelle parfois le Café de la Ville. Cet établissement, durant mon absence, a changé de propriétaire et a renouvelé son mobilier d’extérieur. La Brasserie Jeanne d’Arc, en face, a fait de même, allant plus loin, en changeant aussi de nom. C’est désormais la Brasserie Mamie. On voit le genre.
Au Café de Rouen, l’ancien personnel est toujours là, complété de nouvelles têtes. Je paie mon café, accompagné du même minuscule verre d’eau qu’avant, un euro soixante. Il me semble que c’était plus cher avant. Une des raisons pour lesquelles je n’y allais plus. L’autre étant la vulgarité d’une partie de la clientèle, et du personnel, en roue libre le dimanche, le patron n’étant pas là.
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C’était le dernier vivant des premiers grands rockeurs, dont les succès firent partie de la bande son de mon enfance. Jerry Lee Lewis est mort en cette fin d’octobre.
Jerry Lee Lewis était également connu pour avoir épousé sa cousine âgée de treize ans. Un mariage qui dura treize ans et leur donna deux enfants, dont l’un mourut à l’âge de trois ans de noyade dans une piscine.
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