Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
3 juillet 2024
Cette course à travers la France de la flamme nazie, dite flamme olympique, laquelle était omniprésente sur les affiches du père Le Pen et l’est de façon discrète et stylisée sur celles de la fille Le Pen et de Bardella, c’est comme un message subliminal appelant à voter Parti de la Flamme.
Elle s’approche de Rouen. Elle y sera vendredi matin. Deuxième fois qu’il me faudra l’éviter. Son passage à Lorient était occasion de tintouin, des affiches partout, des olympiades locales et un bal le soir. Ici, que dalle. Il semble que la Municipalité ait la flamme honteuse. D’ailleurs, elle sera plus longtemps rive gauche. Chez les pauvres. Faut bien les amuser un peu.
Rive droite, cette procession du Saint-Sacrement passera devant la Cathédrale, rue du Gros, rue de la Jeanne, rue du Canuet et aboutira à la Mairie. Au moins ici n’a-t-on pas, ce qui fut le cas à Lorient, embrigadé les enfants des écoles par milliers pour l’accueillir.
*
Courir, rue du Gros, est la seule boutique rouennaise où l’on a cru à des émeutes le soir du premier tour. Ce lundi matin, des ouvriers cassent les plaques de contreplaqué mises pour protéger les vitrines.
Le Crédit Lyonnais de la rue des Carmes, lui, a caché son distributeur de billets derrière du contreplaqué et ne l’a pas fait enlever par peur de ce qui pourrait se passer le soir du second tour. Face au Son du Cor, sur le mur en pierre, là où exerçait la jolie orthophoniste, un esprit faible a peint : « Le 07 : on vote Molotov ».
Il est pourtant clair maintenant que le Parti de la Flamme n’aura pas la majorité absolue.
*
Pas besoin de lire longtemps avant de trouver un Point Rouen dans la Correspondance de Gustave Courbet. Au printemps mil huit cent quarante et un, âgé de vingt et un an, accompagné de son ami Urbain Cuenot, il voyage en Normandie et passe par Rouen ainsi qu’il le raconte à ses parents : Nous avons traversé la Normandie, pays charmant, tant pour la richesse de la végétation que pour ses sites pittoresques et ses monuments gothiques qui peuvent être comparés à tout ce qu’il y a de mieux en ce genre. Rouen en est la ville la plus riche de France. Nous y sommes restés deux jours et n’avons eu que le temps de les visiter bien imparfaitement.
*
Dans les lettres du jeune Courbet, « nous deux ma sœur » « nous deux Adolphe » pour ma sœur et moi, Adolphe et moi. J’aime beaucoup cette tournure.
Elle s’approche de Rouen. Elle y sera vendredi matin. Deuxième fois qu’il me faudra l’éviter. Son passage à Lorient était occasion de tintouin, des affiches partout, des olympiades locales et un bal le soir. Ici, que dalle. Il semble que la Municipalité ait la flamme honteuse. D’ailleurs, elle sera plus longtemps rive gauche. Chez les pauvres. Faut bien les amuser un peu.
Rive droite, cette procession du Saint-Sacrement passera devant la Cathédrale, rue du Gros, rue de la Jeanne, rue du Canuet et aboutira à la Mairie. Au moins ici n’a-t-on pas, ce qui fut le cas à Lorient, embrigadé les enfants des écoles par milliers pour l’accueillir.
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Courir, rue du Gros, est la seule boutique rouennaise où l’on a cru à des émeutes le soir du premier tour. Ce lundi matin, des ouvriers cassent les plaques de contreplaqué mises pour protéger les vitrines.
Le Crédit Lyonnais de la rue des Carmes, lui, a caché son distributeur de billets derrière du contreplaqué et ne l’a pas fait enlever par peur de ce qui pourrait se passer le soir du second tour. Face au Son du Cor, sur le mur en pierre, là où exerçait la jolie orthophoniste, un esprit faible a peint : « Le 07 : on vote Molotov ».
Il est pourtant clair maintenant que le Parti de la Flamme n’aura pas la majorité absolue.
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Pas besoin de lire longtemps avant de trouver un Point Rouen dans la Correspondance de Gustave Courbet. Au printemps mil huit cent quarante et un, âgé de vingt et un an, accompagné de son ami Urbain Cuenot, il voyage en Normandie et passe par Rouen ainsi qu’il le raconte à ses parents : Nous avons traversé la Normandie, pays charmant, tant pour la richesse de la végétation que pour ses sites pittoresques et ses monuments gothiques qui peuvent être comparés à tout ce qu’il y a de mieux en ce genre. Rouen en est la ville la plus riche de France. Nous y sommes restés deux jours et n’avons eu que le temps de les visiter bien imparfaitement.
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Dans les lettres du jeune Courbet, « nous deux ma sœur » « nous deux Adolphe » pour ma sœur et moi, Adolphe et moi. J’aime beaucoup cette tournure.
2 juillet 2024
Le Sacre n’ouvre que l’après-midi le dimanche. Je m’y pointe à quatorze heures. Il n’y a personne, à part la serveuse. Je lui demande si c’est bien ouvert.
« Oui, me dit-elle, mais le dimanche on ne sert pas de café. » « Ah bon ! Ce n’était pas comme ça avant. » « C’est l’été, on ne sert pas de café le dimanche sinon il y a des gens qui en prennent un et qui restent longtemps, ce n’est pas rentable pour nous, ça empêche d’autres de consommer. » « Quand j’ai bu un café, que je suis là depuis longtemps et que plus aucune table n’est libre, je m’en vais. » « Vous oui, mais pas les autres. »
Que dire de plus ? Je la laisse dans son café désert et trouve un accueil plus favorable au Rollon qui pourtant n’a que sept tables à l’extérieur. Hélas, ce n’est pas un endroit où j’ai envie de m’attarder pour lire. Rouen est une ville qui fait toujours de son mieux pour me décevoir.
*
Auparavant, à onze heures, ce dernier dimanche de juin, je fais l’ouverture du Son du Cor, comme d’autres, ainsi ma nouvelle voisine, une habituée. Et un que je n’avais jamais vu ici, celui qu’in petto j’appelais la groupie du bouquiniste. Il est avec deux peutes à lui et imbibé autant qu’eux. Tous trois commandent une pinte. Je commence la lecture de la Correspondance de Gustave Courbet en buvant un café, c’est encore permis ici.
« Oui, me dit-elle, mais le dimanche on ne sert pas de café. » « Ah bon ! Ce n’était pas comme ça avant. » « C’est l’été, on ne sert pas de café le dimanche sinon il y a des gens qui en prennent un et qui restent longtemps, ce n’est pas rentable pour nous, ça empêche d’autres de consommer. » « Quand j’ai bu un café, que je suis là depuis longtemps et que plus aucune table n’est libre, je m’en vais. » « Vous oui, mais pas les autres. »
Que dire de plus ? Je la laisse dans son café désert et trouve un accueil plus favorable au Rollon qui pourtant n’a que sept tables à l’extérieur. Hélas, ce n’est pas un endroit où j’ai envie de m’attarder pour lire. Rouen est une ville qui fait toujours de son mieux pour me décevoir.
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Auparavant, à onze heures, ce dernier dimanche de juin, je fais l’ouverture du Son du Cor, comme d’autres, ainsi ma nouvelle voisine, une habituée. Et un que je n’avais jamais vu ici, celui qu’in petto j’appelais la groupie du bouquiniste. Il est avec deux peutes à lui et imbibé autant qu’eux. Tous trois commandent une pinte. Je commence la lecture de la Correspondance de Gustave Courbet en buvant un café, c’est encore permis ici.
1er juillet 2024
J’attends qu’il soit huit heures et quart ce dimanche pour aller voter au Lycée Camille Saint-Saëns. A l’entrée de la cour, une Policière Municipale souriante me salue puis un homme tout aussi souriant fait de même à l’entrée de la salle de vote. Pour un peu, je me croirais à Lorient.
Etonnamment, il n’y a que deux ou trois votants dans cette salle qui groupe deux bureaux. Une femme vérifie ma carte d’identité et ma carte d’électeur puis me donne la petite enveloppe bleue. Sur la table sont disposés davantage des bulletins de vote que je n’en ai reçu par courrier. L’un est bizarrement plus grand que les autres. Certains sont colorés.
Je prends les trois colorés. J’entre dans l’isoloir. Je mets dans l’enveloppe celui de la candidate Nouveau Front Populaire, Florence Hérouin-Léautey. Je m’approche de l’urne. Une assesseure prend mes papiers et annonce mon numéro. Une deuxième me cherche dans le grand cahier et annonce mon nom. Je glisse mon bulletin dans l’urne. « A voté. », dit la troisième. Je veux récupérer mes papiers mais l’homme souriant me rappelle que je dois signer d’abord. Ainsi fais-je.
*
Ce n’est pas que j’avais particulièrement envie de voter pour le Parti Socialiste, mais il faut faire avec ce qu’on a et ça m’a permis de voter contre Le Pen et Bardella, contre Macron et ses cloportes et contre Mélenchon et ses sous-fifres.
Etonnamment, il n’y a que deux ou trois votants dans cette salle qui groupe deux bureaux. Une femme vérifie ma carte d’identité et ma carte d’électeur puis me donne la petite enveloppe bleue. Sur la table sont disposés davantage des bulletins de vote que je n’en ai reçu par courrier. L’un est bizarrement plus grand que les autres. Certains sont colorés.
Je prends les trois colorés. J’entre dans l’isoloir. Je mets dans l’enveloppe celui de la candidate Nouveau Front Populaire, Florence Hérouin-Léautey. Je m’approche de l’urne. Une assesseure prend mes papiers et annonce mon numéro. Une deuxième me cherche dans le grand cahier et annonce mon nom. Je glisse mon bulletin dans l’urne. « A voté. », dit la troisième. Je veux récupérer mes papiers mais l’homme souriant me rappelle que je dois signer d’abord. Ainsi fais-je.
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Ce n’est pas que j’avais particulièrement envie de voter pour le Parti Socialiste, mais il faut faire avec ce qu’on a et ça m’a permis de voter contre Le Pen et Bardella, contre Macron et ses cloportes et contre Mélenchon et ses sous-fifres.
30 juin 2024
Comme sa dernière réunion publique d’avant premier tour des Législatives a lieu ce vendredi à deux cents mètres de chez moi sur le parvis de la Cathédrale de Rouen, je me dis qu’il faut que j’aille le voir et l’ouïr, Raphaël Glucksmann.
C’est annoncé à dix-huit heures trente. Je n’ai pas envie d’écouter avant lui Florence Hérouin-Léautey, la future Députée de la première circonscription de Seine-Maritime, ni son suppléant Nicolas Mayer-Rossignol, Maire de Rouen. Je lis donc au jardin, entendant au loin les applaudissements, puis vers dix-neuf heures quinze, je sors en passant par le porche sous lequel un(e) voisin(e) bien inspiré(e) a laissé en évidence sur une poubelle vide, déchirée en quatre morceaux, la profession de foi (comme on dit) de Bardella.
Glucksmann a commencé à parler lorsque j’arrive sur le parvis où sont assemblées quelques centaines de personnes dont pas mal de jeunes. Il est perché sur une scène de concert dotée d’imposantes enceintes. Il développe les idées qui lui sont chères et avec lesquelles je suis souvent d’accord, ce pourquoi j’ai voté pour lui aux Européennes.
Sous un ciel tout bleu, il déplore la situation actuelle, ce qui se passera si le Rassemblement National a la majorité absolue, il fustige Macron pour sa décision insensée de provoquer cette élection anticipée, il évoque le Nouveau Front Populaire « Je ne pratique jamais la langue de bois, donc ce que je peux vous dire, ce n’est pas un mariage d’amour », il encourage chacun(e) à convaincre son entourage à ne pas voter Extrême-Droite (dans cette circonscription, ça ne peut avoir aucune incidence sur le résultat du vote car le candidat de Le Pen et Bardella n’a aucune chance), enfin il donne rendez-vous pour la suite et cite Hölderlin Là où croît le péril, croît aussi ce qui sauve. (ce qui est d’un optimisme qui n’est pas le mien).
Contrairement à tous les autres qui sont des politiciens, lui est un homme politique, me dis-je en applaudissant avec tout le monde. Il les aura contre lui ces politiciens, et les anti-Parisiens, et les anti-intellos, et les antisémites.
Il y a ensuite La Marseillaise et Bella Ciao que j’entends de loin rue Saint-Romain en rentrant à la maison.
*
Ce samedi matin, je prends un bus Teor blindé (car ce jour c’est gratuit) pour rejoindre le Centre Commercial des Docks où à dix heures c’est le début du deuxième jour de la vente de livres d’occasion du Secours Populaire.
Restera-t-il des livres pour moi ? me demandé-je en arrivant juste au moment où l’un des bénévoles enlève le cordon qui empêchait d’approcher avant l’heure. J’ai vite la réponse car parmi les livres d’art, je trouve à quatre euros l’énorme Correspondance de Gustave Courbet (Flammarion) puis parmi les livres à deux euros Correspondance de Marie et Irène Curie (Les Editeurs Français Réunis), Journal de Trêve de Frédéric Berthet (Gallimard), Voyages de Paul Morand (Bouquins/Laffont) et Les Rumeurs de Babel d’Yvon Le Men (Editions Dialogues), enfin dans les poches à un euro Boroboudour (Voyage à Bali, Java et autres îles) de Roger Vailland chez Kailash Editions qui publie des livres en français à Pondichéry.
Je ne m’attendais pas à une aussi bonne récolte. Je la répartis dans deux sacs en plastique qu’il me faut protéger de la masse des voyageurs du Téor au retour.
Rouen est la seule ville où je déteste prendre les transports en commun.
C’est annoncé à dix-huit heures trente. Je n’ai pas envie d’écouter avant lui Florence Hérouin-Léautey, la future Députée de la première circonscription de Seine-Maritime, ni son suppléant Nicolas Mayer-Rossignol, Maire de Rouen. Je lis donc au jardin, entendant au loin les applaudissements, puis vers dix-neuf heures quinze, je sors en passant par le porche sous lequel un(e) voisin(e) bien inspiré(e) a laissé en évidence sur une poubelle vide, déchirée en quatre morceaux, la profession de foi (comme on dit) de Bardella.
Glucksmann a commencé à parler lorsque j’arrive sur le parvis où sont assemblées quelques centaines de personnes dont pas mal de jeunes. Il est perché sur une scène de concert dotée d’imposantes enceintes. Il développe les idées qui lui sont chères et avec lesquelles je suis souvent d’accord, ce pourquoi j’ai voté pour lui aux Européennes.
Sous un ciel tout bleu, il déplore la situation actuelle, ce qui se passera si le Rassemblement National a la majorité absolue, il fustige Macron pour sa décision insensée de provoquer cette élection anticipée, il évoque le Nouveau Front Populaire « Je ne pratique jamais la langue de bois, donc ce que je peux vous dire, ce n’est pas un mariage d’amour », il encourage chacun(e) à convaincre son entourage à ne pas voter Extrême-Droite (dans cette circonscription, ça ne peut avoir aucune incidence sur le résultat du vote car le candidat de Le Pen et Bardella n’a aucune chance), enfin il donne rendez-vous pour la suite et cite Hölderlin Là où croît le péril, croît aussi ce qui sauve. (ce qui est d’un optimisme qui n’est pas le mien).
Contrairement à tous les autres qui sont des politiciens, lui est un homme politique, me dis-je en applaudissant avec tout le monde. Il les aura contre lui ces politiciens, et les anti-Parisiens, et les anti-intellos, et les antisémites.
Il y a ensuite La Marseillaise et Bella Ciao que j’entends de loin rue Saint-Romain en rentrant à la maison.
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Ce samedi matin, je prends un bus Teor blindé (car ce jour c’est gratuit) pour rejoindre le Centre Commercial des Docks où à dix heures c’est le début du deuxième jour de la vente de livres d’occasion du Secours Populaire.
Restera-t-il des livres pour moi ? me demandé-je en arrivant juste au moment où l’un des bénévoles enlève le cordon qui empêchait d’approcher avant l’heure. J’ai vite la réponse car parmi les livres d’art, je trouve à quatre euros l’énorme Correspondance de Gustave Courbet (Flammarion) puis parmi les livres à deux euros Correspondance de Marie et Irène Curie (Les Editeurs Français Réunis), Journal de Trêve de Frédéric Berthet (Gallimard), Voyages de Paul Morand (Bouquins/Laffont) et Les Rumeurs de Babel d’Yvon Le Men (Editions Dialogues), enfin dans les poches à un euro Boroboudour (Voyage à Bali, Java et autres îles) de Roger Vailland chez Kailash Editions qui publie des livres en français à Pondichéry.
Je ne m’attendais pas à une aussi bonne récolte. Je la répartis dans deux sacs en plastique qu’il me faut protéger de la masse des voyageurs du Téor au retour.
Rouen est la seule ville où je déteste prendre les transports en commun.
29 juin 2024
Toujours la même faune au marché de la drouille le vendredi matin au Clos Saint-Marc, des quidams qui n’apparaissent qu’à cette occasion, souvent aussi décatis que la marchandise qu’ils regardent, passant de brocante en brocante sans vraiment s’intéresser à ce qu’ils voient. Ils encombrent les allées et je dois me contenir pour ne pas faire des réflexions à qui me gêne.
Dans un coin un conglomérat, c’est l’ancien conseiller municipal lepéniste de Rouen entouré de sa cour. Il est candidat aux Législatives ailleurs qu’à Rouen. Son élection n’est pas exclue. Il a une belle tête de vainqueur. C’est lui que j’ai vu un dimanche matin dans un vide grenier acheter un livre intitulé Les armes blanches du IIIe Reich.
Des livres, il y en a peu, des vieux, des abîmés, des sans intérêt. C’est dans l’espoir d’en trouver un échappant à ces catégories que je suis là, espoir déçu une fois de plus.
*
Le Sacre pour un premier café d’été rouennais, à une table au soleil face à la défunte bouquinerie Le Rêve de l’Escalier. Elle aussi est de plus en plus décatie, peinture délavée, graffitis sur la porte, affiches sur la vitrine, poubelle devant. Je commence ici la lecture de Chroniques parisiennes d’Alfonso Reyes.
Dans un coin un conglomérat, c’est l’ancien conseiller municipal lepéniste de Rouen entouré de sa cour. Il est candidat aux Législatives ailleurs qu’à Rouen. Son élection n’est pas exclue. Il a une belle tête de vainqueur. C’est lui que j’ai vu un dimanche matin dans un vide grenier acheter un livre intitulé Les armes blanches du IIIe Reich.
Des livres, il y en a peu, des vieux, des abîmés, des sans intérêt. C’est dans l’espoir d’en trouver un échappant à ces catégories que je suis là, espoir déçu une fois de plus.
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Le Sacre pour un premier café d’été rouennais, à une table au soleil face à la défunte bouquinerie Le Rêve de l’Escalier. Elle aussi est de plus en plus décatie, peinture délavée, graffitis sur la porte, affiches sur la vitrine, poubelle devant. Je commence ici la lecture de Chroniques parisiennes d’Alfonso Reyes.
28 juin 2024
C’est à pied sous un ciel mitigé que je rejoins ce jeudi matin la Gare de Lorient après avoir laissé la clé de mon studio Air Bibi dans sa boîte, un studio où j’aurai passé de bonnes nuits en plein centre de la ville, malgré le canapé-lit grinçant, pour la somme raisonnable de trente-trois euros chacune.
Il semble y avoir du monde sur le quai à l’arrivée du Tégévé de sept heures une pour Paris Montparnasse mais nous ne sommes que quatre passagers dans la voiture Six où je mange des tartelettes « goût framboise » en guise de petit déjeuner.
Il fait gris à Vannes où en descendent deux. Il en monte d’autres, avec peu de bagages qui n’iront pas plus loin que Rennes où les attend une journée de travail. Je reconnais Guingamp où l’on ne s’arrête pas, je manque m’endormir plusieurs fois et on arrive à Rennes (dix minutes d’arrêt). Il y fait gris aussi.
Je reste sans voisinage et nous filons à fond jusqu’à la capitale. Vlad est notre chef de bord, un prénom qui donne à penser, il ne contrôle pas les billets. Quelque part, le soleil fait son apparition. On arrive à dix heures dix.
Un trajet assis dans une rame grinçante du métro Treize et me voici à Saint-Lazare. Je vais voir si le kebab que je fréquentais parfois le soir rue d’Amsterdam quand j’étais bien accompagné est toujours là. Il l’est. Le kebabier peut m’en faire un à dix heures quarante-cinq pour huit euros cinquante, avec frites, prix parisien, bien chargé il est vrai. C’est un homme serviable qui me voyant encombré d’une valise et d’un sac à dos me le monte à l’étage où il fait une chaleur éprouvante, à quoi s’ajoute la nuisance d’un match de foute rediffusé.
Faute de mieux, je vais boire un café dans la même rue au comptoir de L’Atlantique, un nom qui me rappelle d’où je viens, mais ce n’est pas la même ambiance, le personnel est déplaisant au possible, conforme à ce qu’on dit des Parisiens (et qui n’est pas souvent vrai).
Je ne m’attarde pas, préférant attendre à la Gare qu’il soit l’heure du douze heure trente-neuf pour Rouen. J’y choisis une place non réservée dans la voiture Cinq afin de pouvoir garder mes bagages avec moi. Nous partons à l’heure sous un ciel un peu orageux. Sans que cela soit annoncé nous passons par l’itinéraire bis, le petit chemin bucolique, comme l’appellent les abonnés qui ne l’aiment pas, car il est source de retard. La cheffe de bord me dit que si elle ne l’a pas annoncé, c’est qu’on sera à l’heure prévue en Gare de Rouen, il n’y a aucun train devant nous. Effectivement, nous arrivons à quatorze heures une comme prévu. Je retrouve sous un ciel bleu la ville dont les habitants sont toujours en train de courir les boutiques, ce jeudi c’est pour les soldes.
Quand je défais mes bagages, j’ai la surprise de découvrir une des poches de mon sac à dos ouverte. Le Routard Bretagne Sud qui s’y trouvait a disparu, volé. Ce ne peut pas être dans le métro, je l’ai gardé sur mes genoux. Ce doit être dans le train normand, à l’arrivée où j’étais debout dans le couloir avec quelqu'un derrière mon dos. Heureusement que c’est cette poche qui a été ouverte et pas celle où étaient mes ordonnances pour les médicaments qui me sont indispensables. C’est la première fois que je me fais voler quelque chose pendant un voyage.
Autre désagrément du retour, « pas de signal » me signale mon téléviseur branché sur la Télévision Numérique Terrestre.
Il faudrait pouvoir ne jamais rentrer.
Il semble y avoir du monde sur le quai à l’arrivée du Tégévé de sept heures une pour Paris Montparnasse mais nous ne sommes que quatre passagers dans la voiture Six où je mange des tartelettes « goût framboise » en guise de petit déjeuner.
Il fait gris à Vannes où en descendent deux. Il en monte d’autres, avec peu de bagages qui n’iront pas plus loin que Rennes où les attend une journée de travail. Je reconnais Guingamp où l’on ne s’arrête pas, je manque m’endormir plusieurs fois et on arrive à Rennes (dix minutes d’arrêt). Il y fait gris aussi.
Je reste sans voisinage et nous filons à fond jusqu’à la capitale. Vlad est notre chef de bord, un prénom qui donne à penser, il ne contrôle pas les billets. Quelque part, le soleil fait son apparition. On arrive à dix heures dix.
Un trajet assis dans une rame grinçante du métro Treize et me voici à Saint-Lazare. Je vais voir si le kebab que je fréquentais parfois le soir rue d’Amsterdam quand j’étais bien accompagné est toujours là. Il l’est. Le kebabier peut m’en faire un à dix heures quarante-cinq pour huit euros cinquante, avec frites, prix parisien, bien chargé il est vrai. C’est un homme serviable qui me voyant encombré d’une valise et d’un sac à dos me le monte à l’étage où il fait une chaleur éprouvante, à quoi s’ajoute la nuisance d’un match de foute rediffusé.
Faute de mieux, je vais boire un café dans la même rue au comptoir de L’Atlantique, un nom qui me rappelle d’où je viens, mais ce n’est pas la même ambiance, le personnel est déplaisant au possible, conforme à ce qu’on dit des Parisiens (et qui n’est pas souvent vrai).
Je ne m’attarde pas, préférant attendre à la Gare qu’il soit l’heure du douze heure trente-neuf pour Rouen. J’y choisis une place non réservée dans la voiture Cinq afin de pouvoir garder mes bagages avec moi. Nous partons à l’heure sous un ciel un peu orageux. Sans que cela soit annoncé nous passons par l’itinéraire bis, le petit chemin bucolique, comme l’appellent les abonnés qui ne l’aiment pas, car il est source de retard. La cheffe de bord me dit que si elle ne l’a pas annoncé, c’est qu’on sera à l’heure prévue en Gare de Rouen, il n’y a aucun train devant nous. Effectivement, nous arrivons à quatorze heures une comme prévu. Je retrouve sous un ciel bleu la ville dont les habitants sont toujours en train de courir les boutiques, ce jeudi c’est pour les soldes.
Quand je défais mes bagages, j’ai la surprise de découvrir une des poches de mon sac à dos ouverte. Le Routard Bretagne Sud qui s’y trouvait a disparu, volé. Ce ne peut pas être dans le métro, je l’ai gardé sur mes genoux. Ce doit être dans le train normand, à l’arrivée où j’étais debout dans le couloir avec quelqu'un derrière mon dos. Heureusement que c’est cette poche qui a été ouverte et pas celle où étaient mes ordonnances pour les médicaments qui me sont indispensables. C’est la première fois que je me fais voler quelque chose pendant un voyage.
Autre désagrément du retour, « pas de signal » me signale mon téléviseur branché sur la Télévision Numérique Terrestre.
Il faudrait pouvoir ne jamais rentrer.
27 juin 2024
Pour mon dernier jour dans l’agglomération de Lorient, après un petit-déjeuner au Parisien, je prends encore une fois le bus Té Quatre pour Lomener.
Le soleil donne déjà bien quand, avec l’espoir de m’asseoir à ma place préférée, j’arrive au Moulin Vert. Hélas, s’y trouve le mec connu qui a joué dans Marseille et dans un truc de colonie de vacances. Je m’installe à l’autre bout de la terrasse. C’est aussi bien pour boire un allongé verre d’eau en bord de plage avec vue sur le port et relire quelques passages de Proust et Céleste.
Bon, je ne peux empêcher une famille de s’abattre deux tables plus loin. Les parents envoient la marmaille jouer sur la plage. « Non non non, on a dit pas dans l’eau. » Evidemment, c’est la mère qui court après les désobéissants. Le plus jeune sait déjà comment s’y prendre avec elle : « T’es belle maman » « Merci, c’est gentil. » Heureusement, bientôt j’entends « On va pas tarder, papa, il prend son avion à onze heures. » C’est une bonne idée.
Arrivent alors un homme et une femme qui est ou sa femme ou sa mère. Il la tient fermement par le bras. Elle ne cesse de répéter « Hein, ça y est ». « Tu me bassines », finit-il par lui dire et avant d’avoir commandé, il l’entraîne ailleurs.
Un peu plus tard, ce sont les hommes du pays qui se retrouvent sous l’auvent. « Alors ? La pêche a été bonne ? » « Non, rien du tout. » « Fait trop chaud. »
Il est onze heures, ça commence à cogner. Je quitte ma place et réserve une table chez Côté Mer. La gentille patronne me donne celle que je visais, la mieux située, à l’écart, face au port et sous l’auvent.
En attendant midi, je vais m’asseoir sur le banc à l’ombre au-dessus de l’anse du Stole dont la plage est très fréquentée en ce jour de congé scolaire, un avant-goût de juillet août. Des employés municipaux installent au milieu des nageurs les bouées qui délimiteront la baignade surveillée. Depuis quelques jours, les hortensias sont prêts à accueillir les estivants.
Au Côté Mer, je choisis la formule à dix-neuf euros : verrine guacamole crevettes et filet de canard crème de champignon polenta, un plat tout à fait délicieux.
Le café sera pour la dernière fois au Moulin Vert qui a ouvert une seconde terrasse sur le quai d’à côté. C’est celle des jours de beau temps, ombragée par une toiture en canisse. Je demande à la jeune serveuse en casquette et petit chorte si je peux, vu qu’il n’y a personne. « Oui tu peux », me répond cette jeune fille que je n’ai jamais vue. Je me demande si j’ai bien entendu. J’attends un certain temps qu’elle arrive avec le café et le verre d’eau. Elle les porte à la main, sans plateau. « J’avance doucement mais sûrement », me dit-elle, puis en repartant : « J’irais bien faire un plouf. » Il est temps que je rentre à Rouen.
Avant de regagner Lorient avec le Té Quatre, je regarde longuement ce que je laisse derrière moi. Je ne pense pas que je reverrai Lomener, lieu de mes premières vacances il y a cinquante ans.
*
Il m’aurait plu de voir à Lanester le cimetière de bateaux de Kerhervy, une quarantaine d’épaves, des thoniers, des chalutiers, des caseyeurs, dans une boucle du Blavet, déposés là à partir de la fin des années Cinquante pour qu’ils s’y décomposent, l’endroit où Brigitte Lozerec’h imagine qu’a sa sépulture Jean-Jacques Pauvert, mais le seul bus qui en rapproche ne circule qu’à de rares horaires et ce n’étaient pas les miens.
*
Ici la toponymie fleure bon la Bretagne. En français, certains noms de lieux ont l’air encore plus breton qu’en breton. Cependant, on ne parle plus du tout ce langage. Le seul kenavo que j’aurai entendu a été dit dans un bus par un touriste à un autochtone qui l’avait renseigné et j’ai senti que cet autochtone n’appréciait pas d’être ainsi salué.
Le soleil donne déjà bien quand, avec l’espoir de m’asseoir à ma place préférée, j’arrive au Moulin Vert. Hélas, s’y trouve le mec connu qui a joué dans Marseille et dans un truc de colonie de vacances. Je m’installe à l’autre bout de la terrasse. C’est aussi bien pour boire un allongé verre d’eau en bord de plage avec vue sur le port et relire quelques passages de Proust et Céleste.
Bon, je ne peux empêcher une famille de s’abattre deux tables plus loin. Les parents envoient la marmaille jouer sur la plage. « Non non non, on a dit pas dans l’eau. » Evidemment, c’est la mère qui court après les désobéissants. Le plus jeune sait déjà comment s’y prendre avec elle : « T’es belle maman » « Merci, c’est gentil. » Heureusement, bientôt j’entends « On va pas tarder, papa, il prend son avion à onze heures. » C’est une bonne idée.
Arrivent alors un homme et une femme qui est ou sa femme ou sa mère. Il la tient fermement par le bras. Elle ne cesse de répéter « Hein, ça y est ». « Tu me bassines », finit-il par lui dire et avant d’avoir commandé, il l’entraîne ailleurs.
Un peu plus tard, ce sont les hommes du pays qui se retrouvent sous l’auvent. « Alors ? La pêche a été bonne ? » « Non, rien du tout. » « Fait trop chaud. »
Il est onze heures, ça commence à cogner. Je quitte ma place et réserve une table chez Côté Mer. La gentille patronne me donne celle que je visais, la mieux située, à l’écart, face au port et sous l’auvent.
En attendant midi, je vais m’asseoir sur le banc à l’ombre au-dessus de l’anse du Stole dont la plage est très fréquentée en ce jour de congé scolaire, un avant-goût de juillet août. Des employés municipaux installent au milieu des nageurs les bouées qui délimiteront la baignade surveillée. Depuis quelques jours, les hortensias sont prêts à accueillir les estivants.
Au Côté Mer, je choisis la formule à dix-neuf euros : verrine guacamole crevettes et filet de canard crème de champignon polenta, un plat tout à fait délicieux.
Le café sera pour la dernière fois au Moulin Vert qui a ouvert une seconde terrasse sur le quai d’à côté. C’est celle des jours de beau temps, ombragée par une toiture en canisse. Je demande à la jeune serveuse en casquette et petit chorte si je peux, vu qu’il n’y a personne. « Oui tu peux », me répond cette jeune fille que je n’ai jamais vue. Je me demande si j’ai bien entendu. J’attends un certain temps qu’elle arrive avec le café et le verre d’eau. Elle les porte à la main, sans plateau. « J’avance doucement mais sûrement », me dit-elle, puis en repartant : « J’irais bien faire un plouf. » Il est temps que je rentre à Rouen.
Avant de regagner Lorient avec le Té Quatre, je regarde longuement ce que je laisse derrière moi. Je ne pense pas que je reverrai Lomener, lieu de mes premières vacances il y a cinquante ans.
*
Il m’aurait plu de voir à Lanester le cimetière de bateaux de Kerhervy, une quarantaine d’épaves, des thoniers, des chalutiers, des caseyeurs, dans une boucle du Blavet, déposés là à partir de la fin des années Cinquante pour qu’ils s’y décomposent, l’endroit où Brigitte Lozerec’h imagine qu’a sa sépulture Jean-Jacques Pauvert, mais le seul bus qui en rapproche ne circule qu’à de rares horaires et ce n’étaient pas les miens.
*
Ici la toponymie fleure bon la Bretagne. En français, certains noms de lieux ont l’air encore plus breton qu’en breton. Cependant, on ne parle plus du tout ce langage. Le seul kenavo que j’aurai entendu a été dit dans un bus par un touriste à un autochtone qui l’avait renseigné et j’ai senti que cet autochtone n’appréciait pas d’être ainsi salué.
26 juin 2024
Une nouvelle journée de beau temps assuré ce mardi, je prends le bus Onze, terminus Port de Pêche. Il y a de l’animation à l’embarcadère. Le gros tankeur Torm Strong quitte le Port de Commerce, tiré latéralement par un remorqueur. Cela met la pagaille chez les deux bateaux-bus qui arrivent, le petit rouge en provenance du Port de Sainte-Catherine à Locmiquélic et Le Kerpont en provenance de La Pointe à Port-Louis. Le premier finit par contourner l’obstacle par l’arrière. Le second se glisse entre l’obstacle et le quai quand le premier est reparti (à vide). Je monte avec quelques autres dont deux bicyclistes dans ce second. Nous naviguons parallèlement au gros bateau noir et orange et à ses remorqueurs jusqu’à ce qu’ils disparaissent derrière la Citadelle.
Arrivé à Port-Louis, j’achète un dernier pain au chocolat à la boulangerie du rempart. Je ne peux le manger au soleil du Penalty où c’est jour de congé. Je me contente de la terrasse à l’ombre de La Civette. Port-Louis est le bourg des bars-tabac, quatre dans le centre, un excentré. Pour ma dernière dans cette Petite Cité de Caractère, je ne fais rien d’autre que de m’imprégner des bonnes ondes qu’elle diffuse.
Après La Civette, je trouve une place au soleil au Terminus. « Quand il fait beau comme ça, il faut faire des photos pour le montrer aux autres », dit un autochtone à la table d’à côté. « Non non, faut rien dire, sinon ils vont tous arriver ici », lui répond un autre. Peu avant que je parte la serveuse m’offre un allongé qu’elle a fait couler par erreur.
Avec le bateau-bus d’onze heures quinze, je regagne le Port de Pêche de Lorient car je songe à déjeuner dans l’un des restaurants de l’avenue de La Perrière. Pour la première fois, on peut voyager à l’avant du bateau et je suis le seul à en profiter, bien placé pour voir passer le Sodebo Ultim 3, voilier trimaran destiné à la course au large.
A l’arrivée, je ne monte pas dans le bus Onze mais me dirige à pied vers l’avenue de La Perrière en passant par une rue décatie dont les bâtiments abandonnés ont servi de mur d’expression aux artistes. J’ai alors l’œil attiré par un parasol vert dans une rue qui donne sur le bas de l’avenue de La Perrière et je découvre L’Entrepote, une sorte d’entrepôt pour faire la fête le soir qui fait restaurant le midi avec un menu à dix-huit euros cinquante. Il est tôt mais j’obtiens de m’asseoir à la seule petite table à l’ombre sur le trottoir. Je commande un quart de vin rouge pour attendre midi.
J’ai en face de moi un horrible bâtiment noir un peu effrayant. La serveuse me dit que ce sont les Affaires Maritimes, que c’est tout neuf et regardez, il y a déjà des traces blanches sur les murs, quelle idée de mettre du noir avec tous les goélands que l’on a ici. Cette serveuse fume une cigarette avec un serveur avant le début du service. Celui-ci mime une copulation avec elle, puis il m’aperçoit. « Excusez-moi », me dit-il. « C’est mon fils », me dit-elle comme si ceci justifiait cela.
« J’espère que je vais rester à l’ombre jusqu’à la fin du repas », lui dis-je quand elle prend ma commande. « On va faire vite », me dit-elle. Taboulé des potes, petit salé aux lentilles et tiramisu aux spéculoos, effectivement je réussis à déjeuner avant que l’ombre ait totalement disparu, vingt-quatre euros pour le tout.
Sur un banc de la zone louche, j’attends qu’arrive le prochain bateau-bus, celui de treize heures pour Port-Louis. Trois contrôleurs l’attendent aussi. Il n’en descend que huit passagers parmi lesquels deux fraudeurs. J’ai fait plus de soixante-dix trajets en bus et bateau bus dans l’agglomération de Lorient, je n’ai été contrôlé que deux fois, à des débarcadères, jamais dans les bus.
Je prends un dernier café au Terminus dont la terrasse est maintenant à l’ombre. A une table haute car les habitués n’y sont pas à cette heure. D’où l’on a vue surélevée sur l’activité du port et sur les nuages de plus en plus nombreux. Il fait lourd. A côté de moi, on parle des mauvaises manières de la jeunesse « Où va le monde ? »
De la jeunesse, il y en a plein le bateau-bus qui me ramène à Lorient, des scolaires et même des nourrissons avec leurs nourrices. Une partie des premiers et la totalité des poussettes montent dans le bus Onze. Il y règne une chaleur désagréable et un calme total.
Vers dix-huit heures, mon jeune logeur passe changer une ampoule électrique. C’est un garçon que je n’ai jamais vu sans sa planche à roulettes.
Arrivé à Port-Louis, j’achète un dernier pain au chocolat à la boulangerie du rempart. Je ne peux le manger au soleil du Penalty où c’est jour de congé. Je me contente de la terrasse à l’ombre de La Civette. Port-Louis est le bourg des bars-tabac, quatre dans le centre, un excentré. Pour ma dernière dans cette Petite Cité de Caractère, je ne fais rien d’autre que de m’imprégner des bonnes ondes qu’elle diffuse.
Après La Civette, je trouve une place au soleil au Terminus. « Quand il fait beau comme ça, il faut faire des photos pour le montrer aux autres », dit un autochtone à la table d’à côté. « Non non, faut rien dire, sinon ils vont tous arriver ici », lui répond un autre. Peu avant que je parte la serveuse m’offre un allongé qu’elle a fait couler par erreur.
Avec le bateau-bus d’onze heures quinze, je regagne le Port de Pêche de Lorient car je songe à déjeuner dans l’un des restaurants de l’avenue de La Perrière. Pour la première fois, on peut voyager à l’avant du bateau et je suis le seul à en profiter, bien placé pour voir passer le Sodebo Ultim 3, voilier trimaran destiné à la course au large.
A l’arrivée, je ne monte pas dans le bus Onze mais me dirige à pied vers l’avenue de La Perrière en passant par une rue décatie dont les bâtiments abandonnés ont servi de mur d’expression aux artistes. J’ai alors l’œil attiré par un parasol vert dans une rue qui donne sur le bas de l’avenue de La Perrière et je découvre L’Entrepote, une sorte d’entrepôt pour faire la fête le soir qui fait restaurant le midi avec un menu à dix-huit euros cinquante. Il est tôt mais j’obtiens de m’asseoir à la seule petite table à l’ombre sur le trottoir. Je commande un quart de vin rouge pour attendre midi.
J’ai en face de moi un horrible bâtiment noir un peu effrayant. La serveuse me dit que ce sont les Affaires Maritimes, que c’est tout neuf et regardez, il y a déjà des traces blanches sur les murs, quelle idée de mettre du noir avec tous les goélands que l’on a ici. Cette serveuse fume une cigarette avec un serveur avant le début du service. Celui-ci mime une copulation avec elle, puis il m’aperçoit. « Excusez-moi », me dit-il. « C’est mon fils », me dit-elle comme si ceci justifiait cela.
« J’espère que je vais rester à l’ombre jusqu’à la fin du repas », lui dis-je quand elle prend ma commande. « On va faire vite », me dit-elle. Taboulé des potes, petit salé aux lentilles et tiramisu aux spéculoos, effectivement je réussis à déjeuner avant que l’ombre ait totalement disparu, vingt-quatre euros pour le tout.
Sur un banc de la zone louche, j’attends qu’arrive le prochain bateau-bus, celui de treize heures pour Port-Louis. Trois contrôleurs l’attendent aussi. Il n’en descend que huit passagers parmi lesquels deux fraudeurs. J’ai fait plus de soixante-dix trajets en bus et bateau bus dans l’agglomération de Lorient, je n’ai été contrôlé que deux fois, à des débarcadères, jamais dans les bus.
Je prends un dernier café au Terminus dont la terrasse est maintenant à l’ombre. A une table haute car les habitués n’y sont pas à cette heure. D’où l’on a vue surélevée sur l’activité du port et sur les nuages de plus en plus nombreux. Il fait lourd. A côté de moi, on parle des mauvaises manières de la jeunesse « Où va le monde ? »
De la jeunesse, il y en a plein le bateau-bus qui me ramène à Lorient, des scolaires et même des nourrissons avec leurs nourrices. Une partie des premiers et la totalité des poussettes montent dans le bus Onze. Il y règne une chaleur désagréable et un calme total.
Vers dix-huit heures, mon jeune logeur passe changer une ampoule électrique. C’est un garçon que je n’ai jamais vu sans sa planche à roulettes.
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