Le Journal de Michel Perdrial

Le Journal de Michel Perdrial




Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

9 juin 2024


Retour à Guidel ce samedi matin avec le premier bus Dix qui passe à Faouëdic, celui de sept heures quinze. Cette fois, je ne descends pas à Guidel Port. Je vise le terminus, Guidel Plages, mais à l’arrivée constate que cet arrêt n’est pas au bord de la mer. « Il fallait descendre à Deux Vallons », me dit le chauffeur. J’en suis conscient. En attendant qu’il ne reparte dans l’autre sens, je discute avec lui. C’est un motard originaire du Sud qui connaît toutes les routes de Bretagne mais rien de la Normandie.
Redescendu sur le rivage, je marche le long du sable mais l’envie me manque d’aller jusqu’au Fort du Loc’h. Je suis vite de retour au Port où j’achète le pain au chocolat à un euro cinquante de Chez Julie. Je le mange sur un banc car O’Roof n’est pas matinal.
Sur ce banc, face au Pouldu, je lis Proust à Cabourg avec le soleil et un vent frais dans le dos. Pour spectacle, j’ai le mouvement des bateaux qui entrent et sortent. Au dos d’un panneau, une affiche de l’écolo Marie Toussaint proclame : Justice Paix Ecologie. Pourquoi pas Prospérité Santé Bonheur.
L’heure de l’ouverture venue, je poursuis ma lecture au O’Roof avec un allongé verre d’eau puis comme je ne veux pas y déjeuner, je prends le bus qui revient vers Lorient à onze heures onze et en descends à Guidel Centre, le bourg, qui se trouve à une dizaine de kilomètres du rivage.
Là, je déjeune non loin de l’église du vingtième siècle, chez O P’tit Café, d’un fish and chips à douze euros accompagné d’un quart de muscadet à cinq euros quatre-vingts. Ce n’est pas de la grande cuisine mais le patron est sympathique et la terrasse au soleil avec vue sur Ti-Kêr (Hôtel de Ville) où l’on se pressera plus ou moins pour voter demain. A la table devant la mienne est un couple de quinquagénaires. En attendant leur commande, il lit le journal face à elle qui au bout d’un quart d’heure lui demande « Elle est bonne ta bière ? » C’est un panaché bien blanc, autrement dit de la limonade. Derrière eux sont deux trentenaires dont l’un qui pleure sur ses malheurs d’entrepreneur. Il ne payait pas toutes ses charges et a été rattrapé par la patrouille. « J’ai demandé à mon premier frère T’as pas mille euros à me prêter ? et à l’autre T’as pas mille euros à me prêter ? »
J’achète ensuite deux euros quatre-vingts un gâteau breton à la framboise à la boulangerie d’à côté. Je comptais le manger à la terrasse d’un mignon petit café devant l’église mais quand j’y arrive celui-ci est en train de fermer pour ne rouvrir que dans plusieurs heures. Ces petites villes dont les commerces ferment pendant la première moitié de l’après-midi sont archi déprimantes.
Je me rabats sur un Péhemmu, Le Sulky, une table haute en terrasse privée de soleil, un euro soixante-dix le café. Son point positif : être près de l’arrêt de bus et j’attends le prochain avec impatience afin de pouvoir reprendre ma lecture dans de bonnes conditions à Lorient au Parisien.
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Les vacances de l’été 1907 au Grand Hôtel de Cabourg seront les meilleures de la vie de Marcel Proust. Il ne retrouvera plus jamais cette liberté de l’esprit et du corps. Pendant deux mois, outre ses incessantes excursions, ses flirts avec les vieilles églises gothiques et les jeunes athlètes monégasques, il correspondra avec les plus intimes de ses amis et en rencontrera beaucoup. (Proust à Cabourg, Christian Péchenard)
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Une formule de Christian Péchenard qui me réjouit : Cette pudeur d’autruche qui caractérise les danseuses nues.
 

8 juin 2024


Le beau temps étant assuré ce vendredi, c’est le moment de mener à bien l’opération Lorient Gâvres et retour. A cette fin, je petit-déjeune au studio puis prends le bus Onze jusqu’au Port de Pêche puis le bateau Bé Deux pour Port-Louis. Là, je rentre en terrain inconnu. Un bus Quinze doit être au débarcadère et je ne vois qu’un bus Seize. Je demande au chauffeur si ce Quinze va arriver et il me répond « Oh merde, j’ai oublié de changer le numéro de la ligne, montez ». Avec ce Quinze, je vais de l’autre côté de la presqu’île au Port de Locmalo. Un autochtone me dit où trouver l’embarcadère pour la presqu’île de Gâvres, lequel est bien caché. Le prochain bateau-bus Bé Quatre est dans dix minutes.
Il est petit, vingt-cinq sièges. Nous ne sommes que trois à y monter. Une traversée de six minutes et nous voilà au débarcadère. Inutile de chercher une boulangerie à Gâvres. Le seul café du port n’est pas ouvert à cette heure.
Je remonte la rue principale jusqu’à ce que je trouve une pancarte annonçant sur la droite le Tumulus de Goërem. Lui vu, je vise l’église Saint Gildas puis je rejoins le bord de la mer où débute un chemin côtier. Se profile au loin le Fort de Porth-Puns, petite citadelle jolie à voir de cette distance. Je ne suis pas surpris de constater qu’on ne peut pas y entrer. Enfin, c’est la Pointe des Saisies et ses blockhaus. Là, je le savais par ma recherche via Internet, se trouve Maison Glaz.
Maison Glaz est « un tiers-lieu où l’on peut dormir, travailler, faire la fête, explorer ensemble le monde qui vient, se connecter avec la nature. » Y prendre un café me suffira. Ce qui est épatant (comme aurait dit Jean d’Ormesson), c’est que ça ouvre à neuf heures du matin, un exploit pour ce genre d’endroit.
La Mairie, propriétaire du terrain et des bâtiments, soutient l’initiative, potager et bacs de permaculture, hébergements touristiques, évènements culturels, cours de yoga, city stade pour les ados, guinguette avec vue sur mer et bar café co-travail.
La salle de café n’a rien à envier à celle des professionnels. Une fille y travaille déjà sur son ordinateur. Je commande un allongé à un euro soixante à celle qui est au bar et le porte moi-même à une petite table où je peux écrire tranquillement mon début de journée en écoutant de la musique sud-américaine.
Un habitué en fauteuil arrive vers neuf heures trente. Sa discussion avec la fille du bar est aussi pauvre que dans un banal lieu « Beau temps » « Oui ça fait du bien ». Je m’ennuierais vite si je devais rester ici.
De l’autre côté de la presqu’île de Gâvres, c’est la Grande Plage et celle-là mérite son nom. Je la rebaptiserai même Plage Interminable. Elle a la longueur de l’isthme qui relie le bourg au continent. Certaines maisons de Gâvres ont été inondées pendant les tempêtes Johanna et Xynthia. La submersion marine guette. Un jour, Gâvres redeviendra une île.
Je reviens vers le Port par le bord de mer en profitant de la marée basse pour marcher sur le sable mouillé de la plage de Goërem. Près de l’embarcadère, je trouve La Taverne ouverte. Ce café restaurant dispose d’une belle terrasse donnant sur le large. Le café y est seulement à un euro cinquante. C’est un bel endroit pour lire Proust à Cabourg.
N’ayant pas envie de déjeuner à La Taverne qui ne sert qu’à l’intérieur pour le repas, un p’tit coup de bateau-bus et me voici de retour à Port-Louis. Le bus Quinze me dépose à l’arrêt Les Pâtis. Je remonte la Grande Rue et m’arrête à Il Pirata où je déjeune de lasagnes maison accompagnées d’un verre de vin rouge, avec le soleil dans le dos et les passants comme spectacle. Il me faut le demander avec insistance pour avoir du pain et encore est-il médiocre et en petite quantité. Quant aux lasagnes, c’est également peu. Je paie dix-huit euros soixante-dix.
Un gâteau breton au citron que j’achète à la boulangerie Denigot est mon dessert, que je mange à la terrasse du Terminus avec un café, près de locaux à la conversation pauvre  « Espérons qu’on aura un bel été » « On l’a bien mérité ». J’y poursuis ma lecture jusqu’à ce qu’arrive le moment de rentrer avec le bateau-bus de quatorze heures quinze et pour la première fois trouve des contrôleurs au débarcadère.
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Gâvres, un endroit où l’on croise des enfants qui vont seuls à l’école et vous disent bonjour.
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Avertissement municipal à Gâvres : « Nous n’avons pas de police municipale. Nous comptons sur votre civisme. »
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Avertissement privé à Gâvres : « Nous n’avons pas de sonnette mais appuyez ici, nous vous entendrons ». Ici, une tapette à souris clouée sur l’encadrement de la porte.
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Ces restaurants où l’on plaint le pain. Il faudrait avoir le culot de s’y présenter avec une demi-baguette achetée à la boulangerie.
 

7 juin 2024


L’important, c’est de ne pas participer. Ce jeudi du débarquement de la flamme à Lorient, cap sur Port-Louis. A sept heures neuf, le bus Onze n’est pas encore bloqué. Il me mène au bateau-bus Bé Deux qui sous le soleil fait la courte traversée du Port de Pêche à la rive d’en face. Parmi les passagers, des navetteurs dont un prof qui aperçoit certains de ses élèves au débarcadère prêts à faire le chemin dans l’autre sens. « Qu’est-ce qu’on met comme raison dans ce cas-là ? lui demande une connaissance. Veuillez excuser l’absence de mon fils pour cause de flamme ? »
A la terrasse ensoleillée du Penalty certains parmi les habitués ne sont même pas au courant qu’aujourd’hui c’est le jour de la flamme de l’autre côté de l’eau. J’y déjeune en terrasse d’un pain au chocolat acheté chez Denigot dans la Grande Rue (un euro quinze dans une boîte à sous) et d’un allongé accompagné d’un spéculoos.
Ce jeudi matin, je prends le bourg par le travers pour découvrir l’autre côté de la presqu’île, celui qui fait face à l’extrême presqu’île de Gâvres qui ne tient au continent que par un fil de sable.
Je franchis le rempart par la Porte Sardinière pour emprunter la Promenade du Lohic, un délicieux chemin entre le rempart et la mer avec vue sur Gâvres. J’en ressors par la Tour des Prisonniers en face de laquelle est le Parc à Boulets, désormais une pelouse entourée d’une muraille. Protégé des regards par celle-ci, je fais pipi sur le gazon. En remontant vers l’église Notre-Dame je rencontre la Fontaine et le Lavoir des Récollets, monument en granit datant du dix-septième siècle.
Devant Notre-Dame est un grand bar tabac, le Café du Commerce, où l’on tient des conversations de Café du Commerce. « T’as vu en Normandie, un qui se marie à cent ans avec une de quatre-vingt-seize ans, c’est n’importe quoi. On voit des choses ! » Rien d’étonnant à ce qu’on y discute ensuite des mérites comparés de Marion et de Marine. Cela sur fond de musique militaire de la célébration du quatre-vingtième anniversaire du Débarquement diffusée à la télé. Je prends place à l’une des tables au soleil pour un nouvel allongé et lire la suite de Proust à Cabourg. Ce n’est qu’à partir d’onze heures qu’apparaissent les touristes à Port-Louis « Petite Cité de Caractère », des retraités, certains en groupe avec guide, désireux de s’instruire encore un peu avant de mourir.
Grande Rue est aussi Il Pirata « pizzas au feu de bois » à la petite terrasse au soleil où à midi je mange sans voisinage une pizza Frégate (tomate cantal olives anchois) avec un verre de vin rouge pour quinze euros soixante.
Le dessert, je l’achète à la boulangerie Denigot, un gâteau breton au caramel à deux euros cinquante. Je le découvre excellent quand je le mange au Café du Commerce avec un allongé verre d’eau, le plus loin possible d’un duo d’alcoolisés qui parlent d’un qui n’a pas eu la carrière qu’il méritait, celui qui jouait du piano avec sa bite. La Police Municipale passe rappeler le bon alignement des chaises de la terrasse mais ne trouve rien à redire au fait que les deux déjà saouls viennent d’être resservis en bière.
Je lis là jusqu’à ce que ce soit bientôt « l’enterrement de tu sais qui » en prévision duquel s’assemblent des vieilles et des vieux devant Notre-Dame. Je rejoins alors l’embarcadère pour y prendre le prochain bateau-bus. En une demi-heure exactement, je rentre à mon logis temporaire au centre de Lorient.
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J’ai beau chercher dans ma faible mémoire, je ne me souviens pas de Port-Louis. Peut-être n’y suis-je jamais passé malgré mes multiples séjours en Bretagne pour la raison qu’en voiture il faut aller chercher loin le pont sur le Blavet qui permet d’entrer sur la presqu’île.
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A mon retour à Lorient, c’en est fini depuis longtemps de la procession du Saint-Sacrement. A la fin de son parcours de cinq kilomètres, la flamme est arrivée devant la Mairie où l’attendaient près de trois mille écoliers.
S’il est une chose que je ne supporte pas, c’est que l’on utilise les enfants des écoles lors des opérations de fanatisation.
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(En vérité du temps du Magasin j'étais heureux debout dans la rue à vendre des disques d'occasion et à regarder passer les filles) Ben, qui s’est suicidé mercredi à Nice, à l’âge de quatre-vingt-huit ans, le lendemain de la mort subite de sa femme Annie dont il était inséparable.
 

6 juin 2024


Ce mercredi était prévu gris et dès le matin il l’est. Je monte dans le bus Té Quatre de sept heures quinze et en descends à Kernével (commune de Larmor-Plage). Il s’agit, à partir de ce port situé face à La Base, de longer la mer jusqu’au centre du bourg.
C’est d’abord la plage de Nourriguel puis celle de Toulhars avec la pointe du même nom. A cet endroit, je ne suis pas loin à vol d’oiseau de la Citadelle de Port-Louis qui est de l’autre côté de l’eau. Je vois passer le bateau-bus qui m’y a emmené hier.
Cette balade est fort tranquille, je ne croise que deux ou trois chiens qui promènent celui ou celle à qui ils sont attachés. Quand même, un peu de bruit sur la seconde plage car avant l’arrivée des estivants une pelleteuse procède à sa recharge avec du sable venu d’ailleurs.
Quand j’arrive dans le centre du bourg, après être passé au pied d’un petit calvaire typiquement breton, je vise l’église pour trouver la boulangerie un peu plus haut. Dans sa machine à sous, je mets un euro vingt pour un pain au chocolat.
Je le mange au bord de la plage de Port-Maria, au Couleur Café, où l’allongé coûte cinquante centimes de plus qu’en face à Port-Louis mais est servi avec un petit Carabreizh au beurre salé. Là, tout en lisant, je regarde passer les gens. Ils sont peu nombreux. En arrière-plan, je vois la Grande Plage où je déjeunais hier et sur l’océan naviguer des bateaux que mes voisins reconnaissent, les Pen Duick. Vers dix heures, une petite averse m’oblige à reculer d’une table.
Je rentre avec le dix heures cinquante-trois. Il pleuvine quand je rejoins le Westport Inn. J’y déjeune du menu du jour : Tatin de tomates cerise mousse de chèvre blanc, filet d’aiglefin mousseline de patates douces crème basilic et tarte aux fraises mélisse, avec toujours de la bonne musique et un personnel attentif et souriant.
Je prends le café chez Raoul, c’est-à-dire au Relax. Mes deux voisins d’auvent organisent leur virée au Hellfest « Sinon on prend deux casse-dalles à la boulange et on s’arrête quelque part pour les manger ». Je suis dans un autre univers avec Marcel Proust au Grand Hôtel de Cabourg,
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Un homme au téléphone au Couleur Café : « Je voulais juste te demander, comment ça se passe demain pour les livraisons avec cette histoire de flamme ? Y en a pas ? Bon, ben comme ça au moins, c’est clair. »
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Une serveuse au Westport Inn : « Il y a vraiment un engouement autour de ça ? Les gens s’en branlent un peu, non ? » (ça : la flamme)
 

5 juin 2024


Je crois rêver ce mardi au réveil quand Effe Bé m’envoie un code d’accès sur mon Smartphone. Craignant le non renouvellement de ce miracle, je ne coupe pas mon ordinateur quand je sors, lui rabattant le couvercle, afin qu’il redémarre en l’état à mon retour.
A sept heures neuf, je monte dans le bus Onze et en descends à son terminus Port de Pêche. Là est l’embarcadère du bateau-bus Bé Deux pour Port-Louis. Il arrive quelques minutes plus tard. En descend une foule de lycéen(ne)s. Nous ne sommes que quatre à y monter, dont deux bicyclistes. Onze minutes à voir la Citadelle grossir du siège à l’avant où je me suis installé et le but est atteint.
J’achète un pain au chocolat à un euro vingt à la boulangerie des remparts et avec l’aide de la poissonnière trouve le café ouvert avant huit heures, Le Penalty. Il est au bout de la Grande Rue sur la place Saint-Pierre. A sa petite terrasse près d’une église, je bois un allongé à un euro quarante seulement, tandis que passent des grumeaux de collégien(ne)s. « Tu m’as mis mal à l’aise », dit l’une à l’un.
Cela fait, je regagne le rempart qui me mène à la Citadelle. Je fais le tour de la partie terrestre mais ne peux y entrer. Le Musée National de la Marine et le Musée de la Compagnie des Indes de Lorient se partagent l’intérieur. Ça n’ouvre qu’à dix heures, et pas le mardi.
Après ce bel effort physique, je reviens vers la Capitainerie et trouve ouvert le bar tabac Le Terminus dont la petite terrasse a vue par-dessus le rempart sur le Port de Commerce de Lorient. Il est neuf heures quinze. C’est mon premier café verre d’eau lecture du jour, sous un ciel moutonneux. La patronne répète à tout le monde qu’elle prend bientôt des vacances, une semaine, et que le premier jour, ce sera au lit toute la journée.
Je rejoins ensuite le rempart côté opposé. Une ouverture dans la muraille est la porte d’une petite plage appelée la Grande Plage au bord de laquelle est établi une brasserie crêperie où je réserve une table pour midi en raison de sa vue sur une partie de la Citadelle, Larmor Plage et à tribord l’île de Groix.
Une table de pique-nique proche de la Citadelle m’accueille pour reprendre la lecture. D’un terrain de sport me parviennent des cris d’enfants en compétition sportive réunissant plusieurs écoles venues en cars, chaque équipe portant le drapeau d’un pays (les Jeux Olympiques, ce mauvais exemple). C’est là que je termine la Correspondance d’August Strindberg, dont la dernière lettre, émouvante, est pour la plus jeune de ses filles.
À midi, pour vingt-deux euros, je déjeune d’une galette complète et d’une crêpe caramel beurre salé accompagnées d’un demi de cidre de Plancoët à ce restaurant de plage nommé Casino Beach. Si la vue est particulièrement agréable, le son l’est moins avec un groupe de bruyant(e)s où tous les hommes portent un maillot de sport (il s’agit d’un « repas de cohésion »).
De retour au Terminus je prends le café, ici aussi à un euro quarante, puis commence la lecture de Proust et les autres de Christian Péchenard, un gros Petite Vermillon qui groupe Proust à Cabourg, Proust et son père et Proust et Céleste. J’en ai déjà lu deux en édition grand format.
Dans la conversation de la patronne et des habitués, il est question des Verseaux qui sont tous des patachons. Ce n’est pas moi qui dirais le contraire. « Il faut savoir poser son cul et regarder passer les gens », dit l’un qui en est. J’approuve également.
Je rentre à Lorient avec le bateau-bus Bé Deux nommé Le Kerpont qui part de l’embarcadère de Port-Louis à quatorze heures quinze, après avoir déversé une cargaison de retraité(e)s, et avec le bus Onze qui suit. Port-Louis est vraiment un bourg agréable, que je n’ai pas fini d’explorer.
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Une consommatrice du Terminus : « J’ai peur, moi, à la Pénétrante, à Lorient. » (pas de pornographie là-dedans, une voie rapide)
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Des centaines de barrières neuves déployées entre La Base et l’Hôtel de Ville de Lorient pour empêcher les voitures de se garer sur le parcours de la flamme (comme ils disent).
 

4 juin 2024


Ce lundi matin tôt, je prends le bus Té Quatre jusqu’à son terminus Pen Palud à Lomener (commune de Ploemeur). Je n’ai que deux cents mètres à parcourir pour rejoindre le petit port à flot, sa plage et sa tour du douanier dans l’anse du Stole parfaitement dessinée. En chemin j’achète à la boulangerie un pain au chocolat à un euro dix et arrivé sur place m’installe pour le manger avec un allongé à un euro quatre-vingts au Moulin Vert, bar brasserie resté dans son jus (comme disent certains) dont la vaste terrasse est on ne peut plus près de la plage et du port. La table où je suis, un pas de côté et c’est une chute deux mètres plus bas dans le sable.
« Petit port breton pittoresque », « Véritable carte postale », Lomener m’est cher car c’est le lieu de mes premières vacances (je ne partais qu’une journée par an avec mes parents). Des vacances payées avec mon petit salaire d’élève-maître de l’Ecole Normale d’Évreux. C’était en mil neuf cent soixante-douze, à Pâques. Je campais et ai eu bien froid la nuit.
Je suis revenu à Lomener quand j’étais bien accompagné, d’abord avec celle qui va bientôt fêter son anniversaire et voit arriver la fin de l’année scolaire avec joie, puis avec celle pour qui ce lundi est un jour fort triste, celui de la dispersion des cendres.
Le sentier côtier bétonné se heurte vite à des maisons qu’il faudrait contourner pour continuer. Cela me donne envie de m’asseoir sur un banc au-dessus de l’anse voisine de Port Fontaine, face à l’île de Groix dont on distingue les maisons blanches dans le soleil.
Puis je retourne à ma table d’extrême bord au Moulin Vert, café verre d’eau Strindberg. Si le Port de Lomener est enchanteur, les bâtiments du bourg ne le sont pas, hormis ce Moulin Vert où seul le personnel a été renouvelé depuis mil neuf cent soixante-douze. Le mobilier, la devanture, sont de cette époque et peut-être me suis-je assis sur cette même chaise il y a un demi-siècle. Que des locaux en terrasse. On se parle d’une table à l’autre d’un qui vient de mourir d’une crise cardiaque, qu’on côtoyait au Cercle. Comme toujours dans ces circonstances, on l’a encore vu il y a quatre ou cinq jours. Sur la place un petit marché s’est installé.
Vers dix heures trente, je remonte la rue qui mène à l’arrêt de bus, passant près de la massive chapelle Notre-Dame de La Garde.
De retour à Lorient, je passe à la Gare pour acheter un billet Rouen Paris et retour pour un jeudi de juillet en remplacement de celui du mercredi de mon rendez-vous ophtalmologique. Je ne peux plus faire cela via Internet à cause de ces incapables du Crédit à Bricoles de Normandie qui m’ont sucré l’accès au code de paiement. Le point positif, c’est que j’ai affaire à une employée aimable et souriante.
Comme le WestPort Inn fait relâche le lundi, je déjeune chez son voisin Tavarn ar Roue Morvan, même terrasse sous les arbres, à la carte pour vingt euros cinquante, de six escargots de Groix et d’une andouillette fisel pommes de terre sauce moutarde. C’est long, c’est impersonnel, même si c’est bon. On ne m’y reverra pas.
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Ça ne s’arrange pas avec Effe Bé qui ne m’envoie décidément plus de code de connexion par texto. Plus moyen de me connecter non plus à Air Bibi puisque Effe Bé me sert d’intermédiaire. Cette modernité moderne me saoule.
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« Social traître » inscrit sur le rideau métallique du Péhesse du Morbihan et toutes les vitres cassées, c’est ce que je constate en passant devant pour aller à la Gare. Ça s’est produit dimanche vers cinq heures du matin. Un premier écrit sur le rideau s’en prenait à Glucksmann quand je suis arrivé à Lorient, effacé par les services municipaux.
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Sont pas bien gros
A Groix les escargots
 

3 juin 2024


Deux kilomètres et demi de quais pour le Port de Pêche de Keroman dont j’ai parcouru plus que la moitié le vingt-cinq mai. Il s’agit ce dimanche matin de découvrir le reste et pour ce faire de rejoindre La Base.
Avant cela, je marche sous le ciel bleu jusqu’aux Halles de Merville où j’achète un pain au chocolat à un euro trente à une des boulangeries puis bois un allongé de café brésilien debout à Café d’Oriant en regardant la météo du Télégramme, beau fixe. Même là, on n’est pas à l’abri de la petite famille qui se croit dans son salon. J’enverrais bien son Ulysse faire un long voyage.
A l’arrêt Sécurité Sociale, le ciel redevient gris quand j’attends le Té Deux de neuf heures dix-huit, terminus Ecole de Voile La Base. J’y suis rejoint par un aveugle accompagné de son chien-guide. Il était déjà là dimanche dernier. De quoi me faire flipper alors que je viens d’obtenir un rendez-vous pour début juillet à l’usine ophtalmologique dans le but d’évoquer avec le boss une opération en fin d’année. J’indique à cet homme sympathique l’arrivée du bus.
A La Base je longe les diverses attractions sportives et culturelles jusqu’à la pointe de Keroman et le Port de Pêche du même nom. Là, je prends à gauche, le quai du Pourquoi-Pas, encore inexploré.
Je marche seul près des bateaux de pêche jusqu’à atteindre le bâtiment jumeau de l’effrayant de l’autre jour puis reviens par les intérieurs où sont d’énormes bâtiments abandonnés sur les murs desquels se sont exprimés des graffeurs. Je pénètre dans l’un mais ne vais guère loin car des bruits indéfinissables réveillent le poltron qui est en moi.
De retour dans la partie civilisée de La Base, j’entre au Café Resto La Base, service au comptoir, un euro quatre-vingts le café. Je vais le boire en terrasse avec vue sur la collection de Pen Duick et la tour de la tyrolienne qui n’est pas encore en service. Deux filles me tiennent compagnie de loin, qui parlent de l’amour : « En fait, j’ai été claire avec lui, je lui ai dis que je commençais à avoir de l’attirance pour une autre personne, mais je ne lui ai pas dit que c’est pour une meuf et que je l’ai déjà embrassée. » « Ah toi, t’aimes bien te mettre dans la merde. »
Je reviens cette fois encore avec le dix heures cinquante-deux et à midi retourne au Roadside pour un burgueur du moment avec ses frites artisanales et un café. Je prends le dessert (un gâteau aux fraises) et un autre café (allongé corsé) à quatorze heures au Café Diem. Une affichette annonce aux porteurs d’ordinateur qu’on ne les veut ici qu’une demi-heure sauf s’ils repassent commande. Elle ne dit rien contre les porteurs de livre. Je peux avancer tranquillement vers la fin de la Correspondance d’August Strindberg sous le soleil revenu. Les rares personnes qui passent dans cette rue du Port se demandent où sont les gens.
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« Dès lundi, ils enlèvent toutes les voitures. Faut aller se garer à un kilomètre de chez soi » (le marchand d’huîtres de la ria d’Etel aux Halles, à propos de l’arrivée de la flamme à Lorient).
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Cette flamme inventée par un militaire hitlérien partira de La Base, c’est-à-dire de l’ancienne base de sous-marins construite par les nazis.
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Sur un mur de cette ancienne base nazie, un portrait réalisé au pochoir de Missak Manouchian.
 

2 juin 2024


Un ciel bleu ce samedi matin, premier jour de juin, pour inaugurer ma carte KorriGo bus et bateaux en illimité un mois. Je le fais avec le bateau bus Bé Un, une grosse navette rustique à bancs de bois sans dossiers qui part à sept heures quarante-trois du quai des Indes et en dix minutes conduit les trois passagers que nous sommes à Pen Mané, commune de Locmiquélic.
Au débarcadère, je monte dans le bus Seize et en descend à la Mairie. Un autochtone m’indique où trouver la Grande Rue. J’y achète un pain au chocolat à un euro dix dans une boulangerie à l’ancienne et vais le manger dans un bar tabac à l’ancienne avec Johnny Cash en affiche.
Le café allongé est à un euro quarante et la clientèle déjà en train de gratter. C’est perdu. La patronne fait aussi la postière mais ça n’ouvre qu’à neuf heures. Deux l’apprennent à leurs dépens. On ne dirait pas Locmiquélic si proche de Lorient, on s’y sent au fond d’une province dépourvue d’accès à la ville.
« Si je vais au bout de la Grande Rue, j’arrive à la mer ? » demandé-je quand je paie. « Oui, c’est tout droit mais quand ça tourne faut tourner aussi », me dit l’un des buveurs du comptoir. « J’y penserai », lui dis-je.
J’arrive au Port Sainte-Catherine d’où j’ai belle vue sur la Citadelle de Port-Louis, l’île Saint-Michel, Lorient La Base et le Port du Commerce qui ressemble à une zone industrielle.
Je prends le sentier côtier qui ramène à l’embarcadère de Pen Mané. Ce chemin passe à un moment dans les herbes folles mais il se termine par de la route. A mon arrivée, j’ai un quart d’heure avant le prochain bateau, le temps qu’il faut pour monter voir le Fort de Pen Mané, une massive construction à l’abandon.
A dix heures trois le Bé Un arrive, nommé Les Deux Rives. Nous sommes une quinzaine à y prendre place, dont trois bicyclistes. Dix minutes de traversée en parallèle avec le bateau qui arrive de Groix et nous voici à Lorient.
Je prends un nouveau café au Parisien à une table d’intérieur au bord du bar qui est ouvert sur l’extérieur car le ciel est devenu gris et le vent frais. Je lis là Strindberg et me trouve suffisamment bien pour avoir envie de déjeuner à la même table. Je commande le tartare du Parisien avec ses frites fraîches maison et la brioche perdue et son caramel au beurre salé pour vingt et un euros quarante. Un bataillon de jeunes serveuses efficaces et souriantes est à la manœuvre.
A l’issue de mon repas, d’un coup de bus Té Quatre, je rejoins Larmor-Plage et y marche jusqu’à une terrasse ensoleillée qui se trouve au-dessus de la plage peu fréquentée de Loqueltas, celle de L’Abri Côtier (ah ah). Le café y est à un euro quatre-vingt-dix et la température un peu élevée en raison du sol bétonné. Au loin, dans une demi-brume, ce doit être l’île de Groix. Le bateau se dirigeant vers me le confirme.
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Un tas de soucis techniques me tombent dessus en même temps, la batterie de mon téléphone ne tient plus la charge, l’image se floute avant que j’appuie sur le déclencheur de mon appareil photo, le Crédit à Bricoles m’a supprimé l’envoi d’un code me permettant de faire des achats via Internet et ce samedi après-midi Effe Bé ne m’envoie pas le code de confirmation nécessaire pour m’y connecter et publier mes photos (déjà le matin, impossible d’y mettre mon texte du jour).
 

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