Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
27 janvier 2015
A l’approche des élections départementales, je vais voir de quoi parle sur son blog le Conseiller Général Socialiste Eric de Falco, pour qui j’ai voté au second tour la dernière fois, si je me souviens bien, ce qui ne se reproduira pas.
Je ne suis pas déçu du voyage. Sa page d’accueil affiche des problèmes techniques et ce message d’actualité : « L’été est enfin arrivé! Chacun va prendre un repos bien mérité durant cette période, chaque jour une photo nouvelle, la rentrée va être intense, bon été à tous! Rendez-vous le 18 août. » La première vidéo est celle de ses voeux pour deux mille douze.
Le plus étonnant est ailleurs : dans les textes qui eux sont d’actualité. Plutôt que de traiter ce qui est de son domaine de compétence, les petites affaires du canton, Eric de Falco y évoque les problèmes nationaux et internationaux.
Intrigué par le contenu et le style du dernier paru (vingt-six janvier), je le gougueulise et découvre qu’il s’agit du copié collé d’un article de Libération du onze janvier « Un rassemblement qui ne marche pas de soi », renommé « Discriminations, récupération politique, Dieudonné. » et tranquillement signé Eric de Falco. Le précédent texte de de Falco, daté du vingt-cinq janvier, porte pour titre « La fin de l’humanité », c’est le copié collé d’un article du Monde paru le trois décembre deux mille quatorze et intitulé « Hawking: « L'intelligence artificielle pourrait mettre fin à l'humanité » ». Je suppose que les autres textes sont eux aussi volés.
Eric de Falco (ou le sous-fifre qui s’occupe de son blog) ne manque pas de culot.
Je ne suis pas déçu du voyage. Sa page d’accueil affiche des problèmes techniques et ce message d’actualité : « L’été est enfin arrivé! Chacun va prendre un repos bien mérité durant cette période, chaque jour une photo nouvelle, la rentrée va être intense, bon été à tous! Rendez-vous le 18 août. » La première vidéo est celle de ses voeux pour deux mille douze.
Le plus étonnant est ailleurs : dans les textes qui eux sont d’actualité. Plutôt que de traiter ce qui est de son domaine de compétence, les petites affaires du canton, Eric de Falco y évoque les problèmes nationaux et internationaux.
Intrigué par le contenu et le style du dernier paru (vingt-six janvier), je le gougueulise et découvre qu’il s’agit du copié collé d’un article de Libération du onze janvier « Un rassemblement qui ne marche pas de soi », renommé « Discriminations, récupération politique, Dieudonné. » et tranquillement signé Eric de Falco. Le précédent texte de de Falco, daté du vingt-cinq janvier, porte pour titre « La fin de l’humanité », c’est le copié collé d’un article du Monde paru le trois décembre deux mille quatorze et intitulé « Hawking: « L'intelligence artificielle pourrait mettre fin à l'humanité » ». Je suppose que les autres textes sont eux aussi volés.
Eric de Falco (ou le sous-fifre qui s’occupe de son blog) ne manque pas de culot.
26 janvier 2015
Pour la vingtième fois les Amys du Vieux Dieppe organisent une vente de livres d’occasion et pour la première fois j’en entends parler, aussi suis-je occupé ce dimanche matin à gratter mon pare-brise avec une vieille carte téléphonique.
La salle Paul Eluard se trouve près de l’Hôtel de Ville. Elle s’ouvre à neuf heures. Une trentaine de vendeurs y sont installés, des particuliers, des associations et des professionnels. Parmi les visiteurs, je découvre deux bouquinistes de Rouen, l’un du Clos Saint-Marc et l’une ayant pignon sur rue. Je déchante vite, sur les tables beaucoup d’ouvrages régionalistes et de littérature de bas de gamme. J’ai beau faire trois fois le tour, je ne trouve pas le moindre ouvrage à mon goût.
A dix heures, je suis dehors et rejoins le port en passant près de l’église entourée de barrières. Elle menace ruine, ce qui doit inquiéter les Amys du Vieux Dieppe et le curé Geoffroy de la Tousche. Celui-ci est heureusement l’ami du maire communiste Sébastien Jumel avec qui il va en ouiquennede au Vatican. Une grue géante télescopique jaune est déjà sur place.
J’entre au Tout Va Bien et m’y réchauffe d’un café. A la table voisine s’installe un couple de trentenaires muni d’un bébé heureusement endormi. J’apprends vite qu’il s’agit de professeurs des écoles car en ce jour de repos au bord de la mer ils parlent du boulot, de la liaison entre les cycles.
-Abidjan, c’est bien en Egypte ? lui demande-t-elle un peu plus tard.
-C’est pas en Malgache ? lui répond-il.
-A Madagascar, tu veux dire ?
-Oui, c’est ça, je crois que c’est à Madagascar.
Le téléphone leur donne la bonne réponse. Je me demande dans quelles classes de quelle commune ils sévissent.
A midi, je déjeune sous la véranda ensoleillée du Nautic, avec vue sur le port à marée basse. Ce restaurant est tenu par un jeune couple dont c’est la première année d’exercice, lui en cuisine, elle au service, leur slogan : « simplement bon ». Ils promettent produits frais et plats faits maison mais diffusent une radio néfaste heureusement peu audible.
Je suis le seul à y manger en solitaire. Le reste de la clientèle est constitué de couples d’un certain âge, dont une madame Dubout et son petit mari. Chaque duo joue une variante de cette tragédie intime dont la caractéristique est l’absence de texte. Tout est dans les regards qui s’évitent et ne savent où se poser.
Je choisis les fruits de mer farcis, la marmite du pêcheur et le pain perdu au caramel salé. Avec un quart de chardonnay, cela fait vingt-quatre euros et c’est simplement bon.
*
Je n’ai guère écouté Le Pop Club de José Artur, mort ce samedi à l’âge de quatre-vingt-sept ans, émission dont il avait toujours l’air d’être l’invité principal, mais comment ne pas penser lors de l’annonce de cette nouvelle au coup de téléphone qu’il donna une nuit chez mes parents pour leur annoncer que mon frère Jacques, fugueur récidiviste au temps de son adolescence, était avec lui et qu’il se chargeait de le convaincre de rentrer.
*
Ce lundi matin, en vitrine du Rêve de l’Escalier, l’Anthologie de la photo de nu d’Olivier Louis. La couverture montre une jeune femme aux seins nus. Ces derniers ont été masqués par le bouquiniste à l’aide d’un rectangle rouge grossièrement fixé avec un adhésif. Chaque jour, la pudibonderie gagne du terrain.
La salle Paul Eluard se trouve près de l’Hôtel de Ville. Elle s’ouvre à neuf heures. Une trentaine de vendeurs y sont installés, des particuliers, des associations et des professionnels. Parmi les visiteurs, je découvre deux bouquinistes de Rouen, l’un du Clos Saint-Marc et l’une ayant pignon sur rue. Je déchante vite, sur les tables beaucoup d’ouvrages régionalistes et de littérature de bas de gamme. J’ai beau faire trois fois le tour, je ne trouve pas le moindre ouvrage à mon goût.
A dix heures, je suis dehors et rejoins le port en passant près de l’église entourée de barrières. Elle menace ruine, ce qui doit inquiéter les Amys du Vieux Dieppe et le curé Geoffroy de la Tousche. Celui-ci est heureusement l’ami du maire communiste Sébastien Jumel avec qui il va en ouiquennede au Vatican. Une grue géante télescopique jaune est déjà sur place.
J’entre au Tout Va Bien et m’y réchauffe d’un café. A la table voisine s’installe un couple de trentenaires muni d’un bébé heureusement endormi. J’apprends vite qu’il s’agit de professeurs des écoles car en ce jour de repos au bord de la mer ils parlent du boulot, de la liaison entre les cycles.
-Abidjan, c’est bien en Egypte ? lui demande-t-elle un peu plus tard.
-C’est pas en Malgache ? lui répond-il.
-A Madagascar, tu veux dire ?
-Oui, c’est ça, je crois que c’est à Madagascar.
Le téléphone leur donne la bonne réponse. Je me demande dans quelles classes de quelle commune ils sévissent.
A midi, je déjeune sous la véranda ensoleillée du Nautic, avec vue sur le port à marée basse. Ce restaurant est tenu par un jeune couple dont c’est la première année d’exercice, lui en cuisine, elle au service, leur slogan : « simplement bon ». Ils promettent produits frais et plats faits maison mais diffusent une radio néfaste heureusement peu audible.
Je suis le seul à y manger en solitaire. Le reste de la clientèle est constitué de couples d’un certain âge, dont une madame Dubout et son petit mari. Chaque duo joue une variante de cette tragédie intime dont la caractéristique est l’absence de texte. Tout est dans les regards qui s’évitent et ne savent où se poser.
Je choisis les fruits de mer farcis, la marmite du pêcheur et le pain perdu au caramel salé. Avec un quart de chardonnay, cela fait vingt-quatre euros et c’est simplement bon.
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Je n’ai guère écouté Le Pop Club de José Artur, mort ce samedi à l’âge de quatre-vingt-sept ans, émission dont il avait toujours l’air d’être l’invité principal, mais comment ne pas penser lors de l’annonce de cette nouvelle au coup de téléphone qu’il donna une nuit chez mes parents pour leur annoncer que mon frère Jacques, fugueur récidiviste au temps de son adolescence, était avec lui et qu’il se chargeait de le convaincre de rentrer.
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Ce lundi matin, en vitrine du Rêve de l’Escalier, l’Anthologie de la photo de nu d’Olivier Louis. La couverture montre une jeune femme aux seins nus. Ces derniers ont été masqués par le bouquiniste à l’aide d’un rectangle rouge grossièrement fixé avec un adhésif. Chaque jour, la pudibonderie gagne du terrain.
23 janvier 2015
Ce jeudi soir, c’est vernissage rue de la Chaîne à la galerie du Pôle Image (institution subventionnée par la Région et l’Etat) et pas question d’entrer avant l’heure officielle. Pendant qu’à l’intérieur Jean-Paul Berrenger classe ostensiblement des images, les premiers arrivés dont je suis se pèlent sur le trottoir.
Enfin la porte est ouverte et nous pouvons découvrir Tilt, double exposition, une moitié pour Didier Mouchel, le maître des lieux, qui présente sa collection personnelle, une moitié pour Jean-Paul Berrenger, l’invité, qui présente des photos achetées et secrètement retravaillées.
Le titre de la double expo est venu de Roland Barthes : « Par la marque de quelque chose, la photo n’est plus quelconque. Ce quelque chose a fait tilt, il a provoqué en moi un petit ébranlement. » Des décennies que je n’avais pas entendu ce « ça a fait tilt » qui polluait les conversations autrefois et signifiait « tout à coup j’ai compris kekchose », expression ayant pour synonyme « piger », qui date autant.
Que ce soit parmi les photos de la collection personnelle de Didier Mouchel ou parmi celles modifiées ou non de Jean-Paul Berrenger, je ne trouve pas de quoi ressentir un petit ébranlement et comme dans le nombreux public, nul ne dit quoi que ce soit sur ce qu’il voit, je n’ai rien à noter mentalement. Je reporte mon attention sur chaque tête, jouant au jeu du sosie. La pêche est maigre, un faux Daeninckx et un faux Mocky.
Une femme à cheveux courts prend la parole. Elle explique que cet évènement marque la fin de la galerie du Pôle Image sous cette forme. Didier Mouchel a fait valoir ses droits à la retraite. Son successeur sera « freelance ». Le malheureux, me dis-je.
Didier Mouchel rappelle qu’il n’est pas un artiste et explique que les photos qu’il montre sont celles qui lui ont été offertes ou qu’il a achetées.
Jean-Paul Berrenger se demande avec coquetterie s’il est lui un artiste. Du moins en a-t-il la tenue : combinaison de chantier noire à double fermeture Eclair remontant des pieds au cou et casquette où figurent ses initiales en miroir.
Il passe la parole à la batterie sur laquelle tape un certain René, sans doute l’instrument de musique que j’aie le moins envie d’entendre. Et comme il est pratiquement impossible d’approcher de la table où l’on peut obtenir un verre en plastique avec du vin dedans, je quitte l’endroit.
*
Tilt, ça me fait surtout penser au moment où le flipper secoué trop brutalement ne permet plus la poursuite du jeu, à une fin de partie.
Enfin la porte est ouverte et nous pouvons découvrir Tilt, double exposition, une moitié pour Didier Mouchel, le maître des lieux, qui présente sa collection personnelle, une moitié pour Jean-Paul Berrenger, l’invité, qui présente des photos achetées et secrètement retravaillées.
Le titre de la double expo est venu de Roland Barthes : « Par la marque de quelque chose, la photo n’est plus quelconque. Ce quelque chose a fait tilt, il a provoqué en moi un petit ébranlement. » Des décennies que je n’avais pas entendu ce « ça a fait tilt » qui polluait les conversations autrefois et signifiait « tout à coup j’ai compris kekchose », expression ayant pour synonyme « piger », qui date autant.
Que ce soit parmi les photos de la collection personnelle de Didier Mouchel ou parmi celles modifiées ou non de Jean-Paul Berrenger, je ne trouve pas de quoi ressentir un petit ébranlement et comme dans le nombreux public, nul ne dit quoi que ce soit sur ce qu’il voit, je n’ai rien à noter mentalement. Je reporte mon attention sur chaque tête, jouant au jeu du sosie. La pêche est maigre, un faux Daeninckx et un faux Mocky.
Une femme à cheveux courts prend la parole. Elle explique que cet évènement marque la fin de la galerie du Pôle Image sous cette forme. Didier Mouchel a fait valoir ses droits à la retraite. Son successeur sera « freelance ». Le malheureux, me dis-je.
Didier Mouchel rappelle qu’il n’est pas un artiste et explique que les photos qu’il montre sont celles qui lui ont été offertes ou qu’il a achetées.
Jean-Paul Berrenger se demande avec coquetterie s’il est lui un artiste. Du moins en a-t-il la tenue : combinaison de chantier noire à double fermeture Eclair remontant des pieds au cou et casquette où figurent ses initiales en miroir.
Il passe la parole à la batterie sur laquelle tape un certain René, sans doute l’instrument de musique que j’aie le moins envie d’entendre. Et comme il est pratiquement impossible d’approcher de la table où l’on peut obtenir un verre en plastique avec du vin dedans, je quitte l’endroit.
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Tilt, ça me fait surtout penser au moment où le flipper secoué trop brutalement ne permet plus la poursuite du jeu, à une fin de partie.
22 janvier 2015
Ce mercredi matin, arrivé à Paris, je rejoins pédestrement le quartier de l’Opéra et après un café Chez Edmond, entre chez Book-Off. J’en suis quasiment le seul client et y flâne à mon aise. Les employées s’y plaignent de ne pas avoir mangé assez de galettes cette année et envisagent d’en acheter encore une avant la fin du mois. C’est aussi pour cette raison que mon circuit habituel est modifié. A onze heures, je frappe à la porte de celle qui m’attend dans le dix-huitième arrondissement.
Son appartement est maintenant meublé à son goût et par la fenêtre, on a toujours une belle vue sur des façades et toits d’immeubles pas trop proches dominés aujourd’hui par le ciel bleu. Cela ne va hélas pas durer, le permis de construire est affiché, des échafaudages arrivés. Un immeuble de six étages va être planté dans la dent creuse. Il bouchera aussi la vue.
Nous sommes heureux de nous retrouver. Elle me montre le Charlie Hebdo des survivant(e)s qu’elle a réussi à acheter puis nous partageons le délicieux plat de sa confection, une cuisse de poulet rôtie accompagnée de pommes de terre au four et d’autres légumes dont j’oublie le nom, avec un bon vin, cela suivi du partage de la galette des rois d’un boulanger du quartier.
Lorsqu’il me faut la quitter, je rejoins le Père Lachaise, exactement l’endroit où j’étais avec les deux gendarmes mobiles le dimanche de la marche monumentale. Le graffiti rouge a été effacé. La circulation automobile a repris ses droits (comme on dit). Dans une petite rue voisine du carrefour se trouve une maison d’édition dont l’une des responsables m’a acheté un livre que je lui remets.
Je rejoins ensuite la Bastille à pied, descendant toute la rue du Chemin Vert, passant devant La Musardine sans avoir envie d’y entrer puis devant toutes les boutiques chinoises de vêtements chinois réservées à la clientèle de gros et demi-gros et arrive au boulevard Richard-Lenoir. A l’endroit où le policier a été tué est érigée une sorte d’autel couvert de fleurs et de bougies où certain(e)s font leurs dévotions.
En ce milieu d’après-midi, le Book-Off du faubourg Saint-Antoine est fort achalandé, difficile d’y circuler. Quand j’en ai assez, je prends le bus Vingt qui passe par la République où certain(e)s font leurs dévotions devant la statue, puis par les Grands Boulevards, celui des Italiens, l’Opéra et les Galeries Lafayette, jusqu’à son terminus, Saint-Lazare.
Un train sans histoire me reconduit à Rouen où les voyageurs sont accueillis en haut des marches par trois soldats en arme, le canon dirigé vers le sol mais le doigt sur la gâchette. A la sortie de la gare, une fille m’aborde pour me demander comment faire pour aller à Elbeuf.
-Eh bien, par le train, lui dis-je.
Elle m’apprend qu’elle a raté le dernier. Le train du Havre où elle est allée voir ses parents a eu du retard et elle a manqué la correspondance.
-Il y a des bus en journée, lui dis-je, mais à cette heure-là c’est terminé. Il va falloir que vous appeliez quelqu’un.
-Je n’ai que mon frère à Elbeuf, il n’a pas de voiture et nous n’y connaissons personne.
Pendant que nous descendons la rue de la Jeanne, cette demoiselle m’explique qu’elle vit chez ce frère depuis peu, ayant quitté Le Havre pour fuir de mauvaises fréquentations. Elle n’a pas d’argent pour aller à l’hôtel.
Je lui dis que j’ai une chambre libre chez moi et que je peux l’héberger pour la nuit. Evidemment, elle refuse.
-Vous n’allez tout de même pas passer la nuit dehors, c’est dangereux et vous allez mourir de froid.
Elle me dit qu’elle va faire du stop.
Convaincre cette fille perdue qu’elle serait plus en sécurité chez moi est mission impossible.
-Mon frère ne veut pas que j’aille chez des gens que je ne connais pas, me dit-elle.
-Le stop est aussi dangereux, lui dis-je.
-Je vais essayer de trouver une dame, me répond-elle.
Au carrefour avec la rue aux Juifs, nos chemins se séparent. Elle me souhaite une bonne soirée et je lui souhaite bonne chance, espérant ne pas avoir de ses nouvelles à la rubrique faits divers des sites d’information locale.
*
Si elle a trouvé une voiture avec une dame au volant, la conversation a dû être la suivante :
-Il y a un monsieur qui m’a proposé de m’héberger, il avait l’air gentil mais j’ai préféré refuser.
-Vous avez eu raison. Avec les hommes, on ne sait jamais.
Son appartement est maintenant meublé à son goût et par la fenêtre, on a toujours une belle vue sur des façades et toits d’immeubles pas trop proches dominés aujourd’hui par le ciel bleu. Cela ne va hélas pas durer, le permis de construire est affiché, des échafaudages arrivés. Un immeuble de six étages va être planté dans la dent creuse. Il bouchera aussi la vue.
Nous sommes heureux de nous retrouver. Elle me montre le Charlie Hebdo des survivant(e)s qu’elle a réussi à acheter puis nous partageons le délicieux plat de sa confection, une cuisse de poulet rôtie accompagnée de pommes de terre au four et d’autres légumes dont j’oublie le nom, avec un bon vin, cela suivi du partage de la galette des rois d’un boulanger du quartier.
Lorsqu’il me faut la quitter, je rejoins le Père Lachaise, exactement l’endroit où j’étais avec les deux gendarmes mobiles le dimanche de la marche monumentale. Le graffiti rouge a été effacé. La circulation automobile a repris ses droits (comme on dit). Dans une petite rue voisine du carrefour se trouve une maison d’édition dont l’une des responsables m’a acheté un livre que je lui remets.
Je rejoins ensuite la Bastille à pied, descendant toute la rue du Chemin Vert, passant devant La Musardine sans avoir envie d’y entrer puis devant toutes les boutiques chinoises de vêtements chinois réservées à la clientèle de gros et demi-gros et arrive au boulevard Richard-Lenoir. A l’endroit où le policier a été tué est érigée une sorte d’autel couvert de fleurs et de bougies où certain(e)s font leurs dévotions.
En ce milieu d’après-midi, le Book-Off du faubourg Saint-Antoine est fort achalandé, difficile d’y circuler. Quand j’en ai assez, je prends le bus Vingt qui passe par la République où certain(e)s font leurs dévotions devant la statue, puis par les Grands Boulevards, celui des Italiens, l’Opéra et les Galeries Lafayette, jusqu’à son terminus, Saint-Lazare.
Un train sans histoire me reconduit à Rouen où les voyageurs sont accueillis en haut des marches par trois soldats en arme, le canon dirigé vers le sol mais le doigt sur la gâchette. A la sortie de la gare, une fille m’aborde pour me demander comment faire pour aller à Elbeuf.
-Eh bien, par le train, lui dis-je.
Elle m’apprend qu’elle a raté le dernier. Le train du Havre où elle est allée voir ses parents a eu du retard et elle a manqué la correspondance.
-Il y a des bus en journée, lui dis-je, mais à cette heure-là c’est terminé. Il va falloir que vous appeliez quelqu’un.
-Je n’ai que mon frère à Elbeuf, il n’a pas de voiture et nous n’y connaissons personne.
Pendant que nous descendons la rue de la Jeanne, cette demoiselle m’explique qu’elle vit chez ce frère depuis peu, ayant quitté Le Havre pour fuir de mauvaises fréquentations. Elle n’a pas d’argent pour aller à l’hôtel.
Je lui dis que j’ai une chambre libre chez moi et que je peux l’héberger pour la nuit. Evidemment, elle refuse.
-Vous n’allez tout de même pas passer la nuit dehors, c’est dangereux et vous allez mourir de froid.
Elle me dit qu’elle va faire du stop.
Convaincre cette fille perdue qu’elle serait plus en sécurité chez moi est mission impossible.
-Mon frère ne veut pas que j’aille chez des gens que je ne connais pas, me dit-elle.
-Le stop est aussi dangereux, lui dis-je.
-Je vais essayer de trouver une dame, me répond-elle.
Au carrefour avec la rue aux Juifs, nos chemins se séparent. Elle me souhaite une bonne soirée et je lui souhaite bonne chance, espérant ne pas avoir de ses nouvelles à la rubrique faits divers des sites d’information locale.
*
Si elle a trouvé une voiture avec une dame au volant, la conversation a dû être la suivante :
-Il y a un monsieur qui m’a proposé de m’héberger, il avait l’air gentil mais j’ai préféré refuser.
-Vous avez eu raison. Avec les hommes, on ne sait jamais.
21 janvier 2015
Dans la deuxième moitié des années soixante-dix, Scutenaire a entre soixante-neuf et soixante-quinze ans et est fort troublé par les jeunes filles hamiltoniennes, comme en témoignent ces inscriptions :
Au contraire de mes coutumes, je suis attiré aussi par une demoiselle sa voisine, de treize à quatorze ans, formée déjà, très court vêtue, parfois en uniforme bleu marine de lycéenne, aux creux de genoux qui m’éblouissent. Elle porte lunettes, ses cheveux sont noirs et tirés. Je la crois Turque ou à demi, car je l’ai vue en compagnie d’une forte femme visiblement, par l’habit, de nation ottomane.
L’aînée de ma boulangère a dix-sept ans, elle est une des plus belles filles que j’ai vues pour ce qui est du corps sinon pour le visage, qui pourtant n’a rien de laid. Pas coquette ou sûre d’elle, elle s’habille n’importe comment. Les jours de jupe très courte j’admire ses jambes et haut ses cuisses pleines, qu’elle croise sans prudence et, je crois, sans provocation.
Dans une auberge du Luberon, une adolescente au bon regard en robe pauvrette doucement jolie et tendrement courtoise. Voilà trois ans qu’on ne l‘a vue et elle n’a point disparu de mes songeries aussi pures que brûlantes.
Sachez, mademoiselle, qu’un bon priape doit avoir la largeur de l’index et du majeur réunis, la longueur, main ouverte, du bout du pouce jusqu’à l’extrémité du majeur.
Enseigner le plaisir, ils appellent ça dépraver.
Louis Scutenaire étant mort le quinze août mil neuf cent quatre-vingt-sept, il n’a pas connu l’époque où ses penchants deviendront suspects, voire même répréhensibles.
Au contraire de mes coutumes, je suis attiré aussi par une demoiselle sa voisine, de treize à quatorze ans, formée déjà, très court vêtue, parfois en uniforme bleu marine de lycéenne, aux creux de genoux qui m’éblouissent. Elle porte lunettes, ses cheveux sont noirs et tirés. Je la crois Turque ou à demi, car je l’ai vue en compagnie d’une forte femme visiblement, par l’habit, de nation ottomane.
L’aînée de ma boulangère a dix-sept ans, elle est une des plus belles filles que j’ai vues pour ce qui est du corps sinon pour le visage, qui pourtant n’a rien de laid. Pas coquette ou sûre d’elle, elle s’habille n’importe comment. Les jours de jupe très courte j’admire ses jambes et haut ses cuisses pleines, qu’elle croise sans prudence et, je crois, sans provocation.
Dans une auberge du Luberon, une adolescente au bon regard en robe pauvrette doucement jolie et tendrement courtoise. Voilà trois ans qu’on ne l‘a vue et elle n’a point disparu de mes songeries aussi pures que brûlantes.
Sachez, mademoiselle, qu’un bon priape doit avoir la largeur de l’index et du majeur réunis, la longueur, main ouverte, du bout du pouce jusqu’à l’extrémité du majeur.
Enseigner le plaisir, ils appellent ça dépraver.
Louis Scutenaire étant mort le quinze août mil neuf cent quatre-vingt-sept, il n’a pas connu l’époque où ses penchants deviendront suspects, voire même répréhensibles.
20 janvier 2015
Lecture est faite de Mes Inscriptions 1974/1980 de Louis Scutenaire, ni poète, ni surréaliste, ni belge, A six heures du matin, le 29 juin 1905, quand je suis né, la Belle Epoque a été supprimée, ouvrage édité au Pré aux Clercs en mil neuf cent quatre-vingt-quatre. J’y ai trouvé des banalités, quelques répétitions, des poésies parfois, et les formules dont je me délecte et que je recense l’après-midi à l’Ubi (Nul n’a le droit de faire un choix dans mes œuvres, même pas moi.):
Je pense trop de mal des gens pour en médire.
Sa chair n’était pas pantelante mais je la pris tout de même.
Pendant qu’on l’égorgeait, elle criait d’une façon désagréable.
Je me suffis ; parfois il y en a même trop.
Je n’ai pas inventé la brouette mais de m’asseoir dessus plutôt que la pousser.
La démocratie consiste à faire voter les esclaves pour les valets du maître.
Militaires de tous les pays, unissez-vous.
Je pense, donc je fuis.
Leurs robes les portent.
Tous ces gens que je ne connais ni du cul ni de la tête…
Cet air traqué, buté, de la plupart des filles quand elles se sentent seules.
Se désintéresser passionnément de tout.
Il y a quelque chose : rien.
Ecrivez, écrivez, cela ne sert à rien.
L’existence des chrétiens prouve la non-existence de Dieu.
Mon privilège : ne pas m’identifier aux autres.
Regarder la réalité en farce.
Ne lisez pas les livres, ça les abîme.
Vous toutes que j’ai possédées et qui ne le savez pas…
Donner la vie est aussi coupable que l’ôter.
Une bêtise peut en réparer une autre.
C’est un bon exemple, à ne pas suivre.
La jonction crée l’orgasme.
Inutile de te chercher, tu ne vas rien trouver.
On apprend à écrire mal en lisant les ouvrages des autres.
Le pauvre homme se pend dans son grenier, le riche dans son salon.
Il est regrettable pour les vaches qu’elles soient si bonnes à manger.
Egoïste au point d’aimer mieux être malade qu’infirmier.
Liberté. n. f. (lat. libertas). Terme utilisé par les possédants pour inciter les pauvres à se laisser détrousser.
La vulve joyeuse.
La Belgique : une grosse farce faite par les Anglais aux Hollandais.
La solution d’un problème en est un autre.
S’il perçoit que son angoisse a cessé, l’anxieux commence à trembler.
*
« Mes Inscriptions sont une rivière de Californie, il faut tamiser des tonnes de sable et de gravier pour trouver quelques pépites, voire des paillettes. Remarquez, sable et gravier ne sont pas matières inutiles. » (Louis Scutenaire)
*
Une ultime, d’actualité : J’ai beau m’attendre au pire, ce qui arrive est toujours pire que je le pressentais. Serais-je optimiste ?
Je pense trop de mal des gens pour en médire.
Sa chair n’était pas pantelante mais je la pris tout de même.
Pendant qu’on l’égorgeait, elle criait d’une façon désagréable.
Je me suffis ; parfois il y en a même trop.
Je n’ai pas inventé la brouette mais de m’asseoir dessus plutôt que la pousser.
La démocratie consiste à faire voter les esclaves pour les valets du maître.
Militaires de tous les pays, unissez-vous.
Je pense, donc je fuis.
Leurs robes les portent.
Tous ces gens que je ne connais ni du cul ni de la tête…
Cet air traqué, buté, de la plupart des filles quand elles se sentent seules.
Se désintéresser passionnément de tout.
Il y a quelque chose : rien.
Ecrivez, écrivez, cela ne sert à rien.
L’existence des chrétiens prouve la non-existence de Dieu.
Mon privilège : ne pas m’identifier aux autres.
Regarder la réalité en farce.
Ne lisez pas les livres, ça les abîme.
Vous toutes que j’ai possédées et qui ne le savez pas…
Donner la vie est aussi coupable que l’ôter.
Une bêtise peut en réparer une autre.
C’est un bon exemple, à ne pas suivre.
La jonction crée l’orgasme.
Inutile de te chercher, tu ne vas rien trouver.
On apprend à écrire mal en lisant les ouvrages des autres.
Le pauvre homme se pend dans son grenier, le riche dans son salon.
Il est regrettable pour les vaches qu’elles soient si bonnes à manger.
Egoïste au point d’aimer mieux être malade qu’infirmier.
Liberté. n. f. (lat. libertas). Terme utilisé par les possédants pour inciter les pauvres à se laisser détrousser.
La vulve joyeuse.
La Belgique : une grosse farce faite par les Anglais aux Hollandais.
La solution d’un problème en est un autre.
S’il perçoit que son angoisse a cessé, l’anxieux commence à trembler.
*
« Mes Inscriptions sont une rivière de Californie, il faut tamiser des tonnes de sable et de gravier pour trouver quelques pépites, voire des paillettes. Remarquez, sable et gravier ne sont pas matières inutiles. » (Louis Scutenaire)
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Une ultime, d’actualité : J’ai beau m’attendre au pire, ce qui arrive est toujours pire que je le pressentais. Serais-je optimiste ?
19 janvier 2015
Après un mois et demi sans mettre le pied, l’œil et l’oreille à l’Opéra de Rouen, j’y suis de retour ce dimanche à seize heures en dé deux à l’orchestre pour La Cenerentola de Gioacchino Rossini. Ainsi situé près de la scène j’ai du mal à lire le surtitrage. Heureusement, je connais l’histoire, même si Charles Perrault est revisité.
C’est une agréable après-midi récréative, l’occasion d’oublier pendant plus de deux heures l’actualité pesante grâce à la bonne musique dirigée par Antonino Fogliani, la bonne mise en scène de Sandrine Anglade et la bonne distribution (même si à l’entracte il s’en trouve un pour se plaindre du ténor).
Pour ma part, je suis content de trouver dans le rôle d’une des méchantes sœurs, la malicieuse Jenny Daviet. Je serais Prince que je modifierais la fin de l’histoire, mais là non, le Prince épouse comme il se doit la vertueuse Cendrillon avec qui il travaillera à la reproduction de l’espèce.
*
Début de roman à suspense entendu dans la rue : « Ne voyant pas venir l’autorisation, je vais voir le chef de service… »
*
Conseil, que je ne suivrai pas, de la dame de la table d’à côté au Socrate :
-Trois jours de jeûne pur puis trois jours de mono diète aux petits légumes à chaque changement de saison. On sent que le corps se libère des toxines.
*
Dans un café parisien, mercredi dernier :
-Des films historiques qui se passent souvent à Rome avec des chars et des soldats, ça s’appelle comment ?
-Gospel ?
C’est une agréable après-midi récréative, l’occasion d’oublier pendant plus de deux heures l’actualité pesante grâce à la bonne musique dirigée par Antonino Fogliani, la bonne mise en scène de Sandrine Anglade et la bonne distribution (même si à l’entracte il s’en trouve un pour se plaindre du ténor).
Pour ma part, je suis content de trouver dans le rôle d’une des méchantes sœurs, la malicieuse Jenny Daviet. Je serais Prince que je modifierais la fin de l’histoire, mais là non, le Prince épouse comme il se doit la vertueuse Cendrillon avec qui il travaillera à la reproduction de l’espèce.
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Début de roman à suspense entendu dans la rue : « Ne voyant pas venir l’autorisation, je vais voir le chef de service… »
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Conseil, que je ne suivrai pas, de la dame de la table d’à côté au Socrate :
-Trois jours de jeûne pur puis trois jours de mono diète aux petits légumes à chaque changement de saison. On sent que le corps se libère des toxines.
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Dans un café parisien, mercredi dernier :
-Des films historiques qui se passent souvent à Rome avec des chars et des soldats, ça s’appelle comment ?
-Gospel ?
17 janvier 2015
M’étant mis dans la tête que la galerie 12.3 se tenait rue des Bons-Enfants je la cherche en vain, passant trois fois devant les militaires lourdement armés qui ont rejoint les policiers devant la synagogue (Une femme : « Bon courage, merci d’être là ». Un soldat : « Il n’y a pas de quoi. »). J’entre dans la galerie Racaille. Via Internet, son aimable responsable me remet sur le bon chemin : « Rue Beauvoisine ».
Au numéro cent vingt-trois de cette rue, derrière un échafaudage, se tient la petite galerie où l’on vernit ce vendredi soir l’exposition du photographe Vincent Verhaeren en sa présence. Preneur de son pendant trente-trois ans à la Radio Télévision Belge Francophone, et à ce titre présent sur tous les lieux de la planète où il se passait quelque chose d’important, Vincent Verhaeren avait avec lui un appareil photo qu'il ne gardait pas dans sa poche. A cela s’ajoutent les photos prises lors des voyages personnels. Il en résulte une collection impressionnante d’images en noir et blanc. Elles montrent essentiellement des désastres (guerres, insurrections, famines, coups d’Etat, etc.) et quelques moments heureux (révolution des œillets au Portugal). Leur intérêt n’est pas seulement documentaire mais aussi esthétique.
Comme nous ne sommes pas nombreux, il est aisé de discuter avec Vincent Verhaeren qui précise à l’un que ses photos sont en vente cent cinquante euros sans le cadre mais que ce n’est pas ça qui l’intéresse, c’est d’éveiller les consciences. Il ne se fait cependant pas d’illusions, constatant que dans presque tous les pays où il est passé la situation est encore pire aujourd’hui (hormis certains en Amérique Latine).
Il préfère le noir et blanc à la couleur parce qu’il va à l’essentiel et la photo au film parce qu’elle permet d’imaginer. Il raconte sa première exposition en quatre-vingt-sept au Musée de la Photographie de Charleroi qui dut être prolongée de six semaines en raison de son succès : « Tiens, je suis un photographe. », me suis-je dit.»
Je lui demande s’il est de la famille d’Emile. C’est possible mais rien n’est certain car les archives d’une maison communale ont brûlé. Il m’explique qu’actuellement ce n’est pas facile pour le poète en Belgique car les Flamands lui reprochent d’avoir écrit en français et les Wallons lui reprochent d’être un Flamand. Un jour, dans une manifestation officielle, il a vu une liste d’écrivains belges de langue française où le nom de Verhaeren n’était pas.
Je prends un verre de vin rouge, refais le tour des photos. Ma préférée montre une famille libanaise sur son balcon, souriante, saluant de la main en direction du photographe, le témoignage d’un moment de bonheur. Les murs de l’immeuble sont criblés de trous faits par des balles.
-Parlez-en autour de vous, me dit Vincent Verhaeren lorsque je pars. Voilà qui est fait.
*
Rouen, ce vendredi matin, sur la porte du marchand de journaux de la rue Beauvoisine : « Charlie est épuisé ». Il y a de quoi et il n’est pas le seul.
Au numéro cent vingt-trois de cette rue, derrière un échafaudage, se tient la petite galerie où l’on vernit ce vendredi soir l’exposition du photographe Vincent Verhaeren en sa présence. Preneur de son pendant trente-trois ans à la Radio Télévision Belge Francophone, et à ce titre présent sur tous les lieux de la planète où il se passait quelque chose d’important, Vincent Verhaeren avait avec lui un appareil photo qu'il ne gardait pas dans sa poche. A cela s’ajoutent les photos prises lors des voyages personnels. Il en résulte une collection impressionnante d’images en noir et blanc. Elles montrent essentiellement des désastres (guerres, insurrections, famines, coups d’Etat, etc.) et quelques moments heureux (révolution des œillets au Portugal). Leur intérêt n’est pas seulement documentaire mais aussi esthétique.
Comme nous ne sommes pas nombreux, il est aisé de discuter avec Vincent Verhaeren qui précise à l’un que ses photos sont en vente cent cinquante euros sans le cadre mais que ce n’est pas ça qui l’intéresse, c’est d’éveiller les consciences. Il ne se fait cependant pas d’illusions, constatant que dans presque tous les pays où il est passé la situation est encore pire aujourd’hui (hormis certains en Amérique Latine).
Il préfère le noir et blanc à la couleur parce qu’il va à l’essentiel et la photo au film parce qu’elle permet d’imaginer. Il raconte sa première exposition en quatre-vingt-sept au Musée de la Photographie de Charleroi qui dut être prolongée de six semaines en raison de son succès : « Tiens, je suis un photographe. », me suis-je dit.»
Je lui demande s’il est de la famille d’Emile. C’est possible mais rien n’est certain car les archives d’une maison communale ont brûlé. Il m’explique qu’actuellement ce n’est pas facile pour le poète en Belgique car les Flamands lui reprochent d’avoir écrit en français et les Wallons lui reprochent d’être un Flamand. Un jour, dans une manifestation officielle, il a vu une liste d’écrivains belges de langue française où le nom de Verhaeren n’était pas.
Je prends un verre de vin rouge, refais le tour des photos. Ma préférée montre une famille libanaise sur son balcon, souriante, saluant de la main en direction du photographe, le témoignage d’un moment de bonheur. Les murs de l’immeuble sont criblés de trous faits par des balles.
-Parlez-en autour de vous, me dit Vincent Verhaeren lorsque je pars. Voilà qui est fait.
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Rouen, ce vendredi matin, sur la porte du marchand de journaux de la rue Beauvoisine : « Charlie est épuisé ». Il y a de quoi et il n’est pas le seul.
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