Le Journal de Michel Perdrial

Le Journal de Michel Perdrial




Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

26 octobre 2024


La pluie intense, c’est pour le Var. L’Hérault reste au sec ce vendredi matin. Un bus Trois avec contrôleurs me conduit au Vieux-Port. Je m’engage sur la digue qui l’enserre, le Môle Saint-Louis, à l’extrémité duquel est érigé le Phare Saint-Louis, aujourd’hui désaffecté.
A mi-chemin, une plaque rappelle que c’est d’ici que partit le bateau Exodus le dix juillet mil neuf cent quarante-sept avec à son bord quatre mille cinq cent cinquante-quatre femmes, enfants et hommes juifs, venus de toute l’Europe, rescapés des camps de la mort, embarqués clandestinement pour rejoindre la « terre promise » (L’Exodus fut intercepté par les Anglais qui ramenèrent de force ses passagers en Allemagne).
Du bout de la digue, au pied du Phare, je découvre du côté du Terminal des Croisières un voilier de taille imposante. En rebroussant sur ce Môle, j’ai sous les yeux une bonne partie de Sète : Théâtre de la Mer, Cimetière Marin, Phare Saint-Clair, Citadelle, Décanale Saint-Louis.
Je reviens pédestrement le long du Port de Pêche puis du Canal Royal jusqu’au Tabary’s où je m’installe en terrasse découverte pour un café, un verre d’eau et la lecture des souvenirs de Jean Hugo. Les nuages sont là mais ils restent à l’horizon.
Vers onze heures, je passe le pont de la Savonnerie afin de me rendre au Terminal des Croisières. L’imposant voilier est le Sea Cloud Spirit immatriculé à La Valette. On ne peut le voir qu’à travers de larges grilles (comme le gorille de la chanson). C’est un navire de luxe de cent trente-huit mètres de long, un trois-mâts, dont le plus haut culmine à cinquante-huit mètres, à gréement traditionnel. Une grand-mère à sa petite-fille, en toute modestie : « On l’a vu à Tahiti mais c’était exceptionnel. Habituellement, il fait la Méditerranée. »
A midi, je déjeune au Central, chez Sylvie et Gérard, au bord du Canal, vue sur la verdure du Mont Saint-Clair par la rue qui prolonge le pont de la Civette. Je m’offre un quart de pichet de côtes de Thau blanc à six euros pour accompagner la marmite de la mer (soupe de poisson, dos de cabillaud, pommes de terre) à quatorze euros quatre-vingt-dix. Le dessert du jour est une tarte à la griotte pistache à quatre euros cinquante. Tout cela est très bon. Une gentille dame est au service.
De là, en face, au soleil du Classic pour le café etc. Encore une journée annoncée mauvaise par la météo où il n’aura non seulement pas plu mais fait soleil. A la table voisine, une grand-mère se donne beaucoup de mal pour avoir l’air dans le coup (comme on disait autrefois) devant ses petits-fils de quinze et dix-sept ans. « Heureusement, il n’a pas eu d’autres enfants, dit-elle d’un homme de leur famille, pourtant ce n’est pas faute d’avoir baisé à droite et à gauche. » Le père des deux grands garçons est outré par le vocabulaire de sa mère. On ne dit pas ça devant des enfants. Le grand-père ne s’en mêle pas. Il est un peu amorti. Lui, ce qu’il veut transmettre à ses petits-fils, c’est qu’il ne faut pas se couper les poils du nez car ils repoussent plus durs et plus gros. Même si ça fait mal, il faut les arracher avec une pince à épiler.
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On peut monter au sommet du Phare Saint-Louis l’après-midi contre trois euros cinquante. Je ne l’envisage pas, craignant de manquer de souffle avant d’être en haut.
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La voix du bus annonce le Mole au lieu du Môle, comme celle du métro de Rouen annonçait Technopole au lieu de Technopôle (un jour, ça a été corrigé).

25 octobre 2024


Un « épisode méditerranéen » est annoncé, pouvant commencer ce jeudi. Cela ne me dissuade pas de retourner à Mèze. Au départ du huit heures dix, le ciel est gris et même noir à l’horizon.
A l’arrivée, je fais le tour du Port jusqu’à la Capitainerie, longe la Plagette et découvre le Petit Port des Nacelles où sont amarrés des bateaux de taille réduite que veille la statue d’un jouteur stylisé. Je poursuis par le chemin de l’Etang où sèchent des filets de pêche. D’autres sont empilés sur des charrettes à bras. Parfois le soleil point. Notamment pour éclairer la Chapelle des Pénitents lorsque je la photographie en contre-plongée. Jean Hugo y aurait vu un signe.
De retour dans le Port, je prends un café au Tabou où maintenant Sami me serre la main. Le temps se maintient. Le soleil est parfois présent, mais sur l’autre côté du Port. On ne peut tout avoir (comme dit Madame Michu).
Je déjeune encore une fois dans ce sympathique bar restaurant qui ne fera plus à manger après les vacances de la Toussaint : un demi-camembert rôti, un faux filet frites et petits légumes, une crème brûlée. A l’issue, après que j’ai payé, celle des serveuses dont je ne connais pas le prénom m’offre un café au comptoir. Elle me demande si j’écris ou si je dessine. « Je vous vois avec votre petit carnet. »
Au Bar de l’Esplanade, on ne sert pas de café jusqu’à quatorze heures. Sur cette place sont deux autres cafés, le Gin Marina et le Commerce. Le nom du premier ne m’inspire guère. J’entre dans le second et je me demande si j’ai bien fait. Ce Café du Commerce est un lieu hautement pittoresque. Une faune alcoolisée s’y épanouit. Délaissant la grande salle rectangulaire, elle est agglomérée au comptoir ou devant la porte pour ceux qui fument. Des toilettes sont exclusivement réservées aux femmes. C’est écrit en gros et en rouge sur la porte. Elles vont chercher la clé. Car il y a des femmes dans ce bouge. Deux boivent un verre de vin blanc en jouant au billard, ou l’inverse. Les toilettes pour hommes sont défoncées. La porte ne ferme plus depuis longtemps. La patronne, une femme vulgaire, est en guerre avec un qu’elle ne veut pas servir. Je paie un euro cinquante et me tire de ce lieu que je verrais bien dans un faubourg mal famé. Il est situé face à la Mairie et à la Police Municipale.
J’attends le bus du retour à l’arrêt La Marianne près de la frêle statue qui lui donne son nom. Il y a là un abribus mais je n’en ai pas besoin car le temps est toujours meilleur qu’annoncé, pas une goutte de pluie ce jeudi.
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L’avenue Victor-Hugo entre la Gare de Sète et le Pont de Pierre, d’où part le bus pour Mèze, est bordée de platanes garnis d’étourneaux qui piaillent dans le noir. Se méfier de ce qui pourrait tomber, le sol en est maculé.
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Dans les bus, les conductrices et les conducteurs vous disent merci quand votre ticket bipe. Impossible de passer sans être en règle.
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Le demi-camembert rôti, une spécialité locale qu’il fallait bien que je me décide à goûter.
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Dans le Port de Mèze, un voilier nommé Théorème de l’Incomplétude. Il devrait y en avoir un second.
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Rentré, j’apprends que dimanche soir, pour une histoire de vol d’argent, un client a tiré avec une arme de poing sur un serveur du Café du Commerce de Mèze, le blessant gravement à l’abdomen.

24 octobre 2024


En saison pour aller à Marseillan à l’autre bout de l’Etang de Thau, on prend le bus Neuf. Hors saison, il est remplacé par le Neuf Cent Quinze dans lequel il faut réserver sa place via Internet. Ce que j’ai fait en choisissant de partir ce mercredi à huit heures seize du Passage du Dauphin.
Nous sommes deux passagers dans ce bus. Il emprunte la route de la Corniche avant de parcourir le Lido où s’étale sur douze kilomètres la plage de Sète. J’attendais mieux de cette longue digue du Lido. J’attendais quelque chose, mais il n’y a rien à voir. La route est serrée entre, à gauche, de la végétation haute et, à droite, la voie ferrée. A Marseillan Plage descend la vieille dame à chariot. On enjambe le Canal du Midi qui est peu de chose à son extrémité. J’ai choisi de descendre à l’arrêt Port, au cœur de Marseillan. Je fais le tour de ce Port et pas mal de photos car le soleil s’y prête, dont une de la Maison Noilly Prat. Puis je monte dans le bourg voir l’église et les rues autour. Tout cela ne manque pas de charme mais Marseillan ne vaut pas Mèze.
Je prends un café sur le Port, à deux euros, au soleil chez O’Soleil, unique passant à avoir été accueilli en terrasse alors qu’à dix heures on y dressait les tables pour midi. Les suivants ont été refusés. Je reste là à lire les souvenirs de Jean Hugo qui ne semble travaillé que par une chose : devenir catholique par le baptême maintenant que sa grand-mère non crédule est morte.
Après avoir constaté les prix pratiqués au bord de l’eau, je me rabats pour déjeuner sur le seul choix possible en ville, Le Relax, à la clientèle d’habitués. « Ça va Nicole ? » Nicole clope et picole à une table haute. J’en occupe une autre, le soleil dans le dos. J’opte pour le tartare de bœuf frites, à quatorze euros quand même, mais les frites sont fraîches et ce tartare est bien préparé. Trois ouvriers mangent à côté. « Je sais qu’elle s’appelle Vanessa parce que l’autre là, qui l’avait connue, il a tatoué Vanessa sur son bras. » Ici on paie en liquide.
Pour rentrer, j’ai réservé une place dans le treize heures vingt-sept. C’est un long et monotone retour pendant lequel je manque de m’endormir. Nous ne sommes que deux passagers qui descendons tous deux à Noël Guignon. Je traverse le pont de la Civette et me voici assis à la terrasse du Classic, le soleil dans le dos. Il est quatorze heures quinze. J’en ai pour une petite heure avant que l’ombre me rattrape.
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A Marseillan, une boutique nommée Le Thau/rréfacteur. Une femme à son chien : « Allez, on rentre, on va prendre rendez-vous chez le coiffeur. »
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Perfide grand-mère qui pour faire avancer son deux ans de petit-fils lui dit : « Allez viens, on va aller voir si le manège est ouvert. » Alors qu’elle sait très bien qu’il ne va se mettre à tourner que dans l’après-midi.
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Pire que les goélands, ces bandes de bicyclistes aidés par l’électricité qui s’abattent vers treize heures devant une terrasse où il s’attendent à ce qu’une table de onze soit disponible pour eux.

23 octobre 2024


Bon, le boulanger Bon est en vacances. Le bar tabac L’Avenue en bas d’icelle, nommée Victor Hugo, est ouvert et a des croissants. Je petit-déjeune là avant le premier bus Vingt de huit heures dix pour Mèze dont je n’ai pas tout vu. L’arrêt de départ, Pont de Pierre, est en face. Trois euros soixante-dix, c’est dire le prix du croissant.
Arrivé au bord de l’Etang de Thau, je tourne le dos au Port en empruntant l’allée Pierre Vassiliu au-dessus de la plage du Thalassa. Elle mène à l’Ecole de Voile. A des tables en bois une jeunesse encore endormie petit-déjeune. A côté sont la Maison du Temps Libre, la Cuisine Centrale et le Cinéma Le Taurus. Je continue au-delà sur la Promenade du Sergent-Chef Navarro. Elle me conduit au site de la Conque, naturel et protégé. Face à moi, de gauche à droite, le Mont Saint-Clair, les vingt kilomètres du Lido qui va de Sète à Marseillan, le village port conchylicole du Mourre Blanc et, les pattes dans l’eau, plein d’oiseaux, dont quatre flamands roses.
Revenu sur mes pas, je contourne le Port jusqu’au Tabou. « Vous allez bien ? » m’accueille Sami, l’aimable gérant. A côté de moi, on parle héritage. « Si j’avais su, j’aurais pas vendu mes vignes » « Dans la vie, il y a les baiseurs et les baisés » puis on dit du mal d’une qui passe, elle a un peu regrossi mais qu’est-ce qu’elle est moche. Je réserve la même table pour midi. Le plat du jour sera andouillette braisée écrasé de pommes de terre. « J’en aurai peu, si vous êtes intéressé, c’est mieux de la faire mettre de côté. » Ce que je fais. De l’autre côté du Port, un restaurant nommé La Mèzon.
En bas de la rue du Port, la Bouquinerie La Girafe est ouverte. La boutique vaut la peine pour elle-même, ses girafes et son désordre, qui selon le maître des lieux n’en est pas un. Tout est rangé, me dit-il. Quant au contenu, il est énorme, dans tous les genres et de toutes les qualités. Il faudrait fouiller, et cela pour un livre dont le prix n’est pas inscrit dessus. Je fais le tour sans intention d’achat et quelques photos. Ce bouquiniste est un grand baratineur. A celui qui veut acheter deux Tintin pour ses enfants, il explique que les Tintin (dont il a des dizaines) c’est toujours plus cher d’occasion que neuf à cause de la cote. « Regardez ça ! » Il sort cette fameuse cote. Résultat : l’un à quinze euros, l’autre à vingt. Le convaincu sort ses billets. « Vous faites une affaire, dans cinq ans, ils vaudront cinq euros de plus », affirme le commerçant.
Sorti de là indemne, je monte jusqu’à l’église pour regarder sa façade sur le conseil de l’ami d’Orléans qui est passé ici en mars. Effectivement, vestige de la période révolutionnaire, il y est inscrit République Française avec en dessous Liberté Egalité Fraternité.
Rillettes de sardines, andouillette braisée et écrasé de pommes de terre, tarte à la pêche, le tout pour vingt-deux euros quarante, c’est mon choix au Tabou et c’est Céleste qui prend la commande. Elle porte bien son prénom.
Pour le café, je me propulse à l’entrée de l’allée Pierre Vassiliu chez Oscarine, un gros établissement où pendant le service des repas du midi quelques tables restent à disposition pour prendre une boisson. Je suis un peu écrasé par la chaleur quand je bois ce café (un euro quatre-vingts) entouré de femmes qui discutent chiffon, Gucci Dior et tutti.
Le quatorze heures trente-sept me ramène à Sète sans que j’en aie fini avec Mèze.
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Aujourd’hui, c’est le jour anniversaire de la naissance de Georges Brassens. C’est donc le début de 22 V’la Georges, huit jours de spectacles à sa mémoire où je n’irai pas
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« Georges Brassens est né le 22 octobre 1921 au domicile de ses parents, au 54 rue de l’Hospice, devenu en 1982 le 20, rue Georges-Brassens. Il grandit dans ce quartier populaire baptisé « Révolution », entre un père libertaire dont la famille est venue de Castelnaudary et une mère pieuse née à Sète de parents italiens. » écrivait l’Agence France Presse à l’occasion de son centenaire.
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Pierre Vassiliu a passé les dernières années de sa vie à Mèze. Il est mort dans un hôpital de Sète. Ses cendres ont été dispersées dans l’Etang de Thau.

22 octobre 2024


Huit kilomètres seulement entre Sète et Frontignan Plage, il faut pourtant deux bus pour y aller, et la correspondance n’est pas la même au retour.
Ce lundi, alors que le ciel va devenir bleu, je prends le Onze de neuf heures à Noël Guignon et en descends à Square de la Liberté à Frontignan où je monte à neuf heures trente dans le Seize dont le terminus est La Bergerie sur la bande de terre entre l’Etang d’Ingril et la Méditerranée, un lieu dont j’espérais mieux, que des commerces pour touristes, et fermés.
Aussi je reviens avec le bus jusqu’au Port de Plaisance à l’arrêt Maison du Tourisme. D’un côté, l’Etang d’Ingril qui donnerait envie de se balader le long, mais c’est impossible, de l’autre, un vaste garage à bateaux, de type marina, une succession de bassins qui fatigue le marcheur, et enfin j’arrive à la plage, guère excitante, un seul café restaurant rencontré, sombre, cher et donnant sur une route.
J’en suis à me dire que je vais rentrer à Sète quand j’avise deux vieilles et un vieux sur un banc. Lui m’indique un autre restaurant, le MG, de l’autre côté du pont, un peu caché, près de l’arrêt de bus. Je leur dis que je m’attendais à plus de vie. « Ici c’est calme mais y a rien », me répond l’une. Ce qui est un bon résumé de la situation.
Au MG, un jeune homme dresse les tables extérieures. Il m’annonce un plat du jour à quatorze euros quatre-vingt-dix et accepte de me servir un café à la table du coin, deux euros. Je suis au bord du Port près du petit chantier naval. J’assiste au soulèvement d’un voilier par le portique à lanières. « Le temps tourne », dit un passant. Effectivement, le ciel bleu se charge de nuages et le vent fraichît. À quelques pas de là, jadis, Paul Valéry manqua se noyer dans la Seine au moment même où sur le pont passaient en voiture Mallarmé, sa femme, sa fille, sa chatte et ses perruches. me raconte Jean Hugo pour me faire patienter. C’est bien sa tombe, à Paul Va’ que j’ai vue hier, j’ai trouvé son nom écrit en gros en agrandissant ma photo.
Vers midi, il fait de nouveau bleu. Le plat du jour est une pressade de porc ibérique aux petits légumes corsés et jus de viande glacé. L’endroit est chic et la cuisine raffinée, seul le plat du jour est à ce prix. Une coupelle d’olives vertes de Lucques m’est offerte avec la carafe d’eau. Elles sont délicieuses et la pressade excellente. Deux couples mangent également en terrasse et dans chacun des deux, on ne se gêne pas pour montrer que l’on se déteste. MG signifie Entre Mer et Garrigue, apprends-je quand je paie.
Sur un banc face au Port, je me chauffe en attendant le bus Seize de treize heures trente-cinq. J’en descends à l’arrêt Gare de Frontignan. Neuf minutes plus tard, un Onze me ramène à Noël Guignon et à quatorze heures trente, je suis au Classic, terrasse café lecture au-dessus du Canal Royal.
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Vu au passage à Frontignan sa belle église fortifiée et des caves coopératives, mais pas la queue d’une vigne.
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A l’entrée de Sète, un long canal rectiligne au bord duquel se trouve le Conservatoire Manitas de Plata, né natif d’ici.

21 octobre 2024


Le jour tarde de plus en plus à se lever. Quand il y consent ce dimanche, le ciel est dégagé. Je prends pédestrement le chemin du Cimetière Marin et du Phare Saint-Clair juste au-dessus.
Je m’occupe d’abord du second. On ne peut s’en approcher tout près car il est entouré d'un haut grillage étant encore en fonction  J’en fais quelques photos et une de la Citadelle à côté dont les prises de vues sont interdites.
J’entre par la porte du haut dans le Cimetière Marin, là où est une pancarte indiquant Paul Valéry. D’autres me conduisent à sa tombe, du moins j’espère que c’est elle car avec le soleil et ma mauvaise vue je suis en peine de trouver son prénom sur la pierre. C’est plein de Valéry et il y a gravé un vers bien dans sa manière qui n’est pas pour me plaire. Un petit banc fait face à cette tombe supposée de Valéry. Je ne rêve pas, il y a une femme qui pleure et se lamente quelque part. Je la vois au détour d’une allée, une quinquagénaire en larmes devant une tombe qui pourtant ne semble pas récente. L’autre célébrité du lieu se trouve plus bas, fléchée elle aussi. La tombe de Jean Vilar est tristounette, son nom est dans un coin, au-dessus un récipient rouge dans lequel certains ont mis leur petite pierre. J’en ramasse une dans l’allée et l’ajoute au nom de l’ami comédien Bruno Bayeux qui ne m’a pourtant rien demandé. Ce cimetière n’est pas le plus beau des cimetières marins. Il manque de poésie, si j’ose dire. Je découvre qu’en plus, on y creuse à la pelleteuse et qu’il est coupé en deux par une route. Celle-ci traversée, je descends dans cette seconde partie jusqu’à trouver une sortie.
Craignant de ne pas avoir de place en terrasse le long du Canal Royal, je m’arrête au Souras Bar, vue sur le Port et le Phare Saint-Louis, soleil assuré, pour un café verre d’eau lecture de Jean Hugo, un euro quatre-vingts.
Vers onze heures, il fait presque trop chaud. Aussi je lève le camp, direction l’Idéal Bar pour six huîtres de Bouzigues et un verre de Picpoul, attablé à l’ombre avec vue sur les Halles et sur la foule des passants où l’on compte presque autant de chiens que d’enfants.
A midi, je déjeune à l’un de ces restaurants pour touristes du Port, Chez Jojo, huit bulots aïoli, un mi-cuit de thon et une crème brûlée pour la somme habituelle de vingt euros quatre-vingt-dix. Sur la carte, c’est écrit vingt-quatre euros quatre-vingt-dix mais, me dit la serveuse, « Ne vous préoccupez pas ça, c’est le prix pour la saison. » Autrement dit, l’été on se fait estamper. J’ai vue sur les énormes chalutiers, dont le Louis Nocca qui est à visiter. Chez Jojo n’offre pas l’apéro.
Je bois un premier café (deux euros) chez Jadounette, un bar glacier qui a sa terrasse sur une barge. C’est agréable d’être légèrement secoué à chaque passage de bateau. Puis, comme le temps est vraiment estival, je passe le pont de la Civette et m’installe à la terrasse du Central pour un autre café au soleil à deux euros. J’assiste à l’ahurissant défilé des familles sur le quai. Le monde s’écroule et ils continuent à se reproduire, enfournant tout ça dans de grosses voitures qui ajoutent au dérèglement climatique et servent accessoirement à écraser les bicyclistes.
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Sur une pierre tombale du Cimetière Marin, cette plaque : « A leur Docteur dévoué, ses fidèles clients » Ce médecin ne serait pas ravi s’il pouvait constater que ses patients  considéraient être ses clients.

20 octobre 2024


La Grimpette de Paul Va’, c’était hier. Chaque veille de vacances de Toussaint, les collégien(ne)s du Lycée Paul Valéry (ça fait aussi Collège) grimpent à la course jusqu’en haut du Mont Saint-Clair. Je choisis d’y grimper ce samedi matin avec le bus Cinq de huit heures cinquante.
J’espérais un meilleur temps, conforme à celui annoncé, mais encore une fois, il fait gris quand j’arrive devant l’imposante croix blanche (éclairée la nuit) qui domine l’esplanade d’où l’on à vue plongeante sur l’Etang de Thau et ses bourg à coquillages, sur le centre de Sète et son Port et sur la Méditerranée. A côté, discrète et ravissante, se trouve la Chapelle Notre-Dame de la Salette, heureusement ouverte. A l’intérieur, les fresques murales datant des années Cinquante s’abîment. On compte sur la charité publique pour les restaurer.
Je redescends à pied, passe devant la Citadelle (« Terrain militaire. Prises de vue interdites ») et arrive au pentu Jardin du Sémaphore. Assis sur un de ses bancs, je contemple le Port, son môle et, à l’extrémité de celui-ci, le phare Saint-Louis. A ma droite, sur le flanc du Mont, l’autre phare, Saint-Clair, toujours en activité, en dessous le Cimetière Marin, à ses pieds, le Théâtre de la Mer. Le soleil promis est maintenant là.
Arrivé en bas, je passe devant l’Office de Tourisme. Je m’y arrête pour demander un plan de Frontignan. On ne sait pas si on a ça mais on a un dépliant « Une journée à Frontignan ». « Ça ne m’intéresse pas, je vous ai demandé un plan. » « Je vais voir », me dit celle à qui j’ai affaire. Elle disparaît dans l’arrière-fond de la boutique. Trois minutes après, elle n’est pas revenue. Je m’en vais. L’Office de Tourisme de Sète est un des plus déplaisants que je connaisse.
La terrasse du Classic est complète quand je retrouve le Canal Royal, celle du Marina aussi. Je trouve une table à demi ensoleillée au Tabary’s. Sur les bateaux Canauxrama on fait des essais de micro. Dès que les familles sont là, les villes deviennent des parcs d’attraction. A Sète, c’est sur l’eau que ça se passe.
Pour déjeuner, direction l’Oscar Café où c’est paëlla et salade de chèvre chaud en entrée pour quinze euros. Le patron à la cuisinière (qui n’est peut-être pas sa femme) : « On risque d’avoir du monde ou pas ? » Eh bien, je suis le seul à manger. Au comptoir et sur le trottoir, les habituels habitués boivent un petit verre.
Une fois nourri, je longe le Canal jusqu’au Classic et réussis à choper une table en terrasse au soleil, parfaite pour lire après le café. Dans le livre de Jean Hugo, une photo de lui-même avec l’Abbé Mugnier en mil neuf cent trente au Mas de Fourques.
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Une femme à son mari : T’as pris un short, toi, lapin ? » Lapin !
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Ces enfants à qui leurs parents demandent en s’asseyant à une table de café « Vous voulez boire quelque chose ? » et qui savent qu’ils doivent répondre « Non, de l’eau, »
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Deux filles. C’est leur chien qui décide de tout. Elles ne peuvent se mettre au soleil pour boire un verre. « C’est pas bon pour ses pattes. »

19 octobre 2024


Un meilleur temps peut-être, un meilleur état de santé peut-être, ce vendredi je suis dans le bus Dix de huit heures quarante en direction de Balaruc qui se montre de loin au soleil quand nous longeons l’Etang de Thau à Frontignan.
J’en descends à l’arrêt Centre Nautique Manureva et là, déception, des nuages apparaissent et surtout un vent froid balaie la Promenade. Je fais néanmoins un quasi tour de la pointe où s’étale ce bourg thermal, m’arrêtant à la fresque en trompe-l’œil de la cabane à Lolo. Personne dehors, hormis des curistes à gros sac vide, spectacle déprimant. Par chance, un bus Dix direction Sète se présente derrière les Thermes, j’y monte.
A dix heures dix, je suis au Tabary’s. A l’intérieur où se retrouve la bourgeoisie bourgeoisante. Des oisifs et des actifs, dont un au téléphone qui tente de vendre une assurance décès. De fausses toiles d’araignées relient les loupiotes qui pendent du plafond car bientôt c’est Allo Ouine. Par la vitre, j’ai vue sur le bateau Vision Sous-Marine, un promène-touristes jaune sur lequel on s’affaire. Immobile depuis mon arrivée, il pourrait bouger dès demain avec l’arrivée des vacanciers de la Toussaint. Je commence là la relecture de Le Regard de la mémoire de Jean Hugo, lu il y a des années, dont j’ai tout oublié. Les souvenirs de l’arrière-petit-fils de Victor commencent en mil neuf cent quatorze à Granville :
Quand je pensais faire mon service en temps de paix, Paul Clemenceau m’avait conseillé de briguer l’emploi d’ordonnance :
–Tu coucheras avec la femme du capitaine, ajoutait-il.
A midi, je déjeune au Flore, un café restaurant un peu crapou en bas de la rue Gambetta, près d’une place où l’on creuse un parquigne souterrain, d’un menu à vingt euros quatre-vingt-dix : soupe de poisson, saucisse aligot d’Aveyron et tarte Tatin. La soupe de poisson est servie avec ses croûtons, sa rouille et son fromage à mettre dans le bol, la saucisse et l’aligot sont corrects, la Tatin décevante.
Sorti de là, je passe prendre un pull à mon logis provisoire puis je me risque à la terrasse du Marina pour un café verre d’eau Hugo, profitant, malgré le vent, de quelques éclaircies. Quand le soleil disparaît, moi aussi.
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Autre expression des serveuses et serveurs d’ici après qu’on leur a dit merci  « Avec plaisir ! »

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