Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
20 août 2022
Longtemps que je n’ai pas évoqué mes maladies, pas parlé de mon « état de santé ». Ce jeudi, mon médecin traitant est à peine rentré de vacances que je suis un peu avant neuf heures dans sa salle d’attente. Pour la première fois, j’ai noté dans mon carnet les points à évoquer. Ce n’est pas tant que ma mémoire décline, c’est qu’ils sont de plus en plus nombreux.
Quand le docteur me reçoit je commence par l’essentiel, dont je n’ai jamais encore vraiment discuté avec lui : mon problème de tuyauterie. Comme beaucoup de vieux, j’ai trop souvent envie d’uriner, ce qui complique la vie quotidienne. Un problème qui remonte à loin mais qui s’est aggravé. Il y a un mois, jugeant que ce n’était plus tenable, j’ai pris rendez-vous via Doctolib avec un urologue. Mon généraliste m’interroge sur le sujet puis fait de mes réponses un courrier pour ce spécialiste.
Nous faisons ensuite le point sur mon parcours chez le cardiologue où il m’avait envoyé l’an dernier après avoir constaté que mon cœur battait beaucoup trop vite. Cette fois, il le trouve battant sans excès. A la même époque, j’étais extrêmement essoufflé quand je montais un escalier, je ne le suis plus autant. « Je me demande si je n’ai pas été victime d’un Covid caché », lui dis-je. « C’est une bonne hypothèse », me répond-il.
Après avoir écouté mes poumons, il me dit qu’il y a une petite gêne en bas de ceux-ci. Il me demande si j’ai fumé autrefois. A ma réponse négative, il me dit que c’est sûrement dû à l’âge.
Mon médecin me fait ensuite une ordonnance pour la podologue afin qu’elle renouvelle mes semelles orthopédiques en novembre prochain. Depuis presque un an que j’en porte, je n’ai quasiment plus de douleurs aux pieds, il y a parfois des techniques qui me sont profitables.
Pour finir, je lui dis que je n’ai plus de nouvelles de mon hernie interne et il m’apprend que je dois cette année avoir un rappel de la vaccination contre le tétanos. Il faudra aussi faire la prise de sang du contrôle général annuel vers novembre.
Je le quitte muni d’une liasse de courriers et d’ordonnances.
*
L’une des ordonnances me mène ce vendredi un peu avant sept heures au laboratoire d’analyses médicales de la place Saint-Marc. En attendant son ouverture, j’observe comment les premiers vendeurs de drouille du marché sont assaillis au cul de leurs camionnettes par ceux qui espèrent mettre la main sur un objet dont ils tireront bénéfice. Ces besogneux me font penser aux goélands qui assaillent les chalutiers, en moins élégants, et en moins bruyants.
A l’ouverture, je suis le premier à être appelé par l’infirmière. Elle me demande pourquoi cette recherche du taux de Péhessa total. C’est pour un rendez-vous chez l’urologue. « Vous avez un problème ? », me demande-t-elle. « Evidemment, on ne va pas chez un urologue pour le plaisir », lui réponds-je. Si cette jeune femme manque de tact, elle se débrouille fort bien pour trouver ma veine et me piquer sans douleur.
A seize heures trente, je vais chercher mon résultat. Si un taux de Péhessa élevé peut indiquer un cancer de la prostate, le mien peut être considéré comme normal compte-tenu de mon âge, selon Le Figaro.
Quand le docteur me reçoit je commence par l’essentiel, dont je n’ai jamais encore vraiment discuté avec lui : mon problème de tuyauterie. Comme beaucoup de vieux, j’ai trop souvent envie d’uriner, ce qui complique la vie quotidienne. Un problème qui remonte à loin mais qui s’est aggravé. Il y a un mois, jugeant que ce n’était plus tenable, j’ai pris rendez-vous via Doctolib avec un urologue. Mon généraliste m’interroge sur le sujet puis fait de mes réponses un courrier pour ce spécialiste.
Nous faisons ensuite le point sur mon parcours chez le cardiologue où il m’avait envoyé l’an dernier après avoir constaté que mon cœur battait beaucoup trop vite. Cette fois, il le trouve battant sans excès. A la même époque, j’étais extrêmement essoufflé quand je montais un escalier, je ne le suis plus autant. « Je me demande si je n’ai pas été victime d’un Covid caché », lui dis-je. « C’est une bonne hypothèse », me répond-il.
Après avoir écouté mes poumons, il me dit qu’il y a une petite gêne en bas de ceux-ci. Il me demande si j’ai fumé autrefois. A ma réponse négative, il me dit que c’est sûrement dû à l’âge.
Mon médecin me fait ensuite une ordonnance pour la podologue afin qu’elle renouvelle mes semelles orthopédiques en novembre prochain. Depuis presque un an que j’en porte, je n’ai quasiment plus de douleurs aux pieds, il y a parfois des techniques qui me sont profitables.
Pour finir, je lui dis que je n’ai plus de nouvelles de mon hernie interne et il m’apprend que je dois cette année avoir un rappel de la vaccination contre le tétanos. Il faudra aussi faire la prise de sang du contrôle général annuel vers novembre.
Je le quitte muni d’une liasse de courriers et d’ordonnances.
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L’une des ordonnances me mène ce vendredi un peu avant sept heures au laboratoire d’analyses médicales de la place Saint-Marc. En attendant son ouverture, j’observe comment les premiers vendeurs de drouille du marché sont assaillis au cul de leurs camionnettes par ceux qui espèrent mettre la main sur un objet dont ils tireront bénéfice. Ces besogneux me font penser aux goélands qui assaillent les chalutiers, en moins élégants, et en moins bruyants.
A l’ouverture, je suis le premier à être appelé par l’infirmière. Elle me demande pourquoi cette recherche du taux de Péhessa total. C’est pour un rendez-vous chez l’urologue. « Vous avez un problème ? », me demande-t-elle. « Evidemment, on ne va pas chez un urologue pour le plaisir », lui réponds-je. Si cette jeune femme manque de tact, elle se débrouille fort bien pour trouver ma veine et me piquer sans douleur.
A seize heures trente, je vais chercher mon résultat. Si un taux de Péhessa élevé peut indiquer un cancer de la prostate, le mien peut être considéré comme normal compte-tenu de mon âge, selon Le Figaro.
19 août 2022
Retour à l’horaire d’autrefois, sept heures vingt-quatre, pour mon train de mercredi, les travaux d’Eole se poursuivent mais n’obligent plus en semaine au détour de Conflans-Sainte-Honorine. Je retrouve avec plaisir l’autoroute que longe la voie ferrée après la centrale de Porcheville, l’un de mes moments préférés entre Mantes-la-Jolie et Paris.
Après seulement une heure dix-sept de voyage nous sommes à Saint-Lazare. Je peux à nouveau prendre un bus Vingt-Neuf pour rejoindre la Bastille. J’y arrive à neuf heures trente, ce qui me donne le temps d’un long café de comptoir au bar tabac Le Voltigeur avec recherche de ce qui est lisible dans Le Parisien du jour, pas grand-chose.
Un couple de quinquagénaires m’a précédé devant le rideau métallique de Book-Off. A leurs pieds gisent plusieurs énormes cartons emplis de livres et de cédés à vendre. Lui est nerveux à l’idée que je puisse arriver avant eux au guichet des achats.
Mon sac à dos ne contient pas de livres à vendre. Je le pose derrière le comptoir avant de piocher dans les livres à un euro. Dans mon panier se côtoient Le Vide et le Plein (Carnets du Japon) de Nicolas Bouvier (Hoëbeke), Jours de printemps de Bashô (Publications Orientalises de France), La tristesse durera toujours d’Yves Charnet (La Table Ronde), Premier combat de Jean Moulin (Les Editions de Minuit) et Mémoires des maisons closes de Faubert Bolivar (Le Temps des Cerises). Il est onze heures dix quand j’en ai terminé, tout comme la vendeuse de livres et de cédés que son mari a laissé se débrouiller seule avec le fardeau.
Il pleut quand je sors. Je descends sous terre à Ledru-Rollin, l’une des stations qui hier soir était victime d’un fort orage, et avec les métros Huit et Trois atteins Quatre Septembre. Il ne pleut pas dans cet arrondissement mais où déjeuner ?
Les brasseries du quartier sont fermées temporairement ou définitivement. Je n’ai pas le goût des restaurants japonais à nouilles et à vapeur qui y pullulent. Faute d’autre choix, j’entre à la crêperie Chez Suzette dont le personnel est international. Je me contente d’une galette quatre fromages accompagnée d’un bol de pommes rissolées, le tout pour onze euros quarante.
Je n’ai que la rue à traverser pour entrer chez Book-Off. Là aussi je pose mon sac à dos derrière le comptoir avant de piocher dans les livres à un euro. Dans mon panier se côtoient Fou d’amour de Wolinski (Le Cherche Midi), Département des Nains de Martin Melkonian (Librairie Séguier), C’est la guerre de Louis Calaferte (Folio) et Horace à la campagne de Xavier Patier (La Petite Vermillon). Ce qui me fait acheter ce dernier, c’est qu’il est signé par l’auteur avec la dédicace suivante : « Pour Laurent, à garder pour toujours ».
Pour des raisons de prix du billet, je rentre plus tôt à Rouen cette semaine, avec le train Nomad partant à quinze heures quarante, une rame unique emplie d’ex-vacanciers, certains avec moutards braillards. C’est dans cette ambiance pénible que je termine ma lecture du jour : A la ligne (Feuillets d’usine) de Joseph Ponthus (Folio). Quelle vie difficile fut la sienne avant de mourir si tôt, quelle horreur ce travail d’intérimaire dans les usines de crustacés et de viande.
*
Maintenant Les Versets sataniques fait partie des livres neufs les mieux vendus. Pendant des années, j’ai vu des exemplaires du livre de Rushdie à un euro chez Book-Off. Et ne trouvant pas acheteur facilement. Peut-être même, pour certains d’entre eux, envoyés au recyclage.
*
Dans les rames du métro parisien, L’enfer c’est les autres de Sartre corrigé à l’encre rouge en « L’enfer c’est moi-même coupé des autres » et Il est temps de rallumer les étoiles d’Apollinaire en « Il est temps de rallumer les consciences ». Le censeur à stylo rouge est l’abbé Pierre. Encore un religieux qui se mêlait de ce qu’il convient d’écrire.
Après seulement une heure dix-sept de voyage nous sommes à Saint-Lazare. Je peux à nouveau prendre un bus Vingt-Neuf pour rejoindre la Bastille. J’y arrive à neuf heures trente, ce qui me donne le temps d’un long café de comptoir au bar tabac Le Voltigeur avec recherche de ce qui est lisible dans Le Parisien du jour, pas grand-chose.
Un couple de quinquagénaires m’a précédé devant le rideau métallique de Book-Off. A leurs pieds gisent plusieurs énormes cartons emplis de livres et de cédés à vendre. Lui est nerveux à l’idée que je puisse arriver avant eux au guichet des achats.
Mon sac à dos ne contient pas de livres à vendre. Je le pose derrière le comptoir avant de piocher dans les livres à un euro. Dans mon panier se côtoient Le Vide et le Plein (Carnets du Japon) de Nicolas Bouvier (Hoëbeke), Jours de printemps de Bashô (Publications Orientalises de France), La tristesse durera toujours d’Yves Charnet (La Table Ronde), Premier combat de Jean Moulin (Les Editions de Minuit) et Mémoires des maisons closes de Faubert Bolivar (Le Temps des Cerises). Il est onze heures dix quand j’en ai terminé, tout comme la vendeuse de livres et de cédés que son mari a laissé se débrouiller seule avec le fardeau.
Il pleut quand je sors. Je descends sous terre à Ledru-Rollin, l’une des stations qui hier soir était victime d’un fort orage, et avec les métros Huit et Trois atteins Quatre Septembre. Il ne pleut pas dans cet arrondissement mais où déjeuner ?
Les brasseries du quartier sont fermées temporairement ou définitivement. Je n’ai pas le goût des restaurants japonais à nouilles et à vapeur qui y pullulent. Faute d’autre choix, j’entre à la crêperie Chez Suzette dont le personnel est international. Je me contente d’une galette quatre fromages accompagnée d’un bol de pommes rissolées, le tout pour onze euros quarante.
Je n’ai que la rue à traverser pour entrer chez Book-Off. Là aussi je pose mon sac à dos derrière le comptoir avant de piocher dans les livres à un euro. Dans mon panier se côtoient Fou d’amour de Wolinski (Le Cherche Midi), Département des Nains de Martin Melkonian (Librairie Séguier), C’est la guerre de Louis Calaferte (Folio) et Horace à la campagne de Xavier Patier (La Petite Vermillon). Ce qui me fait acheter ce dernier, c’est qu’il est signé par l’auteur avec la dédicace suivante : « Pour Laurent, à garder pour toujours ».
Pour des raisons de prix du billet, je rentre plus tôt à Rouen cette semaine, avec le train Nomad partant à quinze heures quarante, une rame unique emplie d’ex-vacanciers, certains avec moutards braillards. C’est dans cette ambiance pénible que je termine ma lecture du jour : A la ligne (Feuillets d’usine) de Joseph Ponthus (Folio). Quelle vie difficile fut la sienne avant de mourir si tôt, quelle horreur ce travail d’intérimaire dans les usines de crustacés et de viande.
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Maintenant Les Versets sataniques fait partie des livres neufs les mieux vendus. Pendant des années, j’ai vu des exemplaires du livre de Rushdie à un euro chez Book-Off. Et ne trouvant pas acheteur facilement. Peut-être même, pour certains d’entre eux, envoyés au recyclage.
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Dans les rames du métro parisien, L’enfer c’est les autres de Sartre corrigé à l’encre rouge en « L’enfer c’est moi-même coupé des autres » et Il est temps de rallumer les étoiles d’Apollinaire en « Il est temps de rallumer les consciences ». Le censeur à stylo rouge est l’abbé Pierre. Encore un religieux qui se mêlait de ce qu’il convient d’écrire.
18 août 2022
Une de mes lectures brestoises : Lettres à sa femme de Donatien Alphonse François de Sade. De la lettre confession datée du vingt février mil sept cent quatre-vingt-un (le Marquis emprisonné l’appelle « Ma grande lettre »), j’extrais ce passage qui me fait sourire :
… je me suis adressé à Lyon à une maquerelle très en titre, et le lui ai dit : Je veux emmener chez moi trois ou quatre servantes, je les veux jeunes et jolies ; fournissez-les-moi comme cela. Cette maquerelle, qui était Nanon (…) me promet ces filles et me les donne. Je les emmène ; je m’en sers. Au bout de six mois, des parents viennent redemander ces filles, assurant qu’elles sont leurs enfants. Je les rends ; et tout d’un coup voilà contre moi un procès de rapt et de viol ! Mais voilà la plus grande des injustices. (…)
Trois autres filles, d’âge et d’état à ne pas être redemandées par leurs parents, ont habité ou avant ou après, également quelques semaines, le château de La Coste.
Autre moment réjouissant, cette formule tirée d’une missive de début novembre mil sept cent quatre-vingt-trois :
Ce n’est point ma façon de penser qui a fait mon malheur, c’est celle des autres.
… je me suis adressé à Lyon à une maquerelle très en titre, et le lui ai dit : Je veux emmener chez moi trois ou quatre servantes, je les veux jeunes et jolies ; fournissez-les-moi comme cela. Cette maquerelle, qui était Nanon (…) me promet ces filles et me les donne. Je les emmène ; je m’en sers. Au bout de six mois, des parents viennent redemander ces filles, assurant qu’elles sont leurs enfants. Je les rends ; et tout d’un coup voilà contre moi un procès de rapt et de viol ! Mais voilà la plus grande des injustices. (…)
Trois autres filles, d’âge et d’état à ne pas être redemandées par leurs parents, ont habité ou avant ou après, également quelques semaines, le château de La Coste.
Autre moment réjouissant, cette formule tirée d’une missive de début novembre mil sept cent quatre-vingt-trois :
Ce n’est point ma façon de penser qui a fait mon malheur, c’est celle des autres.
17 août 2022
De la pluie annoncée pour dimanche à Rouen et à la fin de la journée pas une goutte. De la pluie annoncée sous forme d’averses pour lundi et rien non plus. De la pluie annoncée sous forme d’orages pour mardi et que dalle. Il fait toujours aussi chaud. Une copropriétaire résidente tond la pelouse jaunie. Ah quand même, à dix-neuf heures, comme un seau d’eau jeté du ciel.
*
Une fille devant les livres de trottoir à cinquante centimes du Rêve de l’Escalier à sa copine :
-Je regarde si je trouve pas un livre.
-Tu cherches quoi ?
-Oh, un truc à lire.
*
L’employée du guichet provisoire de la Poste de la rue de la Jeanne (une nouvelle fois en travaux pour plusieurs mois) à un trentenaire qui a un souci :
-On ne prête pas sa carte bancaire à quelqu'un.
-Ce n’est pas quelqu’un, c’est mon frère.
*
Dans la vitrine de Boulanger une ardoise marquée « Bientôt la rentrée ». Les commerçants, ces grands pervers.
*
Une fille devant les livres de trottoir à cinquante centimes du Rêve de l’Escalier à sa copine :
-Je regarde si je trouve pas un livre.
-Tu cherches quoi ?
-Oh, un truc à lire.
*
L’employée du guichet provisoire de la Poste de la rue de la Jeanne (une nouvelle fois en travaux pour plusieurs mois) à un trentenaire qui a un souci :
-On ne prête pas sa carte bancaire à quelqu'un.
-Ce n’est pas quelqu’un, c’est mon frère.
*
Dans la vitrine de Boulanger une ardoise marquée « Bientôt la rentrée ». Les commerçants, ces grands pervers.
16 août 2022
Bien qu’il me souvienne avoir déclaré (c’était avant la Guerre du Covid) que, faute d’y avoir trouvé des livres pour me plaire, je n’irais plus au vide grenier du Quinze Août au Vaudreuil, sa reprise en deux mille vingt-deux me tente.
Pour y aller, il me faut prendre le train jusqu’à Val-de-Reuil puis marcher longuement au bord de l’Eure jusqu'au rond-point où commence le déballage. Mon désir décroit quand je découvre que bien que possesseur d’une carte de vieux, je dois désormais payer cinq euros soixante pour faire la vingtaine de kilomètres qui sépare Rouen de Védéherre, alors que pour faire Rouen Paris, c’est sept euros en s’y prenant un peu à l’avance. En deux mille dix-neuf, pour le même trajet le même jour, j’avais payé deux euros quatre-vingts, soit deux fois moins.
Cette tarification aberrante me donne à réfléchir. J’hésite. Si j’étais sûr de trouver quelques bons livres ce serait jouable, mais si je ne revenais qu’avec une ramette de papier payée deux euros au lieu de quatre en supermarché, elle m'aurait coûté treize euros vingt, et il me faudrait en supporter le poids durant la longue marche jusqu’à la Gare. La perspective d’averses possibles qu’annonce la météo m’aide à prendre ma décision. Je reste à Rouen.
Aucune averse n’est en vue quand je mets le pied dehors. Comme tous les jours, le ciel est bleu et il fait trop chaud. De quoi me donner envie dès le matin d’un café verre d’eau lecture, mais où ?
Après une longue errance de cafés fermés en cafés non encore ouverts, je suis sauvé par Le Rollon, rue Rollon, un bar tabac ayant une table à l’ombre où je m’installe avec la correspondance de la famille Pollock publiée sous le titre Lettres américaines. Je côtoie là un quidam en plein soleil avec son ordinateur, une vieille qui fume en toussant et des Témoins de Jéhovah ayant garé leur petite charrette pour boire un café. Bientôt, la vieille fumeuse est remplacée par un vieux couple d’hommes que je voyais à l’Opéra quand je le fréquentais. L’un d’eux gratte des jeux de hasard. A chaque fois qu’il perd, c’est-à-dire tout le temps, l’autre a un petit rire nerveux. Un piano se fait entendre dans les étages. En face, un magasin de vêtements pour enfants Okaïdi annonce sa prochaine ouverture. En ce jour férié, deux ouvriers que je devine étrangers y travaillent discrètement, ravitaillés par une camionnette blanche immatriculée dans le Neuf Quatre. Combien de boutiques à l’air respectable j’ai vu se créer ainsi à Rouen.
*
Au sol, près du banc du jardin, quand le jour se lève, des gravats. Durant la nuit, un morceau de l’enduit recouvrant le mur de briques de l’immeuble s’est détaché entre deux pans de bois et a chu, victime de la surchauffe et de la sécheresse. Et chacun, dont moi, et même les chats, de se dire : « Heureusement que je ne passais pas par là au moment fatidique ».
En fin de journée personne n’y a touché et il se passera sans doute plusieurs années avant que le dommage soit réparé.
Pour y aller, il me faut prendre le train jusqu’à Val-de-Reuil puis marcher longuement au bord de l’Eure jusqu'au rond-point où commence le déballage. Mon désir décroit quand je découvre que bien que possesseur d’une carte de vieux, je dois désormais payer cinq euros soixante pour faire la vingtaine de kilomètres qui sépare Rouen de Védéherre, alors que pour faire Rouen Paris, c’est sept euros en s’y prenant un peu à l’avance. En deux mille dix-neuf, pour le même trajet le même jour, j’avais payé deux euros quatre-vingts, soit deux fois moins.
Cette tarification aberrante me donne à réfléchir. J’hésite. Si j’étais sûr de trouver quelques bons livres ce serait jouable, mais si je ne revenais qu’avec une ramette de papier payée deux euros au lieu de quatre en supermarché, elle m'aurait coûté treize euros vingt, et il me faudrait en supporter le poids durant la longue marche jusqu’à la Gare. La perspective d’averses possibles qu’annonce la météo m’aide à prendre ma décision. Je reste à Rouen.
Aucune averse n’est en vue quand je mets le pied dehors. Comme tous les jours, le ciel est bleu et il fait trop chaud. De quoi me donner envie dès le matin d’un café verre d’eau lecture, mais où ?
Après une longue errance de cafés fermés en cafés non encore ouverts, je suis sauvé par Le Rollon, rue Rollon, un bar tabac ayant une table à l’ombre où je m’installe avec la correspondance de la famille Pollock publiée sous le titre Lettres américaines. Je côtoie là un quidam en plein soleil avec son ordinateur, une vieille qui fume en toussant et des Témoins de Jéhovah ayant garé leur petite charrette pour boire un café. Bientôt, la vieille fumeuse est remplacée par un vieux couple d’hommes que je voyais à l’Opéra quand je le fréquentais. L’un d’eux gratte des jeux de hasard. A chaque fois qu’il perd, c’est-à-dire tout le temps, l’autre a un petit rire nerveux. Un piano se fait entendre dans les étages. En face, un magasin de vêtements pour enfants Okaïdi annonce sa prochaine ouverture. En ce jour férié, deux ouvriers que je devine étrangers y travaillent discrètement, ravitaillés par une camionnette blanche immatriculée dans le Neuf Quatre. Combien de boutiques à l’air respectable j’ai vu se créer ainsi à Rouen.
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Au sol, près du banc du jardin, quand le jour se lève, des gravats. Durant la nuit, un morceau de l’enduit recouvrant le mur de briques de l’immeuble s’est détaché entre deux pans de bois et a chu, victime de la surchauffe et de la sécheresse. Et chacun, dont moi, et même les chats, de se dire : « Heureusement que je ne passais pas par là au moment fatidique ».
En fin de journée personne n’y a touché et il se passera sans doute plusieurs années avant que le dommage soit réparé.
15 août 2022
Je le constate, la tentative d’assassinat de Salman Rushdie par un musulman répondant à la fatoua de Khomeiny ne soulève qu’une indignation relative. Des politiciens la dénoncent sans nommer l’islamisme (ainsi Macron). D’autres se taisent (ainsi Mélenchon). Sur les réseaux sociaux, aucun hachetague jesuissalman. Certain(e)s qui affichaient leur soutien à l’idiot utile Piolle, Maire de Grenoble, Ecologiste, quand il voulait que chez lui on puisse se baigner en burkini sont aux abonné(e)s absent(e)s. Et toutes les bonnes âmes de répéter : « Attention de ne pas tomber dans l’islamophobie ».
Dans mon texte du quinze février deux mille seize, j’ai évoqué Joseph Anton, une autobiographie (Plon, deux mille douze) que je venais de lire, le livre dans lequel Salman Rushdie raconte sa vie d’homme traqué, quand il devait se cacher sous le nom de Joseph Anton (pseudo composé avec les prénoms de Conrad et Tchekhov). Il y écrit ceci, plus que jamais d’actualité :
Quelque chose de nouveau était en train de se produire, la montée d’une nouvelle intolérance. Elle se répandait à la surface de la terre mais personne ne voulait en convenir. Un nouveau mot avait été inventé pour permettre aux aveugles de rester aveugles : l’islamophobie.
« Islamophobie » était un nouveau terme ajouté à la novlangue d’Humpty Dumpty. Il prenait la place du langage de l’analyse, de la raison et de la discussion pour le mettre à l’envers.
*
Autre faux-cul, local, Nicolas Mayer-Rossignol, Socialiste, Maire de Rouen, qui choisit cet été de tous les dépassements climatiques pour discrètement annoncer que la ville n’autorisera plus les Vingt-Quatre Heures Motonautiques, alors que durant des années, Chef de la Région Haute-Normandie et élu municipal à Rouen, il s’est opposé à la demande des Écologistes de supprimer cette bouffonnerie.
Dans mon texte du quinze février deux mille seize, j’ai évoqué Joseph Anton, une autobiographie (Plon, deux mille douze) que je venais de lire, le livre dans lequel Salman Rushdie raconte sa vie d’homme traqué, quand il devait se cacher sous le nom de Joseph Anton (pseudo composé avec les prénoms de Conrad et Tchekhov). Il y écrit ceci, plus que jamais d’actualité :
Quelque chose de nouveau était en train de se produire, la montée d’une nouvelle intolérance. Elle se répandait à la surface de la terre mais personne ne voulait en convenir. Un nouveau mot avait été inventé pour permettre aux aveugles de rester aveugles : l’islamophobie.
« Islamophobie » était un nouveau terme ajouté à la novlangue d’Humpty Dumpty. Il prenait la place du langage de l’analyse, de la raison et de la discussion pour le mettre à l’envers.
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Autre faux-cul, local, Nicolas Mayer-Rossignol, Socialiste, Maire de Rouen, qui choisit cet été de tous les dépassements climatiques pour discrètement annoncer que la ville n’autorisera plus les Vingt-Quatre Heures Motonautiques, alors que durant des années, Chef de la Région Haute-Normandie et élu municipal à Rouen, il s’est opposé à la demande des Écologistes de supprimer cette bouffonnerie.
13 août 2022
« Ça ne m’est jamais arrivé. Ça ne se reproduira pas », me dit celle qui m’a offert mon téléphone portatif quand elle m’appelle sur mon téléphone fixe, ce vendredi matin, après m’avoir laissé si longtemps sans nouvelles d’elle que je commençais à sérieusement m’inquiéter sur son sort. Elle parle de la panne annoncée par un « Pas de service » sur l’écran qui m’avait conduit chez Phone Plus. Avec une extraction et une remise en place de la carte Sim, c’était reparti.
Quand elle raccroche, j’ouvre mon ordinateur et veux me connecter sur Effe Bé à l’aide du code envoyé via mon téléphone. Un « Pas de service » apparaît sur l’écran. Putain, me dis-je. Ce « Pas de service » disparaît au bout d’une minute ou deux.
L’après-midi, ça recommence. J’emporte cet IPhone chez Actimag, rue de la Rép, et explique le problème à un aimable jeune homme. Il est perplexe car à ce moment précis tout fonctionne à nouveau. Il se livre néanmoins à des manipulations pour effectuer je ne sais quel réglage. « Cela devrait aller mais si ça se reproduit, c’est qu’il y a un problème avec le téléphone ».
Combien je fulmine contre ces sites qui pour s’y connecter exigent désormais un numéro de « portable ».
*
Quand il est parti à la retraite le faïencier Augy avait laissé en souvenir la plaque signalétique au nom de la ruelle dont il était le créateur. Elle vient de disparaître. Volée sans doute. Ça n’empêchera malheureusement pas que continue le surtourisme dont la venelle est l’objet.
Quand elle raccroche, j’ouvre mon ordinateur et veux me connecter sur Effe Bé à l’aide du code envoyé via mon téléphone. Un « Pas de service » apparaît sur l’écran. Putain, me dis-je. Ce « Pas de service » disparaît au bout d’une minute ou deux.
L’après-midi, ça recommence. J’emporte cet IPhone chez Actimag, rue de la Rép, et explique le problème à un aimable jeune homme. Il est perplexe car à ce moment précis tout fonctionne à nouveau. Il se livre néanmoins à des manipulations pour effectuer je ne sais quel réglage. « Cela devrait aller mais si ça se reproduit, c’est qu’il y a un problème avec le téléphone ».
Combien je fulmine contre ces sites qui pour s’y connecter exigent désormais un numéro de « portable ».
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Quand il est parti à la retraite le faïencier Augy avait laissé en souvenir la plaque signalétique au nom de la ruelle dont il était le créateur. Elle vient de disparaître. Volée sans doute. Ça n’empêchera malheureusement pas que continue le surtourisme dont la venelle est l’objet.
12 août 2022
Encore une fois une rude chaleur est prévue ce mercredi à Paris où m’emmène le train Nomad parti de Rouen à sept heures quatorze. Celui-ci passe à proximité de l’écluse de Notre-Dame-de-la-Garenne sortie de l’anonymat par la présence d’un béluga en perdition. Depuis la nuit dernière, il n’y est plus, en route vers l’eau de mer d’Ouistreham. Combien d’humains aimeraient être l’objet d’une telle sollicitude, me dis-je en songeant aux efforts déployés pour secourir l’animal.
A l’arrivée, le chef de bord est heureux de nous annoncer cinq minutes d’avance. Je perds celles-ci dans le métro Huit qui est ralenti par une rame en panne. Le Café du Faubourg étant en vacances, je vais boire mon café au comptoir du Péhemmu chinois. Il m’est servi par la gentille serveuse revenue de son congé de maternité. Je crains qu’elle ne retrouve pas sa silhouette d’antan.
Entré chez Book-Off peu après son ouverture, je ne fais pas bonne pêche dans les livres à un euro. Je n’en ressors qu'avec Elisa de Jacques Chauviré (Le temps qu’il fait) et La panthère des neiges de Sylvain Tesson (Folio) puis mets le cap sur le Marché d’Aligre. Un marchand de livres est présent cette semaine mais tous ses ouvrages sont dans des cartons posés sur le sol brûlant. Fouiller dedans est au-dessus de mes forces.
Pour déjeuner je choisis à nouveau Le Paris. Sa formule à treize euros quatre-vingt-dix est moins plaisante que mercredi dernier. J’apprécie néanmoins la brochette de bœuf tian de légumes et la tarte à l’ananas frais. Les deux femmes qui le tiennent (couple ou bien patronne et employée, je ne sais) mangent à l’une des tables en même temps que la clientèle, peu nombreuse.
Après ce repas accompagné d’eau fraîche, je vais lire le Journal d’Alice James à l’ombre dans le Port de l’Arsenal puis rejoins le Book-Off de Quatre Septembre où je n’ai pour me plaire à un euro qu’A la ligne Feuillets d'usine de Joseph Pontus (Folio).
Jamais je n’ai vu si peu de monde dans le train Nomad de seize heures quarante-deux permettant de faire Paris Rouen en deux heures et seize minutes. Nous ne sommes que trois dans la voiture Cinq. Les deux autres sont loin de moi. J’ai l’impression de voyager seul. Mon livre est ouvert sur la tablette jusqu’à ce que cette malade chronique qu’était Alice James finisse par mourir.
Le béluga aussi est mort, apprends-je à mon arrivée chez moi, euthanasié avant la fin du voyage.
*
Dans les livres à un euro de Book-Off : Kalachnikov Ma vie en rafales.
A l’arrivée, le chef de bord est heureux de nous annoncer cinq minutes d’avance. Je perds celles-ci dans le métro Huit qui est ralenti par une rame en panne. Le Café du Faubourg étant en vacances, je vais boire mon café au comptoir du Péhemmu chinois. Il m’est servi par la gentille serveuse revenue de son congé de maternité. Je crains qu’elle ne retrouve pas sa silhouette d’antan.
Entré chez Book-Off peu après son ouverture, je ne fais pas bonne pêche dans les livres à un euro. Je n’en ressors qu'avec Elisa de Jacques Chauviré (Le temps qu’il fait) et La panthère des neiges de Sylvain Tesson (Folio) puis mets le cap sur le Marché d’Aligre. Un marchand de livres est présent cette semaine mais tous ses ouvrages sont dans des cartons posés sur le sol brûlant. Fouiller dedans est au-dessus de mes forces.
Pour déjeuner je choisis à nouveau Le Paris. Sa formule à treize euros quatre-vingt-dix est moins plaisante que mercredi dernier. J’apprécie néanmoins la brochette de bœuf tian de légumes et la tarte à l’ananas frais. Les deux femmes qui le tiennent (couple ou bien patronne et employée, je ne sais) mangent à l’une des tables en même temps que la clientèle, peu nombreuse.
Après ce repas accompagné d’eau fraîche, je vais lire le Journal d’Alice James à l’ombre dans le Port de l’Arsenal puis rejoins le Book-Off de Quatre Septembre où je n’ai pour me plaire à un euro qu’A la ligne Feuillets d'usine de Joseph Pontus (Folio).
Jamais je n’ai vu si peu de monde dans le train Nomad de seize heures quarante-deux permettant de faire Paris Rouen en deux heures et seize minutes. Nous ne sommes que trois dans la voiture Cinq. Les deux autres sont loin de moi. J’ai l’impression de voyager seul. Mon livre est ouvert sur la tablette jusqu’à ce que cette malade chronique qu’était Alice James finisse par mourir.
Le béluga aussi est mort, apprends-je à mon arrivée chez moi, euthanasié avant la fin du voyage.
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Dans les livres à un euro de Book-Off : Kalachnikov Ma vie en rafales.
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