Le Journal de Michel Perdrial
Le Journal de Michel Perdrial



Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

A Paris, un mercredi où ça caille

20 janvier 2017


La technique pour être dans une voiture de seconde avant autrui à l’arrêt des trains venus du Havre est de passer par une voiture de première, il n’en descend que quelques voyageurs. C’est ce que je fais ce mercredi dans la bétaillère de sept heures vingt-huit pour Paris. S’il fait chaud en première, on se pèle en seconde.
-Vous pourriez monter un peu le chauffage ? demande l’un au contrôleur qui passe.
-Il est au maximum, répond celui-ci.
-Y en a pas !
-Bah oui, c’est ça.
Les rares qui avaient ôté leur manteau ont eu tôt fait de le remettre. A l’arrivée les vitres de la voiture sont totalement couvertes de buée, ce qui montre que nous sommes toujours vivants.
Rouen est à l’Ouest, Paris est dans l’Est, ainsi que le rappelle la froidure encore plus dure dans la capitale. Le bus Vingt me réchauffe un peu les fesses mais je dois ensuite affronter le vent glacial qui balaie la place de la Bastille. Le Café du Faubourg m’est une étape revigorante. Chez Book-Off, la chaleur tombe par des bouches au plafond. Je m’y attarde bien que la pêche soit mince. En sortant, je fais quand même un saut au marché d’Aligre. Bien des vendeurs ne sont pas là.
A midi, c’est au Péhemmu chinois, assis près d’un chauffage d’appoint qui fait peu son office, que j’attends celle qui doit déjeuner avec moi, Son travail actuel nous empêche de partager une galette chez elle cette année.
Quand elle arrive, nous optons pour le classique confit de canard pommes rissolées. Elle me parle de sa vie compliquée et pleine d’incertitudes. Comme nous n’avons pas de voisins, la gentille serveuse tourne le chauffage vers nous et le met à fond. Pour prolonger le bon moment, nous ajoutons un dessert, crème brûlée pour elle, moelleux au chocolat pour moi, puis un café.
-Ça caille, me dit le patron du Péhemmu chinois au moment de payer.
Je dis au revoir, place de la Bastille, à celle qui travaille non loin de là et m’engouffre dans le métro pour parcourir une distance qu’en d’autres jours j’aurais faite à pied. Il s’agit d’aller se réfugier au Centre Pompidou. Beaucoup ont eu la même idée. Jamais je n’ai vu une telle file d’attente devant le vestiaire.
A l’étage de l’Art Moderne, je musarde dans des salles temporaires consacrées à CoBrA, à Fluxus, aux Lettristes et à l’Internationale Situationniste (dans laquelle pérore Debord). Mai Soixante-Huit a droit à un couloir. J’y découvre un film d’époque de Jean-Pierre Prévot. Un peu plus loin, je salue deux Chaissac puis les Ten Lizes d’Andy.
Mon train de retour est celui de dix-sept heures vingt-cinq. Il est chauffé et j’y ai place réservée.
                                                           *
Près de Beaubourg, une fille à la face joyeuse se précipitant vers moi :
-Monsieur, je peux vous prendre deux minutes de votre temps ?
-Il n’en est pas question.
Encore une de ces associations qui vivent grâce à la misère du monde.
                                                           *
Depuis un certain temps, pour cause de désorganisation permanente et d’économie de personnel, les places réservées dans les trains ne sont plus matérialisées par un petit papier.
Il existe toutefois une possibilité (discriminatoire) de connaître les places libres. Avec son smartphone. Qui n’en a pas doit s’attendre à se faire jeter.
Cependant, pour qui s’est assis à une place signalée libre par l’application de la Senecefe, rien n’est gagné. Il peut encore être délogé par un voyageur qui aura acheté un billet avec réservation après qu’il se fut assis.
Il y a donc une morale dans cette histoire.
Et deux conclusions :
Une : l’application de la Senefece ne sert à rien.
Deux : il est prudent d’avoir une réservation.