Le Journal de Michel Perdrial
Le Journal de Michel Perdrial



Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

A l’Ouest : Paimpol (troisième)

22 septembre 2020


« Temps de merde » « On avait oublié », tels sont les propos avec lesquels se saluent les habitué(e)s de L’Epoque. Il pleut dru. « Ah c’est la marée, faut attendre qu’elle descende, après ça devrait aller mieux », dit l’une des serveuses à un inhabitué consterné. « J’espère que vous avez la bonne parole », lui répond-il.
Ce samedi matin dans le port, les pontons dépassent les quais d’au moins trente centimètres. L’eau est à un pouce du débordement. Mon petit-déjeuner consommé, je lis Léautaud un bon moment abrité par l’auvent.
A presque dix heures, je rentre à mon studio. Mon voisin et logeur qui devait partir quatre jours est absent depuis six. Ce me serait indifférent si cela ne se traduisait pas par la disparition de la ouifi. J’allume la télé sur France Info. Un reportage explique que la Suède, si critiquée pour sa gestion de la catastrophe sanitaire, son refus du confinement, son non usage du masque, ne connaît pas de regain de la pandémie alors que partout ailleurs cela tourne mal. C’est ce que me disait dans son courrier d’il y a deux jours,  l’ami de Stockholm :
« La consigne est toujours de télétravailler pour ceux qui le peuvent. Tout est ouvert car rien n’a vraiment fermé à part les salles de concerts. Les rassemblements de plus de 50 personnes sont toujours interdits. Les rumeurs vont bon train pour rouvrir des salles de concerts mi-octobre… On verra. Sinon, restau, lieux d’expos, écoles, tout est normal !
On voit un peu plus de masques dans les transports. Ça a commencé à fleurir à la fin de l’été (début août). Ça reste très marginal mais ça se développe de plus en plus. Beaucoup se déplacent en vélo, y a eu un boom, avec pas mal de vélos électriques à charrette pour transporter les enfants à l’école notamment. (…)
Cela dit, j’ai du mal à comprendre pourquoi la situation de la Suède est si différente. La plupart des gens vivent comme « avant ». »
Moi aussi j’aimerais comprendre. Ce qui est certain, c’est que la France avec toutes ses restrictions, ses interdictions et ses obligations, dont le port du masque partout tout le temps, aboutit à l’inefficacité. Ce qui n’est pas pour me surprendre. On peut toujours compter sur les politiciens français pour faire le mauvais choix.
Qu’en l’occurrence, ils n’assument pas, déléguant l’action aux Préfets. Dans tout Préfet se cache un aspirant dictateur. Quelle jouissance pour ces individus à casquette de militaire de fermer des bars à telle heure, d’interdire l’achat d’alcool après telle autre, et d’envisager le prochain tour de vis.
Ici, en Côtes d’Armor, nous ne sommes pas encore en zone rouge. Une braderie trempée a lieu ce jour sur la place du Martray, les Journées du Patrimoine se déroulent  comme chaque année, en mode dégradé bien sûr.
Point n’y participe. La vie culturelle en mode dégradé ne m’intéresse pas. On ne me verra pas au cinéma, à une expo, à un concert dans ces conditions. Autrement dit, vu le temps qu’il me reste à vivre, je n’irai plus jamais au cinéma, à une expo, à un concert.
                                                                        *
Il pleut encore à midi moins le quart quand je m’installe à l’une des rares tables abritées du Terre Neuvas, quai Duguay Trouin. J’y déjeune de six huîtres et d’une brandade de morue, puis je prends le café à L’Epoque, quai Morand, afin de me connecter à Internet. Au retour je trouve mon logeur rentré et la ouifi rétablie. Il met ça sur le compte de travaux ayant lieu quai de Kernoa. Je ne juge pas utile de le contredire. Cette panne prolongée est surtout due à son absence.
                                                                         *
Comme il ne pleut plus, c’est marée basse, je vais poursuivre ma lecture des lettres de Léautaud au bout du port sur un banc entre deux écluses. Le vingt-trois février mil neuf cent trente, celui-ci écrit au directeur du journal rennais Breiz Atao :
Vous vous exprimez très franchement à l’égard de vos compatriotes pour les engager de se corriger des défauts qui leur font depuis si longtemps une mauvaise réputation : alcoolisme, malpropreté.
Vous devriez bien leur parler aussi un peu de certaines de leurs superstitions. Je n’entends pas la croyance religieuse. Je parle d’une superstition comme celle-ci, par exemple : la coutume de murer vivant un chat dans une maison nouvellement construite pour préserver celle-ci du « mauvais sort ». Il y a vraiment là une cruauté qu’on s’étonne de voir encore à notre époque et qui concourt encore à accréditer l’opinion d’un peuple arriéré qu’on a, fort injustement par bien d’autres points, sur les Bretons.
 


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