Le Journal de Michel Perdrial
Le Journal de Michel Perdrial



Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

A l’Ouest : Saint-Quay, avant-dernière

14 octobre 2020


Une grosse averse ce mardi matin au moment où je vais à la boulangerie. Elle me laisse peu d’espoir pour la suite et pourtant le ciel vire au bleu, ce qui me permet de parcourir une avant-dernière fois le bord de mer quinocéen, dont le sentier devient chaque jour plus gadouilleux. Lorsque j’arrive à la terrasse du Poisson Rouge, il fait doux sous les rayons jaunes. Même les autochtones assis aux tables voisines ne comprennent rien à ce temps.
-C’est pourtant simple, leur explique le patron. T’appuies sur soleil, tu as du soleil. T’appuies sur pluie, tu as de la pluie. C’est moi qui ai la télécommande.
Il doit avoir un compte à régler avec les deux promeneurs de chien qui se croisent une demi-heure plus tard sur le trottoir d’en face car une nouvelle drache les oblige à se replier à la maison. Dès que le ciel se remet plus au moins au bleu, je n’attends pas davantage pour mettre le cap sur le quartier du Kasino par les rues intérieures. Une jeune femme qui distribue des publicités pour une agence immobilière m’en propose un.
-Je ne suis pas d’ici, lui dis-je.
-Bah, justement, vous pourriez acheter un petit bien.
Des petits biens et des grands biens, j’en ai photographié au fil des jours, devant omettre l’une qui me plaît mais devant laquelle est toujours garé un scouteur.
Une file de pas jeunes s’est constituée devant la pharmacie. Serait-ce pour obtenir le vaccin contre la grippe ? Cette année, dès avant l’arrivée du coronavirus, j’étais décidé à le faire, contrairement aux années précédentes. Un courrier de ma mutuelle doit m’attendre à Rouen pour que je l’obtienne gratuitement en raison de mon âge. En restera-t-il quand je rentrerai. J’en doute.
A l’Office de Tourisme, j’obtiens un plan de la ville qui sera ma prochaine étape puis à midi je me rends au Café de la Plage. J’y trouve table à l’intérieur, près de la baie vitrée qui donne sur le large. Le soleil et les averses sont toujours en lutte, ce qui donne lieu à une succession d’arcs-en-ciel.
Le menu à dix-neuf euros ne m’enthousiasme pas cette fois mais je fais confiance au cuisinier pour me faire aimer ce qu’officiellement je n’aime pas. C’est ce qui arrive. J’apprécie l’entrée (carotte aubergine et magret fumé), le plat (églefin frit crème de pois cassé chou-fleur et chorizo) et même le dessert (riz au lait pomme caramel).
Vers treize heures quinze, alors que certains arrivent trempés, je me faufile dans une éclaircie pour retrouver le premier étage de la résidence qui m’accueille provisoirement. Chaque jour, j’ai envie que le bâtiment d’en face, dont l’architecture à coursives rappelle celle des bateaux de croisière qui polluent de leur laideur les ports du globe, lève l’ancre, mais ce n’est pas moi qui ai la télécommande.
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Au Poisson Rouge hier matin, une vieille extravertie bruyante et une plus jeune discrète aux petits soins, qui se donnent des « ma chérie », qui s’embrassent, qui partent en se tenant par la taille. Tiens des lesbiennes qui n’ont pas peur de le montrer, me suis-je dit et se sont dit d’autres par des échanges de regard.
Ce mardi matin, elles sont de nouveau là et s’apprêtent à partir au moment où j’arrive. Quand la vieille va entrer dans le café crêperie pour payer, l’autre la rappelle « Maman, ton masque ».
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Carton plein pour le restaurant du Kasino ce mardi midi, toutes les tables (de quatre) sont occupées par les membres d’un cleube du troisième âge. Tant de vieilles et de vieux sans masque dans un lieu clos pendant au moins une heure et demie, ça fait frémir.