Le Journal de Michel Perdrial
Le Journal de Michel Perdrial



Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

Au Sushi Tokyo samedi midi

25 janvier 2016


Si, ce samedi matin, l’Espace du Palais est ouvert comme si rien ne s’était passé et après travaux nocturnes, la rue Verte, près de la gare, reste dans le même sale état, chaussée enfoncée, immeubles fissurés, là aussi conséquences de travaux. Le restaurant Sushi Tokyo est épargné. J’y profite à midi du buffet à volonté.
La clientèle est variée. Un trentenaire déjeune avec sa mère. Quelle aubaine pour une femme prenant de l’âge que d’avoir un fils homosexuel. C’est elle qui paiera à la fin du repas. Plus près de moi, c’est une fille qui mange avec son père et ça ne semble pas habituel.
-J’étais chiante quand j’étais ado ? lui demande t-elle.
-On ne se voyait qu’aux vacances, élude-t-il.
-J’avais l’impression de te voir souvent.
Un groupe de sept s’installe, six jeunes gens de deux sexes et un quinquagénaire barbu à l’ancienne et muni de béquilles. Il prendra un menu. Impossible de deviner le lien qui les met à la même table.
Quand même, ça aurait pu être pire, me dis-je, j’aurais pu être ce néo barbu là-bas, tatoué de tous ses bras, un téléphone vissé dans l’oreille, buvant sa bière au goulot, avec une copine aux cheveux déstructurés.
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L’après-midi, je prends un café au Grand Saint Marc dont le serveur un peu caractériel a rejoint la tribu des néo barbus. Depuis une semaine, une jeune serveuse blonde y remplace avantageusement l’autre serveur avec lequel le premier était toujours en bisbille, parti travailler au Clos Saint Marc.
J’y lis le Journal d’un oisif de Roland Jaccard, amateur déprimé et vieillissant de jeunes filles brunes à frange et à lunettes, et y trouve ceci à la date du vingt-huit juin deux mille :
Ce que j’ai aimé chez Truffaut, c’est le côté Henri-Pierre Roché dont j’avais lu adolescent Jules et Jim et Deux Anglaises et le Continent, deux romans reposant sur une philosophie toute simple que j’avais aussitôt adoptée et vérifiée : « La vie est faite de morceaux qui ne se joignent pas. » Truffaut avait vingt-trois ans quand il avait acheté les livres de Roché. Et cela pour l’excellente raison qu’ils avaient été écrits par un vieillard. Truffaut dira d’ailleurs qu’avec Jules et Jim, qu’il tourne à trente ans, il a voulu « faire un film de vieillard ».
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Ce qu’il y a de terrible avec la vieillesse, c’est qu’on reste jeune. (Jean Cocteau, cité par Roland Jaccard dans L’Ame est un vaste pays, autre volume de son Journal publié vingt ans plus tôt chez Grasset)
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En épigraphe de ce Journal d’un oisif publié aux Presses Universitaires de France, cette interrogation signée Henri-Frédéric Amiel : Qu’est-ce qu’un journal intime, sinon une paresse occupée ?