Le Journal de Michel Perdrial
Le Journal de Michel Perdrial



Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

Au vide grenier rouennais de la Croix de Pierre

13 septembre 2016


Isneauville ayant eu la bête idée d’annuler son vide grenier en raison du plan Vigipirate (dixit Le Caldoche), je n’ai pas à hésiter ce dimanche au lever du jour et me dirige tout droit sur celui du quartier populaire et réfractaire de la Croix de Pierre. A chaque extrémité, une voiture en travers rappelle à chacun ce qui s’est passé à Nice.
J’y trouve cette année moult livres de qualité. Comment ne pas être tenté de redevenir propriétaire d’A la recherche du temps perdu, cette fois en un seul volume dans l’édition Quarto/Gallimard.
-C’est cinq euros, me dit la jeune femme qui le vend.
-Est-ce que quatre, ça pourrait aller ?
-Oui, me répond-elle.
-Il n’est pas difficile de me faire baisser les prix, ajoute-t-elle pour son compagnon.
-C’est vrai, j’aurais dû dire trois, lui dis-je.
Elle me dit qu’elle a essayé de le lire plusieurs fois avant d’être convaincue que Proust n’est vraiment pas un auteur pour elle. « Pour moi non plus, lui dis-je, mais je réessaierai peut-être un jour. »
Je ne sais pas si je lirai davantage, toujours chez Quarto/Gallimard, le pavé regroupant Les Origines du totalitarisme et Eichmann à Jérusalem d’Hanna Arendt. Celle qui le vend me le propose à trois euros. Je ne peux décemment pas lui dire deux.
Ces deux énormes livres alourdissent considérablement mon sac. J’en ajoute d’autres payés cinquante centimes ou un euro, ainsi que Je vous écris de l’usine de Jean-Pierre Levaray, acheté neuf (quinze euros) à la librairie anarchiste L’Insoumise dont l’auteur est un familier. Son livre a eu du succès, il est officiellement épuisé chez l’éditeur, Libertalia. Là, il en restait deux. A la demande d’un des révolutionnaires présents, je signe une pétition de soutien aux travailleurs de l’Hôpital Psychiatrique du Rouvray.
Un peu plus loin, au numéro cent de la rue Saint-Hilaire, Le Diable Au Corps annonce à l’encre noire sur un drap pendu aux fenêtres son ouverture pour janvier deux mille dix-sept : « shiatsu, salle pour enfants, coin café, studio radio, salle de travail, matériel d’impression, salle de réunion, salle de projection, bibliothèque de prêt, petite cour fleurie », cela dans un esprit Conjuration des Fourneaux.
Une femme vendant des livres neufs récupérés à son travail m’explique que le prix marqué en quatrième de couverture s’appelle le prix facial. Ça ne correspond pas à la réalité physique du livre mais c’est le terme du métier dans l’édition, la librairie et la presse. Aucun de ses livres ne peut m’intéresser.
D’autres m’attendent ailleurs et je ne suis pas le seul à être content. Celle bien connue à Rouen pour collectionner tout ce qui a trait aux chats est ravie de celui en peluche qu’elle vient d’acheter : « J’en avais déjà vingt-deux, des gros chats comme ça, maintenant j’en ai vingt-trois ».
Celle qui le lui a vendu est encore plus satisfaite, jamais elle n’aurait cru possible de s’en débarrasser.
-On n’est ni Français ni Espagnol, répond une vendeuse à un homme qui lui demande si elle est originaire d’Espagne. On est Basque. Ça veut dire qu’on ne se laisse pas faire. Si tout le monde faisait comme nous, on n’en serait pas là où on en est.
Une répartie typique de ce quartier de la Croix de Pierre où, qu’ils soient Basques ou non, beaucoup ont la tête dure. C’est ce qui en fait le charme, outre qu’on y trouve de bons livres le jour du vide grenier.
                                                                  *
Aucun livre pour moi, en revanche, au vide grenier voisin du jardin de l’Hôtel de Ville. Une femme venue d’Afrique y achète une encyclopédie pour sa fille qui vient d’entrer en sixième. Cela m’attriste de voir cette mère soucieuse de bien faire dépenser son argent dans un achat qui sera peu utile, mais je ne peux pourtant pas intervenir.
Une dame vendant ses confitures, je lui achète trois pots de rhubarbe pour cinq euros.