Le Journal de Michel Perdrial
Le Journal de Michel Perdrial



Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

En lisant Hippobosque au Bocage de Gaston Chaissac (un)

12 décembre 2015


Lecture d’Hippobosque au Bocage publié chez L’Imaginaire/Gallimard, sans présentation ni notes ou appareil critique, qui regroupe des lettres écrites par Gaston Chaissac, l’ancien cordonnier devenu artiste, à divers correspondants désignés seulement par leurs initiales, entre fin quarante-six et fin quarante-huit.
Chaissac, dont la femme est institutrice, vit dans une certaine pauvreté qui l’empêche parfois d’acheter de la gouache ou du papier. Dans ses missives, il évoque ses soucis d’artiste et sa vie quotidienne en bocage vendéen, passant souvent du coq à l’âne, peut-être parce qu’il répond à des questions posées par ses correspondants,
Les coiffeurs nous abîment, ils manquent d’adresse –c’est-à-dire de maladresse– ils ne savent jamais faire une coupe de cheveux qui fait une tête de romanichel. Je préfère passer entre les mains des apprentis coiffeurs qui au moins font des coupes de cheveux inédites, mais leurs patrons sont des cons qui ont la marotte de retoucher à leur travail quand il est particulièrement intéressant, ils gâchent tout. A J.D. décembre mil neuf cent quarante-six
Il y a des choses bien étonnantes mais ce que je trouve le plus étonnant de tout c’est les paysans, forts comme ils sont, ils pourraient facilement vivre sans jamais se fatiguer et ils se crèvent le tempérament. A Madame E.D., seize mai mil neuf cent quarante-sept
Personnellement ça me rassure énormément que mes tableaux n’ont pas de succès en Normandie. Et j’ai l’intention de signer quelques écrits ainsi : Chaissac, qui peint des tableaux qui n’ont pas de succès en Normandie. A J.l’A. mil neuf cent quarante-sept
Je viens de me découvrir l’inventeur de l’hippobocalisme. Mais ça en restera probablement là car peu probable que l’hippobocalisme soit monté en épingle par qui que ce soit et fasse parler de lui. A J. l’A. vingt-quatre novembre mil neuf cent quarante-sept
Bien des artistes ne sont pas assez instables pour des artistes ainsi que l’atteste leur fidélité pour certains salons. Idem
C’est dommage qu’il n’y ait pas de mots correspondant à accordéonneux pour désigner le peintre et l’écrivain que je suis, il faudrait les inventer. Je suis accordéonneux (au sens propre) aussi. A J. l’A. vingt-deux janvier mil neuf cent quarante-huit
Le communiste reste libre de travailler pour un capitaliste et c’est là que ça pêche. Dans les doctrines sérieuses des choses comme ça ne se voit pas. A J. l’A. en mil neuf cent quarante-huit
Chez Dubuffet mon étonnement fut ses meubles, qu’on ne les ait pas bardés de bouts de caisses d’emballage. Les intellectuels devraient fabriquer eux-mêmes des meubles. A J. l’A. douze janvier mil neuf cent quarante-huit
Je pense que des sculptures en charbon de bois mal cuites seraient moins fragiles que bien cuites alors faudrait tâcher de les faire mal cuire. A J.D. en mil neuf cent quarante-huit
Mes sculptures naturelles en bois viennent de s’augmenter d’une nouvelle unité qui est cette fois une personne qui baisse la tête et que j’ai bien envie de baptiser : le Parlementaire vu qu’elle a le bras très long qui est d’ailleurs en bois plus vulgaire et plus corruptible et qui commence même à désagréger, tomber en poussière A J.D. mai mil neuf cent quarante-huit
La dame qui travaille pour hommes dans le bourg est en train de me faire un pantalon d’un tissu jaune que ma belle-mère avait acheté d’une nouvelle marchande qui s’est remariée avec un réfugié alors qu’elle était veuve d’un fils de gendarme. A J.D. mai mil neuf cent quarante-huit
En peinture aussi je veux emmener les gens à Quimper-Corentin. Rien n’est meilleur pour l’homme que de faire un petit tour à Quimper-Corentin. A J.P. mai mil neuf cent quarante-huit
Ce qui m’a fait tort c’est un qui a eu la langue trop longue qui a raconté qu’autrefois j’écrivais bien. Je lui avais en effet envoyé une lettre d’une écriture appliquée. A M.T. mai mil neuf cent quarante-huit
(à suivre)
                                                         *
L’hippobosque est une mouche parasite du cheval, ai-je appris à l’occasion de cette lecture.