Le Journal de Michel Perdrial
Le Journal de Michel Perdrial



Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

En lisant La compagnie des zincs de François Caradec

11 mai 2015


Lu à Paris mercredi dernier Chez Léon, troquet n’ayant pas changé depuis des décennies, La compagnie des zincs de l’oulipien François Caradec, décédé en deux mille huit, date de mil neuf cent quatre-vingt-six. Son titre préfigure ceux des articles de Libération et son propos les Brèves de comptoir de Jean-Marie Gourio.
On y trouve aussi la description détaillée de quelques estaminets parisiens disparus, tel « Chez Moineau » :
La rue des Canettes débouche devant le n°22 de la rue du Four. C’est là que s’ouvrait un étroit bistrot, « Chez Moineau ».
M. Moineau tenait le comptoir et la caisse, et tout au fond, dans une minuscule cuisine, Mme Moineau préparait un chaleureux couscous champenois servi par la jolie Mlle Moineau.
M. Moineau était tunisien, Mme Moineau champenoise. M. Moineau affirmait : « Chez moi, pas d’putains, pas d’pédés, pas d’clodos. » Naturellement, il y avait quelques échantillons des trois espèces pour confirmer la règle.
(…)
Au comptoir venait rire et boire tout Saint-Germain-des-Prés. Raymond Queneau, Ralph Messac, Boris Vian, Noël Arnaud, François Chevais, Jean-Louis Brau, quelques lettristes et situationnistes. Tant de monde en si peu de place ! Sans compter les habitants du quartier, les paroissiens de Saint-Sulpice et de Saint-Germain.
(…)
M. Moineau nous quitta pour ouvrir un nouveau café, plus vaste, au 14 rue Guénégaud. Au fond, devant la porte de la cuisine, il y avait un piano. C’est là que débuta Barbara, avant l’Ecluse. J’y venais avec André Bureau. Mais c’était trop loin. Il fallait s’asseoir. Nous avions perdu notre zinc. Il n’y a plus aujourd’hui rue du Four que des marchands de fripes, et rue Guénégaud des galeries d’art.
Dans ce livre, Caradec évoque aussi un bistrot clandestin :
Chérel tenait commerce de broques et d’antiquailles rue Coëtlogon, à l’enseigne de la Lanterne Magique. Le rideau de fer était en permanence à demi descendu : il fallait se courber pour entrer.
(…)
Dans cette boutique insolite, Chérel avec sa tête de marron sculpté traînait la savate, entrouvrait un tiroir secret, débouchait un litron. Nous avions convenu de nous y retrouver tous les samedis soirs, Alphonse Boudard, Eric Losfeld qui venait en voisin de la rue du Cherche-Midi, André Vers, les Massin, Hardellet. (…) Il organisait des cocktails pour quelques éditeurs de l’arrondissement : il prêtait le décor et la rue, l’éditeur apportait les boutanches.
                                                   *
Même si c’est vrai, c’est faux. (Henri Michaux, cité par François Caradec)
Cela me fait songer à ceci, trouvé quelque part cette semaine :
La vérité n'a qu'un visage, celui d'un démenti violent. (George Bataille)
                                                   *
Ce Même si c’est vrai, c’est faux. d’Henri Michaux me saute à nouveau aux yeux (comme on dit) au marché de broques et d’antiquailles du clos Saint-Marc, en rouge et en bas de la couverture d’un livre datant de l’année soixante-huit ridiculement titré La chienlit de papa par l’éditeur Albin Michel, livre bien plus haut que large comme on en faisait souvent en ce temps-là, et qui recense des citations préfigurant l’esprit et les revendications de cette époque. Ces extraits de textes ont été recueillis par François Caradec. Pour un euro, je le fais mien.