Le Journal de Michel Perdrial
Le Journal de Michel Perdrial



Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

En lisant Un peuple de promeneurs d’Alexandre Romanès

8 mars 2018


C’est peu de temps après avoir vu Alexandre Romanès et sa grande famille dans leur cirque de passage à Mont-Saint-Aignan, invités qu’ils étaient par le Centre Dramatique National de Rouen-Normandie, que j’ai acheté un euro chez Book-Off son livre Un peuple de promeneurs dans l’édition du Temps qu’il fait, datant de deux mille, avec une préface de sa première femme Lydie Dattas et une photo de lui-même en couverture, jeune et fier, digne fils du dompteur Firmin Bouglione.
Des notes éparses d’Alexandre Romanès (né la même année que moi), j’ai fait une moisson personnelle :
Je suis souvent dans la lune. Il m’arrive de quitter la pompe à essence ou le restaurant sans payer. Comment expliquer, quand on est gitan, que l’on n’a pas voulu voler ?
Mon arrière-grand-père avait trois femmes et un ours. « L’embêtant, disait-il, c’est l’ours. »
A côté du cirque, il y a le cimetière de Clichy. Le seul endroit tranquille du quartier. Je vais souvent m’y promener avec mes filles. Je lis sur une tombe : Monsieur X, chef de bureau. Quelle misère…
Doïna, onze enfants :
« Celui-là, hier, je lui ai mis une bonne volée, puis je me suis aperçue, mais c’était trop tard, que je m’étais trompée d’enfant. »
Moi qui étais si misogyne, je ne fais que des filles. Dieu m’a donné une bonne leçon que je méritais et il m’a fait un grand cadeau que je ne méritais pas.
Le père et le fils priaient, la mère et la fille volaient. C’était une famille très sympathique mais impossible à comprendre.
Les gens mal intentionnés profitent de la présence des Gitans près de chez eux pour faire un mauvais coup.
Du camp gitan de Nanterre, ce qu’on voyait le mieux, c’était la grande arche de la Défense. Avec toute la misère qu’il y avait, des enfants marchaient pieds nus l’hiver, au milieu des rats, pas d’eau ni d’électricité, pas toujours quelque chose à manger, et ce monument gigantesque éclairé la nuit par les projecteurs, et baptisé « l’Arche de la Solidarité ».
A force d’entrer et de sortir du camp de Nanterre gardé par des CRS, j’ai fini par sympathiser avec quelques-uns d’entre eux. C’est comme ça qu’un jour un jeune CRS m’a demandé si je pouvais le présenter à une jeune Gitane dont il était amoureux. Il était prêt à l’épouser si elle voulait de lui. Il passait ses journées assis en hauteur sur un tas d’ordures, dans l’espoir de l’apercevoir.
Jean-Marie : « Alexandre, ta fille Azra, tu devais l’attacher avec une corde à la caravane. Elle est trop terrible, elle va avoir un accident. Moi: « Impossible, elle mange la corde. »
L’image que j’ai des Tsiganes de Roumanie. Le père n’est pas là, la mère chante, et sa petite fille pleure sous la table.
Je demande à une vieille Gitane pourquoi elle ne parle jamais des camps de concentration où pourtant elle a été. Elle me répond : « Parce que j’ai honte. »
Mon cousin m’explique pendant vingt minutes qu’il va tout changer dans son cirque : les camions, les caravanes, les gradins, le chapiteau. Il commence à m’agacer. Je lui dis : « C’est très bien de changer les assiettes, mais est-ce que tu vas aussi changer la soupe ? »
Quand j’avais vingt ans, je regardais mon père comme un étranger. Maintenant, j’ai l’impression d’être lui.
Mon père :
« Quand les Allemands sont entrés en France en 39, on est tous passés dans la zone libre. Six mois plus tard, on repassait tous en zone occupée. » - « Pourquoi ? » - « Parce que la milice française était pire que les Allemands. »