Le Journal de Michel Perdrial
Le Journal de Michel Perdrial



Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

En lisant le Journal de voyage d'Arthur Schopenhauer

9 décembre 2015


Arthur Schopenhauer a quinze ans quand il parcourt l’Europe avec ses parents (et parfois sans) de mil huit cent trois à mil huit cent quatre, son père voulant en faire un marchand, raison pour laquelle il a déjà passé trois ans dans une famille d’accueil au Havre entre dix et douze ans, un séjour linguistique d’où il est rentré seul par le bateau.
Ce branlotin d’Arthur rédige son Journal de voyage qu’a publié le Mercure de France dans la collection Le Temps Retrouvé et que je viens de lire.
A cet âge, il ne lui arrive pas grand-chose, il décrit les villes et campagnes traversées, les monuments visités, les spectacles vus, les concerts entendus. Dans un additif, il évalue les auberges fréquentées. C’est en quelque sorte l’inventeur du Guide du Routard.
Quand même ceci :
Ce matin, je fus témoin d’une triste scène. Je vis la pendaison de trois hommes. Il est toujours révoltant d’assister à l’exécution violente d’êtres humains. Pourtant, cette scène d’exécution anglaise n’était pas aussi atroce que celles que l’on voit habituellement. Le malheureux ne souffre pas trente secondes. (…) Les spectateurs ne se pressent pas en foule car les pendaisons ont lieu toutes les six semaines. (…)
Ce soir, je suis allé voir un ventriloque dont on parlait chaque jour dans les journaux. (mercredi huit juin mil huit cent trois à Londres)
L’empereur en sortit en tenant l’impératrice par la main, s’assit à côté d’elle et guida lui-même le cheval. Tous les deux portaient des habits très modestes. Lui est un homme maigre dont le visage remarquablement bête semble être celui d’un tailleur plutôt qu’un empereur. L’impératrice n’est pas jolie, mais a l’air plus intelligente. (mercredi vingt-sept juin mil huit cent quatre à Vienne)
A la cour, on boit de l’eau, le vin autrichien étant trop aigre, le vin étranger trop cher, alors qu’on a remarqué que l’eau n’avait aucun de ces deux inconvénients ! (idem)
Le postillon était tellement vieux que faute de dents, il ne pouvait corner et il était tellement entêté que, malgré les prières et les menaces, il ne voulait passer son cor à personne d’autre. Nous avons donc dû attendre le bac pendant trente minutes. (même date, au bord du Danube en crue, face à la Hongrie)
                                                            *
Pendant son long voyage, Arthur passe à Rouen mais, pressé de retrouver Le Havre, il ne s’y attarde pas et n’en dit rien :
Le soir à dix heures, j’ai quitté Paris pour le Havre en diligence, voyage que j’attendais avec impatience car je désirais revoir mes chers amis, ainsi que la ville où j’avais passé mes dixième, onzième et douzième années. Dans la diligence, je me trouvais avec des gens de conditions diverses, mais bonnes dans l’ensemble. Le lendemain, j’arrivai dans la soirée à Rouen, et allai voir M. Hilscher chez qui je passai la nuit et, le soir suivant, je parvins au Havre. (jeudi quinze décembre mil huit cent trois)
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Le  vingt avril mil neuf cent six, Floris Schopenhauer, père d’Arthur, passe par la fenêtre du grenier et chute mortellement dans le canal (accident ou suicide, on ne sait pas), ce qui permet à Arthur d’arrêter ses études de commerce et de devenir celui que l’on sait.
                                                           *
Le monde oscille comme une pendule de droite à gauche, de la souffrance à l’ennui. Arthur Schopenhauer, Le Monde comme volonté et comme représentation