Le Journal de Michel Perdrial
Le Journal de Michel Perdrial



Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

En lisant le Journal du métèque de Jean Malaquais

11 octobre 2016


En l’an quarante, Jean Malaquais, Juif apatride d’origine polonaise, né Wladimir Jan Pavel Malacki, s’évade sans tarder de la colonne de soldats prisonniers qui aurait dû le conduire en Allemagne nazie. Il rejoint Marseille avec l’intention de se réfugier outre-Atlantique. C’est ce qu’il raconte au jour le jour dans son Journal du métèque publié par Phébus à la suite du Journal de guerre. On y croise du beau monde, Voline, Gide et Brauner, par exemple :
Passé un couple d’heures avec Vsevolod Voline, auteur de La Révolution inconnue, rédacteur, avec Sébastien Faure, de l’Encyclopédie anarchiste, et j’en passe. (…) frisant la soixantaine, malade, pauvre comme Job, à la merci d’une rafle, il reste, la tête haute, plus réfractaire que jamais. (vingt-cinq octobre mil neuf cent quarante et un)
Nice, hôtel Adriatic, Gide a l’air d’y camper. Une valise bée sur le lit, une autre sous la table. Il trotte en pantoufles, tombe en arrêt, renifle, repart, prend un livre, le repose, parle à bâtons rompus, mentionne Malraux, la Petite Dame, Catherine ; puis, sans rime ni raison, m’interroge sur le sort de mes parents, là-bas, en Pologne. Sentiment qu’il hésite, se tâte, incertain où il en est.
A une heure, au restau, rue de France, lui, la voix affable, à la serveuse, pas très aguichante, frisant la cinquantaine :
-Beaucoup de travail, n’est-ce pas, madame ?
-Oh la la…
-Mais vous avez bien votre dimanche de libre, je voudrais croire ?
Du coup, elle, le sourire épanoui :
-Oh, pas ce dimanche-ci, mais le dimanche d’après, oui, si Monsieur veut bien…
Il a ce chic, Gide, de susciter des réactions pour le moins inattendues. (douze février mil neuf cent quarante-deux)
Victor Brauner. Sa prunelle de verre qui vous dévisage fixement. C’est Oscar Dominguez qui lui creva l’œil lors d’une joyeuse beuverie. (cinq avril mil neuf cent quarante deux)
                                                                    *
Jean Malaquais réussira à s’embarquer pour le Venezuela d’où il ira à New York et sera naturalisé américain. De son expérience guerrière, il fera un roman Planète sans visa, publié en mil neuf cent quarante-sept par Le Pré aux Clercs, réédité en deux mille neuf par Phébus. Je préfère les documents bruts du Journal de guerre et du Journal du métèque.
                                                                    *
Parmi les lectures de Jean Malaquais à Marseille, le Journal de Jules Renard. Il en extrait quelques pépites, à la date du vingt-deux novembre mil neuf cent quarante et un, dont ces deux-ci : 
Toute cette bonté me tue. Si je m’interdis d’être un peu méchant, à quoi suis-je bon ?
Quand je ne pense pas à moi, c’est que je ne pense à personne.