Le Journal de Michel Perdrial
Le Journal de Michel Perdrial



Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

En lisant le premier volume des Lettres au Castor et à quelques autres de Jean-Paul Sartre (cinq)

21 juillet 2015


Septembre mil neuf cent trente-neuf, voici Sartre coincé dans la drôle de guerre. Posté à la frontière, il fait face à un ennemi pas pressé d’attaquer et se débrouille au mieux pour éviter certains désagréments de la vie de garnison (il mange au restaurant, écrit ou lit au café, évite les dortoirs), une nouvelle vie qu’il n’avait pas anticipée comme le montre cet extrait de lettre de fin août mil neuf cent trente-neuf à Louise Védrine :
Il est impossible qu’Hitler songe à entamer une guerre avec l’état d’esprit des populations allemandes.
Quelques jours après, il est en uniforme et entreprend de narrer presque quotidiennement sa vie de soldat au « charmant Castor » :
Je m’étais promis de fraterniser mais je ne peux pas. Je me le suis amèrement reproché. Je n’ai pas le mot qui coule, ni l’abord amène. (samedi deux septembre mil neuf cent trente-neuf)
Nous attendons, nous nous promenons dans une plaisante campagne, nous ramassons des mirabelles (car je suis par la force des choses devenu un peu champêtre). (mardi cinq septembre mil neuf cent trente-neuf)
J’ai vu des photos de Paris pendant l’alerte du matin et ça m’a plutôt rassuré : on voyait de belles vendeuses qui se dirigeaient en riant vers les abris. J’imagine qu’on a choisi  des Parisiens modèles, comme on montre des usines modèles en Russie. Mais tout de même, il avait l’air de faire beau là-bas et puis ça avait un petit air de Paris. (vendredi huit septembre mil neuf cent trente-neuf)
Par ailleurs le colonel a émis l’idée que je lui donne des leçons de philosophie pour parfaire sa culture générale. A part ça, une paix royale. (quatorze septembre mil neuf cent trente-neuf)
J’ai commencé le Journal de Dabit : des cris fadasses. C’est visiblement un con. (vingt et un septembre mil neuf cent trente-neuf)
Je lis toujours Dabit. C’est gonflant quand on est soi-même en pleine guerre de lire le Journal d’un type qui a passé ses dernières années à chier de peur devant la guerre future et qui a fini par mourir de la scarlatine. (vingt-trois septembre mil neuf cent trente-neuf)
Je suis un sujet de divertissement considérable pour mes trois acolytes à cause de la façon dont je mets mes bandes molletières et puis parce que je suis toujours en train de perdre quelqu’une des propriétés collectives que l’Etat me concède. (vingt-sept septembre mil neuf cent trente-neuf)
Je viens d’être interrompu par Mistler et Courcy dans le bureau des officiers, ils organisaient une chasse aux moustiques et les écrasaient au plafond avec la hampe du drapeau français. (vingt et un octobre mil neuf cent trente-neuf)
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Je n’ai pas le mot qui coule, ni l’abord amène. J’aime bien cette formule que je peux faire mienne.